Pour le principe…
Un petit bout de pamphlet pour la route…
Céline chez les Soviets
Et puis voilà…
Nathalie, mon interprète, elle était tout à fait dévouée… parfaitement instruite, très régulière au boulot… Elle m’a montré tout ce qu’elle savait, tous les châteaux, tous les musées, les plus beaux sites… les plus renommés sanctuaires… les plus étonnantes perspectives… les anciens parcs… les Iles… Elle savait très bien toutes ses leçons… pour chaque circonstance… pour chaque moment… le petit laïus persuasif, la petite allusion politique… Elle était encore bien jeune, mais elle avait l’expérience des tourmentes révolutionnaires… des transbordements sociaux… des mondes en fusion… Elle avait appris toute petite… Elle venait d’avoir juste quatre ans, au moment de la guerre civile… Sa mère, c’était une bourgeoise, une actrice… Un soir de perquisition, y avait beaucoup de monde dans leur cour… sa mère lui avait dit comme ça, tout gentiment: « Nathalie, ma petite fille, attends-moi bien, ma petite chérie… Sois bien sage… Je vais descendre voir jusqu’en bas… ce qui se passe… Je remonterai tout de suite avec le charbon… ». Jamais sa mère n’était remontée, jamais elle n’était revenue… C’est les Bolchévics qui l’avaient élevée Nathalie, dans une colonie, près de la ville d’abord, un peu plus tard, très au Nord… Et puis après, en caravanes… Plusieurs années comme ça… tout à travers la Russie… Elle racontait les frayeurs, et la rigolade aussi des petits enfants… Toutes les pérégrinations !… Des années… qu’on évacuait tout le pensionnat quand les troupes ennemies rappliquaient.. Les « rebelles » d’abord le Kolchak… et puis le Wrangel… et puis encore le Denikine… Chaque fois, c’était une aventure à travers les steppes… ça durait des mois et des mois… tous les petits enfants trouvés… Il faut reconnaître, les bolchéviques, ils avaient fait tout leur possible, pour qu’ils crèvent pas tous et toutes comme des mouches… tout le long des pistes… Des fois, il faisait si froid, que les petits morts devenaient tout durs comme des petites bûches… Personne pouvait creuser la terre… On pouvait pas les enterrer. On les balançait du chariot, c’était défendu de descendre. Elle avait bien vu, Nathalie, toute la guerre civile… et puis ensuite les Kaoulaks pourris d’or !… Elle avait dansé avec eux… foiriné… mené fusiller des dizaines et des dizaines… Et puis ensuite les privations, encore, toujours, d’autres privations… biennales, décennales, triquennales, « quinquennales »… les torrents de jactance… maintenant elle guidait… Elle avait appris le français, l’allemand, l’anglais, toute seule… Il lui passait par les doigts, à « l’Intourist », les plus curieux hurons de la Boule… et puis infiniment de Juifs (95 pour 100)… Elle était discrète, secrète, Nathalie, c’était un caractère de fer, je l’aimais bien, avec son petit nez astucieux, toute impertinente. Je ne lui ai jamais caché, une seule minute, tout ce que je pensais… Elle a dû faire de beaux rapports… Physiquement, elle était mignonne, une balte, solide, ferme, une blonde, des muscles comme son caractère, trempés. Je voulais l’emmener à Paris. Lui payer ce petit voyage. Le Soviet n’a pas voulu… Elle était pas du tout en retard, elle était même bien affranchie, pas jalouse du tout, ni mesquine, elle comprenait n’importe quoi… Elle était butée qu’en un point, mais alors miraculeusement, sur la question du Communisme… Elle devenait franchement impossible, infernale, sur le Communisme… Elle m’aurait buté, céans, pour m’apprendre bien le fond des choses… et la manière de me tenir… la véritable contradiction !… Je me ratatinais. Il lui passait de ces éclairs à travers les « iris » pervenche… qu’étaient des couperets…
