Algerie : L’Iceberg qui pourrait couler Emmanuel Macron
L’agitation récente menace maintenant la France, avec l’éventualité d’une nouvelle vague migratoire en préparation.
Scott McConnell – The American Conservative – 10.3.2019
Après avoir survécu à plusieurs tentatives d’assassinat par les partisans de l’Algérie française, Charles de Gaulle, en 1962, signa un accord de paix qui mettait fin à la souveraineté française en Algérie. La guerre d’indépendance de l’Algérie avait été longue et brutale, marquée par le terrorisme et la torture. Tout ce qui comptait dans la politique française voyait en 1954, dans l’Algérie, une partie intégrante de la France qu’il fallait défendre à tout prix. Mais, en 1962, cette façon de voir avait changé. Avec un froid réalisme, de Gaulle remarqua, à propos du conflit alors dans sa septième année : « Quant à la France, il va falloir qu’elle s’intéresse à autre chose ».
La France s’en est bien tirée après avoir accordé son indépendance à l’Algérie. L’Algérie beaucoup moins. Les Algériens qui avaient pris parti pour la France, combattu dans son armée ou servi comme administrateurs du gouvernement colonial s’en sont tirés affreusement mal : beaucoup d’entre eux ont connu des morts épouvantables aux mains de vainqueurs assoiffés de vengeance. Selon A Savage War of Peace (« Une guerre de paix sauvage ») d’Alistair Horne, 15.000 furent tués au cours de l’été, après l’armistice du mois de mars.
Une des raisons importantes pour lesquelles de Gaulle rompit avec ses soutiens conservateurs au sein de l’armée et se décida à négocier l’indépendance de l’Algérie, fut qu’il pensait que les Français et les Algériens étaient fondamentalement des peuples différents. Pour lui, l’Algérie française, la France « de cent millions » complétée par la population algérienne et ses vastes réserves de pétrole et de gaz, était un fantasme total. Son collègue Alain Peyrefitte a cité une phrase de lui, prononcée en privé en 1959, disant qu’on pouvait mélanger les Arabes et les Français, mais que, comme l’huile et le vinaigre dans une bouteille, ils finiraient inévitablement par se séparer. Il craignait que l’Algérie française finisse par faire de son village de Colombey-les-Deux-Églises un Colombey-les-Deux-Mosquées.
Pourtant, l’Algérie d’après l’indépendance est restée, économiquement, étroitement reliée à la France, surtout comme vivier principal d’ouvriers d’usine « temporaires », une immigration qui avait commencé pendant la guerre d’Algérie elle-même. Alors même que le besoin de main d’œuvre industrielle diminuait déjà, la France a institué des dispositions de regroupement familial permettant aux travailleurs de se marier et de faire venir leur femme en France, dispositions qu’aucun des présidents suivants n’a été capable d’annuler. Il y a maintenant trois millions d’Algériens en France, qui jouissent de la nationalité française ou de la double nationalité. La relation qu’entretient la France avec le gouvernement algérien est une relation privilégiée : chaque président français fait une visite officielle en Algérie durant la première année de son mandat. Le commerce est mutuellement important bet l’Algérie joue un rôle-clé dans la politique africaine française du fait§ de ses frontières avec le Mali, le Niger et la Libye. En fait, quiconque est un peu attentif en France, mis à part peut-être les militants islamistes, redoute vivement la perspective d’une déstabilisation ou de troubles en Algérie.
Mais cela pourrait néanmoins se produire. Abdelaziz Bouteflika, le président de l’Algérie, a été victime d’un ,sérieux accident vasculaire il y a six ans, et il apparaît désormais rarement en public. Néanmoins, à 82, il (ou ceux qui parlent en son nom) insiste pour briguer un cinquième mandat présidentiel. Du frait que les élections en Algérie sont loin d’être libres – le parti au pouvoir disposant du contrôle total des urnes et du comptage des voix, cela veut dire que sa victoire est prédéterminée. Depuis l’annonce de la candidature Bouteflika, des centaines de milliers d’Algériens sont descendus dans les rues pour manifester avec détermination quoique dans le calme, et ce, dans toutes les villes du pays. Ils sont rejoints par leurs frères qui manifestent dans les villes françaises.
Peu de gens semblent savoir quel est le véritable équilibre des forces politiques en Algérie : il y a un puissant appareil d’État lié à l’armée, mais il n’y a pas de partis politiques forts. Les islamistes ont gagné le premier tour des élections législatives de 1991, ce qui a poussé l’armée à faire un coup d’État, lequel a déclenché une guerre civile brutale. Six ans plus tard, un par(‘ti lié à l’armée a gagné les élections législatives, et en 1999, Bouteflika a remporté l’élection présidentielle et entrepris une espèce de réunification nationale au moyen d’une amnistie. C’est ce Bouteflika – jeune avant-gardiste du mouvement de libération algérien des années 1960, figure conciliante d’après la guerre civile des années 1990, aujourd’hui figure de proue octogénaire d’un régime généralement considéré comme corrompu – qui se retrouve au sommet de la structure algérienne comme un bouchon sur une bouteille. Et nul ne sait ce qui se passera quand le bouchon sera ôté.
