Ouiiiiiiinnn !!
Nicolas – Les minuscules – 11 mai 2019
« Je me souviens fort bien que quand j’étais enfant, j’étais un monstre. »
Eugène Delacroix
Claire Nouvian. Retenez ce nom. Il est promis à un grand avenir. Non pas au quart d’heure de gloire que promettait cet imbécile d’Andy Warhol ; mais à une éternité de célébrité.
Cette femme, en effet, incarne la Modernité. Elle est le Progressisme fait homme. Enfin, femme.
Elle est le sectarisme, elle est l’intolérance ; elle est la Raison de droit divin, qui ne peut avoir tort.
Elle est le stupéfiant aplomb de l’inculte. Son absence totale de complexes.
Elle est l’illusion de toute puissance, qui assène ses certitudes du haut de son ignorance.
Elle est le refus de toute contradiction. La haine de tout contradicteur.
Elle est le dogme qui remplace la réflexion ; le catéchisme qui remplace le raisonnement ; l’insulte qui remplace l’argument.
Elle est l’impuissance argumentative faite femme.
« Vous êtes rétrograde ». « Vous êtes dingue ». « Climatosceptique ! » « Non mais c’est pas possible. » « Vous trouvez ça normal ? » « Au XXIème siècle. » « J’hallucine. »
Voilà l’arsenal « argumentatif » de cette membre éminente du cercle de la Raison (et de la Tolérance). Voilà comment cette immense penseuse entendait convaincre ses contradicteurs, lors d’un débat qui l’opposait, entre autres, à Élisabeth Lévy.
Élisabeth Lévy qui aurait pu, qui aurait dû ne faire qu’une bouchée de cette puritaine enragée. Élisabeth Lévy qui aurait pu, qui aurait dû tirer parti de l’extraordinaire ridicule dans lequel s’enfonçait, minute après minute, cette pudibonde furibonde.
Élisabeth Lévy qui, comme à son habitude, a fait n’importe quoi.
Aussi désastreuse à l’oral qu’efficace à l’écrit, Élisabeth Lévy a réussi l’exploit de ne pas ferrer un poisson si généreusement offert. Au lieu d’accentuer le contraste hautement comique entre la prétendue scientifique qui ne sait qu’insulter, et la supposée obscurantiste qui, elle, argumente, elle a réagi par mimétisme. A son tour elle s’est énervée, a fulminé, a insulté ; et a même menacé de quitter le plateau.
Quitter le plateau, au moment où on triomphe. Déclarer forfait, alors que son adversaire a perdu. Élisabeth Lévy est coutumière de ces réactions calamiteuses. Elle est, semble-t-il, dépourvue d’instinct de mort. Elle ne sait pas tuer. Au moment capital, elle perd ses moyens. Et ruine en une seconde l’ascendant inouï que lui offrent certains adversaires lamentables.
Il eût été aisé, pourtant, de rétorquer à cette inculte hargneuse que le recours aux insultes est un aveu d’échec. Qu’on insulte parce qu’on enrage de ne pas avoir d’arguments. Il eût été facile d’éreinter cette aigrie sur un mode ironique : « Ce qui est bien, avec les insultes, c’est que ça élève le débat. Et puis, ça révèle une grande richesse argumentative. On sent tout de suite qu’on va avoir droit à un échange de haute tenue. »
Ou, plus frontalement : « Quand on passe aux attaques personnelles, c’est qu’on n’a plus beaucoup d’arguments. »
Ou encore : « Quand on n’a plus d’arguments, il reste l’indignation ; et les incantations ; et les imprécations. »
Elle eût pu mettre des mots sur la vacuité idéologique de cette « scientifique », elle eût pu souligner son incapacité à articuler ne serait-ce qu’un argument :
« Vous ne contestez pas des raisonnements : vous attaquez des personnes. »
« Vous n’argumentez pas : vous vous indignez. »
« Vous ne formulez pas d’idées ; vous envoyez des insultes. »
Elle eût pu exploiter à son avantage tout le grotesque de cette femme capricieuse et hurleuse ; elle eût pu tirer parti du potentiel comique que recelait cette psychologie essentiellement infantile.
