Une position « aussi agressivement neutre » !
Ce sont les États-Unis qui ont fait pression pour que Khan soit destitué
selon des images diffusées par câble
Jake Johnson – Common Dreams – 10.8.2023
via ConsortiumNews
Traduction : c.l. pour L.G.O.
The Intercept a publié un document provenant d’une source de l’armée pakistanaise qui montre un diplomate U.S. ciblant le Premier ministre pakistanais déchu pour avoir « pris une position aussi agressivement neutre » sur la guerre en Ukraine.
Le Pakistanais Imran Khan au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai en juin 2019. (Kremlin, Wikimedia Commons, CC BY 4.0)
Un câble secret obtenu par The Intercept révèle qu’un diplomate U.S. – avec l’approbation de la Maison Blanche de Biden – a fait pression sur le gouvernement pakistanais pour qu’il destitue Imran Khan, lequel a, en conséquence, été évincé l’année dernière de son poste de Premier ministre par un « vote de censure », et plus tard emprisonné « pour corruption ». accusation qui, selon lui, est politiquement motivée.
Selon le câble du 7 mars 2022, que The Intercept a publié dans son intégralité, en reconnaissant ne pas être en mesure de l’authentifier, le diplomate U.S. Donald Lu a déclaré à l’ambassadeur pakistanais aux États-Unis que « les gens, ici et en Europe, sont très préoccupés par la raison pour laquelle le Pakistan prend une position aussi agressivement neutre » sur la guerre en Ukraine.
Les USA ont publiquement critiqué Khan pour avoir organisé un voyage à Moscou antérieurement prévu et rencontré le président Vladimir Poutine au moment où les forces russes commençaient à envahir l’Ukraine en février 2022. Selon le câble, Lu a réitéré les préoccupations de l’administration Biden et ajouté : « Je pense que si le non* – au vote de confiance contre le Premier ministre – réussit, tout sera pardonné à Washington, car la visite en Russie est considérée comme une décision du Premier ministre.
« Sinon, je pense que ce sera difficile d’aller de l’avant », a ajouté Lu.
Lu s’adressant aux employés du Département d’État en 2022. (Département d’État, Freddie Everett/ Domaine public)
Le câble indique que Lu « n’aurait pas pu faire une démarche aussi forte sans l’approbation expresse de la Maison Blanche, à laquelle il s’est référé à plusieurs reprises ».
Les relations tendues entre les USA et le Pakistan pendant le mandat d’Imran Khan étaient de notoriété publique, mais Ryan Grim et Murtaza Hussain de The Intercept ont écrit mercredi que le câble « prouve l’utilisation, par le Département d’État, à la fois de la carotte et du bâton dans ses pressions à l’encontre de Khan, promettant “plus de chaleur” dans les relations avec le Pakistan si Khan était écarté, et l’isolement s’il ne l’était pas ».
« Un mois après la rencontre avec des responsables U.S. dont il est question dans le document divulgué du gouvernement pakistanais, un vote de censure a eu lieu au Parlement*, conduisant à la destitution de Khan du pouvoir », notent Grim et Hussain. « Le vote aurait été organisé avec le soutien de la puissante armée pakistanaise. Depuis lors, Khan et ses partisans sont engagés dans une lutte avec l’armée et ses alliés civils, qui, selon Khan, ont organisé son retrait du pouvoir à l’instigation expresse des USA.
[Voir aussi : Craig Murray : Le silence sur Imran Khan ]
Mardi, une ordonnance de la commission électorale pakistanaise a interdit à Khan d’exercer toute fonction publique pendant cinq ans. Imran Khan devrait contester cette décision et il fait actuellement appel de sa peine de trois ans de prison.
Le Pakistan a dissous son parlement mercredi, préparant le terrain pour une nouvelle élection à la suite de l’arrestation de Khan.
Lors d’un point de presse qui a fait suite au rapport de The Intercept, le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, a nié que les États-Unis aient « eu une préférence sur qui devrait être le dirigeant du Pakistan ».
