Dissimulatio
qui fait suite à Mysterium, raconte comment le cardinal de Mazarin a provoqué la Fronde pour en venir à bout. C’est une page mal connue, même quand on croit la connaître, de l’histoire de France
Le synopsis du livre, sur le volet en anglais du site http://www.attomelani.net/ nous apprend que :
Dissimulatio donne une explication époustouflante sur les véritables origines de la Fronde, cette espèce de révolution française des grands de 1647 : c’est le cardinal Mazarin qui a secrètement provoqué l’insurrection dans le but de détruire le pouvoir du Parlement et de l’aristocratie, de consolider et d’accroître le pouvoir du roi. Dissimulatio est ainsi un roman policier littéraire basé sur des faits réels, et une réflexion sur la nature du pouvoir et le pouvoir des livres.
Dissimulatio commence où Mysterium finit.
Au printemps de 1647, Atto Melani et d’autres personnages de Mysterium arrivent dans la rade militaire de Toulon, sur le navire de la flotte militaire française qui les a recueillis, après qu’ils aient vécu toutes sortes d’aventures dans la mer de Toscane (un abordage de pirates, un naufrage sur une île déserte abritant de nombreux secrets…) qui constituent la trame de Mysterium.
Le groupe comprend le secrétaire chargé de chaperonner Atto – qui raconte ces livres à la première personne et dont on ne saura jamais le nom–, Atto lui-même et un groupe de musiciens italiens, dont son professeur bien-aimé le castrat MarcAntonio Pasqualini, dit le « Malagigi » et la compositrice et luthiste vénitienne Barbara Strozzi (ancien amour d’Atto et fille naturelle très émancipée de Luigi Strozzi). Ils se rendent à Paris, où ils sont attendus à la cour de France par le cardinal Mazarin, la reine mère Anne et le petit Louis XIV âgé de huit ans. Les Italiens sont censés chanter et jouer dans un nouveau et mystérieux spectacle musical dont on ne sait ni le nom ni le sujet.
D’après les rumeurs, il devrait s’agir d’un somptueux ballet donné en l’honneur du duc d’Enghien, grand héros de guerre en même temps que le gentilhomme le plus puissant et le plus riche du royaume, par ailleurs cousin du jeune Roi Soleil.
Mais le comportement de Mazarin est énigmatique. Il a réuni à Paris de nombreux musiciens grassement payés, mais il les laisse inoccupés. Le compositeur Luigi Rossi et le poète Francesco Buti font le pied de grue depuis un an à la cour de France, et Mazarin ne leur révèle toujours pas ce qu’il attend d’eux au juste.
Cette situation a déjà été un peu évoquée dans Mysterium, mais le mystère ne trouvera son explication que dans Dissimulatio.
La nuit précédant leur arrivée à la cour de France, dans la dernière auberge avant Paris, Atto Melani surprend Malagigi dans le lit de Barbara Strozzi. Leur amitié se transforme en rivalité amère.
À leur arrivée à la Cour, Atto et les autres personnages apprennent que quelques jours auparavant, Mazarin a enfin révélé leur tâche aux autres artistes : une mise en musique de l’histoire d’Orphée. Ce drame sera le premier opéra italien jamais créé en France.
[Le cadre historique et les détails sont tous vrais. L’Orfeo de Mazarin fut effectivement l’événement musical le plus important et le plus discuté de son temps. L’opéra a même joué un rôle dans le déclenchement de la Fronde et de l’insurrection contre Mazarin du peuple de Paris, pressuré par les collecteurs d’impôts italiens du cardinal et scandalisé par les énormes largesses faites à d’autres étrangers de même origine : chanteurs, musiciens, décorateurs, etc.].
Faut-il ajouter que le peuple parisien est savamment travaillé au corps par les Frondeurs aristocrates ?
Les artistes italiens sont désespérés : ils n’ont même pas deux mois pour créer un opéra, l’apprendre, le répéter et l’exécuter devant toute la Cour ! Le livret et la musique ne sont même pas écrits. Jacopo Torelli, l’architecte chargé des effets spéciaux, doit transformer, dans une hâte désespérée, toute la machinerie aérienne qu’il avait conçue pour un ballet au sujet diamétralement opposé.
À quoi joue Mazarin ? Personne n’en sait rien. La seule chose sûre est que les énormes sommes d’argent dissipées par le cardinal pour un événement somme toute assez frivole irritent les Français.
