Dernier combat du Vengeur du peuple, ex Le Marseilllois– 13 Prairial An II» – Image d’Épinal – Pour les Anglais « Le glorieux 1er juin. 

 

 

 

 

Sait-on bien qui fut

Saint-Just ?

 

 

 

 

« Le 20 mars 2025, le député Jocelyn Dessigny (RN) croyait donner une leçon d’histoire à ses collègues parlementaires en déclarant que Saint-Just avait été décapité par Robespierre. »

 

On en est là.

 

 

 

 

Rien de tel qu’un dialogue

sur son compte

pour se remettre les idées à l’endroit

 

 

La Révolution française et Saint-Just :

grand entretien avec Marc Belissa et Yannick Bosc

 

 

Marc Belissa est un historien spécialiste de l’époque moderne et en particulier du « grand » XVIIIe siècle de 1713 à 1815. Son domaine de recherche est l’histoire des relations internationales dans cette période, et notamment dans l’aire « atlantique » (France, Grande-Bretagne, États-Unis). Cette histoire ne se limite pas à la diplomatie, à la guerre et à la paix, mais elle s’intéresse également aux théories politiques, juridiques et philosophiques et aux représentations intellectuelles qui fondent ces relations. Il travaille également sur le républicanisme, la culture et les pratiques politiques en France, aux Etats-Unis et en Angleterre pendant la période des Lumières et de la Révolution.

Il a enseigné à l’Université de Paris Nanterre et coanime le séminaire « L’Esprit des Lumières et de la Révolution » ainsi que la revue en ligne Révolution-française.net [archive].

Lors de l’élection présidentielle de 2022, il apporte son soutien à Jean-Luc Mélenchon.

Personne n’est parfait.

 

Yannick Bosc (né en 1960) est un historien français de la Révolution française et de ses principes philosophico-politiques. Il est notamment spécialiste de la figure de Robespierre.

Auteur d’une thèse sur La terreur des droits de l’homme. Le républicanisme de Thomas Paine et le moment thermidorien (2000, publiées aux éditions Kimé en 2016), il est maître de conférences à l’Université de Rouen-Normandie, chercheur au GRHis [archive] et chercheur associé au GREECS [archive] (Université de Barcelone). Il est l’un des éditeurs du Thomas Paine Collected Writings Project [archive], Princeton University, 2026. Il co-anime le séminaire « L’Esprit des Lumières et de la Révolution » et coordonne la revue en ligne Révolution-française.net [archive].

Lors de l’élection présidentielle de 2022, il apporte son soutien à Jean-Luc Mélenchon.

 

Ces renseignements proviennent de Wikipedia…

On ne vous a pas encore dit que le tout nous est arrivé d’une publication inconnue jusqu’à ce jour à notre bataillon: Frustration Magazine

 

 

 

De gauche à droite : Marc Belissa, Yannick Bosc, Saint-Just, Robespierre

 

 

À chaque mouvement social en France, l’imaginaire de la Révolution française est convoqué. Cela a été particulièrement visible pendant les Gilets jaunes, mais aussi le 18 septembre où toute la classe dominante s’est émue de la présence d’une fausse guillotine dans une manifestation.

On a vu aussi des rassemblements le 21 septembre, date anniversaire de l’abolition de la royauté. Si la Révolution française imprègne notre imaginaire, elle est une histoire complexe qui n’est toutefois pas toujours si bien connue, d’autant que son spectre hante les puissants depuis plusieurs siècles, ceux-là même qui diffusent une lecture contre-révolutionnaire des événements. Pour parler de tout cela nous avons eu la chance de nous entretenir avec deux historiens et spécialistes de la Révolution française, Marc Belissa et Yannick Bosc, notamment co-auteurs d’un livre sorti l’année dernière aux éditions Sociales, Découvrir Saint-Just

 

Girondins, Jacobins, Montagnards, République, Terreur… De quoi parle-t-on vraiment ? 

 

Commençons par des bases. Qu’entendent les révolutionnaires comme Saint-Just par « République » ? Est-ce seulement l’opposition à la monarchie, un synonyme de démocratie, ou le suffrage universel ?

 

 

Marc Belissa : En 1789, “République” signifie d’abord res publica, la “chose publique”. Le mot est très large : il peut désigner l’État, le gouvernement, la société dans son ensemble. Dès les débuts de la Révolution, certains affirment déjà que la France est une république, même avec un roi. Burke, grand contre-révolutionnaire, explique en 1790 que la France compte “40 000 républiques” en référence aux communes, preuve selon lui qu’il s’agit bien d’un système républicain. Le terme a un sens politique mais aussi social : c’est le lieu où règne l’égalité des droits.