On s’est cogné qu’une seule fois, mais terrible, avec Nathalie… C’était en revenant de Tzarkoï, le dernier château du Tzar… Nous étions donc en auto… nous allions assez bonne allure… cette route-là n’est pas mauvaise… Quand je lui fais alors la remarque… à la réflexion… que je trouvais pas de très bon goût… cette visite… chez les victimes… cette exhibition de fantômes… agrémentée de commentaires, de mille facéties… Cette désinvolte, hargneuse énumération… acharnée, des petits travers… mauvais goût… ridicules manies « Romanoff »… à propos de leurs amulettes, chapelets, pots de chambre… Elle admettait pas… Elle trouvait parfaitement juste, Nathalie. J’ai insisté. Malgré tout, c’est de là, de ces quelques chambres, qu’ils sont partis tous en chœur, pour leur destin, les Romanoff… pour leur boucherie dans la cave… On pourrait peut-être considérer… faire attention… Non ! Je trouvais ça, moi, de mauvais goût ! Encore bien pire comme mauvais goût, cent fois pire que tous les Romanoff ensemble… Un vrai très mauvais impair de dégueulasses sales Juifs… Ça me faisait pas plaisir du tout de voir comme ça les assassins en train de faire des plaisanteries… dans la crèche de leurs victimes… Je me trouvais d’un seul coup tzariste… Car ils furent bien assassinés, mère, père, cinq enfants… jamais jugés, assassinés bel et bien, massacrés, absolument sans défense dans la cave de Sibérie… après quels transbahutages !… des mois !… avec ce môme hémophile… entre tous ces gardes sadiques et saouls, et les commissaires judéotartars… Enfin la grande rigolade… On se rend compte… L’intimité des morts… les pires salopes, avant de crounir… ça regarde plus personne… C’est pas toujours aux assassins de venir dégueuler sur leurs tombes… Révolution ?… Bien sûr !… Certes ! Pourquoi pas ?… Mais mauvais goût, c’est mauvais goût… Le mauvais goût du Juif, la bride sur le cou, c’est le massacre du blanc, sa torture. C’est la torture du blanc et le profond instinct du Juif, le profond instinct du nègre. Toutes les saturnales révolutionnaires d’abord puent le nègre, à plein bouc, le Juif et l’Asiate… Marat… Kérenski… Béhanzin,… l’Euphrate… le Vaudoo… les magies équatoriales… les esclaves aux requins… Saint-Domingue… c’est la même horreur qui surgit… Tout ça c’est la même sauce dans le fond… ça suinte de la même barrique… – Pourquoi ?… Pourquoi ?… qu’elle ressautait… Elle voulait pas, la carne, comprendre… Le Tzar, il était sans pitié!… lui !… pour le pauvre peuple !… Il a fait tuer !… fusiller !… déporter !… des milles et des milles d’innocents !… – Les bolchévicks l’ont bien promené pendant des semaines, à travers toute la Sibérie. Ils l’ont buté finalement dans la cave, avec tous ses gnières ! à coups de crosse !… Alors il a payé !… Maintenant on peut lui foutre la paix… le laisser dormir… – Il faut que le peuple puisse apprendre !… s’instruire !… Qu’il puisse voir de ses propres yeux, comme les Tzars étaient stupides… bourgeois… bornés… sans goût… sans grandeur… Ce qu’ils faisaient de tout l’argent ! les Romanoff ! des millions des millions de roubles qu’ils extorquaient au pauvre peuple… Le sang du peuple des amulettes !… Avec tout le sang du peuple ils achetaient des amulettes !
– C’est pas quand même une raison… Ils ont payé… C’est fini !… Elle était insultante, la garce !… Je me suis monté au pétard… Je suis buté comme trente-six buffles, quand une gonzesse me tient tête…
– Vous êtes tous des assassins ! que je l’ai insultée… encore pire que des assassins, vous êtes tous que des sacrilèges vampiriques violeurs !… Vous chiez maintenant sur les cadavres tellement vous êtes pervertis… Vous avez plus figure humaine… Pourquoi vous les faites pas en cire ?… comme chez les Tussauds ? avec les blessures béantes ?… et les vers qui grouillent ?… Ah ! mais elle rebiffait, terrible. Elle voulait pas du tout admettre… la petite arrogante saloperie… elle rebondissait dans la bagnole… Elle s’égosillait… « La Tzarine était pire que lui !… encore pire… Mille fois plus !… cruelle je vous dis !… Un cœur de pierre !… Elle ! la vampire !… mille fois plus horrible que toute la Révolution. Jamais elle a pensé au peuple !… Jamais à toutes les souffrances ! de son pauvre peuple ! qui venait la supplier !… À tout ce qu’il endurait par elle !… Jamais !… Elle avait jamais souffert elle !…
– La Tzarine ?… mais vertige d’horreur ! mais trombe d’ordures ! Mais elle avait eu cinq enfants ! Tu sais pas ce que c’est cinq enfants ? Quand toi t’auras eu le cul grand ouvert comme elle ! cinq fois de suite, alors tu pourras causer !… Alors t’auras des entrailles ! de souffrances ! de souffrances !… Purin !
