PICROCHOLAND

 

 

Il arrive qu’on ne sache plus comment se débarrasser de son ras-le-bol, à voir le peuple européen qui dort.

Quelqu’un qui fréquente Rabelais, La Fontaine, Montaigne, Voltaire, Monteverdi et des latins qu’on ne connaît pas nous a envoyé ceci.

Partage.

 

L’empire qui n’avait pas de nom

 

Aline de Diéguez

 

 

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NB : Un pays qui, après deux siècles d’existence n’a toujours pas de nom et qui squatte impunément celui d’un double continent, prétend dominer la planète entière. J’ai donc décidé, en toute modestie, de faire cesser cet abus et de combler ce vide. Je crois avoir démontré qu’il est impossible de trouver un nom plus seyant et plus conforme à la nature profonde des habitants qui sont venus s’y loger après avoir délogé ceux qui y vivaient depuis les temps immémoriaux.

 

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I – Picrocholand

 

 1 – Les temps  héroïques

Un groupe de bipèdes décida un beau matin, de quitter ses chaumines enfumées et de s’en aller squatter une terre qu’ils déclarèrent vierge de toute présence humaine. Telle dame Belette s’emparant du logis de Jeannot Lapin, ils se déclarèrent les propriétaires de la terre sur laquelle ils venaient de débarquer, ainsi que de tout ce qui court, vole et rampe.

Une fois sur place, ils découvrirent qu’il y avait bien en ces lieux quelques bipèdes emplumés, mais les éclaireurs avaient rapidement nettoyé le terrain. Pas de pitié pour quelques groupes à moitié nus et coiffés de plumes, qui se permettaient de défendre leurs terres et de s’opposer à l’arrivée de la civilisation. Les colons avaient immédiatement proclamé que le territoire était vide avant leur arrivée.

 Ils avaientt d’abord baptisé leur Nouveau Monde Eden, mais depuis peu, sons l’impulsion de leurs nouveaux Empereurs, cette région a pris le nom de Picrocholand. Les arrivants décidèrent que les sous-hommes emplumés ne méritaient pas de vivre et le prouvèrent de la manière la plus expéditive qui soit.

Il faut savoir que leur ancêtre éponyme, Picrochole 1er, s’était illustré dans la féroce Guerre des fouaces dont les échos résonnent encore en pays angevin. Les épisodes de cette guerre mémorable nous sont connus grâce au récit minutieux qu’en fit le talentueux chroniqueur de l’époque, François Rabelais, dans ses célèbres Aventures du géant Gargantua, de son père Grandgousier et de son fils Pantagruel.

On se souvient que sur le point d’être submergé par ses ennemis, le noble  Grandgousier avait fait appel à son géant de fils, Gargantua, qui était arrivé à bride abattue sur son énorme jument, laquelle, en urinant, avait provoqué une crue si phénoménale qu’elle avait noyé toute l’armée de Picrochole et sauvé le royaume de Grandgousier.

Comme il arrive souvent, la prospérité de la colonie a dépassé celle de la maison-mère. Les Pïcrocholiens en ont été tellement fiers, et même si bouffis d’orgueil, que leur tête s’est mise à enfler. La petite bulle d’air et de folie qui permet à chacun de flotter légèrement au-dessus du sol a grossi, grossi et a fini par envahir leurs lobes frontaux.

Désormais, tous les Picrocholiens sont affligés d’une grosse tête dans laquelle se logent commodément leur bonne conscience, leurs illusions sur eux-mêmes et leur indifférence à tout ce qui grouille au-delà de leurs frontières. Ils sont persuadés qu’ils représentent, comme le proclamait leur Jefferson, « the world’s best hope », c’est-à-dire un fanal pour les autres peuples – et que la terre conquise sur les emplumés est le lieu idéal où se réaliseront les desseins divins.

C’est donc en ce lieu béni, laboratoire d’un futur mirobolant, que le retour d’un nouveau messie coïncidera avec un avenir glorieux dont ils seront les heureux bénéficiaires. En conséquence, ils se sont donné pour devise : Per aspera ad astra et se proclament en toute modestie la « nouvelle Jérusalem » ou le « nouveau Canaan ».

 

2 – Les Rowiens

Pour faire court, ils appellent ROW – abréviation de Rest of the World – les territoires mystérieux, barbares et bizarres qui clapotent à leurs frontières et qu’ils se donnent pour mission de « sauver » des maléfices de Satan. Ces territoires occupent-ils 99% de la superficie de la machine ronde ? Qu’à cela ne tienne, les vaillants missionnaires de la démocratie bottée, messagers du progrès, sont sur le pied de guerre de manière permanente. Brandissant l’étendard de la « Manifest Destiny » qui leur permet de débouler sur le monde, ils en profitent pour s’approprier terres et richesses sous couleur de le délivrer de l’oppression des tyrans. L’opinion de l’amas exogène et indistinct des Rowiens possède pour eux aussi peu d’importance que celle du vermisseau qu’ils écrasent d’un gros orteil dédaigneux.