Lorsqu’il a été invité à s’exprimer sur les commentaires spécifiques de Lu, qui semblent marquer une préférence pour l’éviction de Khan, Miller a déclaré qu’il ne pouvait pas parler de la véracité du câble, mais a suggéré que les commentaires de Lu dont il était question auraient pu être « sortis de leur contexte ».
Grim et Hussain ont rapporté mercredi que le Département d’État « a précédemment et à plusieurs reprises nié que Lu ait fait pression sur le gouvernement pakistanais pour qu’il destitue le Premier ministre ».
« Le 8 avril 2022, après que Khan ait fait allusion à un câble prouvant son accusation d’ingérence U.S., la porte-parole du département d’État Jalina Porter a été interrogée sur la véracité dudit câble », ont écrit les deux hommes. Porter leur a répondu : « Permettez-moi de dire carrément qu’il n’y a aucune vérité dans ces allégations ».
Hussain a écrit sur les réseaux sociaux que The Intercept a obtenu le câble secret de « sources au sein de l‘establishment militaire pakistanais, qui ont déclaré avoir été déçus par l’impact de la crise sur l’institution [l’armée, NdT] et dit qu’ils souhaitaient alerter le public et leurs camarades sur la vérité documentée de l’histoire ».
Comme Grim et Hussain l’ont rapporté :
« Pendant que le drame relatif au câble se déroulait en public et dans la presse, l’armée pakistanaise a lancé un assaut sans précédent contre la société civile pakistanaise, dans le but évident de faire taire toute dissidence et liberté d’expression qui avaient pu exister auparavant dans le pays.
Ces derniers mois, le gouvernement dirigé par l’armée a violemment réprimé non seulement les dissidents, mais également, au sein de ses propres institutions, les personnes soupçonnées de vouloir alerter, en adoptant la semaine dernière une loi qui autorise les perquisitions sans mandat et de longues peines de prison pour les lanceurs d’alerte. Secouée par les manifestations publiques de soutien à Khan – exprimées dans une série de protestations et d’émeutes de masse au mois de mai – l’armée s’est également dotée de pouvoirs autoritaires qui lui permettent de réduire considérablement les libertés civiles, qui criminalisent toute critique de l’armée, qui élargissent le rôle déjà très large de l’institution dans l’économie du pays et qui donnent aux chefs militaires un droit de veto permanent sur les affaires politiques et civiles.
Sunjeev Bery, directeur du groupe de défense Freedom Forward, a écrit, suite à l’histoire de The Intercept que « les USA ont passé des décennies à s’immiscer dans la démocratie pakistanaise et à perpétuer la pauvreté et le dysfonctionnement politique dans le pays », mentionnant le soutien passé des USA aux dictatures militaires du Pakistan.
« Je trouve profondément déprimant que l’administration Biden s’obstine aujourd’hui encore dans cette voie » a-t-il ajouté.
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* à trois voix près, ce qui avait suscité, dans le public international, quelques supputations sur qui étaient les trois « achetés » [NdT]
Source : https://consortiumnews.com/2023/08/10/us-urged-ouster-of-khan-cable-shows/
Source de C.N. : https://www.commondreams.org/news/imran-khan-secret-cable
Jake Johnson est rédacteur pour Common Dreams
Source d’origine : Pakistan Cypher Exposes U.S. Pressure to Remove Imran Khan (theintercept.com)
Ce qui se passe aux États-Unis contre Donald Trump est, tout le monde s’en sera rendu compte, la réplique exacte de ce qui se passe au Pakistan contre Imran Khan. Il est admirable de voir comment le modus operandi des criminels néo-cons reste sempiternellement le même. Sans doute parce qu’ils sont incapables d’en imaginer une variante.
URL de cet article : http://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/ce-sont-les-etats-unis-qui-ont-fait-pression-pour-que-khan-soit-destitue/
Août-Septembre 2023
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