Une révolution si nécessaire : la Révolution Culturelle de Chine

 

Discussion en huit parties

 

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Ramin Mazaheri – The Saker’s Blog – 26.3.2019

 

 

 

 

Peut-être la plus importante dichotomie encore irrésolue en Occident n’est-elle pas la fracture mâle/femelle mais le clivage urbain/rural. Le mouvement Me-Too accomplit des avancées [?!! ndt] vers une plus grande égalité entre les sexes – résultat direct de l’élection du président US Donald Trump – mais la ville et la campagne restent bloquées dans un combat qui paraît sans issue.

Aux USA, c’est ce qui est connu comme la guerre socio-politique entre les Red States & Blue States, qui, pour l’essentiel, oppose les zones urbaines aux zones rurales plus conservatrices et réputées arriérées ; au Royaume-Uni, ce sont les Brexiters qui réclament leur souveraineté contre les anti-Brexiters ; en France, c’est le mouvement des Gilets Jaunes qui s’engage dans la désobéissance civile sur les Champs-Élysées, en réponse à la négligence méprisante et au snobisme glacé de ceux qui ont les moyens de vivre dans les principaux centre-villes*

Tout cela explique pourquoi je sens qu’étudier la Révolution Culturelle de Chine (CR) est plus important que jamais, vu qu’il n’existe aucun pays moderne qui ait fait jusqu’ici des efforts aussi radicaux pour corriger ce déséquilibre entre les villes et les campagnes, déséquilibre qu’on retrouve dans toutes les nations et qui est aussi fondamental à l’existence humaine que les oppositions féminin/masculin ou Yin/Yang

Cependant, et en particulier pour les pays en voie de développement, dans des endroits comme l’Inde, l’Afrique et l’Amérique Latine, où le travail agricole se fait toujours comme dans la Chine d’avant le XXIe siècle, les incroyables bénéfices pour la ruralité – économiques, politiques et culturels – qui furent l’objectif explicite de la RC, ne sont pas qu’importants, ils sont aussi une extraordinaire source d’inspiration. Cet article va rapidement prouver que tout ceci n’est pas de l’hyperbole, parce que les faits, en ce qui concerne « les incroyables bénéfices » qu’elle a entraînés pour le monde agricole, vont être dévoilés, en lieu et place d’un Nième entassement d’inventions propagandistes de l’impérialisme capitaliste destinées à les occulter.

Malheureusement, la plupart des Occidentaux ne s’intéressent pas plus à la RC en Chine qu’ils ne s’intéressent à leurs propres régions agricoles. Je suis d’autant plus sûr que ceci est vrai, qu’en ma qualité de journaliste, je suis tout à fait conscient de mon échec à communiquer mes reportages sur, à partir de ou à propos des zones rurales. Ce qui est encore pire, c’est que le journalisme occidental a exacerbé le clivage urbain/rural en partant du principe que les zones rurales ne sont pas moralement égales aux zones urbaines. Cette façon de voir représente un glissement important par rapport aux périodes précédentes : par exemple, pendant la Révolution américaine, le citoyen-fermier était, pour Thomas Jefferson, l’homme idéal, et le Collège Électoral des pères fondateurs a été créé en grande partie pour faire en sorte que les voix des campagnes ne puissent être noyées par celles des villes.

Permettez-moi de vous raconter une anecdote personnelle, qui prouve bien la faillite endémique du journalisme moderne par rapport à la Chine moderne et à la Révolution Culturelle.