Il faut dire que leur orteil, les Picrocholiens l’ont fort gros. En effet, leur silhouette a, elle aussi, subi des modifications morphologiques spectaculaires. Comme la plupart d’entre eux mangent habituellement de grosses miches de pain fourrées de mélanges gras et sucrés, beaucoup ressemblent aux beignets soufflés cuits dans l’huile ou aux vers blancs qui se cachent sous les pierres plates.

Les Picrocholiens prétendent que leur empereur possède une ligne téléphonique directe avec le Créateur et que celui-ci non seulement veille sur l’empire d’une manière toute particulière, mais qu’il a chargé ses habitants de la mission de civiliser les Rowiens en leur faisant avaler, de gré ou de force, les règles et les lois picrocholines. Ils ont ainsi prétendu remplacer les lois universelles par leurs propres « règles », mais qu’ils refusent mordicus de publier de peur que la lumière les fasse moisir. Ils ont même donné un nom à ce procédé. Ils appellent « exterritorialité » le fait de piéger les Rowiens naïfs dans des transactions commerciales imprévisibles.  Ces derniers, confiants dans la législation de leurs nations, se voient assommés de punitions financières vertigineuses pouvant se compter en milliards quand ils découvrent, parfois par hasard, qu’un élément mineur dans une transaction est lié à la législation du Picrocholand. Tant pis pour eux. Nul n’est censé ignorer les lois du paradis, même si elles sont secrètes. En effet, leur Dieu tout-puissant n’est pas, ils en sont sûrs, un Grand Trompeur comme un de ces Frenchies honnis, gardiens des portes de l’enfer, avait voulu l’insinuer.

 

3 – Découverte de la martingale

D’ailleurs, les Picrocholiens ont le génie et la bosse du commerce. Ils peuvent d’autant plus aisément accumuler des richesses qu’ils ont trouvé une fabuleuse martingale qui leur permet de satisfaire tous leurs désirs. Je reviendrai en détail sur cette trouvaille miraculeuse, que certains malveillants appellent l’escroquerie du millénaire, et que d’aucuns vont jusqu’à affirmer qu’on n’a rien vu de plus pervers et de plus néfaste depuis l’apparition de l’homo erectus.

Grâce à une ruse financière qui leur a permis, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, de vivre grassement en bénéficiant d’un jackpot permanent, les Picrocholiens ont pu, d’abord subrepticement, puis ouvertement, édifier un empire économique et militaire. Ils se sont alors imaginé qu’ils étaient tout puissants et omniscients et qu’en conséquence, ils jouissaient en tous domaines d’une impunité et d’une immunité qui leur assuraient un statut suréminent par rapport à la masse des Rowiens.

 

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URL de cet arricle : https://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/lempire-qui-navait-pas-de-nom/ 

 

 

 

 

Réflexions subséquentes des G. O.

 

 

Drogues picrocholines

 

En remontant le cours de l’histoire – la récente et l’éloignée – on trouve partout l’accusation de trafic de drogues brandie par les USA contre les gens qu’ils veulent soumettre (et pas juste envers Noriega !). Il faut aller voir chez le très informé Max Blumenthal pour en avoir une idée, du moins en ce qui concerne l’Amérique Latine. Mais ailleurs ?

Poutine et Xi ne sont pas encore de dangereux trafiquants de fentanyl ? Ils ne perdent rien pour attendre.

L’«abominable-dictateur-Maduro-trafiquant-de-drogue-&-dangereux-pour-les-USA » n’est donc que le dernier en date d’une assez longue série. Au moins n’exporte-t-il pas la drogue du meurtre en masse, qui est une spécialité brevetée US-ISRAËL–LINDSEY GRAHAM.

Pourtant…

…cette vertueuse croisade picrocholine contre les drogues ne colle pas tout à fait avec nos souvenirs personnels. La guerre d’Afghanistan (quel prétexte, là ?), ce n’est pourtant pas si vieux (2001-2021) !

Rappelez-vous :

 

Les USA et les drogues en Afghanistan

 

GI’s patrouillant dans un champ de pavots.