C’est dire si j’étais en furie… C’était de sa faute ! Je voulais la virer de la bagnole !… Je me sentais plus ! de brutalité ! Je devenais tout Russe !…
Il fallut que le chauffeur il ralentisse… il arrête… qu’il intervienne, qu’il nous sépare… on se bigornait… Elle a pas voulu remonter ! elle était têtue… elle a fait tout le retour jusqu’à Leningrad à griffe. Je l’ai pas revue pendant deux jours. Je croyais que je la reverrais jamais… Et puis voilà, elle est revenue… C’était déjà oublié !… On était pas rancuneux… Ça m’a fait plaisir de la revoir. Je l’aimais bien la Nathalie. J’ai eu d’elle qu’une seule confidence, je parle une véritable confidence… quand je lui parlais de révolution… Je lui disais que bientôt, on l’aurait, nous aussi en France, le beau communisme… qu’on avait tous les Juifs déjà… que ça mûrissait joliment… alors qu’elle viendrait à Paris… que ça serait permis alors… qu’elle viendrait me voir avec un Juif… – Oh! vous savez, Monsieur Céline… c’est pas comme ça la révolution… Pour faire une révolution, il faut deux choses bien essentielles… Il faut d’abord avant tout, que le peuple crève de faim… et puis il faut qu’il ait des armes… toutes les armes… Sans ça… rien à faire !… Il faudrait d’abord une guerre chez vous… une très longue guerre… et puis des désastres… que vous creviez tous de faim… après seulement… après la guerre civile… après la guerre étrangère… après les désastres… Il lui venait des doutes… Jamais elle ne m’a reparlé de la sorte… Toujours elle était en défense… en attitude, plus ou moins… Jamais elle-même… Je l’estimais… Je l’aurais bien ramenée à Paris… C’était une parfaite secrétaire, secrète.
Bagatelles pour un massacre, Denoël, 1941 – pp 361-365
Pour lire tout le texte en pdf, c’est là,
chez – si je lis bien – lesenfantsdeYahwé.com multimedia
Un peu d’un autre :
Céline et le plus honnête homme de France
(On est depuis ses pages dans « les élites) :
La vie est courte, crevante, féroce, pourquoi hors peutt-peutt s’emmerder ? À quoi ça ressemble je vous le demande ! malheur aux ignares voilà tout ! Se casser le cul pour des clopinettes ? pour des rédemptions fantastiques ? des croisades à dormir debout ? quand c’est si facile de se défendre, de parvenir par la babine à port sûr, ravissant, fameux…
Certes faut être fumier de très bonne heure, faut que la famille s’en occupe, autrement ça se développe moins bien, c’est une question de premier âge, en plus d’heureuse hérédité, la bonne étoile c’est d’être bien né, sous des parents qui comprennent. Ça s’ensemence la vermine, ça se cultive tiède, à l’ombre, ça prolifère, c’est heureux, plus heureux foutrement que l’aigle qui croise là-haut dans les tempêtes.
La vermine quel avenir immense ! raisonnable ! coup sûr ! Les aigles il en reste presque plus ! Par Hiram bordel ! la Terre tourne ! Elle contient plus de mauvais que de bon ! Les jeux sont faits !
Je connais le plus honnête homme de France. Il se donne un mal ! Il se dépense ! Il est maître d’école à Surcy, à Surcy-sur-Loing. Il est heureux qu’au sacrifice, inépuisable en charité. C’est un saint laïque on peut le dire, même pour sa famille il regarde, pourvu que l’étranger soit secouru, les victimes des oppressions, les persécutés politiques, les martyrs de la Lumière. Il se donne un mal ! Il se dépense ! Pour les paysans qui l’entourent c’est un modèle d’abnégation, d’effort sans cesse vers le bien, vers le mieux de la communauté.
