Mais de quoi on se mêle aux Grosses Orchades ?

 

 

 

 

 

Deux ou trois réflexions comme ça, en passant

 

Théroigne – 20.6.2019

 

 

« Il y a quelque chose de trouble, d’équivoque, de maladivement sexuel dans la tactique opportuniste de Hitler, dans son aversion pour la violence révolutionnaire, dans sa haine de toute forme de liberté et de dignité individuelles. Dans la vie des peuples, au moment des grands malheurs, après les guerres, les invasions, les famines, il y a toujours un homme qui sort de la foule, qui impose sa volonté, son ambition, ses rancunes, et qui “se venge comme une femme” sur le peuple entier, de la liberté, de la puissance et du bonheur perdus. Dans l’histoire de l’Europe, c’est le tour de l’Allemagne. Hitler, c’est le dictateur, la femme que l’Allemagne mérite. C’est son côté féminin qui explique le succès de Hitler, son ascendant sur la foule, l’enthousiasme qu’il excite dans la jeunesse allemande. »

Écrivait en 1931 Curzio Malaparte (Technique du coup d’État), qui n’a jamais été raciste pour un fifrelin, sauf envers les femmes.

 

 

Pauvre Hitler ! Ravalé au rang des gonzesses…

Et voilà que M. Unz, dans le sillage d’un certain Huddleston, journaliste US, en fait un passeur d’assiettes aux Alliés. Rien, décidément, ne lui aura été épargné.

La probité intellectuelle de Ron Unz est touchante (je le dis sans rire) mais il y a quelque danger à remplacer une idée reçue par son contraire, tout aussi reçue sans doute et pas nécessairement plus juste.

Ainsi, dans sa révision des rôles joués par les uns et les autres, passe-t-il de celui, officiel, que s’est attribué la France d’après 1945 (lisez sa classe dirigeante), à une variante de fantasme américain, ces fantasmes dont il ne faut jamais oublier qu’ils sont ceux de gens qui ne savent pas ce que c’est que d’être envahis, colonisés militairement, en quelque sorte réduits en esclavage. Sort qui a été en revanche celui de tant de pays d’Europe un nombre incroyable de fois dans l’histoire, et d’autant plus difficile à supporter quand on a été soi-même pendant si longtemps une puissance impériale et, bien sûr, impérialiste, comme cela a été le cas pour la France.

Il va si loin, Ron Unz, dans sa volonté de faire amende honorable envers lui-même pour ses opinions passées, que, pour un peu, il en canoniserait le Maréchal et clouerait aux portes des granges les épouvantails-Manouchians que seule une mort préventive a sans doute empêchés de se muer en féroces tondeurs de femmes et fomenteurs d’Auschwitz à la française d’après-guerre.

 

Mais ce qu’il y a de plus étonnant dans cet article de « La Pravda américaine », c’est l’étonnement de Ron Unz à la découverte que

 

« … au début des années 1940, les Français et les Britanniques se préparaient à lancer une attaque contre l’Union soviétique, alors neutre, utilisant leurs bases en Syrie et en Irak pour une offensive de bombardement stratégique visant à détruire les champs de pétrole de Staline à Bakou, dans le Caucase, alors une des principales sources mondiales de ce produit essentiel. »

 

Normal, pourtant, non ? Routine habituelle, pourrait-on même dire. Quand on est, comme nous, persuadés qu’Adolf Hitler n’a été propulsé au pouvoir – ou son ascension favorisée – qu’à la condition qu’il débarrasserait l’oligarchie internationale (française et anglaise incluses) de ces dangereux bolcheviques, et qu’il n’a été en fin de compte abandonné (combattu pour la forme) que parce qu’il n’avait pas réussi et qu’il fallait sauver ce qu’il restait des meubles, empêcher Staline d’arriver jusqu’à l’Atlantique (où il eût pu faire fusiller Franco, comme le rappelait si opportunément hier ou avant-hier Théophraste R.), on ne voit là rien que de très habituel, logique, bien dans l’ordre (ou le désordre) des choses capitalistes.

Ron Unz aurait peut-être intérêt à lire Dobson et Miller (des Anglais, ceux-là) sur le bombardement projeté de Moscou en 1918. Certes, c’était la guerre précédente – le nez pourtant sur un Armistice tant célébré partout, par tout le monde – et c’était Lénine, pas Staline, qu’il convenait d’attaquer…

 

 

Christopher DOBSON & John MILLER

THE DAY WE ALMOST BOMBED MOSCOW

Hodder & Stoughton Ltd; First Edition (1 Mar. 1986)

Cartonné – 288 pages

 

4e de couverture – De haut en bas et de gauche à droite :

Vladimir Ilyich OULIANOV (Lénine)  – David LLOYD GEORGE

Thomas WOODROW WILSON – Georges CLÉMENCEAU

Winston CHURCHILL – Lev TROTSKI

 

 

Mais si on remonte encore un peu plus dans le temps, faut-il rappeler la guerre de Crimée (1850-1857) qui n’avait pas, elle, l’alibi de la lutte héroïque des forces du bien contre les bolchos barbares puisque c’est au tsar que, cette fois-là, on s’en est pris. Ce dont ont rendu compte avec un talent qui n’excluait pas l’intégrité, deux autres Anglais : Tony Richardson, dans sa Charge de la Brigade légère, film inoubliable de 1968 et George MacDonald Frazer, avec Flashman at the Charge, roman non moins inoubliable de 1973. Quoi, des artistes ?! Hé, c’est que les artistes ont eux aussi des connaissances et des idées sur les choses, n’en déplaise aux journalistes.

