Ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie

 

 

Allocution du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et réponses aux questions des médias arabes,

Moscou, 13 octobre 2025

 

Dances with Bears – 15.10.2025

Traduction : c.l. pour L.G.O.

 

 

 

 

 

Transcription de

 

VIDÉO  –  01:16:51

 

 

Bon après-midi, chers collègues,

Je suis heureux de vous accueillir au ministère des Affaires étrangères.

Je sais que les invités venus couvrir le sommet russo-arabe sont ici depuis un certain temps déjà et ont eu l’occasion de visiter Moscou et plusieurs autres régions russes.

Vous connaissez les circonstances qui nous ont menés là où nous en sommes aujourd’hui. Les préparatifs du sommet sont en cours depuis longtemps, mais il est désormais clair que cette semaine, y compris aujourd’hui, jour où le sommet devait s’ouvrir, sera décisive pour faire avancer les accords sur la bande de Gaza, accords qui ont été vigoureusement promus par nos amis égyptiens et qataris. Le président Trump a présenté son plan, que nous avons à plusieurs reprises jugé comme étant la meilleure option disponible sur la table des négociations, même s’il ne traite bien sûr pas tous les aspects de la question palestinienne. Il est néanmoins essentiel de mettre fin au plus vite aux effusions de sang et de s’attaquer aux graves problèmes humanitaires auxquels est confrontée la population.

Des milliers d’habitants de Gaza rentrent chez eux. J’ai du mal à imaginer comment ils vont vivre là-bas, mais il vaut mieux reconstruire sa propre maison que de vivre constamment sous les bombardements et dans la peur quotidienne pour la vie de ses enfants, de sa famille et de ses proches.

Nous souhaitons sincèrement que l’événement d’aujourd’hui, le sommet de Charm el-Cheikh, qui rassemble des représentants de plus de 20 pays arabes et d’un certain nombre de pays occidentaux, soit couronné de succès. J’espère que tous les accords seront mis en œuvre, même si nous entendons tant le Hamas que Tel-Aviv dire que la situation n’est pas encore entièrement résolue et que d’autres crises pourraient éclater. Il est important, à mon avis, que ceux qui ont lancé ce forum, en premier lieu le président Trump, avec le soutien du président égyptien et des dirigeants du Qatar et de la Turquie, empêchent de tels scénarios et se concentrent sur un cessez-le-feu immédiat, le respect de la ligne convenue pour le retrait des troupes israéliennes de la bande de Gaza, l’organisation de l’aide humanitaire et la reconstruction de ce magnifique endroit sur Terre qui, peut-être plus que tout autre territoire au monde, a souffert pendant les années d’après-guerre.

Il ne fait aucun doute qu’un règlement durable n’est possible que par la mise en œuvre des résolutions de l’ONU sur la création d’un État palestinien. Nous avons noté que le plan de paix du président Trump ne mentionne que la bande de Gaza. Il évoque la création d’un État, mais en termes assez généraux. Ces approches devront être clarifiées et il faudra également déterminer ce qu’il adviendra de la rive occidentale du Jourdain, car les résolutions des Nations unies envisagent la création d’un État palestinien unique et territorialement intégral à l’intérieur des frontières de 1967..

Il y aura des questions sur la façon dont nous voyons cette situation évoluer. Par exemple, comme la grande majorité de la communauté internationale, nous restons déterminés à mettre en œuvre ces résolutions. Compte tenu du projet d’organiser aujourd’hui, en début de semaine, un événement spécial et crucial consacré à la question palestinienne, le président Vladimir Poutine est parvenu à un accord avec le Premier ministre irakien Mohammed Al Sudani et le secrétaire général de la Ligue des États arabes pour reporter notre sommet. Je suis convaincu qu’il aura lieu dès que les dates les plus appropriées auront été fixées. Les documents finaux sont pratiquement prêts, nous aurons donc toujours l’occasion de nous réunir lorsque vous reviendrez pour ce somme-là.

Nos relations avec nos amis arabes progressent régulièrement. La Ligue des États arabes a démontré sa valeur et consolide son rôle de pilier essentiel du monde multipolaire émergent, en participant de plein droit, de manière active, aux affaires mondiales, dans les domaines économique et financier, et en contribuant de plus en plus à la résolution des problèmes régionaux et, plus largement, politiques. Nous avons observé une croissance soutenue du chiffre d’affaires commercial avec les États membres de la Ligue, qui dépasse désormais 34 milliards de dollars. Si ce chiffre est modeste par rapport aux volumes commerciaux que les États-Unis et la République populaire de Chine entretiennent avec le monde arabe, il est toutefois plusieurs fois supérieur au chiffre d’affaires commercial enregistré il y a vingt ans. Je peux vous assurer que nous sommes sur la bonne voie : la dynamique de croissance est positive.

Notre coopération va bien au-delà des secteurs de l’énergie, du pétrole et du gaz. Nous collaborons notamment au sein de l’OPEP+ et du Forum des pays exportateurs de gaz. Un nombre croissant d’États de la région manifestent leur intérêt pour notre expertise dans les domaines des technologies nucléaires, de l’énergie nucléaire et des applications non énergétiques de l’énergie nucléaire. Un projet phare à cet égard est la construction de la première centrale nucléaire égyptienne, El Dabaa. Nos partenaires arabes manifestent également un vif intérêt pour la coopération agricole, notamment pour l’approvisionnement en produits alimentaires et en engrais russes.

En outre, dans le domaine de la coopération culturelle, nous entretenons traditionnellement des liens éducatifs étroits avec de nombreux États arabes, pratique qui remonte à l’époque soviétique. Des milliers d’étudiants originaires des pays membres de la Ligue ont fait leurs études en Russie et continuent d’étudier dans le cadre des quotas annuels accordés par le gouvernement de la Fédération de Russie. Le tourisme se développe au niveau bilatéral. Nos citoyens apprécient beaucoup de visiter vos pays, avec leurs splendides stations balnéaires, tandis que nous accueillons chaleureusement un nombre croissant de visiteurs arabes en Fédération de Russie.

D’importants projets culturels sont en cours, visant à promouvoir les réalisations de nos nations respectives dans ce domaine. Des initiatives telles que les Saisons russes, organisées dans plusieurs États, en particulier dans les pays du Golfe, ont été accueillies avec enthousiasme, et ce modèle est désormais reproduit ailleurs.