 

 

Idem

 

 

Des autres, ailleurs

 

 

Le boom de l’opium business sous l’occupation US

C’est en anglais, et, bien sûr, la version officielle était que les Picrocholes étaient là pour empêcher les affreux talibans de financer leur abominable résistance en vendant de la cocaïne à tours de bras aux riches populations afghanes…

Mais quelques voix mal inspirées (ici, celle de la BBC) se mêlaient de titrer :

 

 Au cœur de la guerre des talibans aux drogues : des récoltes de pavots détruites

En ce comprise une petite vidéo d’époque montrant les dictateurs barbus en action.

On sait que les Talibans détruisaient les champs de pavots des fermiers qui n’avaient pas obtempéré à l’ordre de cultiver du blé – beaucoup moins rentable ! – à la place.

 

PHOTOS À CONVICTION :

 

Troupes US et de l’OTAN patrouillant dans les champs de pavots producteurs d’opium en Afghanistan

 

Encore plus de photos de troupes US et de l’OTAN patrouillant les champs de pavots en Afghanistan

 

Pour les détruire ? Pour s’opposer aux récoltes ?

Ou pour empêcher les talibans de les supprimer ?

Qui peut encore ignorer que le trafic d’opium a surtout servi à financer les vingt ans d’occupation armée de ce malheureux pays ?

Qui n’est pas le seul et encore moins le premier :

 

Les guerres de l’opium en Chine

Les guerres de l’opium sont deux conflits qui ont opposé la Chine de la dynastie Qing au Royaume-Uni (et à la France pour la seconde) au XIXe siècle, principalement entre 1839 et 1842 (la première) et entre 1856 et 1860 (la seconde). Car Picrocholand, Messieurs-Dames, a des racines européennes.

C’est ce que les Chinois appellent leur « siècle d’humiliation ».

 

Pendant les guerres de l’opium, les puissances occidentales ont imposé leur volonté aux populations chinoises des villes en utilisant leur supériorité militaire pour forcer la Chine à ouvrir ses ports au commerce, notamment celui de l’opium, et à céder des territoires.

Les Britanniques, par exemple, ont détruit la marine chinoise et imposé le Traité de Nankin, qui ouvrait plusieurs ports au commerce étranger, créant des zones d’influence et affaiblissant le contrôle chinois sur son propre territoire. 

        • Domination militaire : Les puissances occidentales utilisaient une technologie militaire supérieure (navires et armes) pour vaincre les forces chinoises, même dans les villes.
        • Ouverture des ports : Les traités signés sous la contrainte obligeaient les villes chinoises à ouvrir des ports au commerce étranger, permettant aux Européens d’y établir des bases commerciales et des zones d’influence.
        • Exterritorialité et traités inégaux : Les puissances occidentales ont imposé des traités qui accordaient des privilèges aux étrangers, souvent au détriment de la souveraineté chinoise. Cela a donné aux puissances occidentales une influence considérable sur la vie dans les villes chinoises.
        • Imposition de l’opium : Malgré les efforts de la Chine pour interdire l’opium, les puissances occidentales ont imposé leur commerce, ce qui a eu des conséquences dévastatrices sur la population chinoise. 

Et ceci n’est qu’un aperçu IA !

 

Les grandes puissances prévoient de découper la Chine pour elles-mêmes. Les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, la France, la Russie et l’Autriche sont représentés par Guillaume II, Humbert Ier, John Bull, François-Joseph Ier (à l’arrière-plan), l’oncle Sam, Nicolas II, et Émile Loubet. Puck du 23 août 1899, par J. S. Pughe.

 

Caricature politique représentant la reine Victoria (Grande-Bretagne), Guillaume II (Allemagne), Nicolas II (Russie), Marianne (France) et un samouraï (Japon) se partageant la Chine.

 

 

Jusqu’à ce que Mao Tse Toung ait l’idée de génie d’entreprendre une Longue Marche avec – uniquement – les habitants beaucoup plus éparpillés des campagnes et encore plus pauvres que ceux des villes, mais moins accessibles aux dealers de la drogue obligatoire censée les transformer en esclaves obéissants réduits à une impuissance abjecte.

Commencée le 15 octobre 1934, la Longue Marche prit fin le 19 octobre 1935 et fit entre 90.000 et 100.000 morts rien qu’au sein des troupes communistes. (Et c’est Wikipedia qui le dit.)

 

 

 

 

Une Odyssée communiste racontée par un journal catholique, belge de surcroît, mais nous ne sommes pas sectaires

 

La Longue Marche, légende

 dorée de la Chine

communiste

 

Philippe Paquet  – La libre.be – s.d.

