À propos de jeux Olympiques ravageurs de ville…

 

Je ne saurais trop vous recommander la lecture du très grand auteur espagnol Manuel Vàzquez Montalbàn :

 

Manuel Vázquez Montalbán

Le labyrinthe grec

Points-Seuil – 2009

224 pages

6,90 €

                                        

Un apollon grec en cavale, une jeune Française amoureuse à ses trousses et un troisième larron qui s’en mêle… Dans un Barcelone qui se prépare à accueillir les Jeux olympiques, passion et trahison ne font pas bon ménage. Voici une nouvelle affaire bien juteuse pour Pepe Carvalho, détective privé désabusé mais professionnel, qui mènera le trio dans les bas-fonds en sursis de la ville.

 

 

Il faut savoir que dans les polars de Montalbán, le détective privé – natif de Barcelone – s’appelle Pepe Carvalho, personnage atypique difficile à décrire, qui semble avoir fait sous le franquisme, comme son auteur, un peu de prison au titre de communiste. « Depuis la fin de la guerre de Corée », il brûle ses livres, qui ne lui ont pas appris à vivre. Sa vie, il la partage avec une prostituée encore en exercice, Charro, dont il a été le client avant d’être l’amant attitré, d’un semi-nain plus ou moins chinois nommé Biscuter, qui lui sert de cuisinier et au besoin de secrétaire, ainsi que d’un cireur de chaussures appelé Bromure, indispensable indicateur. Biscuter est un cuisinier hors pair, mais Carvalho aussi, en même temps qu’un gourmet qui ne boit que du whisky japonais de 20 ans d’âge.

Montalbán – qui, soit dit en passant, a donné son nom au légendaire Montalbano du Sicilien Andrea Camilleri – aime, à l’occasion, fonder ses romans sur des mythes, comme il le fait ici sur celui – grec – du voyage de Thésée et d’Ariane dans le célèbre labyrinthe crétois au centre duquel il leur faut tuer un monstre. Dans un autre de ses livres (sans Pepe Carvalho) il revisite celui – arthurien – d’Erec et Énide, et un des plus curieux romans de Chrétien de Troye.

Mais pour en revenir à notre sujet : le labyrinthe, ici, ce sont les vieux quartiers de Barcelone, ceux qui regorgent d’histoire, de vie et de traditions populaires, en cours de démolition sauvage pour faire place aux Jeux Olympiques de 1992. Et il vaut mieux le dire tout de suite : le vrai sujet du livre, ce n’est pas une intrigue policière, c’est la mise à mort de Barcelone. Une mort qui arrache le cœur, même à ceux qui ne l’ont jamais vue.

 

 

 

 

Dans un autre, paru en 1971, il s’attaque à un mythe contemporain : celui de la présidence Kennedy. Rien ne pourrait être davantage d’actualité :

 

Manuel Vázquez Montalbán

J’ai tué Kennedy : Ou les mémoires d’un garde du corps

Points- Seuil

224 pages

6,90 €

Pepe Carvalho entre en scène : détective privé nihiliste, gourmet, grand lecteur et brûleur de livres, il a pour mission de camper un tueur très entraîné, à la fois garde du corps et assassin du président américain, pour le compte de la CIA et du lobby du pétrole. Une première enquête hallucinatoire qui sape le mythe Kennedy dans une joyeuse sarabande de marionnettes, d’ellipses et de délires.  

                   

Deux extraits :

 

[…]

Il est arrivé un fait insolite dans les annales de l’histoire de la troisième génération des calculateurs analogiques. Pendant une nuit entière les ordinateurs ont fonctionné sans contrôle à partir d’un mot-clé : généalogie des Kennedy. Les conclusions de ces jeunes calculateurs sont très intéressantes. Selon toute apparence, antérieur au tronc commun de l’i-e (indo-européen), existe un embryon linguistique original : le kenedeset, langue d’uin recoin de la Prusse, d’où sont originaires les races nobles. Le mot kenedet a justement ce sens-là : mot, et c’est de lui que vient le nom de Kennedy. Les kenedets étaient la caste dirigeante du peuple kenedem : prêtres, chefs, acrobates et misses Univers. Une branche des kenedets participa à la défense de Troie et l’on connaît l’infidélité historique commise par Virgile, qui fit obstacle pendant des siècles au rétablissement de la vérité. Le chef troyen qui aima Didon, reine de Carthage, n’était pas Énée, en grec Ǣneas, mais Kénée, en grec Keneas, et c’était un kenedet de pure souche. Les dieux confièrent à Énée la mission de fonder Rome : c’est ce que dit Virgile, mais il ne faut pas oublier que Virgile n’était, en fait, qu’un écrivain à la solde d’Auguste. Selon toute probabilité, à en croire les calculateurs de la troisième génération, la mission confiée par les dieux était beaucoup plus ambiguë et Virgile en a profité pour apporter de l’eau à son moulin.

