Grand retour du MacCarthysme
En quatre ou cinq fois pire
Mais procédons par ordre :
C’est aujourd’hui que s’achève, à Moscou, la version 2022 du :
Festival de musique et Tattoo militaire de la tour Spasskaya
dont c’est le 15e anniversaire.
Le festival international de musique et Tattoo militaire de la Tour Spasskaya est un événement annuel qui se tient à Moscou sur la Place Rouge. Participent au festival des groupes militaires russes et étrangers, des groupes folkloriques et des unités de garde d’honneur de pays étrangers. Plus de 40 pays ont pris part au festival depuis sa création. Y auront participé, cette année des groupes venus d’Arménie, du Belarus, du Venezuela, d’Égypte, d’Inde et de Thaïlande.
Dans une interview donnée à l’agence Tass le 24 août, le directeur artistique et fondateur du festival, Sergey Khlebnikov, a raconté comment, alors qu’il assistait, en 2006, au fameux Royal Edinburgh Military Tattoo, pour y glaner des idées, il avait rencontré la princesse Anne, qui l’avait interrogé sur sa visite et ses projets, « et j’ai répondu que j’étais venu pour étudier l’expérience d’un festival international de musique en vue d’en créer un moi-même à Moscou. Et elle m’a dit que nous réussirions, car nous avons une scène et un environnement magnifiques : la Place Rouge et la cathédrale Saint-Basile. La visite de Moscou et du Kremlin l’avait beaucoup marquée. »
C’était en 2006. « Sa prophétie s’est réalisée », ajoute M. Khlebnikov.
La musique militaire n’est pas vraiment notre tasse de lait, mais pendant qu’ils font ça, ils ne vont pas au café.
Ce récit a ravivé un de nos propres souvenirs, également lié à la princesse Anne : celui d’une représentation de la version écossaise de Candide, à laquelle elle assista en compagnie du compositeur, à Glasgow, en 1988.
Ce n’est pas notre version préférée, qui reste celle – en concert – de Vienne (Autriche) mais nous y avons pourtant pris un plaisir extrême, d’autant que Leonard Bernstein en avait profité, là aussi, pour donner, du balcon, une espèce de conférence au public, sur l’histoire d’une partie inoubliable de sa vie : celle de l’époque où le sénateur MacCarthy et ses sbires avaient fait de celle de tant d’artistes un enfer… ce qui les avait poussés Lilian Hellman, lui-même et quelques autres, à composer cette œuvre en manière de résistance.
C’est avec le sourire de l’heureusement rescapé qu’il évoquait la confiscation de leurs passeports pour les empêcher – abominables communistes qu’ils étaient, gggrr ! gggrrr ! – de quitter le pays.
Il est mort aujourd’hui, mais quel effet cela lui ferait-il de se trouver soudain nez à nez avec le maestro Guerguiev, saqué par la Scala de Milan pour avoir refusé de diffamer le président élu de son pays ? Ou avec le grand danseur Sergueï Polounine, saqué par l’Opéra de Paris pour s’être fait tatouer un portrait sur l’estomac ? Que ressentirait-il à voir la chasse aux sorcières de ses années 1950 renaître de ses cendres en quatre ou cinq fois pire, et non plus seulement à Hollywood et à New York, mais dans tous les États-Unis et au Canada, dans toute l’Europe et jusqu’à dans l’Australie et la Nouvelle Zélande, sans oublier Israël ?
Cette vidéo de la BBC représente la première mondiale de la version du Scottish Opera, de 1988, du Candide de Voltaire, avec la musique de Leonard Bernstein, et la mise en scène de Jonathan Miller
Pour les mordus…
Notre version préférée entre toutes :
Leonard Bernstein « Candide » (English subtitles) – YouTube
Où la maître évoque également très longuement ses tribulations… en anglais. Les sous-titres en français ont disparu. Vive notre provincialisme ! Mais enfin, il y a Christa Ludwig et une distribution absolument parfaite.
Mis en ligne le 4 septembre 2022
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