Interview écrite du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov par le journal brésilien O Globo

sur les BRICS

 

 

[ Foreign Minister Sergey Lavrov’s written interview with Brazilian newspaper O Globo with Focus on BRICS ]

 

 

Karl Sanchez   –  karlof1.substack.com –  29.4.2025

 

Traduction : c.l. pour L.G.O.

 

 

J’aime bien cette photo de dossier fournie par l’AMF.

 

 

En contraste avec l’interview très conflictuelle de CBS, le journal brésilien O Globo a soumis une série de questions écrites pour que Lavrov y réponde et qui sont principalement axées sur les BRICS, bien que la dernière porte sur l’O.M.S. J’ai trouvé rafraîchissant de lire, pour une fois, des informations sur les BRICS, au lieu du cirque incessant qui entoure les négociations avec l’équipe Trump. Bonne lecture :

 

Question : L’expansion du commerce entre les pays des BRICS est l’un des objectifs de la présidence brésilienne de ce groupe en 2025. Quelles opportunités la Russie voit-elle en termes d’augmentation de la part des transactions commerciales dans les monnaies nationales ?

Sergueï Lavrov : Nous assistons à une accélération de la tendance à la fragmentation de l’économie mondiale. Dans ce contexte, il est tout à fait naturel que les pays du Sud et de l’Est réduisent la part des monnaies occidentales dans leurs règlements mutuels. Personne n’aime souffrir des sanctions que l’Occident a imposées aux pays qu’il juge indésirables en exploitant son monopole sur les marchés financiers. L’utilisation des monnaies de réserve comme outil de concurrence est inacceptable. Les transactions de paiement peuvent être bloquées pour des raisons politiques, même quand il s’agit de fournir des biens socialement importants.

Nous avons travaillé au sein des BRICS pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de perturbations lors de l’exécution des paiements et nous avons été très efficaces dans nos efforts. Pour vous donner un exemple, le rouble et les monnaies de nos pays amis représentaient 90 % des règlements de la Russie avec les pays des BRICS en 2024.

La mise en place de mécanismes de paiement résilients fait également partie de nos priorités. Adoptée à Kazan, la déclaration du sommet des BRICS 2024 mentionne l’initiative de paiement transfrontalier, ainsi que l’infrastructure de paiement et de compensation, une société de réassurance et la nouvelle plateforme d’investissement. Ces initiatives sont conçues pour créer des conditions favorables à l’augmentation du commerce et des investissements au sein des BRICS. La Russie espère que nous continuerons à travailler sur ces projets cette année, dans le cadre de la présidence brésilienne.

 

Question : La création d’une monnaie unique reste-t-elle un objectif à long terme pour les BRICS ?

Sergueï Lavrov : L’effort fait pour s’éloigner du dollar, également connu sous le nom de dédollarisation, a été l’une des tendances économiques mondiales déterminantes, ce qui s’explique par le manque de confiance envers les institutions financières internationales dirigées par l’Occident.

Il serait prématuré de discuter d’une transition vers une monnaie unique pour les BRICS. Nous travaillons ensemble à la création d’une infrastructure de paiement et de règlement pour effectuer des règlements transfrontaliers entre les pays des BRICS. En particulier, comme je l’ai déjà dit, cela inclut l’augmentation de la part des monnaies nationales dans nos transactions.

Nous pourrons revenir sur la question d’une monnaie commune ou d’une unité de paiement unique pour les BRICS, une fois que les conditions financières et économiques nécessaires seront en place.

 

Question : Le renforcement de la gouvernance mondiale et la promotion du multilatéralisme constituent un autre thème majeur pour les BRICS. Que pensez-vous que peuvent faire les pays des BRICS à cet effet ?

Sergueï Lavrov : Les BRICS sont devenus beaucoup plus forts que lorsque ce groupe a été créé en 2006. Aujourd’hui, il constitue un point focal dont la mission est de coordonner les intérêts des principaux pays de la majorité mondiale. Les BRICS adhèrent pleinement aux principes d’égalité, de respect mutuel et d’équilibre des intérêts entre leurs participants. La Russie considère ce groupe comme l’un des piliers d’un monde multipolaire et comme un mécanisme important de coopération internationale.