Nous avons été ravis de la participation de représentants arabes au Concours international de chanson Intervision. Des artistes venus d’Arabie saoudite, du Qatar, des Émirats arabes unis et d’Égypte ont pris part à cette fête musicale, qui s’est tenue le 20 septembre dernier et qui a été très bien accueillie. Comme vous le savez, nos amis saoudiens ont déjà invité le concours dans leur pays l’année prochaine. Nous ferons tout notre possible pour soutenir cette initiative et assurer une forte participation russe.

En conclusion, je tiens à souligner qu’au cours des vingt dernières années, nous avons accumulé une expérience considérable. Celle-ci nous a permis de préserver les meilleurs aspects de nos relations datant de l’ère soviétique. Je vous rappelle que l’Union soviétique a été le premier État à reconnaître l’indépendance de ce qui est aujourd’hui le Royaume d’Arabie saoudite. L’héritage de ces contacts historiques continue de nous être utile aujourd’hui, en nous fournissant une base solide pour établir des relations à long terme. Tout le monde n’approuve pas le partenariat entre la Russie et le monde arabe. Certains cherchent à relancer les petits jeux coloniaux et néocoloniaux, à diviser pour mieux régner. Nous savons parfaitement qui sont ces acteurs. Leurs habitudes n’ont pas disparu. Néanmoins, la tendance fondamentale reste le développement de relations constructives fondées sur le respect mutuel, la prise en compte des intérêts de chacun et la consolidation d’un équilibre stable entre eux.

 

 

*****

 

 

QUESTON : L’événement qui suscite le plus d’intérêt dans l’actualité internationale aujourd’hui est le sommet de Charm el-Cheikh. Vous avez déjà exprimé votre scepticisme général quant au succès de ce format. Comment évaluez-vous le succès de cet accord de cessez-le-feu ? Pourrait-il déboucher sur un processus de paix à part entière entre Israël et la Palestine ? La Russie a-t-elle l’intention d’y assister ou de se joindre à ce processus ?

QUESTION COMPLÉMENTAIRE : Je viens de relire la liste des pays qui participentt au sommet de paix de Charm el-Cheikh. Elle comprend plus de 20 États représentés à différents niveaux : chefs d’État, ministres et l’ambassadeur du Japon lui-même a été invité. Pourquoi la Russie ne participe-t-elle pas à ce sommet, malgré son rôle de médiateur de longue date dans ce conflit au sein du Quartet, malgré ses contacts constructifs récents avec Israël et le Hamas et malgré son rôle positif dans la libération de certains otages ? Pourquoi la Russie n’est-elle pas à Charm el-Cheikh aujourd’hui ?.

 

SERGUEÏ LAVROV : Ce que je peux vous  dire, c’est que les invitations ont été envoyées par les hôtes du sommet : les dirigeants égyptiens, qui auraient coordonné leurs actions avec d’autres initiateurs arabes, mais principalement avec les États-Unis. Soit dit en passant, le Premier ministre irakien Mahmoud Sudani n’a pas non plus été invité au sommet de Charm el-Cheikh, quoique l’Irak occupe actuellement la présidence de la Ligue arabe.

En ce qui concerne la participation del’ambassadeur japonais, je crois que le vice-président américain J. D. Vance a déjà déclaré que Gaza devra être reconstruite. Il a souligné que les États-Unis espèrent que les pays arabes assumeront une grande partie du fardeau. Le Japon participe régulièrement aux efforts de reconstruction, ce qui a peut-être été un facteur déterminant.

La Russie est prête à participer à n’importe quel format. Vous avez mentionné le Quartet : il a été sapé par la politique de l’administration Joe Biden, malgré les accords importants qu’il avait conclus, notamment la feuille de route adoptée en 2003 par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui définissait les étapes détaillées nécessaires à la création d’un État palestinien.

Ce processus devait être achevé dans un délai d’un an ; le Quatuor a présenté la résolution, et le Conseil de sécurité l’a approuvée à l’unanimité. Nous savons tous ce qui s’est passé ensuite.

Plusieurs initiatives ont ensuite connu le même sort, sans parler des Principes de Madrid de 1991 et de l’Initiative de paix arabe de 2002, qui ont été largement salués mais n’ont abouti à rien. Quant aux perspectives du sommet d’aujourd’hui, si nous saluons tous les efforts visant à rétablir la paix (comme l’a récemment souligné le président russe Vladimir Poutine lors d’une conférence de presse à Douchanbé), le scepticisme – comme vous l’avez dit – est compréhensible. Trop souvent, les espoirs de paix et de prospérité dans la région ont été compromis. Comme je l’ai dit dans mon discours d’ouverture, les prévisions sceptiques viennent de toutes parts.

Je viens de lire que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a déclaré publiquement que l’affaire était loin d’être terminée, qu’Israël avait encore de nombreux ennemis et devait poursuivre ses opérations contre eux. Il s’agit soit de scepticisme, soit d’une détermination à poursuivre l’action militaire contre tous ceux qu’Israël considère comme des ennemis.

En ce qui concerne le HAMAS, des discussions ont également eu lieu sur la manière dont les accords seront mis en œuvre et sur qui devrait faire le premier pas. Heureusement, certains otages ont déjà été libérés ; c’est maintenant au tour d’Israël. L’armée israélienne semble s’être retirée jusqu’à la ligne convenue.

Nous espérons que tous les accords seront respectés. Si les participants directs à ce sommet et ceux qui mettront en œuvre les propositions du président Trump après ce sommet décident que la participation de la Russie serait utile, je vous assure que nous ne refuserons pas. Cependant, nous n’avons pas pour habitude d’imposer nos services aux autres.

Nous souhaitons que ce sommet soit couronné de succès, avant tout pour que le peuple palestinien puisse respirer librement.

 

 

QUESTION (traduite de l’arabe) : Comment évaluez-vous le rôle de la Russie dans la fin des effusions de sang à Gaza ? D’autant plus que la Russie s’est opposée et a condamné les événements horribles qui s’y déroulaient et a cherché à y mettre fin. Comment la Russie a-t-elle influencé le Hamas ?