Un jour, lors d’une répétition de l’Orfeo, une main criminelle inconnue sabote la grande machine de scène céleste conçue pour le ballet du Grand Condé, qui s’écrase en manquant d’un cheveu tuer Malagigi. Mazarin, qui assistait à la répétition, assiste aussi à l’attentat. Le suspect le plus évident est bien sûr le jeune Atto, en raison de sa récente rivalité avec la quasi victime. Pour des raisons obscures, il refuse de se justifier et de dire où il se trouvait quand le ciel est tombé sur la tête de Malagigi.
Dans la panique qui suit l’« accident », Barbara Strozzi ramasse sur le sol du théâtre une curieuse feuille imprimée, qui s’est envolée de la table où était assis Mazarin. Elle ressemble à une page de livre et son contenu éveille tellement sa curiosité et celle du secrétaire, qu’ils décident de chercher ensemble à quoi elle peut bien se rapporter et, peut-être, démasquer le coupable.
Le secrétaire-narrateur et la charmante Vénitienne vont ainsi découvrir que le texte de la feuille provient d’un livre intitulé : Considérations politiques sur les coups d’État, prétendument publié à Rome, par un certain G.N.P. (vendons la mèche : « Gabriel Naudé, Parisien »), autrement dit le propre bibliothécaire de Son Éminence et compagnon de voyage, dans Mysterium, des autres protagonistes de Dissimulatio. [Le livre en question existe ; c’est une rareté pour bibliophiles, dont il se trouve un exemplaire à la BNF].
Si on les compare, la feuille ramassée par Barbara et le passage correspondant du livre de Naudé présentent quelques différences troublantes : le livre a l’air affligé d’un trou en son milieu, certains passages semblent avoir été coupés. Pourquoi ?
Ils finiront par découvrir que les passages manquants du texte sont la clé d’un très dangereux secret d’État…
La clé de Dissimulatio, c’est évidemment la personnalité de Mazarin – la vraie, pas celle des idées reçues.
En gros et pour résumer très fort, Giulio Mazzarini, homme d’une redoutable intelligence, a parfaitement compris, quand Richelieu l’a désigné pour lui succéder, qu’il ne serait jamais aimé ni même accepté des Français, quoi qu’il puisse faire pour les servir. Se justifier face aux calomnies ou répondre aux « mazarinades » n’aurait servi de rien.
Il a donc décidé de jouer le jeu à sa manière, sans en révéler à quiconque les règles.
La distribution des mazarinades
Ce petit passage du prologue en dit long :
Le plus sublime des dissimulateurs, le véritable champion en cet art, est celui qui sait le mieux prendre l’apparence d’un fou.
Il fera mine de croire ceux qui veulent le tromper, afin qu’eux-mêmes croient ce qu’il veut qu’ils croient. Il fera croire qu’il ne voit pas, mais il verra plus qu’aucun homme. Il jouera le jeu avec des yeux qui sembleront fermés, mais qui seront grands ouverts.
Ses ennemis seront frappés par la foudre avant même de voir l’éclair, ainsi que le dit Naudé, « l’exécution précède la sentence, tout se passe à la judaïque ».
Bref, le ballet décommandé in extremis et l’opéra-catastrophe, c’était exprès : de la provoc !
Ce qu’il en reste :
L’ORFEO de Luigi Rossi
https://operabaroque.fr/ROSSI_ORFEO.htm
et un tableau :
Atto Melani (Orphée et, ici, la Victoire)
couronnant MarcAntonio Pasqualini (Aristée)
Quand le Cardinal prend en mains les rênes de l’État, Louis XIV a huit ans.
Louis XIV en costume romain vers l’âge de 8 ans
Sa mère est régente. Mais la régente est, elle aussi, une étrangère (« Toutes les reines sont des étrangères », disait Cocteau) pas plus aimée que le cardinal. Cette aversion pour les reines forcément d’importation atteindra des sommets avec Marie-Antoinette.
Anne d’Autriche
Grâce à la Guerre de Trente ans qui a permis à ses talents de s’exprimer, le grand Condé vient de se couvrir de gloire (notamment à Rocroi) et tient le haut du pavé à la cour et dans Paris, avec son cousin d’Orléans, comme lui parent du roi, en bonne position pour une éventuelle succession au trône.