Les BRICS ont tendance à attirer des pays qui recherchent des partenariats égaux dans le but de favoriser un développement partagé. C’est au cours de la présidence russe en 2024 que les dirigeants des BRICS ont réaffirmé leur décision d’inviter l’Indonésie à rejoindre les BRICS. Nous avons également créé un statut spécial pour les partenaires. Neuf pays l’ont obtenu jusqu’à présent.

Cela dit, les pays des BRICS ne cherchent pas à prendre la place de quelqu’un d’autre. Leur but consiste à créer un environnement favorable au renforcement des capacités. Le groupe a également d’autres priorités, notamment celle d’aider les pays de la majorité mondiale à relever les défis urgents auxquels ils sont confrontés, ainsi que celle d’accroître la représentation du Sud et de l’Est de la planète dans la gouvernance mondiale.

 

Question: Le Brésil appelle à l’élargissement du Conseil de sécurité des Nations unies. Quelle est la position actuelle de la Russie sur cette question ? Voterait-elle favorablement pour que le Brésil en devienne un membre permanent ?

Sergueï Lavrov : La Russie croit en une réforme équilibrée du Conseil de sécurité, un des principaux organes de l’ONU, qui est principalement responsable, conformément à la Charte des Nations unies, du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Il est absolument évident pour nous que la construction d’un monde multipolaire devrait inclure une représentation plus large des pays du Sud et de l’Est, c’est-à-dire des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.

Nous pensons que le Brésil, qui poursuit une politique étrangère indépendante et peut apporter une contribution substantielle à la résolution des problèmes internationaux, est le candidat idéal pour un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Nous soutenons également la candidature de l’Inde, à condition que l’Afrique soit également représentée à ce même Conseil de sécurité.

Je voudrais profiter de cette occasion pour souligner que nous sommes opposés à l’idée d’accorder davantage de sièges aux pays occidentaux et à leurs alliés. Ils sont déjà trop nombreux au Conseil de sécurité tel qu’il est. Nous ne sommes pas prêts à soutenir les candidatures de l’Allemagne et du Japon en raison du renouveau de l’idéologie militariste dans ces pays et de leur politique ouvertement hostile à l’égard de la Russie.

 

Question : Lors des consultations entre les départements de planification de la politique étrangère des ministères des Affaires étrangères des pays des BRICS, la délégation russe a évoqué des discussions avec les États-Unis sur le conflit ukrainien. Quelles conditions devraient être créées pour lancer des pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine ?

Sergueï Lavrov : Lors de nos contacts avec les représentants de l’administration US, nous avons expliqué en détail les causes profondes et la genèse de la crise ukrainienne. Nous avons expliqué les paramètres nécessaires à son règlement définitif, dans le respect des intérêts légitimes de la Russie, principalement dans le domaine de la sécurité et des droits humains.

Nous avons eu l’impression que nos homologues américains comprennent désormais mieux la position de la Russie sur la situation autour de l’Ukraine. Nous espérons que cela les aidera dans leur dialogue avec Kiev et les différents pays européens. Le secrétaire d’État US Marco Rubio m’a informé, plus tard dans la même journée, des engagements qu’il a pris à Paris le 17 avril. Il a indiqué que la discussion s’était déroulée dans l’esprit des consultations entre Moscou et Washington.

Nous restons ouverts aux négociations, mais la balle n’est pas dans notre camp. Jusqu’à présent, Kiev n’a pas montré qu’il était prêt à négocier. La dernière preuve en date est l’incapacité des forces armées ukrainiennes à respecter le moratoire de 30 jours sur les frappes contre les installations énergétiques (du 18 mars au 17 avril) ou la trêve pascale de 30 heures (de 18 heures le 19 avril à minuit le 21 avril). Le régime de Zelensky a montré qu’il n’avait pas la volonté politique de paix et la capacité d’arrêter la guerre, qui est alimentée par les milieux russophobes de certains pays de l’UE, principalement la France et l’Allemagne, ainsi que la Grande-Bretagne.