 

SERGUEÏ LAVROV :  Nous avons essayé d’influencer tout le monde afin d’atteindre le même objectif, à savoir renoncer à la violence, parvenir à des accords de coexistence et mettre fin aux effusions de sang. Le compromis est inévitable dans tout conflit. Chaque partie doit être prête à faire des concessions.

Les pays arabes – comme l’ont clairement montré les initiatives prises par l’Égypte, le Qatar, les États islamiques et la Turquie à la suite du sommet arabo-islamique – sont prêts à rechercher un compromis. Ils l’ont prouvé. J’espère que l’autre partie, nos collègues israéliens, avec lesquels nous restons également en contact permanent, comprendront eux aussi l’importance de rechercher un équilibre des intérêts, plutôt que de poursuivre des objectifs qui reviennent à éliminer toute menace potentielle pour leur existence, indépendamment de ce que leurs voisins peuvent penser ou des arguments qu’ils peuvent présenter.

La situation est complexe. Comme je l’ai mentionné précédemment, le problème trouve son origine dans l’absence de progrès vers la création d’un État palestinien, voire dans une régression croissante de ce processus.

Je me rappelle que, quand travaillais à l’ONU il y a 25 ans, j’ai eu des conversations informelles avec mes homologues israéliens pour tenter de trouver une issue à cette situation. Je leur disais, en ami, sur le plan humain, que l’incapacité à mettre en œuvre les résolutions de l’ONU sur la création d’un État palestinien – depuis près de 80 ans maintenant – représentait un risque énorme pour la région, ainsi que pour la sécurité d’Israël et des pays voisins. Mes homologues israéliens ont répondu qu’il s’agissait d’une « position exagérée », d’une affirmation excessive, et que penser ainsi revenait à encourager les terroristes. Mais la question non résolue de la création d’un État palestinien reste le facteur le plus important qui alimente la persistance et la croissance de l’extrémisme dans le monde arabe.

Vous vous souvenez de l’attentat terroriste scandaleux du 7 octobre 2023 que nous avons immédiatement condamné ? Après qu’Israël ait lancé son opération militaire sous le slogan « détruire tout le monde », le ministre de la Défense et d’autres ministres radicaux, en réponse aux appels à épargner les civils à Gaza, ont déclaré qu’il n’y avait pas de civils là-bas et que toutes les personnes âgées de trois ans et plus étaient des extrémistes. Je m’en souviens très bien.

Nous avons soumis cinq fois une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies. Les États-Unis, sous la présidence de Joe Biden, ont opposé leur veto à ces résolutions. Pendant ce temps, les sanctions collectives contre les Palestiniens se sont poursuivies sans relâche. En parlant d’extrémisme, imaginez ce que cela signifie pour plusieurs générations à Gaza de vivre sous le blocus, l’occupation et l’isolement du monde extérieur. Que pensez-vous que les parents ont dit à leurs enfants pendant ces décennies ? Qu’ont-ilspu répondre quand ils leur ont demandé ce qu’il y avait avant, qui étaient leurs grands-parents ou pourquoi ils vivaient ainsi ? Qui est responsable de cette situation ? Il ne fait aucun doute que ces enfants recevront également des enseignements correspondants à l’école. Quelqu’un s’attend-il vraiment à ce qu’ils grandissent en éprouvant de la gratitude pour le sort qui leur a été imposé ?

Il n’y a pas moyen d’échapper à la question de l’État palestinien. Elle doit être résolue. Le moyen d’y parvenir est une autre question, mais cela ne peut se faire sans concessions mutuelles. Dans le plan du président Trump, la bande de Gaza est mentionnée dans le contexte de la création d’un État palestinien, tandis que la Cisjordanie n’est pas mentionnée du tout. Si vous regardez une carte de la Cisjordanie aujourd’hui, vous verrez qu’il ne reste presque plus rien en dehors des colonies illégales. J’ai même entendu quelqu’un suggérer la création de deux ou trois municipalités pour les Palestiniens qui y vivent. Mais ce n’est pas un État. Je ne pense pas que la création de municipalités ou d’entités quasi étatiques serait considérée par le monde arabe et, surtout, par les Palestiniens eux-mêmes comme une issue satisfaisante à ce drame qui dure depuis près de 80 ans. Un compromis sera nécessaire. Je n’ai aucun doute à ce sujet.

 

 

Cisjordanie : un effacement entamé dès 1967

 

 

Cisjordanie occupée aujourd’hui – Franec Info

 

 

L’Occident a traîné les pieds sur cette question, refusant d’utiliser son influence pour accélérer la création d’un État palestinien. Sinon, la feuille de route proposée par le Quartet il y a 25 ans aurait été mise en œuvre et le problème serait résolu.

J’ai mentionné précédemment qu’en juin, lors d’une nouvelle escalade à Gaza qui a constitué une véritable catastrophe humanitaire, le président français Emmanuel Macron, suivi du Premier ministre britannique Keir Starmer et d’un certain nombre de responsables politiques belges, ont déclaré qu’ils se rendraient à l’ONU pour demander à l’Assemblée générale de reconnaître l’État palestinien. C’était en juin, et la session de l’Assemblée générale devait s’ouvrir trois mois plus tard. Mais si vous aviez décidé qu’un État devait être reconnu, pourquoi attendre trois mois ? Espérait-on qu’il ne resterait plus rien à reconnaître d’ici là ? Il faut absolument que tout le monde en finisse avec ces doubles standards.

J’ai lu aujourd’hui un article rédigé par un analyste politique affirmnit que l’Occident ne souhaite pas l’indépendance de la Palestine, mais qu »il veut un nouveau mandat sur ce territoire. Je ne voudrais pas croire une chose pareille, mais à en juger par les actions de plusieurs de nos collègues occidentaux, notamment britanniques, il ne manque pas de signes indiquant que c’est exactement ce qu’ils veulent.

En conclusion de ma réponse à cette question cruciale, je dirai que le sommet qui s’ouvre aujourd’hui à Charm el-Cheikh est organisé sur la base d’une plateforme de compromis. Ses initiateurs ont déjà proposé un compromis. Ce n’est pas le moment de tenter le sort, mais de mettre clairement en œuvre ce qui a été proposé, d’arrêter les effusions de sang, de régler les problèmes humanitaires et de commencer à reconstruire Gaza. Parallèlement et sans délai, il est essentiel de commencer à travailler sur le prochain plan : créer un État palestinien.

