Bamiyan, Babylone, Palmyre, Notre-Dame
Pepe Escobar – I.C.H. – 16.4.2019
Dans son style ironique (voir ci-après son article dont nous reproduisons le titre sobre et explicite) le grand journaliste international Pepe Escobar prend heureusement de la distance avec la clameur médiatique et politique déclenchée par l’incendie de Notre Dame de Paris et il souligne le danger de l’opération de manipulation de l’opinion en cours. En effet, l’émotion sincère de la population ne doit pas cacher :
1- Que l’Etat a failli en toute connaissance de cause à ses obligations légales Issues de la loi de séparation de l’église et de l’Etat de 1905.
2- Que les projets très dangereux et inquiétants de Macron de modifier cette loi ouvrent la porte à la privatisation du patrimoine architectural national.
3- Que le grand capital et les grandes fortunes françaises (Arnault et Pinault) étaient déjà en embuscade , la promptitude de leur réaction permet de le penser, pour mettre la main sur le pactole et ont donc mis dans l’instant sur la table de ce poker institutionnel 300 millions d’euros face au petit joueur Macron qui est en fait leur compère et perd toujours. (Dans ce jeu truqué l’Etat s’endette et les milliardaires s’enrichissent)
4- Que le rétablissement de l’ISF (environ 4 milliards par an) qu’Arnault et Pinault sont reconnaissants à Macron de ne pas payer aurait permis à l’Etat de remplir cette obligation de rénovation de Notre Dame de Paris (150 millions d’euros) et bien d’autres.
5- Qu’il est de la plus extrême urgence que cet argent qui n’est qu’une toute petite partie de l’immense patrimoine de ces donateurs soit versé dans un fonds public contrôlé par les représentants de la population. Ce fonds devrait s’inspirer du principe qui régit les coopératives : chaque donateur, qu’il ait versé un euro ou 100 000, dispose d’une voix. Dans la république cela s’appelle l’EGALITE.
6- Que la France soutient et arme l’Arabie Saoudite qui, dans sa guerre meurtrière contre le Yémen, s’emploie à détruire les trésors archéologiques du pays largement présents au patrimoine mondial de l’UNESCO.
COMAGUER
Bamiyan, Babylone, Palmyre, Notre-Dame
Par Pepe Escobar
Publié le 16 avril 2019 par Information Clearing House
Traduction Comaguer
Les Bouddhas de Bamiyan ont été détruits par une secte intolérante prétendant suivre l’Islam. Dans toute l’Asie le bouddhisme a été affligé. L’Occident n’y a guère prêté attention.
Les ruines restantes de Babylone, et le musée qui y était associé, ont été occupés, pillés et vandalisées par une base des marines US pendant l’opération « Shock and Awe » en 2003. L’Occident n’y a pas prêté attention.
De vastes secteurs de Palmyre – oasis légendaire sur la route de la soie – ont été détruits par une autre secte intolérante qui prétendait suivre l’Islam avec ses arrières couverts par des couches de renseignement occidental. (ndt : il s’agit des arrières au sens militaire ce qui veut dire que les djihadistes qui n’avaient ni drones ni satellites d’observation recevaient des services de renseignement occidentaux des informations sur les mouvements de l’armée arabe syrienne). L’Occident n’y a pas prêté attention.
En Syrie des dizaines d’églises catholiques et orthodoxes ont été incendiées par la même secte intolérante qui prétendait suivre l’Islam avec ses arrières sponsorisés et armés, entre autres, par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. L’Occident n’y a prêté aucune attention.
Notre-Dame, qui à bien des égards peut être considérée comme la matrice de l’Occident, s’est partiellement consumée dans un feu théoriquement aveugle.
Surtout le toit : des centaines de poutres en chêne, dont certaines datent du XIIIe siècle.
Métaphoriquement, cela pourrait être interprété comme la combustion du toit sur les têtes collectives de l’Ouest.
Mauvais karma ? Rien d’autre ?
Revenons maintenant aux aspects concrets.
Notre-Dame de Paris appartient à l’État Français, qui n’a pas beaucoup accordé d’attention à un joyau gothique qui traversa huit siècles.
Des fragments d’arcades, de chimères, de reliefs, de gargouilles tombaient toujours au sol et étaient conservés dans un dépôt improvisé à l’arrière de la cathédrale. Il a fallu attendre l’année dernière pour que Notre-Dame obtienne un chèque de 2 millions d’euros pour restaurer la flèche – qui a brûlé et est tombée hier.
Selon le meilleur expert du monde sur Notre-Dame, qui se trouve être un Américain, Andrew Tallon, (ndt : décédé récemment cet universitaire avait mis au point un système de scanographie des monuments permettant leur reproduction en 3 D qu’il a appliqué à Notre-Dame de Paris dans sa totalité) la restauration de l’ensemble de la cathédrale aurait coûté 150 millions d’euros.
Récemment, les gardiens de la cathédrale et l’État Français étaient véritablement en guerre. L’État Français gagnait au moins 4 millions d’euros par an, en faisant payer aux touristes l’entrée aux tours mais reversait seulement 2 millions d’euros pour l’entretien de Notre-Dame. Le recteur de Notre-Dame a refusé de faire payer l’entrée à la cathédrale – comme cela se produit, par exemple, au Duomo (NDT la cathédrale) de Milan.
Notre-Dame survit essentiellement grâce aux dons – qui permettent de payer les salaires des 70 employés qui doivent non seulement superviser les masses de touristes, mais aussi organiser huit messes par jour.
La proposition de l’État Français pour alléger cette charge : organiser une loterie de bienfaisance. Ce qui veut dire : privatiser ce qui est un renoncement à l’engagement et aux obligations de l’État. (NDT : en application de la loi de 1905)
Alors oui : Sarkozy et Macron, leurs gouvernements entiers sont directement et indirectement responsables de l’incendie. Maintenant vient l’heure de la Notre-Dame des milliardaires.
Pinault (Gucci, Saint-Laurent) a promis 100 millions euros de sa fortune personnelle pour la restauration. Arnault (Louis Vuitton Moët Hennessy) a doublé, s’engageant à 200 millions d’euros. Alors pourquoi ne pas privatiser ce sacré patrimoine immobilier – dans le style
« capitalisme désastre » ? Bienvenue à Notre-Dame, résidence de luxe, hôtel et centre commercial rattaché.
Pepe Escobar est correspondant régulier d’Asia Times. Son dernier livre est 2030.
Source : https://histoireetsociete.wordpress.com/2019/04/18/bamiyan-babylonepalmyre-notre-dame/
18 avril 2019
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