La Grande-Bretagne impliquée dans le meurtre d’un médecin de Gaza parrainé par son ministère des Affaires étrangères
Kit Klarenberg – The GrayZone – 14.11.2023
Traduction : c.l. pour L.G.O.
de Britain implicated in murder of Gaza doctor sponsored by its Foreign Office
À gauche : l’ancien boursier Chevening, le Dr Maisara Alrayyes. À droite : l’ancien ministre britannique des affaires étrangères James Cleverly.
Le gouvernement britannique a refusé de condamner l’assassinat ciblé par Israël du Dr Maisara Alrayyes, un Palestinien qui avait bénéficié de la prestigieuse bourse Chevening du ministère britannique des Affaires étrangères. Dans le même temps, Londres a recommandé aux médias de garder le silence sur son implication directe dans les massacres de Gaza.
Depuis le début de l’assaut militaire israélien contre la bande de Gaza assiégée, le gouvernement britannique a gardé un silence absolu sur le carnage infligé aux civils palestiniens, à une notable exception près.
Le 8 novembre, le Foreign Office a annoncé la mort du Dr. Maisara Alrayyes, ancien élève palestinien de la prestigieuse bourse Chevening, dans le cadre de laquelle d’« exceptionnels leaders émergents du monde entier » peuvent poursuivre des études de maîtrise, financées par elle, dans de prestigieuses universités britanniques.
Le ministère des Affaires étrangères a refusé de préciser la cause de la mort d’Alrayyes, ce qui a provoqué une vague d’indignation.
Le King’s College, où Alrayyes a étudié « la santé des femmes et des enfants » en 2019, a publié une brève déclaration indiquant que le jeune homme et sa famille avaient été « tués », tout en refusant de dire « par qui ». Le collège a noté que ses travaux avaient été publiés « dans un certain nombre de revues de haut niveau […] et qu’il était bien connu et très respecté de ses collègues, pour son dévouement à l’amélioration des soins de santé à donner aux femmes et aux enfants dans les régions à faibles revenus et/ou touchées par la guerre ».
Des collègues d’Alrayyes ont par la suite révélé que lui et sa famille ont été assassinés à la suite de frappes aériennes israéliennes, après avoir passé 30 heures coincés sous des décombres.
Dans les jours qui ont précédé leur mort, le médecin a envoyé un message à ses anciens camarades de classe du King’s College :
« Ces derniers jours, je commence à me sentir plus terrifié que jamais. Je m’imagine sous les décombres et j’ai très peur d’y rester coincé, encore en vie ».
Ses pires cauchemars se sont réalisés, en grande partie grâce – si on peut dire – aux parrains britanniques de sa bourse Chevening.
Le Britannique Cleverly rencontre Alrayyes et approuve la folie meurtrière d’Israë
La bourse Chevening est considérée comme une sorte de joyau de la couronne dans l’arsenal du soft power de la Grande-Bretagne et en guise de mécanisme essentiel servant à promouvoir ses intérêts à l’étranger. Plus de 15 boursiers Chevening sont devenus chefs d’État, et Londres tient à promouvoir la réussite de ses anciens boursiers dans le monde entier. Un rapport du ministère des Affaires étrangères sur l’amélioration de la perception de la Grande-Bretagne dans l’ex-Yougoslavie a révélé que Londres était « favorablement associée à l’éducation (universités, écoles, programme de bourses Chevening) ». Une bourse de journalisme Chevening a donc été mise à disposition dans chaque pays de la région, afin d’« améliorer la perception du Royaume-Uni auprès des participants destinés à devenir des personnes d’influence dans les Balkans occidentaux ».
Alrayyes ayant rencontré sa fiancée, également titulaire d’une bourse Chevening, pendant ses études en Grande-Bretagne, l’establishment UK avait été particulièrement séduit par son exemple. En septembre, il avait fait partie d’un groupe restreint de diplômés qui ont pu rencontrer le ministre des Affaires étrangères, James Cleverly, à Jérusalem.
Mais ces dirigeants britanniques n’ont pas fourni à M. Alrayyes la moindre mesure de protection lorsque le bombardement brutal de Gaza a commencé en octobre. Alors qu’il dormait chez lui, avec sa famille, il s’est retrouvé cible de l’armée israélienne. Mort, le voilà devenu un problème de relations publiques pour le ministère britannique des Affaires étrangères qui l’a autrefois parrainé.
M. Cleverly a rejeté à plusieurs reprises les appels à un cessez-le-feu à Gaza, en même temps qu’il insistait sur le fait que la Grande-Bretagne soutient ardemment le droit d’Israël à se « défendre » – gracieux euphémisme pour qualifier l’écrasant assaut d’Israël contre des civils désarmés. Interrogé par la chaîne ITV sur le meurtre d’Alrayyes, le ministre des Affaires étrangères a marmonné sans enthousiasme excessif :
« Chaque perte de vie est déchirante. Et il y a des Palestiniens et des Israéliens qui ont perdu la vie. C’est pourquoi nous nous efforçons d’acheminer l’aide humanitaire à Gaza ».