 

 

QUESTION (traduite de l’arabe) : L’État palestinien a été reconnu à plusieurs reprises, et nous espérons que le peuple palestinien finira par obtenir la sécurité et l’autodétermination. Des questions se posent également concernant le Sahara occidental, en particulier en ce qui concerne l’Algérie. Quelle est la position de la Russie sur cette question, notamment à la lumière des tentatives de Rabat d’y établir l’autorité administrative marocaine ?

 

SERGUEÏ  LAVROV  Notre position est très claire. C’est celle qui s’applique à tous les cas de ce genre. Il existe des résolutions des Nations unies – principalement celles du Conseil de sécurité – sur la manière de résoudre la question du Sahara occidental : par l’autodétermination du peuple sahraoui. Ce problème persiste depuis, je dirais, une cinquantaine d’années maintenant.

Je me rappelle que l’ancien secrétaire d’État américain James Baker avait été nommé envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental. À l’époque, je travaillais à New York. Il s’est rendu sur place, a rencontré les membres du Conseil de sécurité et a tenu des consultations séparées avec les membres permanents. À l’époque, tout le monde avait réaffirmé le principe inscrit dans les résolutions du Conseil de sécurité, à savoir qu’un référendum sur l’autodétermination du peuple sahraoui devait être organisé. Personne ne remettait en question la nécessité de le faire. L’accent était principalement mis sur la définition des critères : comment les anciens pourraient garantir des règles de vote équitables pour les différentes parties du Sahara occidental. En d’autres termes, le scénario de la tenue de ce vote était déjà en cours d’élaboration dans les moindres détails..

Par la suite, la situation a changé. Nous savons que le Maroc n’a pas renoncé au principe d’autodétermination, mais estime qu’il devrait être mis en œuvre sous la forme d’une autonomie. Pour nous, toute solution acceptable par toutes les parties serait satisfaisante. C’est précisément cette approche qui a été codifiée dans la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.

it faut dire en passant que les États-Unis ont emprunté une voie différente. Au cours du premier mandat de l’administration du président Donald Trump, ils ont reconnu le Sahara occidental comme faisant partie du Maroc. Pour eux, l’affaire est close. Mais pour nous, elle ne le sera que lorsque non pas une seule, mais toutes les parties concernées estimeront sincèrement qu’une solution a été trouvée sur la base d’un juste équilibre des intérêts. La résolution du Conseil de sécurité des Nations unies est le seul cadre qui existe à l’heure actuelle. Si une nouvelle résolution était rédigée, introduisant des principes différents pour le règlement du conflit, nous serions prêts à discuter de telles initiatives, à condition qu’elles soient acceptables pour toutes les parties.

 

 

QUESTION : Y a-t-il une possibilité que les citoyens bahreïnis soient exemptés de l’obligation de visa pour se rendre en Russie, d’autant plus que cette année marque le 35e anniversaire des relations diplomatiques entre la Fédération de Russie et le Royaume de Bahreïn ?

 

SERGUEÏ LAVROV : Il s’agit d’une omission de notre part et de celle de nos amis bahreïnis. Mon adjoint, Sergueï Verchinine, dont c’est le dmaine, est assis là. Je vais lui demander d’examiner personnellement pourquoi nos ressortissants et ceux de nos amis ont toujours besoin d’un visa pour se rendre dans le pays de l’autre.

Nos relations avec le Bahreïn sont excellentes dans tous les domaines sans exception. Le Bahreïn est également un pays partenaire de l’OCS. L’intérêt des touristes pour le Bahrein est indéniable, tout comme est évident intérêt de ses ressortissants pour la Fédération de Russie. Je pense que nous résoudrons cette question sans peine.

 

 

QUESTION (traduite de l’arabe) : Comment évoluent les relations commerciales et économiques entre la Russie et l’Irak ? Certains mécanismes ont été adoptés par Moscou et Bagdad pour soutenir ces relations. Comment évaluez-vous la situation actuelle en Irak et quel rôle joue le corridor international de transport Nord-Sud à cet égard ?

 

SERGUEÏ LAVROV :  Je considère que le gouvernement du Premier ministre Mohammed Chia’ Al-Soudani, tout comme ses prédécesseurs, a agi avec efficacité et prudence pour rétablir progressivement l’unité nationale. Cela est essentiel non seulement pour l’Irak, mais aussi pour tous les autres pays de la région, qu’il s’agisse de la Libye ou de la Syrie.

Nos entreprises sont présentes depuis longtemps en Irak. Je citerai tout d’abord Lukoil et plusieurs autres sociétés pétrolières, qui contribuent de manière significative aux recettes fiscales et assurent la stabilité du développement économique du pays. Étant donné que nos entreprises opèrent également au Kurdistan irakien, elles contribuent à jeter les bases matérielles de cette unité nationale.

La Commission intergouvernementale russo-irakienne sur la coopération commerciale, économique, scientifique et technique reste active. Nous entretenons un dialogue régulier à différents niveaux. J’ai déjà mentionné la récente conversation téléphonique entre le Premier ministre irakien MohammedCShia’ Al-Soudani et le président russe Vladimir Poutine. Mon homologue irakien et moi-même sommes en contact permanent. Nous nous sommes rencontrés le mois dernier à New York lors de la session de l’Assemblée générale des Nations unies et avons eu des discussions fructueuses. Je pense donc que nous pouvons être très satisfaits de l’évolution de nos relations. Nous sommes prêts à poursuivre de nouveaux objectifs dans l’intérêt de nos peuples.

 

 

QUESTION (traduite de l’arabe) DEUX QUESTIONS : l’Iran et la Palestine. Est-il vrai que la Russie a entravé la mise en œuvre de l’accord sur le nucléaire iranien ? La Russie a-t-elle fourni des systèmes de missiles de défense aérienne S-400 à l’Iran ?

Aucune mesure n’a encore été prise à l’encontre d’Israël, dont les opérations militaires ont fait d’innombrables victimes à Gaza. Quelle est votre position sur cette question ?

SERGUEÏ LAVROV : La traduction de la première question n’était pas très claire. Que signifie « la Russie a entravé l’accord sur le nucléaire » ? Pourriez-vous répéter cela ?