 

https://dossiers.lalibre.be/la_longue_marche_legende_doree_de_la_chine_communiste/

 

 

Mao, qui souffrait de la malaria, ne l’a pas faite à pied mais à cheval.

 

 

 

1er octobre 1949

« La Chine s’est mise en Commune »

 

Quand Léo Ferré a-t-il chanté ce vers pour la première fois ? À la fin des années cinquante ? Au début des années soixante ? Notre mémoire flanche, pluis encore que celle de Jeanne Moreau.

C’est dans Le roman inachevé de Louis Aragon (1956), et cela s’appelle « Je chante pour passer le temps » :

 

 

 

 

 

LIVRES

 

 

Sumone de Beauvoir

La Longue marche

Gallimard 1957

(édition originale, tirée à 46 exemplaires)

 

Simone de Beauvoir

La longue marche – Essai sur la Chine

Folio – 2022

640 pages

« Ce livre n’est pas un reportage : le reporter explore un présent stable, dont les éléments plus ou moins contingents se servent réciproquement de clés. En Chine, aujourd’hui, rien n’est contingent ; chaque chose tire son sens de l’avenir qui leur est commun à toutes ; le présent se définit par le passé qu’il dépasse et les nouveautés qu’il annonce : on le dénaturerait si on le considérait comme arrêté. Il n’est qu’une étape de cette « longue marche » qui achemine pacifiquement la Chine de la révolution démocratique à la révolution socialiste. Il ne suffit donc pas de le décrire : il faut l’expliquer. C’est à quoi je me suis efforcée. Certes, je ne tiens pas du tout pour négligeable ce qu’au cours d’un voyage de six semaines j’ai pu voir de mes yeux : se promener dans une rue, c’est une expérience irrécusable, irremplaçable, qui en enseigne plus long sur une ville que les plus ingénieuses hypothèses. Mais toutes les connaissances acquises sur place par des visites, conférences, conversations, etc., j’ai tenté de les éclairer à la lumière de la Chine d’hier, et dans la perspective de ses transformations futures. C’est seulement quand on le saisit dans son devenir que ce pays apparaît sous un jour véritable : ni paradis, ni infernale fourmilière, mais une région bien terrestre, où des hommes qui viennent de briser le cycle sans espoir d’une existence animale luttent durement pour édifier un monde humain. »

Simone de Beauvoir.

 

 

André Malraux

La condition humaine

Le livre de poche – 1966

352 pages

Folio – 1972

432 pages

Contexte historique :

En mars 1927, l’Armée révolutionnaire du Kuomintang sous le commandement de Tchang Kaï-Chek est en marche vers Shanghai. Afin de faciliter la prise de la ville, dont le port représente un important point stratégique, les cellules communistes de la ville préparent le soulèvement des ouvriers locaux. Mais inquiet de la puissance de ces derniers et gêné dans sa quête de pouvoir personnel, Tchang Kaï-Chek se retourne contre les communistes. Aidé en cela par les Occidentaux occupant les concessions, qui espèrent l’éclatement du Kuomintang, et des milieux d’affaires chinois, il fait assassiner le 12 avril 1927 des milliers d’ouvriers et dirigeants communistes par la Bande Verte, une société criminelle secrète. (Wikipedia)

« Outre l’irréductible échéance liée à la mort, outre les multiples et indicibles souffrances, n’est-il pas donné à tous de choisir son destin ? Certes la vie est tragique mais elle doit avoir un sens. Un sens, peut-être des sens, mais seuls quelques-uns aux vertus salvatrices s’offrent aux hommes pour les affranchir de leur condition. La Révolution, au nom d’une foi en la fraternité, est une arme tournée contre la misère, celle qui enchaîne l’homme parce qu’elle le prive de sa dignité. Vaincre l’humiliation en leur nom propre ou pour les autres par le biais de la Révolution, voici le combat que se sont choisis les héros de La Condition humaine. Pour échapper à l’angoisse de « n’être qu’un homme », l’amour est un autre de ces moyens, mais seul l’amour véritable et fusionnel qu’éprouvent Kyo et May l’un pour l’autre est susceptible de briser la profonde solitude des êtres. Misérable humanité, humanité héroïque et grandiose, c’est « la condition humaine »… Elle résonnera à jamais comme un écho au fond de soi, tant il est vrai que ce roman est « d’une intelligence admirable et, malgré cela, profondément enfoncé dans la vie, engagé, et pantelant d’une angoisse parfois insoutenable », comme l’avait écrit Gide.