Juste avant d’écrire cette série d’articles, j’ai participé  à un événement social où quelqu’un m’a présenté à un journaliste anglophone appartenant à un groupe de presse international (que je ne nommerai pas). Il avait passé plus de 10 ans en Chine, il parlait chinois et on lui avait dit que j’étais sur le point de publier un livre sur la Chine. Je lui dis que mon livre portait davantage sur « le socialisme chinois » que sur « la Chine » en soi, et il fut très surpris que mon entreprise eût pour but de réfuter les diffamations de Mao, du Grand Bond en Avant, de la Révolution Culturelle, etc. Ce journaliste s’en prit d’abord à ma défense de la RC et dit que les médias de son groupe l’avaient précisément envoyé en Chine interviewer beaucoup de gens sur les horreurs de la RC… il ne pouvait pas imaginer que je veuille la défendre, hein ? Je ne me mis pas à la défendre, je lui demandai simplement : « les gens que vous avez interviewés, à quelle classe appartenaient-ils ? » Il éluda la question pour revenir aux horreurs et aux échecs de la RC ; je redemandai donc : « de quelle classe ? » La raison pour laquelle je posais cette question, c’est qu’en Chine, contrairement à ce qu’on croit en Occident, les classes importent encore et l’opinion que l’on y a de la RC change radicalement selon qu’on est d’une classe ou d’une autre. À ce point-là, cette personne se tourna vers notre connaissance commune et lui dit : « Dans quoi m’avez-vous fourré avec ce type ?! ». LOL…

Il est évident que l’optique « de classe » n’est même jamais venue à l’idée de ce journaliste mainstream, et que le seul fait que je la mentionne a provoqué son incrédulité scandalisée. Ce journaliste n’est pas atypique de sa classe.

En outre, je suis certain  qu’il (ou elle) n’a jamais mis les pieds dans une zone rurale en Chine, pour y déterrer la vérité sur la RC,  parce que… moi-même, je ne sors jamais de Paris pour remplir mes fonctions de journaliste de PressTV. La vérité, c’est que  les journalistes des villes n’ont tout simplement pas les ressources financières, le temps et, disons, l’envie de le faire, et leurs éditeurs s’en fichent (ou ne réussissent pas à leur obtenir davantage de fonds).

 

Nous vous apportons de nouvelles recherches historiques et un nouveau journalisme sur la RC, alors s’il vous plaît, achetez nos livres !

C’est pour cela que The Unknown Cultural Revolution : Life and Change in a Chinese Village [« La Révolution Culturelle inconnue : Vie et changement dans un village chinois »] de Dongping Han est un livre si important. Han a eu la générosité de préfacer mon livre et j’ai écrit cette série d’articles pour faire connaître et analyser le sien, tellement plus important, sur le socialisme chinois.

Le mien, soit dit en passant, vient de sortir des presses de la maison d’édition Badak Merah, qui publie également l’indispensable, le charismatique journalisme de gauche impénitent d’Andre Vltchek, de Jeff J. Brown, de Peter Koenig, et d’autres.  Il est intitulé I’ll Ruin Everything you Are : Ending Western Propaganda on Red ChinaJe détruirai tout ce que vous êtes. Pour mettre fin à la propagande occidentale sur la Chine rouge »] qu’on trouve dès à présent sur Amazon en anglais, et bientôt, j’espère, en mandarin chinois. Je compte sur vous pour en acheter un exemplaire et pour convaincre vos 300 plus proches amis de vous imiter.

Mon livre n’est pas mauvais, mais celui de Han est absolument nécessaire et pour une raison évidente : aucun journaliste mainstream ne s’est jamais aventuré dans les zones rurales chinoises pour découvrir ce que pensaient les paysans de la RC, alors que Han, lui, l’a fait.

Han, qui enseigne maintenant aux États-Unis, a grandi dans le district de Jimo, en Chine. C’est une région qui compte plus de mille villages, trente communes et, aujourd’hui, 1,1 million de gens, le long de la côte orientale, dans la province de Shandong. Preuve que le monde est bien petit : mon cousin vient d’épouser une femme de la province rurale de Shandong. Le chef-lieu, Jimo, a une population de 61.237 personnes, ce qui suffit à indiquer qu’il s’agit d’une zone vraiment rurale. C’est aussi, historiquement un endroit très pauvre, classé le 16e plus pauvre dans l’ex-préfecture de Yantai, qui compte 17 districts.