Quand la République est officiellement “proclamée” en septembre 1792, beaucoup considèrent qu’ils y vivaient déjà depuis 1789. L’abolition de la royauté vient simplement confirmer une évidence : le roi n’a plus de place dans la chose publique.

Yannick Bosc : C’est d’ailleurs parlant : on ne “proclame” pas la République, on abolit la royauté. On était déjà en République, mais désormais sans roi.

Marc Belissa : D’ailleurs, entre 1789 et 1792, seuls les monarchistes insistaient sur le fait que la France était encore une monarchie. La plupart des observateurs, y compris étrangers, parlaient déjà de République. Jefferson aux Etats-Unis, par exemple, disait en 1789 que la France était une république.

Yannick Bosc : Attention toutefois : ce que nous appelons aujourd’hui “la République” est une construction postérieure. À partir de Thermidor (ndlr : le moment en 1794 où Robespierre et ses alliés sont renversés), le mot perd sa dimension de principes universels – liberté, égalité – et devient surtout une forme de gouvernement opposée à la monarchie. Les Thermidoriens veulent tourner la page des déclarations des droits jugées responsables de “l’anarchie” et de la “Terreur”. Ils fabriquent un récit, repris ensuite par la IIIe République, qui fait de la République un négatif : l’inverse du roi, du clergé, de la noblesse.

Marc Belissa : Robespierre, lui, ne met pas la solution politique dans le mot “République”. Pour lui, ce n’est pas seulement une forme de régime. On peut avoir une “république” avec un roi – la Pologne, par exemple, ou les Provinces-Unies (les Pays-Bas actuels) qui ont un prince. Ce qui compte, c’est que la République soit aussi un état social.

 

 

Portrait de Maximilien Robespierre (1758-1794). Domaine public

 

 

Yannick Bosc : Exactement. Pour Robespierre et Saint-Just, il ne suffit pas de supprimer le roi pour avoir une République. Il faut des lois républicaines, une éducation républicaine, une société républicaine. D’où l’importance des fêtes civiques, des lois sociales, ou encore des réformes successorales qui visaient à limiter la concentration des richesses et à favoriser l’égalité d’accès à la propriété. Être républicain, ce n’est pas seulement détester les rois, c’est garantir à tous un droit égal à la liberté.

Marc Belissa : Le terme “République” va d’ailleurs survivre à la République elle-même. Napoléon continue de se dire “républicain”, même après son sacre. Officiellement, le mot disparaît seulement en 1806, avec l’Empire – bien après la mort de la République dans les faits.

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Source : https://frustrationmagazine.fr/revolution-francaise-saint-just-yannick-bosc

 

 

 

 

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Grain de sel des G.O

Il est de bon ton de nos jours de gratifier Saint-Just et Robespierre d’une particule, qu’ils n’ont jamais accolée à leur nom de leur vivant.

Snobisme un peu navrant d’une bourgeoisie aussi décadente qu’ignorante, qui ne sait pas que dans le dernier quart du XVIIIe siècle, une version d’elle-même en pleine ascension avait pris l’habitude de gratifier de cette particule certaines professions, surtout celles liées au droit et au service civil, comme les magistrats, les avocats, les maires, etc.

Ici même, en principauté de Liège, dans la ville de Verviers, Jean- Joseph Fyon, -tout jeune bourgmestre et parfait roturier en même temps que futur général babouviste – était appelé Monsieur de Fyon, alors que les Chapuis, nobles à seize quartiers originaires du Dauphiné, étaient appelés M. Chapuis tout court. Pourquoi ? Parce que leur ancêtre direct, cadet de famille, donc voué aux armes, s’était déclassé en devenant « chirurgien militaire et accoucheur », et qu’il était interdit à l’aristocratie d’exercer certaines professions.

Un cas à part : le gros Georges, qui voulait bien de la particule mais ne tenait pas à passer pour bègue et qui signait d’Anthon.

 

 

 

 

Ce que nous pouvons vous en dire,

en essayant de ne pas offenser ceux qui savent

 

 

Saint-Just et le chevalier Organt

 

Théroigne – L.G.O – 10.10.2025

 

 

Il m’est arrivé, au cours des années 1980, de m’étonner et de demander au très regretté Henri Guillemin, pourquoi il n’avait pas écrit un seul mot sur Saint-Just. Vu sa passion pour la Révolution française, la chose paraissait inconcevable. Ma question répétée dans deux lettres est deux fois restée sans réponse, mais je crois avoir deviné pourquoi.