La Grande-Bretagne directement impliquée dans les massacres de Gaza
À tous égards, la mort horrible d’Alrayyes est un cauchemar pour Londres, notamment parce que le gouvernement britannique lui-même pourrait y être impliqué d’une manière ou d’une autre. L’analyse de Declassified UK indique que depuis le 7 octobre, « 33 vols de transport militaire ont décollé pour Tel Aviv de la vaste base aérienne britannique de Chypre ». Le média n’a pu trouver aucune trace de voyages similaires avant le début de l’attaque contre Gaza. Un porte-parole du ministère de la Défense a nié que les avions aient transporté « une aide létale », tout en se déclarant favorable à « un engagement diplomatique »….
Cette explication est d’autant plus douteuse que, fin octobre, le Defence and Security Media Advisory Committee (DSMA) a écrit aux rédacteurs en chef des principaux organes de presse britanniques pour leur recommander de ne pas parler des forces spéciales britanniques « déployées dans des zones sensibles du Moyen-Orient ».
La DSMA est un organisme du ministère de la Défense, qui impose à la presse une forme de censure très britannique. Elle réunit des représentants des services de renseignement et de sécurité, des vétérans de l’armée, des hauts fonctionnaires, des responsables d’associations de presse, des rédacteurs en chef et des journalistes. Ensemble, ils décident des sujets liés à la sécurité nationale qui peuvent être traités et de la manière dont ils peuvent l’être. Cela crée une situation dans laquelle l’écrasante majorité du journalisme britannique sur la sécurité nationale est directement dirigée par l’État.
L’intervention récente de la commission a été motivée par les informations diffusées par les médias selon lesquelles le SAS serait stationné à Chypre pour participer à des opérations de libération d’otages. Il s’agissait très certainement d’expliquer la présence des forces spéciales britanniques dans la région tout en dissimulant leur implication dans l’assaut contre Gaza, où Alrayyes a été assassiné.
Israël contrôle le Foreign Office
La façon dont le Foreign Office a traité la mort d’Alrayyes aurait suscité le scandale, y compris parmi son propre personnel, déjà scandalisé par le refus de Whitehall de reconnaître, et encore moins de condamner, l’escalade du nombre de morts civils dans la bande de Gaza. Historiquement, le département était pro-arabe. Sa conversion à la cause du sionisme est relativement récente, bien que la sympathie pour les Palestiniens y perdure dans certains milieux.
Ceci est assez remarquable, étant donné que les personnalités politiques britanniques qui osent défendre les Palestiniens voient, de façon routinière, leur réputation agressivement mise à mal par le lobby israélien. Tant les travaillistes que les conservateurs comptent dans leurs rangs des groupes très influents d’« Amis d’Israël » qui, au sein du Parlement, opèrent en concertation étroite et clandestine avec l’ambassade de Tel-Aviv à Londres.
En 2017, des journalistes infiltrés d’Al Jazeera ont filmé Shai Masot, représentant de l’ambassade d’Israël, en réunion avec Les Amis Conservateurs d’Israël (CFI), en train de discuter d’une « liste de cibles » de parlementaires à « faire tomber » en raison de leur soutien à la Palestine. Parmi eux figuraient le député Crispin Blunt, critique de longue date d’Israël, et le ministre des Affaires étrangères Alan Duncan. Shai Masot exprimait le désir de « détruire » Duncan, afin de s’assurer qu’il n’obtiendrait pas un poste de haut niveau au sein du ministère..
En réaction, Duncan avait téléphoné à Mark Regev, alors ambassadeur d’Israël en Grande-Bretagne, lequel avait prétendu que Masot était une « embauche locale » subalterne, sans statut diplomatique officiel. En réalité, Masot était un vétéran des Forces de Défense Israéliennes (FDI), qui occupait le poste de haut responsable politique de l’ambassade depuis novembre 2014 et agissait en qualité de principal point de contact entre l’ambassade d’Israël et le Foreign Office.
Israël revient tuer la famille d’Alrayyes
Le 8 novembre, les amis de Maisara Alrayyes ont appris que ses deux frères avaient également été assassinés par l’armée israélienne alors qu’ils creusaient dans les décombres de sa maison pour en retirer son cadavre. Ils avaient survécu à l’attaque de leur propre maison deux jours plus tôt, mais ont été repris pour cibles dès qu’ils sont retournés sur les lieux pour tenter de donner à leur frère un enterrement décent.
Source : https://thegrayzone.com/2023/11/14/britain-murder-gaza-doctor-foreign-office/
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Novembre 2023
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