Comment Téhéran s’insère dans la stratégie Russie-Chine

 

Pepe Escobar – The Saker.is – 12.8.2019

posé avec permission

 

 

 

 

Une image prélevée dans une émission de la télévision  de la République Islamique d’Iran le 22 juillet montre des vedettes rapides des Gardiens de laz Révolution patrouillant a utour du tanker Stena Impero, à l’ancre au large du port iranien de Bandar Abbas (Photo AFP/HD/IRIB)

Le mot “complexe” ne commence même pas à décrire le positionnement Iran-Russie sur l’échiquier géopolitique. Ce qui est clair, en ce volatile moment, c’est qu’ils sont partenaires, ainsi que je l’ai précédemment rapporté. Bien qu’ils ne soient pas des partenaires stratégiques, comme dans le cas du lien Russie-Chine, l’alliance Russie-Chine-Iran reste la triade cruciale dans le processus à facettes multiples du processus à long terme en cours de l’intégration eurasiatique.

Quelques jours après notre reportage de l’Asia Times, un article – se basant sur « des sources autorisées proches du régime iranien » et bourré d’accusations de corruption alarmistes autant qu’infondées et sur une ignorance absolue des questions militaires-clés – a prétendu que la Russie allait faire, des ports de Bandar Abbas et de Chabahar, des bases militaires avancées, avec sous-marins, forces Spetsnaz spéciales, avions de chasse polyvalents SU-57 et tout et tout, appliquant de la sorte une « mainmise russe » sur le Golfe Persique.*

Pour commencer, des “sources autorisées proches du régime iranien” ne révéleraient jamais des détails aussi sensibles se rapportant à la sécurité nationale, et surtout pas à des médias étranger, anglo-saxons de surcroît. Pour ma part, et bien que j’aie fait plusieurs séjours en Iran, lors de reportages pour l’Asia Times, alors que les autorités à tous les niveaux imaginables savent parfaitement d’où je viens, je n’ai jamais réussi à obtenir des réponses aux 16 questions détaillées que j’ai posées au Corps des Gardiens de la Révolution islamique il y a à peu près un mois. D’après mes interlocuteurs, elles sont estimées « trop sensibles » et – oui – affaire de sécurité nationale.

Comme c’était à prévoir, le reportage susmentionné a été entièrement démenti. Une de mes sources au sommet, à Téhéran, a été catégorique : « absolument faux ! » Après tout, la Constitution interdit formellement la présence de troupes étrangères sur le territoire national. Le Majlis – Parlement iranien – n’approuverait jamais une telle démarche, à moins d’un cas extrême comme pourrait l’être une attaque militaire US.

Tout comme dans la coopération militaire Russie-Iran, les prochains exercices militaires conjoints, « dans la partie nord de l’Océan Indien » y compris le Détroit d’Ortmuz, sont une première absolue, qui n’a pu être rendue possible que par un accord exceptionnel.

L’analyste Gennady Nechaev est plus près de la réalité quand il note que, dans l’éventualité d’une augmentation de la coopération Russie-Iran, il pourrait devenir possible qu’une base permanente soit aménagée dans un des ports iraniens, pour permettre à la flotte russe d’y stationner, à proximité d’un aéroport, arrangement qui serait identique à celui de Tartus & Hmeimin, sur la côte méditerranéenne de la Syrie. On n’en arriverait là, cependant, qu’au bout d’une route longue et sinueuse..

Et ceci nous amène à Chabahar, qui pose une question intéressante. Chabahar est un port de haute mer du Golfe d’Oman et un point-clé dans la mini-route de la soie envisagée par l’Inde. L’Inde a beaucoup investi à Chabahar, pour que ce port soit connecté à l’Afghanistan et à l’Asie Centrale par des autoroutes, et au Caucase, plus tard, par des voies ferrées. Tout cela afin d’avoir ses propres routes commerciales pour contourner le Pakistan.