En revanche chaque jour prospère davantage la thèse, soutenue par quelques historiens irlandais, qui veut que Kénée, en grec Keneas, ne s’est pas arrêté à Rome mais qu’il a suivi la route de la Méditerranée en quête des terres de l’ambre qu’avaient touchées les Phéniciens, terres dont la route secrète était connue de Didon. Énée ou Kénée, en grec Keneas, s’avitailla en eau et combustible dans l’Atlantide et mit cap au nord. Il finit, à bout de forces, par toucher aux côtes d’Irlande. C’est là que se perpétue la lignée kénéenne au travers de ses descendants.. La paresse palatale des Irlandais (bien connue de nos lecteurs) conduisit ceux-ci à chercher un repos pour la langue après qu’ils l’avaient soulevée pour prononcer le n de Keneas. La langue des Irlandais se trouvant déjà en haut, au lieu qu’ils la missent en position neutre pour que l’a sortît sans obstacle, leur langue, donc, profita du voyage pour aller s’appuyer sur les dents du haut : d. dans un premier temps, la phonétique resta liée plus ou moins à la sonorisation historique. Ainsi, Keneas se transforma en Kenedas. Mais ensuite, la terminaison en y s’imposa et nous arrivons au nom historique moderne :Kennedy. Il en résulte que la mission confiée par les dieux à Keneas, ou Kénée, ne devait pas être interprétée comme une mission adressée à lui personnellement, mais à sa descendance. Et la chose apparaît dans toute sa clarté lorsque nous découvrons comment , au VIe siècle de l’ère chrétienne, quelques Kenedas s’engagèrent dans les expéditions vikings en Méditerranée. Un keneda s’établit à Gênes et ses descendants ouvrirent une boutique de pigeons voyageurs. Les gens se mirent à les appeler « Colombos » (colombes) et avec le temps le surnom fut adopté comme nom de famille. De là vient qu’on n’a jamais su jusqu’à aujourd’hui qu’un Keneda avait été appelé de manière impropre Christophe Colomb et qu’un autre Keneda a instauré aux États-Unis la monarchie catholique, sociale et représentative.

J’ai tué Kennedy, pp 118-121

 

 

[…]