En France, le gouvernement du président Emmanuel Macron a rappel la semaine dernière son ambassadeur en consultation, et des spécialistes de la région disent, prenant peut-être leurs désirs pour des réalités, que les islamistes ne sont plus de loin aussi populaires qu’ils l’étaient dans les années 1990. Personne ne sait vraiment où sont les analogies pertinentes. Le Printemps Arabe, qui a fini par amener une dictature militaire en Égypte et une guerre civile [!!! ndt] sauvage en Syrie ne semble guère prometteur. Non plus que la révolte [!!! ndt] contre Muammar Kadhafi en Libye, qui a conduit, avec la France soutenant les rebelles, à sa mort et à la destruction de la Libye en tant qu’État capable de fonctionner. Ce qui est triste, c’est qu’il y a peu de modèles attractifs en matière de succession gouvernementale dans le monde arabe (on pourrait regarder avec espoiur en direction de la Tunisie, quoiqu’il s’agisse d’un pays minuscule en comparaison de l’Algérie).
Le romancier franco-algérien Boualem Sansal capte bien l’ambigüité que tout le monde ressent. Dans une interview récente accordée au Figaro, il accueille les manifestations calmement massives comme la fin d’une léthargie chez un peuple qui mérite un meilleur gouvernement que celui qu’il a. Il rappelle que l’Algérie est un pays riche, riche également d’un grand nombre de gens éduqués et talentueux. Mais il demande également « comment passe-t-on à l’étape suivante, c’est-à-dire comment organise-t-on des élections libres ?… comment répare-t-on les dégâts causés par 57 ans de dictature et de corruption ?… comment remet-on un pays au travail ?… comment accouche-t-on d’un projet social ? Qui va diriger tout ça ?… Un autre Bouteflika sorti d’un laboratoire des services secrets ? Un comité de salut public ? Un prophète utile ? »
Sansal a dit aussi que les islamistes attendent toujours en coulisses, nombreux, organisés et déterminés. L’Algérie, a-t-il ajouté, est un pays musulman conservateur. Le salafisme y représente une force puissante. Le gouvernement a dépensé des milliards pour tenter d’empêcher le développement d’un « Islam véritable » en construisant d’innombrables mosquées avec l’air conditionné, pour faire concurrence aux extrémistes. Le résultat, c’est que d’énormes franges de la population se consacrent quotidiennement à des formes variées d’exorcisme et font peu de cas de la modernité.
Sansal (et la plupart des autres commentateurs avec lui) insiste sur le fait que le pouvoir de l’armée ne flanchera pas, qu’il contrôle complètement le pays et qu’il est déterminé à résister à tout défi islamiste. Mais il reconnaît aussi qu’il n’a jamais vraiment gagné la guerre civile des années 1990, que les islamistes n’ont jamais été vaincus politiquement.
Si l’Algérie sombre dans le chaos, la France en sera déstabilisée. La guerre civile a eu pour résultat une énorme vague d’émigration. Cette fois-ci, elle serait plus grande. Parmi les émigrants, il y aurait un très grand nombre d’islamistes, et l’immigration illégale ferait que les Français ne pourraient pas contrôler tous ceux qui entreraient. Or, la France, au moins dans certains quartiers, est déjà une République Islamique à l’état d’embryon.
Macron admet que l’Algérie pourrait devenir l’iceberg capable de couler sa présidence, dépassant facilement le scandale de son garde du corps (l’affaire Benalla) et les Gilets Jaunes. Son administration semble tiraillée entre un étalage public de correction politique et la crainte d’une islamisation à grande échelle. Pendant sa campagne présidentielle, il a fait le grand geste d’accuser la France de « crimes contre l’humanité » au cours de sa période coloniale, puis il a fait machine arrière. Un de ses alliés législatifs clé a dit récemment qu’il n’y avait pas de réelle différence entre le voile musulman et le serre-tête porté par les écolières catholiques [?!?! ndt], pour se faire aussitôt réprimander par un membre féminin du cabinet, qui a fait observer qu’« aucune femme au monde n’a été lapidée pour ne pas avoir porté de serre-tête ».
La France officielle n’arrête pas d’affirmer son soutien à l’auto-détermination algérienne, tout en ayant grabnd peur que l’Algérie fasse un choix terrible, un choix qui priverait la France d’un précieux partenaire stratégique et déchaînerait une vague migratoire impossible à contrôler. Les journaux conservateurs sont pleins d’avertissements sur la nécessité d’un réalisme sans concessions, mais sans guè§re offrir de suggestion quant à ce que cela pourrait impliquer. La population française était 17 foisz celle de l’Algérie en 1830, année de la conquête coloniale. Elle représente maintenant moins du double. De Gaulle avait raison de dire qu’en libérant l’Algérie, la France aurait à se préoccuper d’autre chose. Mais, 57 ans plus tard, il s’avère que ce n’est pas chose aussi facile que cela.
Source : http://theduran.com/algeria-the-iceberg-that-could-sink-emmanuel-macron-2/
Traduction : c.l. pour Les Grosses Orchades
16 mars 2019
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