Le travail de Han est celui d’un universitaire, d’un technocrate, spécialisé dans l’étude de la RC, mais c’est aussi celui d’un journaliste d’investigation dit de longue haleine. Grâce à ses antécédents, à son esprit ouvert et à la sincérité de ses buts, Han a pu interviewer plus de deux cents fermiers, chefs de la RC, étudiants, parents et dirigeants locaux du district de Jimo. Il a mangé, travaillé et même dormi dans les maisons de ceux qu’il interviewait, travail en profondeur, tellement en profondeur qu’il ne pourrait pas en truquer les résultats pour les faire coller à une idée préconçue. Pour la partie quantitative de sa recherche, il a examiné attentivement des décennies d’archives locales, qui ont été rendues publiques en Chine après l’an 2000.

Le livre de Han offre une vision globale du district de Jimo avant, pendant et après la RC, et il le fait à la fois anecdotiquement et statistiquement. C’est le genre de vision que nous ne devons pas attendre avant longtemps d’aucun journaliste. Et, bien sûr, comme le fait remarquer Han lui-même, il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas extrapoler, d’après l’expérience de Jimo, ce qui s’est passé dans le reste de la Chine, le district de Jimo n’étant en rien atypique. Han donne ainsi aux Occidentaux un texte fondamental pour une compréhension moderne de la RC.

Mais Han a aussi été objectif en tant que journaliste : il ne s’est pas lancé dans son analyse de la RC avec un parti-pris, contrairement aux journalistes mainstream et aux intellectuels occidentaux. Son point de départ a été simple : quels ont été les effets et quelles sont les opinions sur la RC, du point de vue des populations agricoles.

Je ne peux malheureusement pas lire le chinois, mais j’ai lu les études en anglais sur la RC, et ce que je peux dire, c’est qu’il y a dans la sienne une perspective révolutionnaire. En règle générale, tout ce qu’on a, c’est la perspective urbaine, celle des professeurs de collèges, celle des gens qui ont été jugés coupables par la RC, mais nous n’avons au grand jamais le point de vue de quiconque pourrait avoir bénéficié de la RC.

J’encourage très fort les lecteurs à ne pas se contenter de ma série d’articles – qui essaie de condenser le livre de Han, d’en analyser les points essentiels et de proposer à l’occasion un point de vue différent sur son contenu, ainsi que sur les tendances et l’histoire du socialisme mondial – mais d’acheter et de lire le livre de Han. Il n’est pas long, il n’est pas écrit en style universitaire barbant et on y trouve beaucoup d’anecdotes intéressantes que, seul, un fermier chinois qui a vécu la RC peut raconter. Franchement, où ailleurs peut-on lire en anglais ce qu’un fermier chinois a en toute honnêteté à dire de la RC ?!

La réalité, c’est qu’à cause de la réussite chinoise d’après la Grande Récession – par opposition à l’échec économique occidental – nous sommes en train de nous rendre compte que notre perception de la société, du gouvernement et de l’économie de la Chine est complètement à côté de la plaque, parce que l’Occident se casse la figure alors que la Chine prospère. Il faut bien qu’ils fassent quelque chose (beaucoup de choses !) comme il faut, non ? L’idée que la Chine prospère parce qu’elle n’est rien d’autre qu’un « sweatshop » de l’Occident ne tient plus la route et n’a jamais été rien d’autre qu’une manière, pour le l’impérialisme capitaliste occidental d’essayer de s’attribuer les succès de la Chine.

La seule façon de corriger notre perception erronée de la Chine en 2019 est d’écouter ce que les Chinois eux-mêmes ont à nous dire. C’est justement ce qu’a fait Han et c’est ce que mes articles essaient modestement de faire. J’espère qu’ils vous serviront à quelque chose..

 

Quelques saisissantes informations réunies à la va vite, qui devraient époustoufler les habitants des pays en voie de développement et réécrire la RC.

La thèse du livre de Han est bien plus intéressante que « la RC n’a pas été si mauvaise que ça… ». La voilà sa thèse :

La réforme de l’éducation, décidée à la suite de changements dans la politique culturelle, a provoqué une véritable explosion dans le développement économique des campagnes, mais aussi une explosion de leur capital humain, et c’est ainsi que le fameux boom économique chinois est, dans la réalité, advenu AVANT les réformes de Deng en 1978.