QUESTION (traduite de l’arabe) : L’ancien ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif a déclaré que la Russie avait précédemment sapé les efforts visant à renouveler l’accord nucléaire pendant le mandat du président Hassan Rouhani. Est-ce vrai ? C’est en tout cas ce qu’a déclaré M. Zarif. La Russie a-t-elle fourni des systèmes S-400 à l’Iran ? Et qu’en est-il de l’accord sur les avions Sukhoi ? Ont-ils été livrés à l’Iran ?

 

SERGUEÏ LAVROV : En ce qui concerne notre coopération militaro-technique avec l’Iran, après la levée des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies, nous n’avons plus aucune restriction. En totale conformité avec le droit international, nous fournissons à l’Iran l’équipement dont il a besoin. Tout cela se fait dans le strict respect du droit international.

En ce qui concerne les déclarations de M. Zarif, nous avons travaillé en étroite collaboration pendant de nombreuses années sur le Plan d’action global conjoint (JCPOA) visant à résoudre la situation autour du programme nucléaire iranien. La décision finale sur le JCPOA a été prise directement par M. Zarif et le secrétaire d’État US de l’époque, John Kerry. Les autres participants étaient essentiellement des observateurs à ce moment-là, regardant les USA et l’Iran parvenir à un accord

Il est bien connu que la Russie n’a jamais dévié de sa position constante en faveur de cet accord nucléaire, y compris la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies. Je ne sais pas exactement ce que M. Zarif voulait dire, mais quelques jours plus tard, lorsque les pays occidentaux ont organisé une « mise en scène » illégale et scandaleuse au Conseil de sécurité des Nations unies, affirmant que les sanctions de l’ONU contre l’Iran avaient été automatiquement rétablies, ils ont invoqué ce que l’on appelle le mécanisme de rétablissement automatique [snapback mechanism, NdT]. Ce mécanisme est unique et réservé aux décisions du Conseil de sécurité : il permet à tout participant de déclencher unilatéralement le rétablissement des sanctions sans que personne puisse l’en empêcher. Cette disposition a en fait été convenue lors de la phase finale des négociations, directement entre M. Zarif et M. Kerry.

Pour être honnête, nous avons été surpris. Mais si nos partenaires iraniens acceptaient cette formulation – qui, franchement, était une « chausse-trape » juridique –, nous n’avions aucune raison de nous y opposer. Je peux comprendre pourquoi Zarif a soutenu une formule aussi peu conventionnelle : l’Iran n’avait aucune intention de violer le JCPOA et était convaincu que personne ne l’accuserait de le faire. Ce qui s’est passé, en revanche, c’est que l’Iran n’a pas violé l’accord, mais que les États-Unis s’en sont retirés et que les Européens n’ont pas respecté leurs engagements. Après cela, ils ont recommencé à exiger de nouvelles concessions de la part de l’Iran. Puisque vous avez mentionné Zarif, cette « création » était en grande partie la sienne.

En ce qui concerne la Palestine, nous venons d’aborder ce sujet de manière assez approfondie. La situation qui s’est développée dans la région à la suite des décisions de créer Israël et un État palestinien est devenue de plus en plus explosive. Après les attentats terroristes du 7 octobre 2023, Israël a réagi, comme je l’ai déjà dit, par des punitions collectives à l’encontre des Palestiniens. Tout comme le terrorisme, cela constitue une violation flagrante du droit international humanitaire. Le niveau de haine semé des deux côtés est extrêmement élevé. L’idée selon laquelle « si tout le monde fait pression sur Israël, tout ira bien » n’est donc pas applicable ici. [??? NdT]

Votre question reposait sur le raisonnement suivant : mettons tous la pression sur Israël, et tout ira bien. Cela ne fonctionnera pas. Quelle que soit l’opinion que l’on ait du Hamas, il fait partie intégrante de la société palestinienne, tout comme les politiciens israéliens, qu’ils soient modérés ou radicaux, font partie intégrante de la société israélienne. Ce qu’il faut, c’est un accord entre les deux parties, un équilibre des intérêts. Les grandes puissances doivent bien sûr user de leur influence pour encourager précisément cela : la recherche d’un compromis et d’une compréhension mutuelle. Comme l’a récemment déclaré le président Vladimir Poutine, nous pouvons constater que le président US Donald Trump est guidé précisément par cette idée. [!!! NdT]

 

 

QUESTION (traduite de l’arabe) :  La Syrie connaît actuellement des violences, voire un génocide, dans différentes régions, en particulier le long de sa côte. Nous en avons tous été témoins. On assiste à des massacres, à des enlèvements d’enfants et de femmes, ainsi qu’à d’autres actes horribles. Que fait la Russie pour mettre fin à ces pratiques et persuader le président par intérim de la République arabe syrienne, Ahmed al-Charaa, de s’attaquer à ce problème ? Comment collaborez-vous actuellement avec Ahmed al-Charaa depuis son accession au pouvoir ?

 

SERGUEÏ LAVROV : En ce qui concerne la Syrie, des événements alarmants se sont produits en mars dernier. Nous avons mis notre base aérienne de Khmeimim à disposition pour accueillir des civils, ainsi que certains militaires de l’armée syrienne, afin de les protéger de la vague de violence qui avait éclaté à ce moment-là.

Comment stabiliser ce pays ? Nous n’avons jamais poursuivi d’intérêts particuliers en Syrie. Lorsque nous avons soutenu le peuple syrien, nous avons toujours plaidé pour que la Syrie, en tant qu’État multinational et multiconfessionnel, s’appuie sur la promotion de la réconciliation nationale. Cela a été le cas pendant toutes les années où Bachar al-Assad était président de la République arabe syrienne, alors que les États-Unis, dans les faits, s’efforçaient de fragmenter la Syrie, en alimentant activement le séparatisme kurde dans le nord-est du pays. Cela a créé des problèmes non seulement pour la société syrienne, mais aussi pour la Turquie voisine, ainsi que pour d’autres nations comptant des minorités kurdes. Nous ne nous sommes jamais livrés à de telles actions. Nous avons toujours appelé à la réunification immédiate de tous les territoires syriens.

