Le Nom Propre de la Blessure : 

Abdelkébir Khatibi

 

Anatole Atlas, le 16 mars 2019

 

 

 

 

« Il y a entre le ciel et la terre des signes pour ceux qui savent. »

 

Cette révélation prophétique très mohammadienne conclut une lettre d’Abdelkébir Khatibi à Roland Barthes  –  relative aux avantages du beurre rance pour le couscous  –  publiée dans Sade, Fourier, Loyola.

 

« Nous avons cherché le lieu errant de notre parole… »

 

Cette intuition poétique très rimbaldienne ouvre une lettre d’Abdelkébir Khatibi à Tahar Ben Jelloun, publiée par celui-ci dans La Mémoire future.

 

« Tout m’encourageait à rester illisible : un étranger clandestin qui navigue dans la nuit entre deux langues. Illisible celui ou celle qui brouille le principe d’identité de la nation. Or, j’étais colonisé par cette nation (…) Tout l’édifice monumental, constituant la forteresse du legs patrimonial qui enferme la langue dans ses institutions et ses enseignements, est chaque fois à mettre en crise dans toute pensée, toute œuvre, toute invention, qui en bouleverse les données. Alors l’invention de la langue prend toute sa force de transformation, de mise en forme de la dissidence. »

 

Cette réflexion philosophique très khatibienne d’Abdelkébir Khatibi répond, dans une Lettre ouverte à Jacques Derrida, à la référence élogieuse faite par celui-ci à celui-là dans Le Monolinguisme de l’autre.

Ces trois occurrences figurent dans L’esprit de la lettre, brillant essai du poète Hassan Wahbi, qui fut l’ami de Khatibi – livre à la hauteur de l’un des plus inspirés joailliers méconnus de la langue française, mort voici juste dix ans. Combien de temps faudra-t-il donc encore aux humains pour qu’ils s’avisent de l’urgence d’un régime alimentaire indispensable à leur santé psychique : le diamant ?

Cette nourriture de l’esprit banale en Atlantide, sur une ligne reliant le Maroc à la Martinique, deux Atlantes en firent l’ordinaire de la marmite où bouillait leur écriture : l’auteur du Tout-Monde Edouard Glissant et celui de La Blessure du Nom Propre, Abdelkébir Khatibi.

Mais qui connaît Khatibi ? S’il fallait tenter une analogie sommaire avec un autre guerrier berbère (de qualité sinon de célébrité comparable), je citerais le nom du footballeur Zidane. Créer des illuminations qui élucident la pyramide sociale de la base au sommet, révélant le caractère frauduleux de ce qui lui tient lieu d’axe central, est le plus inexpiable des crimes : valant condamnation aux ténèbres. 

Le chantre de l’Aimance (forme de courtoisie supérieure) qui se voulait exote, étranger professionnel, autre de l’autre, voyageur en exil perpétuel, juif du Juif, explora des territoires où s’ouvre un troisième terme entre l’Un et l’Autre. Il fit de cette quête le thème d’un échange épistolaire avec Jacques Hassoun (Le même livre), qui demeure l’une des expériences intellectuelles et littéraires les plus abouties d’authentique dialogue judéo-arabe. C’était avant que les commandos de la Propaganda Staffel sioniste n’investissent tous les miradors médiatiques. Impossible, aujourd’hui, de se procurer Vomito Blanco ou Paradoxes du sionisme, sommets d’analyse indépassés concernant la colonisation raciste en Palestine !…

J’ai la conviction que ce drame historique, nimbé d’alibis transhistoriques, fut à l’origine de la maladie qui devait l’emporter à 71 ans, le 16 mars 2009. Pour paraphraser Mallarmé à propos de Rimbaud, Khatibi reste un migrant considérable

 

On peut retrouver Anatole Atlas sur :

www.spherisme.be

 

 

 

 

Le livre introuvable d’Abdelkébir Khatibi :

 

 

Abdelkébir KHATIBI

Vomito blanco : Le sionisme et la conscience malheureuse

Union Générale d’Éditions (10-18)  – 1974

177 pages

 

 

 

 

Voir ici la liste complète de ses œuvres :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Abdelk%C3%A9bir_Khatibi

 

 

 

 

 

 

 

 

16 mars 2019.

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