Ceci contredit l’histoire officielle selon laquelle ce fut seulement après l’introduction de réformes fondées sur le marché (quoique radicalement régulées et toujours socialistes) que l’économie de la Chine a commencé à produire des richesses majeures. Le livre de Han conteste absolument ce que vous ne cessez pas d’entendre : il fait avancer le démarrage économique réel de la Chine d’une bonne dizaine d’années, c’est-à-dire du début de la RC.

Je vais vous dire ce que j’en pense après lecture de ses preuves de journaliste d’investigation et de chercheur universitaire : il a raison à 100% et ses preuves sont indiscutables.

Vous pouvez y opposer tous les arguments que vous voulez, déplorer les effets de la RC sur les cadres déshonorés du Parti, les habitants des villes, les artistes pro-capitalistes, les charlatans de la médecine, les moines bouddhistes, etc., mais les données brutes du succès de la RC pour la majorité des Chinois, sont totalement convaincantes.

 

 

 

 

Un seul déplacement de perception est nécessaire pour accepter cette conclusion évidente : envisager les choses du point de vue des majorités rurales, plutôt que du point de vue des minorités urbaines, celui des élites.

C’est ce qu’on ne fait jamais en Occident, alors que c’est le seul point de vue démocratique possible si on veut parler de la Chine : après tout, sa population agricole représentait bien 82% de sa population totale en 1964. Par conséquent, si la RC visait les populations rurales et si elle leur a bénéficié – ce qui a été indubitablement le cas – il n’est pas douteux que la RC ait été un événement socio-politique éminemment démocratique.

J’aimerais vous donner tout de suite juste quelques exemples fondés sur des informations sûres telles que rapportées par Han, parce qu’elles sont si extraordinaires que je ne doute pas qu’elles frappent quiconque les lira.

Écoles primaires du district de Jimo en 1965 : 8 écoles, 3600 élèves. En 1976 : 269 écoles primaires, 52.000 élèves, soit des augmentations respectives de 3.400% et de 1.400 %.

Écoles secondaires en 1965 dans le district de Jimo : 2 écoles, 400 élèves. En 1976 : 84 écoles secondaires, 13.200 étudiants. Augmentations respectives : 4.200% et 3.300 %.

Enseignants d’État et communaux en 1965 pour les écoles moyennes et secondaires dans le district de Jimo : 315 en tout. En 1976 : 4.230 enseignants. Augmentation de 1.300%

Comme Han me l’a rappelé dans une conversation que bonus avons eue : dès 1976, presque tous les enfants et adolescents en âge d’être scolarisés étaient inscrits dans le système entièrement gratuit des écoles rurales, chose qui n’existe pas encore aujourd’hui aux USA.

Il est évident que ceci est en complète contradiction avec la croyance qui veut que la RC fut une époque de régression dans les études ! Cette propagande n’est valable que si on se focalise sur l’enseignement de niveau universitaire et seulement sur une période très courte, mais ce point de vue ne tient pas si on se préoccupe des régions agricoles.

Il est non moins évident que, pour les pays en voie de développement, ce type d’explosion dans l’éducation en milieu rural est nécessaire, et non seulement nécessaire de toute urgence, mais ardemment réclamée par les populations.

Voilà donc ce qu’on peut dire de l’impact de la RC sur l’éducation de masse en milieu rural – qui a été extraordinaire – mais qu’en a-t-il été de l’industrie agricole ?

Au début des années 1960, il y avait, dans le district de Jimo, 10 entreprises agricoles industrielles qui employaient 253 personnes. En 1976, 2.557 entreprises (2,5 par village) employaient 54.771 personnes. Soient des augmentations respectives de 26.000% et 22.000%.

Ainsi donc, tant dans les activités éducatives qu’industrielles, Han relate une explosion inouïe au cours des dix ans de la RC, et il n’est pas exagéré de dire que la RC a finalement apporté la révolution dans les régions agricoles de la Chine !

En 1965, la puissance en CV des machines agricoles du district de Jimo était de 8.272 CV. En 1975, elle était de 116.856 CV. Augmentation de 1.412%.

Avec autant de puissance à sa disposition, la productivité agricole s’est-elle améliorée ? Bien sûr.