Au risque de me tromper…

Henri Guillemin était profondément catholique. Et sectaire (ce sont des choses qui peuvent arriver aux meilleurs).

Par exemple, il s’est passionnément impliqué dans l’étude de plusieurs écrivains français, dont les noms ne sont plus aujourd’hui familiers à grand monde, parce qu’ils étaient catholiques, et à plusieurs autres parce qu’ils ne l’étaient pas. parce qu’ils étaient « l’ennemi ».

Au premier rang de ceux-ci : Voltaire. Évidemment. Voltaire était sa bête noire. Et au premier rang des crimes de Voltaite, il y avait, à ses yeux, La Pucelle.

Impardonnable Voltaire ! Répugnant, maudit, anathème à tout jamais : il avait osé toucher à Jeanne ! Pour s’en moquer ! Parce qu’elle était chrétienne ? Non, non… Parce qu’elle était du peuple ! (Émotions par-dessus raison ; c’est ainsi qu’on glisse dans le sectarisme et la mauvaise foi sans s’en rendre compte et qu’on refuse d’en parler, de peur d’avoir à change d’avis)

Voltaire a-t-il tourné en dérision Jeanne d’Arc et l’a-t-il fait parce qu’elle était du peuple ? Allez-y voir par vous-mêmes pour vous faire une opînion.

Ce qui est sûr, c’est que Saint-Just ne l’a pas cru un seul instant. C’est qu’à 18 ans il était un si grand admirateur de Voltaire qu’il a commis un poème en vingt chants appelé Organt, où il a osé se mesurer au maître dans une espèce d’autobiographie imaginaire, où sa pucelle à lui s’appelle Nicette.

Henri Guillemin s’est-il interdit de parler de Saint-Just pour ne pas avoir à parler d’Organt ?

Cela étant dit, il faut reconnaître que La Pucelle n’est pas le chef d’oeuvre de Voltaire et qu’Organt, quoique parfois écrit en vers de mirliton, lui est, pour diverses raisons, supérieur. Une de ces raisons est que (mon avis et je le partage) Saint-Just n’est pas de la descendance de Voltaire, mais de celle de Rabelais. Et que Rabelais est quand même le plus grand écrivain de la France et son plus grand philosophe (toujours mon avis).

Ceci est un peu hors sujet, mais Rabelais et Saint-Just, outre avoir été doués d’un humour assez rare dans leur pays, ont en commun d’avoir été trahis par leur mère. Le premier à six ans et demi,  le second à 18 ans. Le premier n’a jamais pardonné à la sienne. Jamais. Au point que ses trois enfants, forcément bâtards, ont été légitimés par un pape (chose rare) comme « nés de François Rabelais et de mères inconnues ». Le second s’est vengé de la sienne en quittant le toit familial quelques mois avant sa majorité, ce qui lui valut d’être emprisonné assez durement sur recommandation – son père étant mort – de la sévère Madame Saint-Just. C’est dans sa prison qu’il a écrit Organt, où son héros dit, à propos de sa génitrice : « ces bigotes simpiternelles » en faisant la même faute d’orthographe que Rabelais lorsqu’il mit, si je ne m’abuse, ce mot dans la bouche de Pantagruel à la mort de Badebec.

On sait que, contrairement à son grand devancier, Saint-Just n’a pas emporté sa rancune dans la tombe : s’en allant à Fleurus « chercher la mort », puisque la révolution était perdue, on sait qu’il a fait un crochet par Blérancourt pour se réconcilier avec celle qui lui avait donné le jour et fait mettre à l’ombre.

Et à Fleurus, où on sait aussi qu’il a concouru à sauver in extremis le pays de la coalition étrangère en conduisant trois fois la charge, il n’a pas écopé de la moindre égratignure. La mort n’a pas voulu de lui ce jour-là. Elle n’en a pas voulu avant Thermidor ! Beaucoup plus significativement la tête tranchée par les hommes d’argent, non sans qu’il eût auparavant forcé les greffiers à enregistrer le discours qu on ne lui avait pas permis de prononcer.

Remarquable fatum.

 

 

 

Il peut paraître déplacé de parler ici d’un livre sur Robespierre, mais faisons-le quand même, parce qu’après tout, lui aussi admirait Voltaire (« Il nous lisairt Voltaire, le soir à la veillée », Elisabeth Duplay).

