UN LIVRE

 

 

 

Robert Turcan

Héliogabale et le sacre du soleil

Albin Michel, 1985, 2016

283 pages

Résumé :

Un descendant de Bédouins fixés à Emèse, en Syrie, passe pour le fils adultérin d’un empereur assassiné. Il sert passionnément le culte d’un aérolithe qui passe pour figurer le soleil : Elagabal. Il continuerait volontiers à danser devant l’idole si une grand-mère avide de régner sous son nom ne le faisait proclamer empereur. Loin de renoncer à sa vocation sacerdotale, l’empereur-prêtre, qu’on surnommera Héliogabale, prétend imposer à Rome et aux Romains, à la barbe de Jupiter Capitolin, l’adoration de la pierre noire, ramenée des confins du désert. Rome réagit mal à cette volonté. L’exotisme audiovisuel d’une liturgie barbare choque son sens de la dignité. De surcroît, l’adolescent joue de son pouvoir pour jouir et régner autrement que ses prédécesseurs. Les gamineries, les farces cruelles, la gourmandise inventive, la sexualité frustrée ou pseudo-érotique de ce prince immature ont alimenté la chronique scandaleuse de l’historiographie romaine, qui fait paradoxalement d’Héliogabale un précurseur du premier empereur chrétien.

Ce règne éphémère ressemble aux Saturnales d’une révolution manquée, le tout sur fond de complot familial, avec une aïeule inquiète de perdre sa position à la cour et une tante soucieuse de pousser son fils Sévère-Alexandre sur l’échiquier du pouvoir.

Le cadavre de l’empereur-prêtre sera jeté dans le Tibre, en pâture aux poissons qu’il aimait naguère servir à table.

L’auteur :

Ancien élève de l’Ecole normale supérieure, ancien membre de l’Ecole française de Rome, professeur à l’Université de Lyon, Robert Turcan s’est consacré à l’étude des religions du monde romain, en particulier à l’archéologie figurée du dionysisme et des cultes orientaux (Mithra, Cybèle et Attis).

 

Ce livre existe aussi dans d’autres éditions : 

notamment Olivier Orban, 1988  et  Payot, 1997.

 

 

 

C’est John Helmer qui a levé ce lièvre. Après avoir dit, dans un autre article dont il fut question ici, que, d’après des scientifiques US, le président Donald Trump aurait un vocabulaire d’écolier de 9-10 ans.

Et du coup voilà que le comportement du POTUS s’éclaire.

Car…

 

 

 

 

Quand celui qu’Antonin Artaud appelait « l’anarchiste couronné » a été bombardé empereur de Rome, il avait 14 ans. Et il était « grande-prêtre du soleil », fonction qu’il semble avoir héritée de son grand-père (vérifiez), et dont il s’acquittait avec une sorte de fanatisme poussé jusqu’au délire. Mais était-il anarchiste, fou, ignorant, sexuellement dévoyé ? Non. Ce qu’il n’était pas et ne serait jamais, c’est : adulte. Avec, du jour au lendemain dans les mains, pour en faire ce qu’il voulait, des richesses et un pouvoir illimités.

Et qui allait, alors, exercer le pouvoir à Rome ? Sa grand-mère, sa tante et sa mère. Les trois terribles matriarches qui n’avaient pas encore abdiqué, en Syrie, le pouvoir que les Romaines avaient, pour leur part, déjà cédé aux hommes ou plutôt aux pères de famille (nuance).

Elles allaient le faire en se jalousant, en se combattant, en se servant de lui jusqu’à le faire massacrer, puis en se servant ensuite de son cousin, l’empereur suivant Sévère Alexandre, qu’elles réussiraient encore à faire couronner.

 

 

 

 

 

Elagabal, pierre noire d’Émèse.

 

 

Se rendre d’Émèse à Rome lui a pris un an, tant il s’est complu à s’arrêter partout pour faire adorer, par ses sujets, la pierre noire censée figurer sur terre l’astre dont il avait la charge et qu’il plaçait beaucoup plus haut que tous les empires du monde. Astre féminin pendant près de cent mille ans, devenu, peu de siècles avant sa naissance, astre mâle par la grâce du patriarcat en pleine ascension.

La grande prêtresse et ses devoirs plurimillénaires avaient ainsi été jetés sur les épaules de ce pré-adolescent. Qui se devait d’être « elle », quoiqu’au masculin, sinon l’astre ne se lèverait pas quand il le devait, interromprait sa course, cesserait de briller et qu’arriverait-il alors à la vie sur terre ? Terrible responsabilité, qui comportait des rites compliqués, inflexibles, dont un grand nombre de danses devant l’autel de la déesse-devenue-dieu figurée par cet aérolithe promené partout comme le serait un jour le Saint Sacrement des chrétiens. Responsabilités écrasantes, doublées, nous l’avons dit, d’un pouvoir absolu qu’il n’y a pas besoin de prendre ni de réclamer quand il suffit d’accepter la soumission volontaire des autres. Et vous aurez tous les ingrédients de l’issue fatale qui fera jeter, au bout de juste quatre ans, l’empereur démembré dans le Tibre.

 

 

 

13 mars 222

Assassinat d’Héliogabale (au fond) et de Soémias (à droite).

Gravure de J. Lepautre, XVIIe siècle.

 

 

Mais l’empereur amoureux d’une pierre est-il responsable de la chute de l’empire ? Sûrement pas. Et même il n’a pu devenir  cet empereur qu’à cause du lent effondrement du « Monde Connu », en train de mourir de ce qui l’avait fait naître.