La production de grain de 1964 dans le district de Jimo avait atteint 136.630 tonnes, avec un rendement de 191 kilos à l’unité. Ce qui constitue des augmentations respectives de 270% et 275%.

Production des cultures de rapport (cacahuètes, chanvre, légumes et tabac) dans le district de Jimo en 1965 : 9.660 tonnes avec un rendement unitaire de 79 kg. En 1975 : 33.350 tonnes ; rendement à l’unité : 129 kg. Augmentations respectives de 345% et de 63%.

En 1965, possession en grain et revenu par tête dans le district de Jimo : 230 kg et 37 yuans. En 1975 : 421 kg et 80 yuans. Augmentations respectives de 183% et 216%.

Diable, que viens-je de lire là ?!

Vous venez de lire qu’il y a eu deux fois plus de nourriture et deux fois plus d’argent gagnés par le Chinois de base, 14 fois plus de puissance en CV (ce qui équivaut à une multiplication par 140 de la force manuelle) 50 fois plus d’emplois dans l’industrie, 30 fois plus d’écoles et dix fois plus d’enseignants pendant les dix ans de RC, dans les régions agricoles.

 

 

 

 

Ceci est la Révolution Culturelle inconnue de la Chine, ceci n’a été accompli nulle part par le capitalisme. (Je précise « de la Chine » pour faire la différence avec la RC d’Iran, qui a été la seule autre RC au monde chaperonnée par l’État.)

Peut-on en reprendre un peu svpl ?

Comment s’y sont-ils pris ?

Est-ce qu’on peut refaire la même chose ?

Pour les nations sous-développées, l’idée qu’un tel accroissement soit réellement possible en seulement dix ans doit faire l’effet d’un mirage.

Ce dont nous pouvons nous dispenser, pour commencer, c’est de l’idée que tout cela fut juste dû à de la chance. L’accroissement s’est produit en dépit des pires et des plus longues sécheresses qui se soient produites dans le district de Jimo en plusieurs décennies, si bien qu’on peut affirmé que la RC a marché, là où le Grand Bond en Avant avait échoué, alors que le GBA a été notoirement handicapé par des désastres climatiques et des intempéries.

« Pendant ces dix ans, Jimo n’a pas subi moins de désastres naturels et de non moins sérieux qu’au cours des décennies précédentes. Il y a eu, dans l’ensemble, quatre sécheresses sévères, quatre inondations sérieuses, quatre dégâts des vents, neuf tempêtes de grêle et trois considérables invasions d’insectes. Néanmoins, la production  agricole a augmenté rapidement et avec constance. »

ainsi que l’écrit Han.

 

Le clivage urbain/rural existe parce que le point de vue rural est historiquement réprimé. Mao le savait. La RC s’est donné pour tâche d’y remédier.

Des données aussi impressionnantes permettent à Han de faire, sur la RC, une déclaration révolutionnaire des plus passionnantes, qui contredit aussi bien le point de vue officiel chinois d’aujourd’hui que la propagande occidentale :

« L’égalitarisme radical qui caractérise la décennie de la Révolution Culturelle (1966-1976), dit l’histoire officielle, a conduit au désastre économique. Ce point de vue officiel est largement approuvé par les intellectuels chinois, auxquels les intellectuels occidentaux ne manquent pas de faire écho. »

Mais il n’y a, de toute évidence pas eu de désastre économique !… Alors ?… Nous verrons plus loin pourquoi la Chine maintient cette ineptie officielle, mais seulement après que nous aurons posé la question : « Comment un pareil succès socio-économique a-t-il pu se produire ? »

La these de Han est la suivante :

« … cette étude soutient que les convulsions politiques de la Révolution Culturelle ont démocratisé la culture politique dans les campagnes et aiguillonné la croissance de l’éducation en milieu rural, avec, pour résultat, un développement économique rapide et substantiel. »

C’est simple : émancipez l’individu de base et en atteignant son plein potentiel il améliorera la société tout entière. C’est l’essence même du socialisme.