Aujourd’hui, après le changement de pouvoir intervenu en décembre 2024, nous continuons à être guidés par ces mêmes principes. Nous sommes convaincus que tous les pays de la région – une région essentielle à la stabilité mondiale – doivent contribuer au rétablissement complet de l’intégrité territoriale de la Syrie, qui continue de faire face à des défis dans le nord, le nord-est et, plus récemment, le sud, alors qu’Israël a commencé à exiger la démilitarisation d’As-Suwayda et de tous les territoires au sud de Damas. Cela a un impact direct sur la question de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie. Il n’y a pas là matière à plaisanterie.

Nous soutenons les efforts déployés par le nouveau gouvernement pour stabiliser la situation. Dans cette optique, dès janvier dernier, nous avons organisé une visite à Damas d’une délégation interinstitutionnelle afin de faire le point sur les relations que nous avons développées jusqu’à présent avec la République arabe syrienne. Par la suite, une conversation téléphonique a eu lieu entre le président Vladimir Poutine et le président par intérim de la République arabe syrienne, Ahmed al-Charaa.

En avril dernier, j’ai rencontré le ministre des Affaires étrangères de la République arabe syrienne, Assaad al-Chaibani, à Antalya, en marge du Forum politique d’Antalya. En juillet dernier, le ministre des Affaires étrangères de la République arabe syrienne, Assaad al-Chaibani, accompagné du ministre de la Défense et de plusieurs autres responsables gouvernementaux, s’est rendu en Fédération de Russie.

Plus récemment, en septembre dernier, j’ai rencontré Assaad al-Chaibani à New York. Nous partageons la même conviction que les fondements de nos relations, construites au fil de nombreuses années, restent pertinents, même si certains ajustements devront être apportés pour refléter les nouvelles réalités en Syrie. Ceux-ci concernent principalement les questions économiques, ainsi que les questions liées à notre coopération militaire et technico-militaire.

La partie syrienne souhaite maintenir nos bases militaires à Tartous et à Khmeimim. Comme l’a répété à plusieurs reprises le président Vladimir Poutine, nous nous appuyons sur les intérêts du pays hôte, à savoir la République arabe syrienne. Il est clair que dans les nouvelles circonstances, ces bases pourraient jouer un rôle différent, allant au-delà de leur simple fonction d’avant-postes militaires. Compte tenu de la nécessité de faciliter les flux humanitaires vers l’Afrique, elles pourraient servir de plaques tournantes maritimes et aériennes pour l’acheminement de l’aide humanitaire, notamment vers la zone sahélo-saharienne et d’autres pays dans le besoin.

J’ai mentionné nos contacts. Au cours de la première quinzaine de septembre de cette année, une nouvelle délégation représentative conduite par le vice-Premier ministre russe Alexandre Novak s’est rendue à Damas et y a participé à des discussions approfondies. Nous actualisons et adaptons notre cadre juridique et nos pratiques de coopération aux nouvelles conditions. Nous voyons un intérêt mutuel à cet égard.

 

 

QUESTION (traduite de l’arabe) : Prévoyez-vous des problèmes futurs concernant Bachar al-Assad ? Des reportages font allusion à une tentative d’empoisonnement à son encontre à Moscou.  Ce problème existe-t-il et, si oui, comment est-il traité ?

 

SERGUEÏ LAVROV : Nous avons accordé l’asile humanitaire à Bachar al-Assad et à sa famille pour des raisons purement humanitaires. Il n’a aucun problème à vivre dans notre capitale. Aucune tentative d’empoisonnement n’a été perpétrée à son encontre. Si de telles rumeurs circulent, je les laisse à la conscience de ceux qui les propagent.

 

 

QUESTION (traduite de l’arabe) : Le sommet russo-arabe abordera également les questions économiques liées au soutien apporté par la Russie aux pays arabes. La question du partenariat russo-arabe et des investissements figure-t-elle à l’ordre du jour ? Quels pays pourraient être concernés et dans quels domaines ?

Nous savons que la Russie accorde une attention particulière à l’Afrique. Que fait la Russie pour renforcer ses positions en Afrique du Nord, en particulier en Tunisie ?

 

SERGUEÏ LAVROV : Comme je l’ai mentionné dans mes remarques d’ouverture, nos liens économiques avec les pays arabes n’ont cessé de se renforcer. Cela inclut également la coopération en matière de commerce et d’investissement.

En matière commerciale, nous collaborons sur le marché mondial des hydrocarbures dans le cadre du Forum des pays exportateurs de gaz et de l’OPEP+, qui dispose d’un comité de suivi permanent. Il est coprésidé par l’Arabie saoudite et la Fédération de Russie.

Les autres domaines d’échanges commerciaux comprennent l’approvisionnement alimentaire, y compris les produits halal, les céréales et autres produits alimentaires, les engrais, qui intéressent beaucoup nos amis arabes, le tourisme, que j’ai déjà mentionné, et la coopération industrielle. Il existe des projets prometteurs dans le domaine de l’énergie nucléaire, notamment l’utilisation de la technologie nucléaire dans la médecine et l’agriculture. Ils font l’objet d’une coordination active.

J’ai mentionné la coopération dans le secteur financier. Le Fonds russe d’investissement direct (RDIF) et ses homologues au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite et dans d’autres pays, en particulier les États du Golfe, ne se contentent pas de planifier, mais mettent déjà en œuvre un certain nombre de projets de co-investissement conjoints en Fédération de Russie, à des conditions qui peuvent profiter à la fois au RDIF et à nos amis arabes. En d’autres termes, les perspectives sont tout à fait positives.

 

 

QUESTION (traduite de l’arabe) : Que pensez-vous de l’idée d’un organisme international chargé de surveiller le cessez-le-feu à Gaza ? La Russie joue-t-elle le rôle de médiateur entre l’Irak et le Koweït dans le conflit de Khor Abdullah ? Envisagez-vous de supprimer les visas d’entrée pour les citoyens koweïtiens, comme vous l’avez fait pour l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe ?

 

SERGUEÏ LAVROV : J’ai abordé la question des visas dans ma réponse à votre collègue bahreïni. Nous souhaitons simplifier autant que possible le régime des visas. Nous vérifierons si nos amis koweïtiens ont présenté des propositions d’exemption de visa. Je ne prévois pas de problèmes majeurs si cela suscite de l’intérêt.