Louis II de Bourbon Condé, duc d’Enghien, dit Le grand Condé, vainqueur de Rocroi
La foule les adore (leurs gazetiers font ce qu’il faut pour cela) et il n’est question partout que d’un Grand Ballet qui doit être représenté à la Cour pour le Carême, ballet auquel participeront en personnes Condé et d’Orléans.
Ce n’est pas un caprice ni une fantaisie d’esthète, c’est une tradition française que de faire jouer, dans des ballets, au roi et à ses principaux parents, le rôle qu’ils jouent dans la réalité : celui des rouages dont tout dépend.
« Ici, en France, dans les ballets de Cour, les princes les plus puissants du royaume sont admis à danser, par manière de sceller leur participation au gouvernement. Pour un prince de la Cour, être contraint de rester parmi les spectateurs, c’est être privé du pouvoir qui lui revient de droit. Cela signifie, en d’autres termes, être en disgrâce. »
C’est si vrai qu’on a fait exécuter, par le scénographe italien le plus célèbre du temps, des « machines » reproduisant au ciel le rôle joué par ces nobles personnages sur la terre : le Soleil, les Planètes, les Étoiles, etc. vitraux colorés et miroirs tournoyant en l’air pendant que les détenteurs du pouvoir tournoient sur la scène en talons rouges.
Deux oeuvres aident à faite comprendre ce que trame en secret le cardinal : l’opéra vénitien La finta pazza (« La fausse folle » ou « La folle feinte ») du poète Giulio Strozzi (père de Barbara) ; représenté trois ans plus tôt au Petit Bourbon, et où, déjà, Melani adolescent a brillé, qui donne tout son sens à la citation du prologue,
Scène et décor de La finta pazza, où l’on voit déjà, dans le ciel, une des « machines » de Torelli
et, par ailleurs, le livre Considérations politiques sur les coups d´État de Gabriel Naudé (qui préfigure si étrangement celui de Malaparte), où l’auteur, bien plus cynique encore que Machiavel, préconise le « coup » non pas contre l’État, pour le subvertir, mais par l’État, pour asseoir et maintenir son pouvoir absolu.
Il y déplore longuement que, lors de la Saint Barthélemy, la reine Catherine ait fait « les choses à moitié ». Car, d’après lui, si elle avait osé tuer tous les huguenots, sans exception et très vite, en y employant une foule chauffée à blanc, personne ne lui aurait jamais rien reproché. Le fait accompli aurait imposé le silence.
Le passage qui manque au livre, sommet de la démonstration de Naudé révélé par les feuillets tombés aux pieds de Barbara, est le récit de la Conjuration des Pazzi, que le commanditaire du livre (le Contrôleur Général des Finances Particelli d’Emery) ne pouvait pas laisser publier parce que vraiment trop révélateur des intentions qu’il prêtait au Cardinal.
Pour rappel : La conjuration des Pazzi
Deux familles de banquiers rivales dans la ville de Florence : les Médicis et les Pazzi. Laurent le Magnifique et son jeune frère Julien exercent conjointement le pouvoir, mais il est de notoriété publique que Julien n’a aucune ambition personnelle et s’entend avec tout le monde ; que le pouvoir réel est exercé par Laurent, mais que ce pouvoir, limité par des lois, ne lui suffit pas et qu’il rêve de dictature. Les Pazzi lui reprochent non seulement ses ambitions mais ses exactions réelles de plus en plus grandes. Le peuple aussi déteste Laurent, qui l’écrase d’impôts. Et la situation avec les Pazzi s’envenime, jusqu’à ce qu’une réconciliation intervienne : tous ces gens s’embrassent on ne peut plus solennellement dans la rue, avant de pénétrer dans la cathédrale où ils assisteront de concert à la messe de Pâques. Les deux frères Médicis prennent place, comme d’habitude, par précaution, aux deux extrémités du chœur. Et, à peine le rite a-t-il commencé que les Pazzi félons se jettent sur les Médicis pour les massacrer, réussissent à faire une boucherie de Julien mais ratent Laurent, s’enfuient, sont rattrapés et mis en pièces en quelques heures (il n’y a pas un seul survivant), à la suite de quoi, la foule indignée continue à traquer les parents même éloignés et les partisans, réels ou non, des conjurés. Les Pazzi exécutés sont pendus aux fenêtres de la Signoria (d’où le célèbre dessin de Léonard de Vinci),
et les cadavres des autres (punis par « le peuple indigné ») jonchent les rues et débordent de l’Arno pendant des jours et des jours : Laurent, qui n’a qu’une vague égratignure, a interdit qu’on les enlève. Ils sont là, ils se décomposent et ils puent. Ils font partie du coup : le Magnifique réclame alors et obtient des pouvoirs spéciaux pour juguler le chaos et la terreur, et il rétablit l’ordre, c. à d. instaure son pouvoir absolu. Mission accomplished.