De manière tout aussi passionnante, Han prouve une fois encore que les économies collectivement organisées peuvent s’avérer non seulement plus stables que les économies fondées sur le marché, mais qu’elles peuvent également être plus dynamiques. Sans compter la cohésion sociale accrue qu’elles apportent….

Troisièmement, Han montre que la RC a marqué la glorieuse affirmation et la victoire du second des deux piliers jumeaux du socialisme (le premier étant la redistribution des richesses, le second la redistribution du pouvoir socio-politique). Après tout, une économie collective et redistributive ne peut tout simplement pas fonctionner correctement sans une autonomisation démocratique de la culture générale et de la culture politique en faveur du citoyen-travailleur de la base.

 

Ignorer la Révolution Culturelle… pour pouvoir continuer à appliquer la politique néolibérale et l’économie de ruissellement des 1%

Les changements politiques induits par la RC ont en réalité provoqué un énorme développement économique. Alors, pourquoi les capitalistes occidentaux ne se précipitent-ils pas sur cette recette ?

La réponse toute simple est celle-ci : alors que toute forme de démocratie se fonde sur une citoyenneté bien éduquée – de façon que les meilleures décisions soient prises pour assurer le bien collectif – il n’en va pas du tout de même pour le capitalisme.

Han nous donne une réponse globale propre à la RC :

« L’évaluation officielle est principalement due au travail de fonctionnaires et d’intellectuels qui, à cause de leur position sociale, ont été la cible d’attaques pendant la RC. Presque tous les comptes- rendus sont écrits par des élites urbaines. Ce livre présente un point de vue rural qu’on trouve rarement dans la littérature actuelle sur la Révolution Culturelle. »

Nous en revenons donc au point de départ de cet article : ce sont les élites urbaines qui écrivent dans les journaux, qui sont interviewés par les journalistes, qui rédigent les manuels scolaires, qui élaborent les politiques éducatives sans apport local, qui déterminent les politiques économiques sans apport rural, qui possèdent les Bourses aux marchandises qui exploitent le labeur rural… et le livre de Han remet tout cela en question en adoptant le point de vue des populations agricoles comme point de départ et point d’arrivée, dans son analyse de la RC. Et pourquoi pas ? Nous parlons quand même bien de 82% de la population du pays après tout.

Étant donné la profondeur de son enquête, de ses ressources et de sa connaissance de la région, il est impossible de discuter la conclusion de Han :

« Cette enquête sur l’histoire du district de Jimo a remis en question le rapport officiel. Le décollage de l’économie rurale a commencé non avec les reformes de marché, je l’ai montré, mais plutôt pendant la décennie de la Révolution Culturelle. La production agricole a plus que doublé et un réseau d’industries agricoles a été établi, qui a transformé l’économie agricole de fond en comble en moins de dix ans.. Et l’histoire de Jimo n’est pas unique… Dès lors qu’il est établi que le décollage économique a commencé pendant la période collective, les prétentions des réformateurs du marché doivent être remises en perspective. »

Les quelques chiffres que je vous ai donnés étayent entièrement ce que dit Han sur le district de Jimo ; c’est au lecteur qu’il appartient de fournir une théorie, s’il veut démontrer que ce qui s’y est passé est un accident – donc unique en Chine – ou une aberration.

Conclusion : augmenter la puissance en CV était fantastique, mais le meilleur capital reste le capital humain. La RC a créé cet immense capital humain là où il y en avait auparavant très peu, et ceci explique mieux comment et pourquoi la Chine est devenue une nation dominante en 2019. 

 

Les Révolutions Culturelles font très peur aux minorités détentrices du pouvoir, mais pas aux citoyens majoritaires de la base

Comme je l’ai écrit, il faut adopter un nouveau point de vue pour expliquer correctement le succès moderne de la Chine rouge, et nous devons par conséquent enquêter sur la RC dans une nouvelle perspective. C’est ce que tentent de faire le livre de Han et cette série d’articles.

Pour l’Occident, il n’existe qu’une seule voie : arrêter de vouloir s’attribuer le succès chinois et commencer à écouter ce qu’ont à dire les Chinois eux-mêmes. C’est ce que Han lui offre.