Comme la plupart des Occidentaux 2.0, en effet, cette Claire Navrante est un bébé dans un corps d’adulte. Un bébé capricieux, qui exige la satisfaction immédiate de ses moindres désirs ; et, s’il ne l’obtient pas, se met sans délai à hurler. C’est, en effet, son unique compétence.
Ainsi, à la table d’un débat, bébé Claire exige — en toute logique — que l’intégralité des participants pense exactement comme elle. Or ce n’est — étonnamment — pas le cas. Que va-t-elle faire ? Argumenter ? User de sa grande culture, de son immense intelligence, de son magnifique esprit scientifique et de ses prodigieux talents dialectiques pour démontrer la pertinence de ses opinions ? Que nenni. Contestée, bébé Claire, comme tous les bébés, n’a qu’un seul recours : hurler. Insulter. S’indigner. Et le lendemain, entre deux rugissements impuissants (et après une nuit qui, paraît-il, porte conseil), inventer le hashtag #JeSuisFolleDeRage.
Non pas #MeaCulpa. Ni #JaiRéfléchi. Encore moins #JaiEnfinDesArguments.
Rien, donc, qui pourrait dénoter un début d’approche adulte de la contradiction. Cette femme est un bébé colérique, et non seulement elle n’entend pas essayer de changer, de progresser (bien qu’elle adore le changement et le progrès), mais elle en est fière. #JeSuisFolleDeRage. La folie et la rage, donc, au lieu des arguments et des raisonnements. Voilà les armes de cet esprit logique. Voilà l’état mental de cette rugisseuse, qui s’imagine à l’avant-garde du combat pour la Science et la Raison.
Mais laissons de côté cette Claire obscurantiste. Ne l’accablons pas davantage : elle souffre bien assez de son indigence intellectuelle, et de son incapacité à argumenter. Il suffit d’observer ses grimaces atroces, ses prodigieuses contorsions de visage, ses terribles crispations de mâchoire, pour deviner que la détresse de cette femme est extrême. Qu’elle est son enfer à elle-même. Son châtiment, d’ailleurs, nous le connaissons : c’est de vivre dans la folie et dans la rage. Et c’est encore elle qui en parle le mieux : #JeSuisFolleDeRage. Rendons au moins hommage à son honnêteté.
Claire Navrante mérite donc non pas nos sarcasmes, mais notre compassion. Laissons donc de côté sa personnalité, pour nous concentrer sur ce qu’elle symbolise. Sur ce qu’elle révèle de notre époque.
Au-delà du cas pathétique de bébé Claire, en effet, c’est tout l’Occident contemporain qui est contaminé par la puérilisation du débat. Par l’impossibilité structurelle d’accepter la contradiction, découlant elle-même d’une intolérance structurelle à l’altérité, elle-même conséquence de l’égocentrisme infantile qui régit la plupart des grands bébés occidentaux. Égocentrisme infantile qui interdit à l’Occidental 2.0 de se mettre à la place d’autrui pour comprendre son point de vue.
Le sectarisme qui s’exprime sur les réseaux sociaux, la disparition quasi-intégrale des échanges d’arguments au profit des bombardements d’insultes et des braillements d’indignation, sont des symptômes de l’infantilisation de l’humanité occidentale. Ils montrent assez que nous n’avons plus affaire à des adultes usant de leur raison, mais à des bébés soumis à leurs pulsions. Twitter, notamment, n’est qu’une immense nursery de bébés enragés, où s’entrechoquent vainement des narcissismes en acier trempé. Je ne suis d’ailleurs pas certain que les fondateurs de Twitter aient choisi ce nom par hasard (tweet signifie « gazouillis »)… Je ne suis pas certain qu’il n’y ait pas un mépris oblique chez ces gens qui invitent l’humanité à perdre sa vie à piailler son indignation et à exhiber fièrement sa confusion mentale…
Il faut bien comprendre, en tout cas, que l’abolition de toute possibilité de débat n’est pas uniquement le fruit de l’abêtissement vertigineux de l’homme du XXIème siècle, de son inculture sans précédent, de son ignorance inouïe. Le naufrage intellectuel de l’Occident, bien réel, ne saurait suffire à expliquer l’extraordinaire déchaînement d’agressivité que suscite désormais toute controverse, même la plus futile. A ce naufrage intellectuel, évidemment incontestable, s’ajoute un naufrage bien plus grave, bien plus essentiel : un naufrage psychique.