Secrétaire à la Mairie, il ne connaît ni dimanche ni fête. Toujours sur la brèche. Et un libre d’esprit s’il en fut, pas haineux pour le curé, respectueux des ferveurs sincères. Faut le voir à la tâche ! Finie l’école… à la Mairie !… en bicyclette et sous la pluie… été comme hiver !… vingt-cinq, trente lettres à répondre !… L’État civil à mettre à jour… Tenir encore trois gros registres… Les examens à faire passer… et les réponses aux Inspecteurs… C’est lui qui fait tout pour le Maire… toutes les réceptions… la paperasse… Et tout ça on peut dire à l’oeil… C’est l’abnégation en personne… Excellent tout dévoué papa, pourtant il prive presque ses enfants pour jamais refuser aux collectes… Secours de ci… au Secours de là… que ça n’en finit vraiment pas… À chaque collecte on le tape… Il est bonnard à tous les coups… Tout son petit argent de poche y passe… Il fume plus depuis quinze ans… Il attend pas que les autres se fendent… Ah ! pardon ! pas lui !… Au sacrifice toujours premier !… C’est pour les héros de la mer Jaune… pour les bridés du Kamtchatka… les bouleversés de la Louisiane… les encampés de la Calédonie… les mutins mormons d’Hanoï… les arménites radicaux de Smyrne… les empalés coptes de Boston… les Polichinels caves d’Ostende… n’importe où pourvu que ça souffre ! Y a toujours des persécutés qui se font sacrifier quelque part sur cette Boue ronde, il attend que ça pour saigner mon brave ami dans son coeur d’or… Il peut plus donner ? Il se démanche ! Il emmerde le Ciel et la Terre pour qu’on extraye son prisonnier, un coolie vert dynamiteur qu’est le bas martyr des nippons… Il peut plus dormir il décolle… Il est partout pour ce petit-là… Il saute à la Préfecture… Il va réveiller sa Loge… Il sort du lit son Vénérable… Il prive sa famille de 35 francs… on peut bien le dire du nécessaire… pour faire qu’un saut à Paris… le temps de relancer un autre preux… qu’est là-bas au fond des bureaux… qu’est tout aussi embrasé que lui question la tyrannie nippone… Ils vont entreprendre une action… Il faudra encore 500 balles… Il faut des tracts !… Il faut ce qu’il faut !… On prendra sur la nourriture… il compte plus ses kilos perdus… Il rentre au bercail… il repasse à l’action… prélude par une série de causeries… qui le font très mal voir des notables… Il va se faire révoquer un jour… Il court à la paille… En classe il souffre pour ne rien dire… Tout de même il est plein d’allusions surtout pendant l’Histoire de France…
Il leur fait voir que c’est pas rose aux mômes de la ferme à Bouchut d’être comme ça là, d’ânonner sur les preuves de 4 et 4, 8… et les turpitudes de Louis XVI pendant que peut-être là-bas au Siam y a un innocent qui expire dans les culs de basses fosses à nippons !… que c’est la pitié de notre époque… la jemenfouterie du coeur humain… Il en pousse des sacrés soupirs, que toute la classe est malheureuse… Il se relance dans les démarches… Il demande audience au préfet… lui plutôt timide de nature… Il l’engueule presque à propos de son petit coolie… qu’est là-bas tout seul et qui souffre dessous 400 millions de chinois… Il sort tout en ébullition… excédé… hurlant aux couloirs… ça lui fait un drôle de scandale.
Je l’ai rencontré, c’était en Mai, au coin de la rue de Lille et de Grenelle, il ressortait encore d’une démarche auprès de l’Ambassade des Soviets, toujours à propos de son nippon… Il avait tapé pour venir, pour faire les soixante pélos, deux commerçants de son village. Savoir comment ça finirait ! où l’emporterait sa passion !… On peut pas dire qu’il est juif, Bergougnot Jules il s’appelle, sa mère Marie Mercadier. Je les connais depuis toujours. Il est en confiance avec moi. Je peux en avoir avec lui. C’est un honnête homme.
— Dis donc, que je lui dis, un peu Jules… Tu veux pas me rendre un service ?…
— Ça dépend qu’il me fait… Je me méfie !… Avec les gens que tu fréquentes !… Enfin ça va, dis toujours…
— C’est pour Trémoussel qu’est mouillé… Tu sais ? « « la Glotte » ? Il s’est fait faire… Il est pas bien avec les flics… Il a manifesté à Stains… Il a cassé un réverbère…
— Tant pis pour lui, c’est un salaud !…
— Pourquoi tu dis ça ?
— Je le connais !… On a été grives ensemble… On a fait trois ans au 22… J’ai jamais pu l’encaisser… Il est pas parti à la guerre ?