Pour les Chinois qui désavouent officiellement la RC, même si elle n’est pas du tout désavouée dans les campagnes, la solution est plus compliquée mais revient à peu près au même : ignorer la ligne officielle du Parti – opinion de l’establishment – sur la RC et commencer à la considérer honnêtement. De fait, oser critiquer ouvertement la ligne du Parti a peut-être été le message le plus important de la RC voulue par Mao ! LOL, les étroits d’esprit ne me croiront pas sur parole, mais c’est pourquoi j’ai écrit cette série.

Ce qui est sûr, c’est que l’ère de la RC – qui a été un épisode si vibrant d’activité politique humaine – a beaucoup à apprendre à tout le monde, y compris aux Chinois eux-mêmes.

Je ne désavoue pas la RC et je ne le ferai pas, non plus que je ne condamnerai le Parti Communiste chinois pour le faire officiellement aujourd’hui, parce que je sais que – à la grande joie des contre-révolutionnaires de partout –l’esprit révolutionnaire croît et décroît. Toutes les révolutions le montrent : la révolution de l’Islam au VIIe siècle, la Révolution Soviétique, parce que les révolutions sont des phénomènes humains et qu’il ne pourrait pas en être autrement.

Si la RC n’est pas en odeur de sainteté dans la Chine d’aujourd’hui, elle le redeviendra pour le simple fait qu’elle a été un énorme succès, un succès que ne sont pas seuls à apprécier les gauches invétérées. Si elle semble avoir été tout autre chose,  en Occident surtout, c’est à cause de la massive propagande qui a été conçue pour empêcher à tout prix l’apparition d’une RC dans l’Occident capitaliste et impérialiste.

Je vais me livrer à une prédiction par-dessus les décennies : si la domination actuelle de la Chine fléchit, on verra une RC n°2, parce que la RC n°1 a marché. (Et elle a marché parce qu’elle était véritablement socialiste et démocratique, bien sûr !)

La Révolution Culturelle a sans aucun doute représenté, pendant une dizaine d’années, une croissance de l’esprit révolutionnaire de gauche. Quels en ont été les résultats pour un Chinois moyen, c’est-à-dire pour un Chinois des campagnes ? Le livre de Han et cette série analysent l’inestimable contribution de la RC à la lutte pour l’égalité socio-économique, représentée par les diverses formes de socialisme.

 

 

 

 

 

Ceci est le premier d’une série de huit articles consacrés au livre de DONGPING Han The Unknown Cultural Revolution: Life and Change in a Chinese Village (« La Révolution Culturelle inconnue. Vie et changement dans un village chinois »), pour tenter de redéfinir une décennie qui a prouvé qu’elle n’a pas seulement été la base du succès actuel de la Chine, mais qu’elle est aussi porteuse d’espoir pour les pays en voie de développement du monde entier.

Voici la liste de mes articles. J’espère que vous les trouverez utiles à votre combat de gauche !

Partie 1 – Une révolution plus que necessaire. Sur la Révolution Culturelle de Chine.

Partie 2 – Histoire d’un martyre subi POUR et non PAR la Révolution Culturelle

Partie 3 – Pourquoi a-t-il fallu une Révolution Culturelle dans une Chine déjà rouge ?

Partie 4 – Comment le Petit Livre Rouge a créé un culte du socialisme et non un « culte de Mao ».

Partie 5 – Les Gardes Rouges ne sont pas tous rouges. Qui a combattu qui dans la Révolution Culturelle chinoise ?

Partie 6 – Comment les gains socio-économiques de la Révolution Culturelle de Chine sont à l’origine du boom des années 1980.

Partie 7 – Mettre fin à une Révolution Culturelle peut être contre-révolutionnaire.

Part 8 – Ce que l’Occident peut apprendre : les Gilets Jaunes réclament une Révolution Culturelle.

 

Source : http://thesaker.is/a-necessary-revolution-in-discussing-chinas-cultural-revolution-an-8-part-series-1-8/

Traduction : c.l. pour Les Grosses Orchades

 

 

 

 

 

Juillet 2019

 

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