Les relations entre l’Irak et le Koweït se normalisent progressivement. Ce processus n’a pas été rapide. Certains problèmes subsistent, qui ont récemment fait l’objet d’une discussion lors d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, à l’issue de laquelle une solution mutuellement acceptable a été trouvée et adoptée.

Je pense que le Conseil de sécurité des Nations unies continuera à œuvrer en faveur d’une normalisation complète et définitive des relations entre l’Irak et le Koweït, avec notre contribution active. Ces deux pays sont nos bons amis.

En ce qui concerne Gaza, le plan de Donald Trump, comme tout le monde l’appelle, prévoit non seulement la libération des otages, le retrait des forces israéliennes vers une ligne convenue et la résolution des problèmes humanitaires, mais aussi la mise en place d’un organe directeur pour la reconstruction de Gaza. Il y a donc beaucoup à faire dans cette région. Nous voyons chaque jour des images de rues et de places en ruines. En fait, tout l’espace de vie y a été détruit.

Comment cet organe international sera-t-il mis en place ? Selon moi, le « Conseil de paix » présidé par le président US fera office de conseil de surveillance. La situation sur le terrain sera surveillée par un groupe de technocrates qui coordonneront les flux financiers, ce qui est une question de la plus haute importance. Les Américains ont déjà déclaré que les pays arabes devront supporter le poids du réaménagement de Gaza. Chacun fera sa part, comme dans le cadre d’une division du travail.

Le plus important est d’empêcher une révision des formules fragiles du plan de paix de Trump, compte tenu des tentatives déjà faites par de nombreuses parties. Certaines personnes en Israël affirment que ces accords n’empêchent pas Israël de reprendre les hostilités à tout moment. De nombreuses déclarations ont été faites en ce sens. Le Hamas estime qu’Israël tente d’ajuster ou de préciser rétroactivement certaines dispositions. Il a exprimé sa protestation, affirmant avoir accepté le plan de Trump dans sa version actuelle.

Nous nous attendons à voir beaucoup de manœuvres de ce type autour de ce document. Il est important d’empêcher la résurgence des griefs et une nouvelle aggravation, en se concentrant plutôt sur la mise en œuvre littérale des accords sur le retrait des forces et la libération des otages, y compris les Palestiniens. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour faciliter cela.

 

 

QUESTION (traduite de l’arabe) : Hier, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a évoqué la nécessité d’un parrainage des Nations unies pour la mise en œuvre prochaine du plan du président US Donald Trump. Comment faire avancer les choses à cet égard, en particulier au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, d’autant plus que le président Trump n’est pas encore parvenu à résoudre le conflit israélo-palestinien ? Comment évaluez-vous la coopération entre la Russie et l’Égypte sur les questions régionales ? Quel rôle joue l’Égypte dans ces domaines ?

 

SERGUEÏ LAVROV : Le rôle de l’Égypte est clair. Elle est l’un des médiateurs les plus actifs dans un certain nombre de conflits. Les dirigeants du pays ont fait preuve d’initiative sur de nombreux fronts, et cela reste évident aujourd’hui. En effet, au moment où nous parlons, à Charm el-Cheikh, le président de la République arabe d’Égypte, Abdel Fattah al-Sissi, coprésidera, aux côtés du président US Donald Trump, un événement soutenu par la Jordanie, le Qatar et la Turquie, dans lequel nous plaçons tous de grands espoirs.

Nos relations avec la République arabe d’Égypte sont exemplaires, y compris dans le domaine économique. Nous construisons actuellement la première centrale nucléaire égyptienne. Dans le domaine économique, logistique et infrastructurel, une zone industrielle russe est en cours de création près du canal de Suez. Il s’agit d’un projet phare visant à créer un pôle commercial avec de nombreux États voisins et même non adjacents.

Notre histoire est riche et remonte à l’époque soviétique. De nombreuses installations industrielles clés en Égypte ont été construites avec l’aide de notre pays, sans parler de notre collaboration dans les domaines de l’éducation et de la culture. J’ai récemment mentionné la participation d’un artiste égyptien au Concours de la chanson de l’Intervision, qui vient de s’achever.

La Commission intergouvernementale russo-égyptienne sur la coopération commerciale, économique, scientifique et technique reste active et se réunit régulièrement pour explorer de nouvelles voies de coopération. Elle surveille les domaines dans lesquels la mise en œuvre des accords nécessite un élan supplémentaire.

En matière de politique étrangère, l’Égypte est l’un de nos principaux partenaires en Afrique du Nord. Nous entretenons de bonnes relations amicales avec tous les pays de la région : la Tunisie, l’Algérie et le Maroc. J’espère que la Libye parviendra également au consensus national dont elle a manifestement besoin.

 

 

QUESTION (traduite de l’arabe) : De nombreux pays africains, en particulier dans la région du Sahel, craignent la présence de l’Africa Corps, qui, selon eux, pourrait influencer leurs affaires internationales et nationales. Pensez-vous que l’Africa Corps pourrait commettre des crimes contre la population civile, comme cela aurait été le cas au Mali ?

 

SERGUEÏ LAVROV : Vous avez récité méticuleusement tout ce qui vous a été écrit, en reprenant consciencieusement chaque point préparé. L’Africa Corps est une unité du ministère de la Défense de la Fédération de Russie. Notre armée ne mène aucune action contre la population civile ou les infrastructures civiles, c’est bien connu. Si votre équipe éditoriale, ou ceux qui ont suscité cette question, possèdent des preuves du contraire, qu’ils les présentent. Le nœud du problème réside dans les tentatives infondées actuelles d’accuser la Russie de tout et de n’importe quoi, y compris de péchés mortels.

Vous avez mentionné la présence de l’Africa Corps dans certains pays voisins de l’Algérie, où des inquiétudes seraient apparues. Si vous faites référence au Mali, notre Africa Corps y opère à la demande et à l’invitation des autorités légitimes du pays. Nous sommes conscients des divisions entre nos amis algériens et maliens, des frictions qui trouvent leur origine (appelons un chat un chat) dans le passé colonial, lorsque les colonisateurs ont découpé l’Afrique à la règle, tranchant dans les territoires ethniques. Cela s’est produit dans toute l’Afrique centrale – au Rwanda et au Burundi, entre les Hutus et les Tutsis. Dans le cas de l’Algérie et du Mali, il s’agissait des Touaregs. Cet héritage refait périodiquement surface sous la forme de conflits. Je n’exclurais pas que ceux qui ont tracé ces frontières arbitraires cherchent parfois à provoquer délibérément des tensions.