« Pepe, mon fils. C’est vrai, tout ce que dit ce monsieur ? Nous, nous avons toujours été pauvres, mais honnêtes.. Ton grand-père paternel était un paysan. Moi, j’étais couturière à douze ans et quand la couture ne marchait pas, je faisais de la confection, des sous-vêtements pour hommes. Ton père a été émigrant, il a été dans l’U.G.T., dans la police secrète pendant la guerre, prisonnier politique et commis de magasin jusqu’au dernier soupir. Quand tu as appris par cœur le dictionnaire illustré Spes, nous avons compris que tu étais appelé à faire de grandes choses. À onze ans, tu lisais le Critère, du père Balmes, et le Tour du monde d’un romancier, de Blasco Ibáñez. À quinze ans, tu faisais la petite école et tu étais encaisseur, le dimanche, encaisseur de traites d’assurances-décès. Quand tu es entré à l’université, je t’ai fait moi-même un pantalon neuf, je t’ai acheté une veste demi-saison dans le grand magasin le plus chic du quartier et ton p(re est allé te voir en cachette pendant que tu faisais la queue pour ton inscription. Après, tu t’es mis dans la politique, et, une nuit, ils t’ont emmené parce que ru étais allé peindre tous les murs de la ville. Après, tu t’es marié et cinq mois plus tard ils t’ont encore emmené et ils ne t’ont relâché qu’au bout d’un an et demi. Rien dans ta vie ne répondait aux espoirs que ton père et moi avions conçus. Tu ne nous avais pas acheté d’appartement, même à crédit. Tu ne nous avais pas acheté de voiture pour aller au village et la montrer à la famille. Ta femme fumait et montrait ses jambes, est-ce que je montrais mes jambes, moi ? Elle te répondait mal devant nous. Tu venais manger à la maison pour économiser un repas plutôt que pour nous voir, et quand ton père t’a proposé de te pistonner pour te faire entrer dans une banque grâce au señorito Paco, le fils de don Licinio Prat, tu t’es mis dans une colère noire et tu as dit à ce pauvre homme qu’il ne comprenait rien à rien. Mais tu vois, Pepe, nous aurions passé sur tout si tu n’avais pas fait ce sale coup à Muriel. Pourquoi es-tu parti du jour au lendemain en la laissant plantée avec la gamine ? Depuis que tu es parti, on n’a presque plus vu la petite, de toi, on ne sait pas grand-chose, seulement quand tu écris deux mots ou que tu envoies un peu d’argent, je le mets sur un livret d’épargne pour la gosse. Et maintenant nous apprenons que tu as tué le président de l’Amérique. Je n’ai plus assez de larmes pour pleurer. Et puis je ne comprends pas comment, avec tes idées, tu as pu attenter à la vie d’un président de la République. Ton père a toujours été républicain, mon père était de droite (il s’est mis dans une sale histoire de C.E.D.A. en 1937, en plus, et en plein secteur rouge), mais moi, j’ai toujours été attirée politiquement par la république et sentimentalement par la monarchie.La république, c’est plus une chose à nous, mais la monarchie, comment te dire, c’est plus joli. Qu’est-ce qu’il t’avait fait le président d’Amérique, Pepe ? Tu ne le sais pas que tu laisses une veuve et deux enfants qui n’ont plus de père ? Tu ne sais pas, malheureux, qu’il faut un père dans une maison ? Il a bien fallu que je t’élève toute seule quand ton père était en prison et je sais que ce n’est pas rose tous les jours. Je sais bien que la famille du président a de l’argent, mais l’argent ne fait pas tout. Je me suis trompée jusqu’au bout. Je pouvais bien imaginer que si tu étais capable d’abandonner ta femme et ta fille, tu étais capable de tout. Pourtant, quoi qu’il arrive, tu sais que je suis avec toi. Je t’envoie une couverture et une gamelle avec des pâtés à la viande pour quand ils t’arrêteront. Dis-moi s’ils te laissent avoir un thermos, je te ferais une bonne soupe galicienne. Je demanderai à Muriel si elle veut m’aider à trouver un avocat. Écris-moi et dis-moi si maître Ruiz Jiménez te paraît bien comme avocat. Il a été très sympathique et très compréhensif les autres fois. « Reçois les bons baisers de ta mère qui t’aime. »

J’ai tué Kennedy, pp. 187-190

Manuel Vázquez Montalbán  sa vie et ses livres.

 

 

 

Mais il n’y a pas eu que Barcelone de ravagée par les Jeux olympiques . En 2004, ce fut le tour d’Athènes :

 

 

Les sites abandonnés des Jeux olympiques d’Athènes 2004

10 ans plus tard, en photos :

https ://www.slate.fr/grand-format/sites-abandonnes-jeux-olympiques-athenes-2004-photos

 

 

 

 

Dans sa « Semaine dans le monde du 22 au 28 juillet 2023 », Slate ne montre pas les deux championnes d’escrime ukrainienne et russe qui viennent de faire l’actualité.

 

 

Championnats mondiaux d’escrime

Une Ukrainienne disqualifiée après son refus de serrer la main de son adversaire russe

 

 

« C’était un combat très attendu : une Ukrainienne affrontait une Russe lors des championnats du monde d’escrime. L’Ukrainienne Olga Kharlan a gagné mais elle a été disqualifiée pour avoir refusé de serrer la main de son adversaire. » Eliott Samuel et James Vasina, journalistes pour France 24, nous en disent plus.

 

 

 

 

 

 

Eh bien, attendons que France 24 nous l’apprenne : la championne mal-polie a ensuite été requalifiée, au mépris de toutes les règles en matière de sport international, parce qu’Ukrainienne. Comme il se doit dans un monde de « valeurs démocratiques » régi par des règles modifiables si on veut.

Et escomptons avec confiance sa médaille d’or olympique.

 

URL de cet article ; http://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/a-propos-de-jeux-olympiques-ravageurs-de-villes/

 

 

Août 2023

 

 

0 Comments

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.