On pourrait parler encore de la promenade franco-anglaise de Suez (1956), mais là, ce n’était pas contre les Russes. Ou si, quand même ?

Bref, si, sur l’histoire de France, Ron Unz avait consulté des historiens français non conformes – Henri Guillemin, par exemple – il aurait su qu’avant de se résigner pour gagner du temps au fameux pacte de non-agression Molotov-Ribbentrop, Staline avait fait de très sérieuses offres d’alliance à la France contre l’Allemagne nazie, et que le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Daladier, M. Georges Bonnet, rad-soc bon teint, l’avait fort proprement envoyé se faire foutre, préférant de loin le nazisme au bolchevisme. Je parle toujours, là, de la caste au pouvoir, pas de « toute la France ».

Ce qu’il ne sait pas non plus, M. Unz – mais quel Américain le lui dira ? – c’est que la France est, depuis des siècles, partagée en deux parties à peu près égales, antagoniques bien sûr, le pouvoir étant détenu tantôt par l’une tantôt par l’autre (jamais longtemps par la moitié « peuple »), avec des résultats souvent sanglants (la Commune, tiens, par exemple).

 

 

 

 

À propos de la Russie, ou plutôt de l’URSS, le lecteur aura vu que Ron Unz revient, en 2e partie de son papier, sur un sujet qu’il a déjà traité ailleurs, trop important cependant pour qu’on le laisse passer sans rien en dire. Je veux parler de sa conviction (et celle de pas mal de monde) que par « révolution bolchevique » il faut entendre « révolution juive » et que, depuis quelque temps, les juifs sont tenus pour responsables de toutes les atrocités qu’on lui prête généreusement depuis toujours. On ne vomit pas moins la Révolution. On a juste changé de responsables.

J’ai, comme lui, lu Soljenitsyne (Deux siècles ensemble) et il ne me viendrait pas à l’idée de minimiser le rôle des Juifs dans la Révolution d’Octobre. Mais enfin Lénine et Staline n’étaient pas juifs. Les Juifs de Russie, c’ était ± 4% de ± 60 millions de personnes en 1917 (148 millions en 1989). Attribuer à ces 4% les heurs et les malheurs d’un bouleversement qui a couvert trois quarts de siècle, c’est injuste à la fois envers les juifs et envers les Russes.

Dans la mesure où les juifs étaient majoritairement des citadins et les Russes majoritairement des ruraux, il est impensable qu’il n’y ait pas eu des affrontements nés d’un clivage qui est encore source de maux très graves aujourd’hui en France.

Mais dire que la Révolution russe n’a pas été faite par les Russes est une sottise engendrée par l’indignation légitime qu’éprouvent bien des gens, dont moi-même, envers les crimes sionistes d’aujourd’hui, en tout semblables aux crimes nazis d’hier. Je le répète : Lénine et Staline n’étaient pas juifs. Lev Trotski et Lev Farrakhan l’étaient, mais Emma Goldman aussi l’était. Or, elle a été, pour autant qu’on sache, assez mal traitée par ses frères bolcheviques, pour connaître ensuite les joies du bagne aux États-Unis, avant de revenir soutenir ces Républicains espagnols que de doctes Américains nous décrivent si anxieux de trucider des collabos français à la fin de la guerre… À quel titre, Emma ? Russe ? Juive ?

Les banquiers juifs ont prêté de l’argent aux bolcheviques ? Les banquiers – juifs ou non – prêtent de l’argent à tout le monde s’ils croient pouvoir en retirer du profit. C’est leur métier. C’est aussi leur métier – un des MM. Rothschild l’a proclamé – d’armer toutes les parties d’un conflit. Aussi, que M. Jacob Schiff ait financièrement soutenu les bolcheviques ne fait pas de ceux-ci des juifs, mais fait peut-être de M. Schiff quelqu’un qui a misé sur un cheval funeste à ses intérêts.

Enfin, puisqu’il a été (et sera sûrement encore, dans les travaux de Ron Unz) question de Staline – à sa place j’attendrais patiemment le résultat des travaux de Grover Furr (USA) et d’Andreï Fursov (Russie) avant de me faire une opinion définitive – je me permets de lui faire cadeau d’un document peu connu, garanti d’époque :

 

Cliquer 2 x sur l’image pour l’agrandir

 

Truman suggested

an

early meeting

of Big Three

Atlee, Stalin & himself

at Washington !!

Stalin said

« God Willing » !!!!

 

[Truman a suggéré un meeting rapproché des Trois Grands à Washington !!! Staline a dit « Si Dieu veut » !!!! ]

 

(Page manuscrite du Journal de John Cowper Powys à la date du 6 août 1945)

 

 

 

 

 

Sur Staline et Dieu, on consultera aussi l’interview donnée de sa prison française par Carlos à un compatriote vénézuélien, où il dit :

 

 « Communiste stalinien, je crois en Dieu comme le camarade Staline; lui, il était orthodoxe, moi je suis musulman. »

 

 

 

 

 

 

Le 21 juin 2019

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