Davantage encore que son intelligence, c’est la psychologie de l’homme contemporain qui est détruite. Davantage encore que son crétinisme, c’est son psychisme infantile qui lui rend insupportable le principe même de contradiction, corollaire immédiat du principe de réalité… Principe de réalité dont le bébé occidental, barbotant dans un narcissisme sans précédent, et exigeant l’assouvissement inconditionnel de ses pulsions, n’a plus la moindre idée. Régi exclusivement par le principe de plaisir, l’Occidental 2.0 n’est pas câblé psychiquement pour admettre l’existence d’une réalité insatisfaisante. Il résout donc toute contradiction par le déni (d’où son ignorance de presque tout). Puis, si cette contradiction persiste, par le mépris (d’où sa dérision envers presque tout). Et, si elle insiste encore, par la haine (d’où ses insultes envers presque tout). Une haine qui peut prendre des formes extrêmement virulentes, puisqu’elle est sa seule réponse aux vexations de la réalité — à l’exclusion de toute argumentation, discussion, ou, simplement, acceptation…
C’est le télescopage entre ses fantasmes de toute puissance, et les désaveux perpétuels du réel, qui rend l’homme contemporain perpétuellement enragé. Et fier de l’être. #JeSuisFolleDeRage.
Claire Navrante a au moins un mérite, et pas des moindres : elle a trouvé le slogan de l’Occident infantilisé. Le cri de ralliement de ces millions de bébés en trottinette (pléonasme), qui ne voient pas où est le problème à se translater, sérieux comme des papes, sur l’objet le plus ridicule que l’homme ait jamais créé. Mais le sens du ridicule n’est pas le fort des bébés. Pas davantage que le sens esthétique. Décomplexés par définition, les bébés ne peuvent se percevoir vulgaires. L’humilité, le doute, l’autocritique, sont incompatibles avec leur psychologie. Ils ne voient donc jamais où est le problème. Mais, bizarrement, ils sont perpétuellement fous de rage. #JeSuisFolleDeRage : voilà donc résumée la condition humaine, dans l’Occident du Progrès, des Lumières et de la Raison.
J’avais envie de conclure ce texte en esquissant quelques solutions de sortie de crise. J’avais envie d’écrire que ce qui manquait à ces bébés, c’était un père. Un vrai père. Pas un papa-poussette. Ni un papa-trottinette. Pas un papa castré de magazine féministe (ou féminin, c’est la même chose). Un père. Qui leur enseignerait les limites, les interdits, les exigences. Qui expliquerait à ces bébés que tous leurs caprices ne peuvent être assouvis ; que pour obtenir ce qu’ils souhaitent, ils doivent non pas brailler, mais travailler. Un père qui mettrait fin à leurs fantasmes de toute puissance ; qui tempérerait leur narcissisme d’un peu d’humilité. Un père qui les délivrerait de l’hégémonie du principe de plaisir, pour les ouvrir au principe de réalité.
Un père comme il y en avait des millions, à des époques où il n’y avait pas des millions de Claire Nouvian…
Oui, j’avais envie de développer quelques considérations sur la cause essentielle de cette puérilisation de l’Occident : la disparition des pères. A commencer par celle du Père…
Mais à quoi bon ? Je sais déjà avec quels « arguments » seraient accueillies ces réflexions, même par les mieux disposés de mes lecteurs. « Rétrograde ». « Réactionnaire ». « Dingue ». « Patriarcal ». « J’hallucine. » « Non mais c’est pas possible. » « Vous trouvez ça normal ? » « Au XXIème siècle ?!! » Rituel bien rodé. Objections prévisibles. Tout cela est devenu routinier. Comme est devenue routinière la phrase de Bossuet : « Dieu rit de ceux qui déplorent les conséquences dont ils chérissent les causes. »
Source : http://les-minuscules.blogspot.com/2019/05/ouiiiiiiin.html
On ne connaît pas du tout ce blog, qu’on découvre aujourd’hui, ni le Nicolas auteur de ce texte. Mais on se propose d’explorer davantage l’un et l’autre pour en savoir plus.
