Dr. Jekyll et M. Hyde :
Les Assad et l’Occident
Evangelos Venetis – The Duran – 16.1.2025
Traduction : L.G.O.
[ Le Dr. Evangelos Venetis est un expert sur l’Islam et le Moyen Orient / evenetis.wordpress.com ]
Le renversement d’Assad en Syrie fait partie de la guerre en Palestine et, après la guerre au Liban, constitue l’escalade et la régionalisation tant attendues de la guerre au Moyen-Orient, avec pour enjeu la création d’un État palestinien indépendant. Elle s’inscrit également dans le cadre des efforts déployés par Israël et les USA pour stopper l’avancée de l’Axe de la Résistance par des frappes chirurgicales sur la structure dirigeante des pays et des organisations de l’Axe de la Résistance. Dans cette optique, le renversement d’Assad est un maillon de la chaîne de frappes contre Nasrallah, Haniyeh, Shinwar, etc. La différence dans le cas d’Assad, cependant, est qu’il s’agit d’un renversement total du régime laïc et pro-occidental quoique anti-USA qui a gouverné la Syrie pendant cinquante-quatre ans, avec Assad resté en vie et en exil. Le renversement d’Assad est comparable, par son ampleur, au renversement de Saddam Hussein en Irak en 2003.
En ce qui concerne l’avenir de la Syrie, le coup d’État qui a frappé Damas menace de ramener le pays à l’ère du chaos perpétuel d’avant 1970. Avec un contexte culturel et une mosaïque ethnique communs avec le Liban et avec l’interventionnisme constant de l’Occident, des USA et d’Israël, dans les affaires politiques du pays, la gouvernance de la Syrie après 1917 et surtout après 1945 a été un casse-tête constant pour les Syriens. Les coups d’État fréquents de 1945 à 1970 ont laissé la Syrie faible et divisée au milieu des guerres israélo-arabes. C’est le baasiste Hafez al-Assad qui, avec son fils Bachar, a su apporter la stabilité à la vie politique du pays pendant 54 ans, le gouvernant d’une main de fer et en faisant le principal allié arabe des Palestiniens, adversaire-clé d’Israël plus encore que Saddam Hussein. Le lourd tribut payé à la vie politique par les Syriens a été la persécution des éléments subversifs de la majorité sunnite qui, avec le soutien des USA et d’Israël, ont cherché à renverser les intransigeants Assad pour une seule et unique raison : parce qu’ils n’ont jamais accepté d’abandonner les Palestiniens en échange d’un régime co-dominant dans le Golan syrien occupé par Israël depuis 1967, comme l’a fait l’Égyptien Sadate en 1978 avec la péninsule du Sinaï.
C’est aussi la seule et unique raison pour laquelle l’Occident a diabolisé et combattu les Assad, coupant la vie politique intérieure de la vie politique extérieure de la Syrie en matière de communication. La question politique intérieure telle que vue par les Occidentaux : « comment les Syriens ont-ils supporté de vivre cinquante-quatre ans sous les Assad ? » trouve son parfait revers dans la question de politique étrangère « comment les Assad ont-ils réussi à gouverner pendant cinquante-quatre ans une Syrie rendue à tout prix ingouvernable par les USA et Israël, qui n’ont jamais cessé de les saper à coups de provocations, de coups d’État, de « printemps arabes » et d’asphyxiantes et inhumaines sanctions du type « Caesar Act » [signé par D. Trump en décembre 2019, NdT].
Aujourd’hui, tout l’Occident s’est précipité pour célébrer, peut-être un peu prématurément, le renversement d’Assad, oubliant ou voulant ignorer le caractère laïc et culturellement pro-occidental de son règne : alaouite lui-même, il a été un protecteur de toutes les minorités, en particulier des chrétiens lorsqu’ils ont été persécutés par l’État Islamique d’Irak (ISIS) allié à l’Occident, de même qu’il a toujours protégé les territoires palestiniens occupés par Israël. Cette politique d’Assad consistant à protéger toutes les minorités était en parfait accord avec celle revendiquée par l’UE qui, cependant, jonglant avec ses habituels deux poids deux mesures, l’a accusé des lacunes du système judiciaire syrien à l’égard des oppositions pro-occidentales.
Aujourd’hui, le caractère laïc de l’État syrien est remis en question. Si on en juge par l’Histoire, il n’y a aucune raison d’être optimiste quant à l’unité et à la stabilité du pays. Ceux qui sont aujourd’hui considérés comme les vainqueurs du renversement d’Assad pourraient demain découvrir que leur triomphe est une victoire à la Pyrrhus et se voir forcés de s’en repentir, comme cela s’est produit en 2003 après leur renversement de Saddam Hussein. Àlors, beaucoup de ceux qui, dans leur myopie, célèbrent aujourd’hui la chute d’Assad, se souviendront mais trop tard des jours de stabilité dans la Syrie d’Assad.
Source : https://theduran.com/dr-jekyll-and-mr-hyde-the-assads-and-the-west/
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Janvier 2025
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