Et ça vous étonne ?
La garden-party de Boris – une question plus urgente que le génocide yéménite
Gavin O’Reilly – TheDuran – 15.1.2022
Traduction : c.l. pour L.G.O.
Ces derniers jours, la nouvelle qui a dominé les titres de l’actualité britannique et, par conséquent, ceux du reste du monde occidental, est la controverse suscitée par la fuite d’un courriel confirmant la présence de Boris Johnson à une garden-party de Downing Street en mai 2020 – période où l’été est généralement à son apogée en Grande-Bretagne, et accessoirement, période où le pays tout entier était soumis à des mesures de confinement rigoureuses.
Bien qu’il ait présenté des excuses presque immédiates à la Chambre des Communes mercredi, M. Johnson a dû faire face à de pressants appels à la démission, non seulement de la part de l’opposition travailliste de Keir Starmer, des libéraux-démocrates d’Ed Davey et du SNP de Nicola Sturgeon, mais aussi de la part de membres éminents de son propre parti conservateur, tels que le chef des conservateurs écossais, Douglas Ross, le principal point de friction étant que les membres du public britannique n’ont pas apprécié de savoir qu’au moment où leurs proches étaient gravement malades, Johnson assistait à ladite garden-party au mépris des restrictions mises en place.
La controverse actuelle sur le « partygate » offre toutefois un criant contraste avec l’infime couverture médiatique occidentale du rôle clé joué par Boris Johnson dans ce qui est actuellement la plus grande crise humanitaire du monde : la guerre livrée au Yémen par l’Arabie Saoudite depuis maintenant sept ans – conflit qui a entraîné la pire épidémie de choléra de tous les temps, la mort de 10.000 enfants directement due aux violences de la guerre, et la mort de plus de 85.000 autres enfants, causée par la famine massive qu’elle a déclenchée.
En juillet 2016, dès sa nomination au poste de ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Theresa May, Johnson a approuvé la vente de plus de 1,2 milliards de £ d’armes fabriquées en Grande Bretagne à l’Arabie Saoudite alliée de Downing Street, le royaume du Golfe s’empressant aussitôt d’utiliser ces armes contre les infrastructures agricoles, de salubrité et de santé du Yémen, ce qui a provoqué l’épidémie de choléra et une famine meurtrière dans ce qui est déjà la nation la plus pauvre de la péninsule arabique, situation encore aggravée par le blocus saoudien, qui interdit à la nourriture et aux fournitures médicales d’entrer dans le pays.
Le soutien britannique à la guerre de l’Arabie saoudite va toutefois bien au-delà de ventes d’armes lucratives à Riyad. Avec des conseillers militaires britanniques présents aux côtés de leurs homologues américains dans la salle de commandement saoudienne pour aider à la sélection des cibles de l’armée de l’air royale saoudienne, il faut savoir que plus de 100 pilotes saoudiens ont également été formés sur les bases aériennes de la RAF en Grande-Bretagne au cours de la seule dernière décennie – ces deux politiques persistant depuis que Johnson est devenu Premier ministre en juillet 2019 – parallèlement aux ventes d’armes susmentionnées qui ont permis aux « entrepreneurs de défense » [en français : marchands d’armes] britanniques tels que BAE Systems de réaliser des bénéfices considérables.
Cependant, le rôle le plus déterminant, dans la décision de la Grande-Bretagne de soutenir la guerre au Yémen, est peut-être l’ambition géopolitique partagée par Downing Street avec les États-Unis et Israël, à savoir l’endiguement dans la région de l’Iran, ennemi de longue date de l’occident, exactement depuis que la révolution islamique de 1979 a vu le Shah, aligné sur les États-Unis et la Grande Bretagne, être déposé et remplacé par l’ayatollah Khomeini, anti-occidental et antisioniste. Ils accusent la République islamique de soutenir le mouvement rebelle Ansar Allah, plus connu sous le nom de Houthis, ce qui, après que ceux-ci aient pris la capitale du Yémen, Sanaa, et renversé le président pro-saoudien de l’époque, Abdrabbuh Mansur Hadi, au début de l’année 2015, a incité Riyad à lancer sa campagne aérienne, soutenue par les États-Unis et la Grande Bretagne, en mars de la même année, dans le but de rétablir le gouvernement de leur vassal à tous.
C’est également la raison pour laquelle, outre les contrats d’armement de plusieurs milliards de livres conclus entre Londres et Riyad, ce qui s’apparente désormais à un génocide du peuple yéménite facilité depuis sept ans par les États-Unis et la Grande Bretagne n’a fait l’objet que d’une infime couverture médiatique en Occident – en contraste quand même assez fort avec la garden-party organisée par un Premier ministre qui a lui-même tenu un rôle clé dans le massacre.
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Janvier 2022
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