— Non il est trépané de l’autre…
— Y en a des trépanés qui retournent…
— Oui mais pas lui, il se trouve mal, il a des crises…
— Il se trouve pas mal pour faire le con !…
— Mais c’est pour les juifs qu’il milite !… C’est pour eux qui s’est fait poirer, c’est pour l’assassin de l’ambassade…
— Ça fait rien c’est une vache quand même !…
— Pourquoi que tu lui en veux comme ça ?… C’est bien la première fois, dis, Jules que je te vois haineux pareillement… et quelqu’un qu’est dans tes idées… qui souffre aussi pour la cause…
— C’est vrai dis donc t’as raison… Je peux pas le blairer le Trémoussel !… On était camarades de lit… C’est pas un méchant garçon… mais il a quelque chose d’impossible…
Jules il est foncièrement honnête et consciencieux et tout scrupules… ça le chiffonnait ma remarque…
Il fit encore un effort.
— Eh bien tu vois au fond je vais te dire… Trémoussel je le connais bien !… ça doit être ça qui m’empêche… J’ai vécu trois ans côte à côte… les autres je les ai jamais regardés… je les connais pas pour ainsi dire… Et puis, tiens, je vais te dire toi grande gueule ! maintenant que je te regarde un petit peu… T’es pas beau ma saloperie ! T’es encore plus infect que l’autre… Ah ! Dis donc taille que je te revoie plus !… J’ai des relations moi tu sais !… Je te la ferai remuer, moi, ta sale fraise !…
Je voulais pas envenimer les choses… Je voulais pas d’esclandres dans la rue… surtout à ce moment-là… Je suis parti par la rue du Bac… Il a pris le faubourg Saint-Germain… Je l’ai jamais revu Jules… C’était un parfait honnête homme, il se dépensait sans compter. Il se donnait un mal, un souci ! Jamais vu pareil apôtre pour les choses qui le regardaient pas. C’était pas la gloire des honneurs, ça l’avait pas intoxiqué, même pas officier de la rosette.
Sans armes, sans avions, sans mitraille, à coups de pieds au cul, coups de poing dans la gueule, ça se serait déroulé la même chose, la même tatouille, la même déroute, même catastrophe.
Les nations ne vont pas mourir parce que les hommes d’État sont nuls, leurs gouvernements trop cupides, trop ivrognes ou trop pédérastes, tout ceci est sans importance, leurs ministres trop prétentieux, leurs ambassadeurs trop bavards, qu’elles-mêmes, ces nations capricieuses, sont devenues trop arrogantes, sursaturées de richesses, écrasées par leurs industries, trop luxueuses ou trop agricoles, trop simplettes, ou trop compliquées. Tout ceci est sans gravité, vétilles passagères, simples faits divers de l’Histoire.
Les beaux draps, N.E.F. (Denoël), 1941 – pp 43-47
Voir ici le texte intégral en pdf
http://lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/celine.pdf
Ces matières n’étant pas neuves…
à relire si vous voulez, sur notre ancien blog Skynet :
Coup de torchon
http://lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/notreblogskynet/coups-de-torchon-8797840.html
Réflexion personnelle, pour ce qu’elle vaut :
Il y a longtemps, bien longtemps que j’ai lu tout Céline. Je puis donc me tromper, mais je ne me souviens pas d’avoir jamais vu, sous sa plume, un mot contre Napoléon.
Il n’a pourtant fait de cadeau à personne (pas que les juifs !). Ils y sont tous passés :
Lénine et les 200 millions de la banque Loeb-Warburg… Ah, non, seulement 40…
Marat, pauvre Marat, traqué de cave en cave par les tueurs de Lafayette !..
Toussaint Louverture, torturé à mort par le Corse, pour lui faire dire où il avait planqué son magot inexistant…
Robespierre dont la vente de tous les biens, ajoutés à ceux de son frère, a dû rapporter soixante francs à ses assassins…….
« Pas un Robespierre qui résiste à deux journées sans caisse noire ». C’est ce qu’il a écrit de pire. Et de plus ingrat.
Mais, vous ne le savez pas que personne n’est parfait ? Que Céline, comme les autres petits-bourgeois de son temps a sucé les préjugés de sa classe avec le lait de sa mère, avant de se goinfrer de gré ou de force des fausses valeurs officielles dès la communale ? Et que, comme à son presque alter ego Malaparte, on lui avait inoculé au berceau le culte de l’empereur, vaccin sans lequel l’horreur de 14-18 n’eût jamais dépassé celle de la Bérésina, ni même existé peut-être ?
Ils sont tous morts. Qu’est-ce que vous attendez pour trier par vous-mêmes et juger mieux qu’eux ? En tout cas essayer de comprendre, ce serait déjà bien.
Théroigne
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9-11 novembre 2020
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