 

Question : Pensez-vous que d’autres pays devraient participer aux éventuels pourparlers de paix, par exemple le Brésil, qui maintient un dialogue avec les deux parties ?

Sergueï Lavrov : La Russie apprécie les efforts déployés par ses partenaires pour créer les conditions d’un règlement pacifique de la crise ukrainienne. Plus de 20 pays et un certain nombre d’associations régionales d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique ont avancé de telles initiatives.

Le Brésil est un de ces pays. En janvier 2023, le président Luiz Inacio Lula da Silva a proposé de créer un format de négociation multilatéral. Cette idée s’est reflétée dans l’initiative brésilienne et chinoise visant à établir le « Groupe d’Amis pour la Paix en Ukraine » à l’ONU. Son fonctionnement prend de l’ampleur. Le groupe a tenu trois réunions et il y a des raisons de penser qu’il peut devenir une plateforme respectée des pays du Sud mondial et de l’Est.

Il est essentiel que tous les membres de ce groupe d’amis pour la paix prennent en compte les causes profondes de la crise et soient guidés, dans leurs activités, par les principes de la Charte des Nations unies dans leur intégralité et dans leur ensemble. Les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale des États ne doivent pas être appliqués séparément du droit des nations à l’auto-détermination et de la protection des droits humains sans distinction d’aucune sorte, comme la langue, la race, le sexe et la religion.

 

Question : À quelles conditions la Russie accepterait-elle de s’asseoir à la table des négociations avec l’Ukraine à ce stade ?

Sergueï Lavrov : Je vous ai déjà donné une partie de la réponse à cette question. C’est Kiev qui s’est retiré du processus de négociation en avril 2022. Elle a agi ainsi à la demande de ses curateurs occidentaux. En septembre de la même année, Vladimir Zelensky a mis hors la loi tout dialogue avec la Russie. Cette législation reste en vigueur. Elle doit être annulée. Dans le cas contraire, les pourparlers ne pourront pas reprendre. Dans sa récente interview avec CBS, Vladimir Zelensky s’est à nouveau prononcé contre les pourparlers avec la Russie. Permettez-moi de citer ses propos : « Nous ne pouvons pas faire confiance à la Russie. C’est que nous ne pouvons pas faire confiance aux négociations avec la Russie »..

Nous n’avons jamais fait mystère de notre position sur ce règlement. La Russie part du principe que la non-adhésion de Kiev à l’OTAN, ainsi que la réaffirmation de son statut de neutralité et de non-alignement conformément à la déclaration de 1990 sur la souveraineté de l’État ukrainien, constituent l’un des deux piliers d’un règlement définitif de la crise ukrainienne qui répondrait aux intérêts de la Russie en matière de sécurité. Le deuxième pilier consiste à surmonter l’héritage du régime néonazi qui a pris le pouvoir à Kiev après le putsch de février 2014, y compris l’initiative prise par ses auteurs d’éradiquer et d’annuler, en termes physiques et législatifs, tout ce qui est russe, qu’il s’agisse de la langue, des médias, de la culture, des traditions ou de la foi orthodoxe canonique.

La reconnaissance internationale de la Crimée, de Sébastopol, de la RPD, de la RPL, des régions de Kherson et de Zaporozhye comme faisant partie de la Russie est un autre impératif.

Tous les engagements pris par Kiev doivent être juridiquement contraignants, comporter des mécanismes d’application et être permanents.

La démilitarisation et la dé-nazification de l’Ukraine sont également à l’ordre du jour, de même que la levée des sanctions, le retrait des poursuites judiciaires et l’annulation des mandats d’arrêt, ainsi que la restitution des avoirs russes soumis à un prétendu gel à l’Ouest.

Nous insisterons également pour obtenir de solides garanties de sécurité pour la Fédération de Russie afin de la protéger de toute menace émanant des activités hostiles de l’OTAN, de l’Union européenne et de certains de leurs États membres le long de notre frontière occidentale.