Regardez la carte de l’Afrique. Ses frontières sont souvent artificielles. Après la décolonisation, l’Union africaine a envisagé de revoir les délimitations territoriales afin d’éviter de diviser les groupes ethniques et confessionnels. Finalement, elle a décidé de ne pas le faire, consciente que cela ouvrirait la boîte de Pandore. Les conflits qui éclatent sporadiquement aujourd’hui auraient alors englouti tout le continent. Ce fut une sage décision de la part de l’Union africaine.

En ce qui concerne la question que vous avez soulevée, à savoir les tensions entre le Mali et l’Algérie, nous restons en contact avec nos amis algériens et maliens. Les deux parties ont exprimé leur intérêt pour notre aide afin d’atténuer leurs désaccords. Nous sommes prêts à faciliter leur dialogue.

 

 

QUESTION (traduite de l’arabe) : Dans quelle mesure les USA recherchent-ils véritablement un règlement pacifique au Moyen-Orient ? Nous sommes conscients de l’engagement [de l’Occident] en faveur d’un monde unipolaire, système que la Russie conteste activement. Comment la Russie se prépare-t-elle à la transition vers un monde multipolaire au Moyen-Orient ? En outre, comment réagissez-vous aux violations par Israël des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies au Liban, notamment le déploiement de ses forces dans ce pays ? C’est quelque chose dont nous entendons parler quotidiennement au Liban. Vous avez qualifié les événements du 7 octobre 2023 d’attaque terroriste. Étant donné qu’Israël commet des meurtres depuis deux ans maintenant, ne définissez-vous pas cela comme du terrorisme ? Bien que je ne pense pas personnellement que le 7 octobre ait été une attaque terroriste, j’aimerais que soit discutée la position d’Israël.

 

SERGUEÏ LAVROV : Vous avez bien sûr le droit d’avoir votre opinion. Cependant, le meurtre de plus d’un millier de civils non armés, qui s’étaient simplement rassemblés pour chanter, est sans équivoque un acte terroriste.

Si vous avez suivi attentivement, vous m’avez entendu déclarer que la réponse d’Israël, qui s’est transformée en une forme de punition collective contre l’ensemble du peuple palestinien, constitue également une violation flagrante du droit international humanitaire.

Je n’ai pas bien compris votre question concernant les « plans » des Américains pour le Moyen-Orient. Ces plans sont déjà en cours de mise en œuvre, et nous leur souhaitons plein succès dans cette entreprise. Il doit aller de soi, bien sûr, que le plan sera pleinement mis en œuvre, que les règles du jeu ne seront pas modifiées en cours de route et que les objectifs ne seront pas revus à mi-parcours. Nous avons déjà remarqué que certains acteurs souhaitent faire exactement cela. Une fois que le plan aura été pleinement et consciencieusement mis en œuvre, nous devrons immédiatement nous atteler à la tâche pratique de créer un État palestinien. Cela signifie rechercher des compromis concrets sur la base des cadres approuvés par le Conseil de sécurité des Nations unies.

En ce qui concerne un monde multipolaire, il ne s’agit pas pour la Russie ou tout autre pays de le « mettre en place » au Moyen-Orient ou ailleurs. Il s’agit d’un processus historique objectif. Au cours des 40 dernières années, les pays du Golfe ont considérablement accru leur influence économique, financière et politique, acquérant ainsi la capacité d’influencer les processus régionaux et mondiaux. Ils représentent un des « pôles » qui se sont naturellement formés dans ce monde multipolaire émergent, et leur rôle continue de se développer.

Il en va de même pour l’Union africaine et les organisations sous-régionales en Afrique, qui sont aujourd’hui très actives et développent vigoureusement leurs capacités. D’autres pôles naturels émergent en Amérique latine et à travers l’Eurasie.

Notre concept d’architecture de sécurité eurasienne envisage l’inclusion de tous les pays et organisations du continent – le plus vaste et le plus riche du monde, berceau de plusieurs des plus grandes civilisations de l’humanité, dont l’histoire remonte à plusieurs millénaires. Cela inclut des structures telles que le CCG, l’ANASE et d’autres cadres liés à l’Eurasie. Je suis convaincu qu’il y aura une place pour la coopération avec la Ligue arabe, même si la plupart de ses États membres sont géographiquement situés en Afrique.

Un monde multipolaire est une réalité objective. Plus tôt nos collègues occidentaux le reconnaîtront et comprendront que l’ère des 500 ans de domination mondiale – marquée par les déclarations de guerre, l’esclavage, l’exploitation et la destruction d’autres peuples – est révolue, plus tôt ils pourront prendre leur place d’égaux dans cette nouvelle configuration mondiale, et non plus en tant que puissance dominante.

En ce qui concerne le Liban, il est bien sûr impératif de mettre en œuvre toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous suivons de près la situation dans ce pays. Je tiens à être clair : la résolution 1701 n’a rien perdu de sa pertinence. Elle appelle explicitement à la cessation de toutes les opérations militaires, au retrait des forces israéliennes du sud du Liban et au retrait simultané des forces du Hezbollah au nord du fleuve Litani. La résolution interdit également les violations de l’espace aérien libanais et autres atteintes à son intégrité territoriale, qui sont inacceptables.

Très peu des mesures prévues par la résolution 1701 ont été mises en œuvre. Mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras. Nous devons redoubler d’efforts pour soutenir nos partenaires libanais. Le Liban, autrefois surnommé la « Riviera du Moyen-Orient » ou la « Genève » de la région, est devenu l’une des zones les plus touchées par les crises, perpétuellement en proie à des troubles. Nous sommes déterminés à contribuer à résoudre cette situation et à rétablir un sentiment de normalité dans le pays.

Source : https://mid.ru/en/foreign_policy/news/2053373/

On pouvait y trouver ce texte en français et nous n’en savions rien ! Nous l’avions trouvé, en anglais, chez le très informé John Helmer (Dances with Bears)

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Octobre 2025 

 

 

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