En gros, on ne sait pas s’il a raison sur Élisabeth Lévy, mais sur « les bébés », il sait assurément de quoi il parle.
Avec des nuances personnelles, on dirait que l’infantilisme dont il gratifie l’Occident, parce que l’Occident l’a, en fin de parcours, institutionnalisé, est largement partagé par le reste de l’humanité. C’est même la source, ou la racine si vous préférez, de tous ses maux. Et beaucoup des qualificatifs que lui inspire dame Nouviau iraient comme des gants à des tas de religions, de philosophies, de professions, de fonctions ou de personnes aux priviléges indiscutés puisqu’qu’établis de longue date. Dans la science comme ailleurs.
On l’a déjà dit ici, mais on peut le répéter : ce qui caractérise le bébé en bas-âge, ce sont ses deux pulsions principales : prendre et garder (mettez un seul de vos doigts à portée d’une menotte de nouveau-né et vous verrez) et se mettre à brailler, à gigoter ou à trépigner (si le bébé se tient déjà sur ses pieds), au moindre besoin, à la moindre envie, au moindre caprice, à la moindre contrariété. Faut-il préciser que ce sont ces deux pulsions fondamentales qui, lorsque les animaux humains étaient encore peu distincts des autres, a permis à l’espèce de survivre ? Avec les dommages collatéraux qu’on sait quand les bébés, en surnombre ou non désirés, étaient « exposés » pour attirer les autres bêtes sur lesquelles comptaient, pour les en débarrasser, leurs empiriques parents. Pères inclus, pères surtout.
Une phrase en effet peut prêter à controverse (ou à nuance). Cette phrase est : « J’avais envie d’écrire que ce qui manquait à ces bébés, c’était un père. » et la suite.
Oui, certes, à condition que le père ressemble plus à saint Joseph qu’à… à…. ou à…. Un père ou une mère, d’ailleurs. (Voyez ce que sont devenus les enfants Lamrani, élevés par leur mère parce que leur père était mort.) Bref, un père ou une mère, lui-même ou elle-même adulte. Si au moins un des deux parents ne l’est pas, les chances de croissance intérieure sont minces. Dans tous les cas et où que ce soit, pas seulement en Occident. Et ce n’est peut-être pas par hasard (quoique peut-être par miracle) si le petit François Rabelais, voué à la mort civile par un père qui l’estimait en surnombre et trahi par une mère incapable de s’opposer à son mâle, s’est élevé rigoureusement seul pour devenir un des plus grands adultes que la terre ait porté.
Pourquoi l’infantilisme est-il aujourd’hui plus visible et plus généralisé en Occident qu’ailleurs ? C’est que le dernier avatar en date de l’impérialisme (phénomène infantile au cube) se trouve aujourd’hui en Occident et chez les nomades (« Israël ») dont il est enkysté. Et qu’il s’y trouve confronté à sa fin prochaine. Mais ne voir cette racine des maux que là est se préparer à bien des déboires… et à une répétition du phénomène, ailleurs, tôt ou tard.
Pour ne prendre que deux exemples occidentaux criants : d’une part l’idolâtrie (le mot n’est pas trop fort) dont fait encore l’objet Napoléon Bonaparte, et la démonisation (le mot n’est pas assez fort) qui accable Maximilien Robespierre. À tort, dans les deux cas. Alors que les preuves matérielles, les faits, les témoignages – pour et contre – regorgent dans les deux cas. Alors que les preuves les plus indiscutables sont sur la table dans les deux cas. Qui s’est jamais soucié d’argumenter ? Personne. C’est partout la foire aux idées reçues.
À propos d’argument, le Pr. Faurisson en avait un, qui a empêché même les cours les plus frelatées de jamais le condamner : « Vos preuves ?! ». Qu’il eût raison ou tort.
Et si on exigeait de tous ceux qui veulent nous endoctriner à n’importe quoi d’aligner d’abord leurs preuves ? La plupart des animateurs de talk-shows radio-télés se retrouveraient au chômage. C’est peut-être pour cette raison qu’on n’y pense pas…
L.G.O.
Le 22 mai 2019
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