 

Question : Que pensez-vous du rôle et des actions de l’UE et des États-Unis dans le contexte du conflit russo-ukrainien au stade actuel ?

Sergueï Lavrov : L’Union européenne n’a pas cessé de s’accrocher à sa politique de soutien global au régime de Kiev. Bruxelles ne veut rien d’autre que la défaite inconditionnelle de Moscou. Toute autre issue reviendrait pour elle à perdre la partie dans son jeu géopolitique. L’UE estime qu’en mettant fin à son soutien à l’Ukraine, elle démontrerait son incompétence stratégique et son impuissance. En d’autres termes, les bureaucrates de Bruxelles se concentrent sur la sauvegarde de leur réputation plutôt que sur l’instauration d’une paix juste et durable.

Au lieu de faciliter un règlement de paix, l’Union européenne a cherché à saper les accords en arguant du fait que peu d’efforts, voire aucun, ont été faits pour l’inviter à contribuer à ces pourparlers. Dans le même temps, l’UE se prépare à envoyer des unités militaires des pays de l’OTAN en Ukraine, malgré tous nos avertissements sur le caractère inacceptable d’une telle démarche. Les livraisons d’armes à Kiev se poursuivent. L’UE prévoit également d’accélérer la fabrication de matériel de guerre. Elle crée toutes ces coalitions de volontaires et discute des moyens de créer des mécanismes extra-budgétaires pour fournir davantage d’armes à Kiev.

Dans ce contexte, le fait que l’administration actuelle des États-Unis tente de comprendre les causes profondes de la crise est plutôt encourageant et contraste avec l’administration de Joe Biden, qui a gavé le régime de Kiev d’armes létales et s’est montrée proactive dans ses efforts pour attirer l’Ukraine dans l’OTAN. Le président Donald Trump a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’y aurait pas de conflit si l’administration précédente n’avait pas cherché à entraîner l’Ukraine dans l’OTAN. Moscou et Washington maintiennent un dialogue pour trouver une voie vers un règlement. Nous espérons que cela ouvrira la voie à des résultats mutuellement acceptables. [C’est moi qui ai souligné].

Pendant que je traitais ce texte, la chanson « Wooden Ships » de Crosby, Still, Nash & Young a été diffusée, et cette phrase de la chanson reflète bien les aspirations de la majorité mondiale : « Nous, on s’en va, vous n’avez pas besoin de nous ». Je suis quelque peu surpris qu’aucune question sur les tarifs douaniers et la guerre commerciale de Trump n’ait été posée. Dans les réponses de Lavrov sur les BRICS, la Russie espère que le Brésil sera en mesure de maintenir l’élan donné à Kazan. La question d’une monnaie des BRICS a été avancée beaucoup trop tôt, car la structure de base sous-jacente doit d’abord être construite. Cet article contient des suggestions intéressantes à prendre en considération, à mesure que l’univers des BRICS mûrit et que son architecture financière s’étend et se renforce.

En ce qui concerne la question de l’Ukraine, il convient d’insister sur le soutien manifeste de l’UE et de l’OTAN à un régime manifestement nazi, ce qui rend ce groupe à nouveau complice d’un crime majeur contre l’humanité. Et lorsqu’on émet cette critique, il faut que l’Agresseur initial – l’Empire US hors-la-loi – soit nommé et relié à son soutien continu au nazisme, au génocide en cours en Palestine et à ses propres génocides en Asie du Sud-Est et du Nord-Est tout au long des 75 dernières années de son histoire, à la honte de ses dirigeants et de tout ce qu’ils ont dit que l’Empire représentait.

Source : https://karlof1.substack.com/p/foreign-minister-sergey-lavrovs-written

 

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Jusqu’à Youtube qui s’en mêle

 

« L’OCCIDENT PRÉCIPITE SA PROPRE CHUTE » 

LAVROV AU JOURNAL BRÉSILIEN O GLOBO

[INTERVIEW CHOC]

Et même sils sont approximatifs, il y a des sous-titres en français

 

 

 

 

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Mai 2025

 

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