Personne, ni alors ni plus tard ; n’a jamais mis en doute la culpabilité et la malchance, voire l’incompétence, des Pazzi, personne n’a jamais fait allusion à une conjuration dont les victimes apparentes étaient les véritables auteurs, mais quand on énumère à la file et sans fioritures les faits indiscutables, comme Naudé doit l’avoir fait pour soutenir sa thèse, on arrive à une conclusion qui n’a jamais été retenue par personne, qui est celle des auteurs et, avant eux, ils en sont sûrs, la sienne, à savoir que Laurent de Médicis s’est débrouillé pour faire assassiner de façon horrible et voyante, sans doute par des sbires à lui, en pleine messe, son frère Julien – aimé de tous et de lui – selon toute apparence par des opposants à son pouvoir personnel qui n’avaient jamais fait mystère de leur opposition. Et que cela lui a permis de les massacrer à chaud avec toutes les apparences, aussi, de la légitimité et de l’indignation. À condition de faire très vite et de pas laisser une seule voix audible, c’était jouable. (C’est d’ailleurs ce que Hitler a failli réussir avec le Reichstag, en laissant vivre par erreur, mais pas pour longtemps, Marinus van der Lubbe.)
« Les intentions qu’il prêtait au cardinal » ? Oui, sans doute, à savoir : exacerber ses ennemis au lieu de les combattre, les pousser à l’acte enfin, c’est-à-dire à s’embrocher sur leurs propres armes en l’attaquant. L’histoire lui a donné raison.
Précisons que, dans son cas, dissimulation et duplicité étaient convoquées « pour la bonne cause », autrement dit pour conserver son trône au roi légitime, trop faible pour le défendre lui-même, et préserver par la même occasion l’intégrité de l’État (quand même un peu un et indivisible) que les princes du sang, s’ils eussent été vainqueurs, auraient eu tôt fait de mettre en pièces en se le disputant. (N’est-ce pas ce qui se passe en ce moment aux États-Unis ?) En se conduisant de la sorte, Mazarin n’innovait pas : Louis XI l’avait fait avant lui.
Quant à ceux qui, soit dit en passant, continuent de s’interroger sur l’étonnante mansuétude dont Vladimir Poutine ne cesse de faire preuve envers ses détracteurs occidentaux, ils pourraient essayer de comprendre en lisant l’histoire de Mazarin et de la Fronde.
Donc, pour résumer notre long brouet, Mazarin, chargé de défendre une veuve et un orphelin en bas âge, a empêché leurs ennemis – qui étaient aussi les siens – de jouer envers Louis le rôle de Laurent envers Julien. Il a sauvé la couronne en poussant les Frondeurs à l’attaquer trop tôt sans doute et dans le désordre. De héros nationaux qu’ils étaient ils se sont retrouvés accusés et bannis, voire punis, chose que personne n’aurait pu imaginer avant de l’avoir vu.
Il a été aidé, dans sa provocation à long terme, par des Italiens également haïs des Français : les banquiers qui avaient prêté au royaume beaucoup d’argent, tout en se réservant la haute main sur les finances du pays : Particelli (banquier à Lucques et, en France, Contrôleur Général des Finances), Cantarini et Cenami, autres banquiers de Lucques et d’ailleurs ses parents, tous grands trafiquants d’armes, ce n’est pas sans raison que cette guerre a duré trente ans. Tout en s’enrichissant à outrance, ils ont bien servi leur manipulateur. Mais lors de la Fronde, quand la réaction s’est abattue, il n’a pas pu les sauver : les Parlements les ont poursuivis et ruinés.