Le même Henri Guillemin, dont je viens de parler, qui avait passé une partie considérable de sa vie à défendre la mémoire de l’Incorruptible, s’est laissé aller, peu de temps avant sa mort, à commettre un livre, qu’il « portait depuis longtemps »  et qu’il voulait « ecrire avant de mourir », intitulé Robespierre politique et mystique (Seuil, 1987).Avec ce livre, il insultait à la fois Robespierre et les vrais mystiques. Et détruisait lui-même une bonne partie de ses efforts et de son travail.

Le fait est qu’un politique ne peut pas être un mystique, même si Charles Quint, grand politique, a essayé de se le faire croire, et qu’un mystique ne pourrait pas, même s’il le voulait et même si son dieu l’aidait, être un politique. Un mystique est quelqu’un qui est volens nolens, seul avec son dieu, parfois même jusqu’à en mourir, comme le sont le blanc et le jaune à l’intérieur d’un œuf. Un politique est quelqu’un qui pratique « l’art du possible » et s’occupe, bien ou mal, des affaires des autres humains, parfois même jusqu’à en mourir. Les deux formes de vie s’excluent l’une l’autre. Et le cher Henri Guillemin n’a réussi qu’à prouver qu’il était certes un profond croyant, mais ne savait pas ce que c’est qu’un mystique.

Ce sont là de ces choses regrettables, auxquelles on ne peut rien, et ceci n’est pas un règlement de comptes avec quelqu’un qui n’est plus là pour défendre sa conviction.

 

 

 

« Son assiette fait plaisir à voir » disaient les vieux soldats

Saint-Just à Fleurus, le 8 Messidor An II (26 juin 1794).

 

 

 

Un livre

 

 

Le 20 mars 2025, le député Jocelyn Dessigny (RN) croyait donner une leçon d’histoire à ses collègues parlementaires en déclarant que Saint-Just avait été décapité par Robespierre. En réalité, cette figure éminente de la Révolution française fut arrêtée et guillotinée en même temps que l’Incorruptible, précisément car il en était resté, jusqu’à la fin, l’un des plus proches compagnons. Tournée en dérision sur les réseaux sociaux, cette sortie illustre la méconnaissance qui entoure la vie et l’œuvre de celui que l’on surnomma « l’archange de la Révolution ». Dans un très beau numéro de la désormais incontournable collection « Les propédeutiques », Marc Belissa et Yannick Bosc nous invitent ainsi à Découvrir Saint-Just (Les éditions sociales, 2024). Les deux historiens, spécialistes de la Révolution française, présentent et commentent onze discours de l’intellectuel révolutionnaire, pour qui « les malheureux sont les puissances de la terre » et « ont le droit de parler en maîtres aux gouvernements qui les négligent ». Accompagnés d’une introduction efficace et d’une chronologie qui permettent de resituer le benjamin de la Convention dans la grande histoire de la Révolution, ces textes étonnent par leur actualité.

LVSL

 

 

Marc Belissa – Yannick Bosc

Découvrir Saint-Just

Les Éditions sociales

Collection : Les propédeutiques

Paru le 27/09/2024

184 pages

12€

Acheter sur : Notre boutique / ParisLibrairies / LaLibrairie

 

4e de couverture

Pour le grand public, Saint-Just reste « l’archange de la terreur », jeune, beau et impitoyable, le « fanatique austère et froi », l’exécutant zélé des volontés de Robespierre. Rompant avec ces mythes, forgés au XIXe siècle mais toujours vivaces, le présent ouvrage propose de revenir aux faits, aux textes. Il permet de (re)découvrir une figure majeure de la Révolution, dont l’action ardente s’appuie sur une pensée approfondie, originale et acérée. Car Saint-Just – député à la Convention, membre du Comité de Salut public, représentant en mission – est aussi un théoricien des institutions et de l’esprit républicain, chez qui attention aux réalités pratiques et projection utopique sont étroitement mêlées.

À lire

– Le compte-rendu de Catherine Goblot Cahen, professeur agrégée d’histoire, dans le blog des abonnés de Mediapart, à paraître dans le prochain numéro de MOLCER (Mouvement ouvrier, luttes de classes et révolution)

– L’entretien avec Yannick Bosc et Marc Belissa sur Frustration magazine.

– Quelques bonnes feuilles de l’ouvrage disponibles sur Le vent se lève.

Yannick Bosc et Marc Belissa sont deux petites particules de ce qui nous reste de grand et d’intègre. Il faut s’y raccrocher.

 

 

 

 

Mis en ligne le 12 Octobre 2025

par Les Grosses Orchades

 

 

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