Le Monde Connu qui s’effondre aujourd’hui contient juste quelques planètes supplémentaires, dont leur hybris pousse les Terriens à vouloir s’emparer et embrigader dans leurs guerres. Mais si les délires contemporains sur les genres démultipliés, leur diversification dans l’écriture, etc. vous sidèrent, c’est que vous n’avez jamais entendu parler de l’affaire des Bacchanales, qui a coûté la vie à des milliers de Romains et de Romaines, le jour où leur Sénat s’est réveillé de sa torpeur et a décidé de sévir. Si vous connaissiez leur histoire, vous ne vous étonneriez pas de ne plus voir autour de vous que des mercenaires d’origines panachées qui vont se faire battre dans toutes leurs guerres, à la place des cohortes de vos parents et amis faisant leur devoir de citoyens, et vous ne vous étonneriez plus de voir des gens sans aveu accumuler des coups d’État chez des tas de peuples qui ne leur ont rien fait, sous le nom abusif de « révolutions colorées ». Sans compter des quantités d’autres choses que vous sauriez, si vous aviez lu les livres qui vous les racontent.

Quel rapport avec Donald Trump, mise à part cette ressemblance dans l’agonie des empires ? Qu’est-ce qui le caractérise ? Son vocabulaire si limité, révélateur d’’un état de connaissances et des aptitudes qui en sont la conséquence, mais aussi son manque total d’éducation, de respect minimal d’autrui, de capacité d’analyse et de raisonnement. Bref, ce qui caractérise Donald Trump, c’est :  n’est pas un adulte et ne le sera jamais, il est trop tard.

 

 

Donald J., vieux enfant qui jongle avec un pouvoir et des richesses

apparemment illimités

 

 

Oui, mais, il est devenu milliardaire !

C’est vrai. Dans un pays où la pierre angulaire constitutionnelle est la sanctification de la richesse privée illimitée. Pour jouer dans ce cadre, il ne faut que maîtriser un comportement dont le schéma se rapproche plus qu’on ne croit de celui d’une danse sacrée.

C’est le schéma que Donald Trump a appris, très jeune, des hustlers juifs newyorkais dans la foire d’empoigne immobilière, modus operandi où il est devenu virtuose, au détriment de ce qui fait, partout, un homme complet.

Et c’est depuis lors qu’ils sont inséparables, eux et lui, sans qu’il y ait entre eux la moindre communauté ethnique ou religieuse. Cette technique du hustling en affaires n’’est d’ailleurs pas propre aux juifs. Ce n’est rien d’autre en fait que l’arme préhistorique des nomades, que l’on retrouve dans le comportement tout aussi erratique et déloyal de Recep Tayip Erdogan. Car les maîtres newyorkais de Donald Trump sont les descendants, non des Hébreux mais de Turco-mongols, dont on peut penser sans trop de témérité, que leur Grand Khan les a, au milieu du iXe siècle de notre ère, convertis de force au judaïsme, parce que cette religion était celle de nomades aussi invétérés que lui-même. Ces habitudes nomadiques qui ont fait tuer Caïn par Abel, et non l’inverse comme seul semble l’avoir compris Lord Byron, qui y a consacré un remarquable « mistère » en vers qu’on ne joue jamais sur aucun théâtre parce que les gens, depuis deux siècles, ont perdu l’habitude de réfléchir aux choses qu’ils ont trouvé tout implantées dans leur cerveau, que Flaubert appelait « idées reçues ».

Donc, le petit ou le très jeune Donald Trump a appris à jongler avec les tours de passe-passe de la famille (au sens mafieux) des entrepreneurs immobiliers peu encombrés de scrupules de New York. Il l’a fait si bien qu’il a même dépassé certains d’entre eux et en est devenu milliardaire. Et qu’il s’est arrêté là. Est-ce suffisant pour diriger un empire ou même seulement pour naviguer entre les écueils que rencontre tout homme à peu près adulte, et plus encore ceux qui se chargent de la destinée d’un pays et de ses habitants ?

La réponse est non.

Que va-t-il se passer dans le grand bac à sable où se joue notre sort ? Personne n’en sait rien, Donald Trump moins que quiconque. Dans leur quasi-totalité, les habitants de la terre (sans parler des animaux, des plantes, etc.) sont à la merci de beaucoup d’impondérables, à commencer par les conséquences imprévisibles des foucades de Donald J.Trump, immature.

Est-il un mauvais homme, en dépit du fait qu’il soit de facto génocidaire ? Pas nécessairement. Il n’est pas fini, c’est tout.

A-t-il eu le choix ?

Saint-Just ne le croyait pas mais disait qu’« il faut « faire comme si ». Et appelait ce fatum « la force des choses », que M. Martyanov appelle aujourd’hui « the strength of circumstances ».

Attendons et faisons face à ce qui s’avance au mieux de nos forces et de nos convictions.

L.G.O.

 

 

 

 

 

À preuve, un récent échange, sur Sonar 21,

 entre Larry Johnson et Alex Krainer

 

Voyez ce que deux hommes exceptionnellement intelligents se disent, tout à la fin de cette conversation où il est question de l’Iran, du Yemen et de la IIIe guerre mondiale qui pend à un fil, à propos de ce que représente pour eux Donald Trump, quand Larry Johnson dit « nous sommes enfermés dans un asile, avec des gens dont nous ne savons jamais ce qu’ils vont faire, s’ils vont nous embrasser ou nous sauter dessus pour nous massacrer, qui que nous soyons. ».

https://sonar21.com/what-to-expect-from-the-us-iran-negotiation-in-oman/

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Avril 2025