Il y avait un quatrième banquier dans l’affaire : un Allemand du nom de Hervart, natif d’Augsbourg, protestant, et de la mouvance des Fugger. Celui-là a réussi à passer entre les gouttes et peut-être même à faire chanter Mazarin. Il a donc continué à prêter de l’argent à la France comme il l’avait fait pendant la guerre de Trente Ans (à laquelle Mazarin a mis fin). Il a même financé les mercenaires et les armes qui ont permis à la France de voler l’Alsace à son propre pays. [Ceux qui ont chanté « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine », oubliaient un peu vite que l’Alsace n’était qu’un morceau d’Allemagne, « conquis » par les armes comme plus tard des tas d’autres colonies.] Enfin, le Teuton a fini Contrôleur Général des Finances du royaume, comme l’avait été avant lui l’Italien.
Très moral tout ça.
Cependant, il semble bien que Mazarin, tout en s’enrichissant lui aussi, ait été beaucoup plus désintéressé qu’on ne le pense. Deux choses en tout cas le suggèrent :
Les trois nièces de Mazarin, représentées en déesses
De gauche à droite : Olympe, Hortense et Marie, en Junon, Vénus et Diane
– Quand Louis XIV s’est épris de Marie Mancini et a voulu l’épouser, Mazarin s’y est opposé, a éloigné sa nièce et quasi forcé le roi à épouser une infante espagnole. Un autre aurait pu favoriser le mariage des tourtereaux, se serait retrouvé « oncle du roi » et, à vie, second personnage du royaume. Il a plutôt réussi à préserver la paix, que seul un tel mariage pouvait garantir.
– Sa très célèbre bibliothèque a fait en son temps grand bruit. Constituée avec beaucoup d’argent public, c’est vrai. Ce qu’on sait moins, c’est qu’il avait fait faire (à grands frais aussi) des copies à l’identique de ses acquisitions les plus précieuses (comme la Bible de Gutenberg, premier livre imprimé en Europe) et qu’il avait entreposé ces copies dans un lieu inconnu de tous, y compris de Naudé, seulement chargé de les lui procurer. Alors que la Cour était réfugiée à Saint-Germain, la foule déchaînée par la Fronde a mis la main sur sa bibliothèque et l’a détruite, ce qu’il avait sans doute prévu. La tempête passée et Louis XIV affermi sur son trône, il a sorti de leur cachette toutes les copies de ses trésors et les a données à l’État. C’est la Bibliothèque Mazarine d’aujourd’hui.
Ceux qui ont lu Secretum savent que Marie Mancini et Louis XIV n’ont jamais vraiment perdu le contact, même si la belle a été, par son oncle, mariée à un prince Colonna qu’elle a fini par plaquer pour vivre sa vie en toute indépendance, chose assez neuve pour l’époque. Ils savent aussi qu’elle et Atto Melani, devenus amis et peut-être un peu plus, se sont un jour mis à échanger une correspondance qui n’a cessé que quand elle est morte : quarante ans plus tard.
Ce qu’ils apprennent ici, c’est qu’au cours d’un troisième voyage à Paris, en pleine Fronde, Atto, castrat favori d’Anne d’Autriche, a chanté a capella dans sa chambre à coucher pour le petit roi qu’on avait emporté sans ses jouets. On sait que Louis, devenu grand, a dû s’en souvenir quand il a fait de lui son agent secret. Ce qu’on sait peut-être moins, c’est qu’Atto, de ce jour, n’a plus jamais chanté ni mentionné, dans aucun de ses écrits, la musique. Rita Monaldi et Francesco Sorti parlent de haine des castrats pour l’instrument de leur esclavage.
In cauda…
Il nous paraît évident que François Mitterrand s’est pris pour un nouveau Mazarin (ce n’est sans doute pas sans raison qu’il a prénommé Mazarine sa fille adultérine). L’ennui, c’est qu’il s’est pris pour le Mazarin des historiographes-perroquets, pas pour celui de Rita et Francesco.
Post Scriptum
Pour soutenir leur interprétation de Mazarin, les auteurs citent Lénine, et son « Tant pis ! Tant mieux ! » détourné par la calomnie. On ne peut pas s’empêcher de se rappeler que Curzio Malaparte les a balancés tous les deux dans son panier à « petits-bourgeois », avec Robespierre, Frédéric II, Cromwell et Lloyd George.
Mais qu’il a fini par ployer le genouil devant Mao Tse Toung…
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Juillet 2021
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