Chabahar, cependant, peut également devenir un nœud important des Nouvelles Routes de la Soie, ou Belt & Road Initiative (OBOR). L’Inde et la Chine sont – tout comme la Russie –membres de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OSC). Tôt ou tard l’Iran en deviendra aussi un membre à part entière. C’est seulement alors qu’une possibilité « pourrait » survenir – et il faut insister sur le conditionnel – pour que la flotte russe (ou la flotte chinoise) soit occasionnellement autorisée à s’amarrer à Chandagar, mais toujours pas à l’utiliser comme base militaire avancée.

 

Y’a du pétrole, et il voyage

Sur l’Iran, le partenariat stratégique Russie-Chine fonctionne en parallèle. La priorité de la Chine est son approvisionnement en énergie – et Pékin joue ses coups sur l’échiquier en conséquence. L’ambassadeur de Chine auprès des Émirats Arabes Unis vient tout juste de lancer un ballon d’essai, en faisant savoir que Pékin pourrait envisager d’escorter des pétroliers traversant le Golfe Persique et le Détroit d’Ormuz. Cela pourrait se faire en toute indépendance ou – et c’est la carotte qu’on lui promène sous le nez – dans le cadre de l’Opération Sentinelle de Washington qui, pour le moment, n’a réussi à enrôler qu’un seul membre dans sa « coalition des volontaires » : le Royaume Uni.

Ce qui est réellement en train de se passer, en ce moment précis, dans le Golfe Persique, est de loin ce qu’il y a de plus amusant. Comme j’en ai eu confirmation par les négociants en énergie à Doha, le mois dernier, la demande actuelle en pétrole est plus forte qu’en 2018. En conséquence, l’Iran continue à vendre la plus grande partie du sien.

Un tanker quitte l’Iran avec son transpondeur éteint; le pétrole est transféré en haute mer sur un autre tanker et ré-étiqueté. Comme me l’a dit un trader : « Si vous retirez du marché un ou deux millions de barils par jour, que ce soit du Venezuela ou de l’Iran, en leur imposant des sanctions, et si vous y ajoutez les réductions de l’OPEP, vous verrez monter les prix. »

Or, il n’y a pas de hausse des prix. Le prix du Brent brut reste au même niveau depuis sept mois, à peu près à 60 US $ le baril. Ce qui signifie que l’Iran continue à vendre, principalement à la Chine. Et ce ballon d’essai lancé aux EAU pourrait bien être la Chine en train de camoufler ses incessants achats de pétrole iranien.

Le ministre des Affaires étrangères iranien, Javad Zarif n’en finit pas de prouver encore et encore sa maîtrise diplomatique en faisant somptueusement marcher l’administration Trump. Mais toutes les décisions capitales, en Iran, sont prises par le Guide Suprême, l’ayatollah Khamenei, et cela s’applique à la position de Téhéran vis-à-vis des formes de soutien à couches multiples du partenariat stratégique Russie-Chine.

Ce que les quelques derniers mois ont mis particulièrement en évidence, c’est comment la force d’attraction magnétique Russie-Chine s’exerce sur les acteurs-clés de l’Eurasie, l’Iran, la Turquie et le Pakistan. Autant l’Iran peut être extrêmement fier de son indépendance politique, autant il est rassurant de savoir qu’il est, et continue d’être, pour la Russie et pour la Chine, une ligne rouge à ne pas dépasser.

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* Observatus Geopoliticus s’en était fait l’écho, sur les Chroniques du Grand jeu (http://www.chroniquesdugrandjeu.com/2019/08/le-coup-de-maitre-de-moscou.html) et ici même.

Source : https://thesaker.is/how-tehran-fits-into-russia-china-strategy/

URL de cet article : http://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/comment-teheran-sinsere-dans-la-strategie-russie-chine/

Traduction : c.l. pour Les Grosses Orchades

 

Août 2019

 

 

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