 

 

 

Louis Aragon

Le roman inachevé

Poème

Préface d’Etiemble

NRF – 1966

255 pages

Le Roman inachevé est une œuvre majeure de Louis Aragon publiée en 1956, et non un roman écrit par Etiemble. Ce recueil de poèmes, sous-titré « Poème », est une autobiographie poétique qui retrace les événements de sa vie, de son enfance pendant la Première Guerre mondiale jusqu’à sa relation avec Elsa, et explore les thèmes de l’amour, de la mémoire et des épreuves. Etiemble a préfacé certaines éditions de l’œuvre, notamment celle de 1966

Quatrième de couverture :

Ce poème s’appelle « Roman » : c’est qu’il est un roman, au sens ancien du mot, au sens des romans médiévaux ; et surtout parce que, malgré le caractère autobiographique, ce poème est plus que le récit – journal ou mémoires – de la vie de l’auteur, un roman qui en est tiré.

Il faut le lire dans le contexte de l’oeuvre d’Aragon. Il s’agissait ici d’éviter les redites : on n’y trouvera pas le côté politique des Yeux et la Mémoire ou les heures de la Résistance de La Diane française ou du Musée Grévin. Le domaine privé, cette fois, l’emporte sur le domaine public. Même si nous traversons deux guerres, et le surréalisme, et bien des pays étrangers. Poème au sens des Yeux et de la Mémoire, ce Roman inachevé ne pouvait être achevé justement en raison de ces redites que cela eût comporté pour l’auteur. Peut-être la nouveauté de ce livre tient-elle d’abord à la diversité des formes poétiques employées. Diversité des mètres employés qui viendra contredire une idée courante qu’on se fait de la poésie d’Aragon. Il semble que, plus que le pas donné à telle ou telle méthode d’écriture, Aragon ait voulu marquer que la poésie est d’abord langage, et que le langage, sous toutes ses formes, a droit de cité dans ce royaume sans frontières qu’on appelle la poésie. Plus que jamais, ici, l’amour tient la première place.

 

 

YAN Lianke

Bons baisers de Lénine

Traduction :  Sylvie Gentil

Picquier – 2003

558 pages

Un des plus grands romans du XXe siècle. À ranger dans une bibliothèque entre le Voyage de Céline et le Porius de Powys, avec Pablo Neruda et Günter Grass. Son titre, en chinois, est La joie de vivre. Il commence au cours de la Longue Marche, à laquelle une petite fille prend part avec sa mère. Un matin, elle ne la retrouve pas à côté d’elle : ses camarades viennent de la fusiller, persuadés qu’elle les a trahis. La petite continue toute seule, mais elle est handicapée et finit par s’abattre, incapable d’aller plus loin, dans un village perdu des montagnes du Henan appelé Benaise, où se sont agglutinés, depuis l’époque des Ming, toutes sortes d’autres handicapés – sourds, muets, aveugles, boîteux, manchots, etc. – qui, tous développent des capacités inconnues aux « gens complets ». Et l’histoire de la Chine se droule. Benaise, situé à l’intersection de plusieurs régions administratives, est complètement oubliée des autorités. Heureusement oubliée ! mais de plus en plus incapable de nouer les deux bouts pour survivre. Jusqu’au jour où un de ses responsables apprend que la Fédération de Russie envisage de se débarrasser de la momie de Lénine. L’idée jaillit de transformer Benaise en miraculé touristique à la manière de Lourdes. Mais comment réunir la somme nécessaire au rachat du surhomme ? Pourquoi ne pas utiliser les capacités exceptionnelles développées par les habitants dans un spectacle ambulant, de cirque pour ainsi dire ? Et tout le monde s’y met. C’est cette odyssée que raconte le livre, jusqu’à la mort de Mao Zhi, la petite fille devenue très vieille, qui ne se déplace plus sans son linceul bien plié sur le dos « en cas de besoin ».

On ne peut pas raconter cette merveille, il faut la lire. En ne faisant pas trop attention aux bavardages de l’édition et de la critique françaises sur les « persécutions » subies par l’auteur dans son pays, où il a obtenu des prix. Il faut bien vendre.

La merveille d’écriture, d’invention virtuose du langage, ne disparaît pas à la traduction. Osmose assez rare pour être signalée.

 

François Rabelais

Gargantua

Texte original et translation

en français moderne

Points Seuil 1997

508 pages

Le troisième jour de février ? Gargantua naît de l’oreille de sa mère. Immédiatement, le nouveau-né assoiffé réclame à boire. Fils de Grandgousier et père de Pantagruel, le géant Gargantua est élevé librement. Il développe sa connaissance des textes anciens et de la nature. Puis vient la guerre avec Picrochole, Gargantua doit à tout prix protéger le royaume…

Quatrième de couverture :

« C’est que vous, mes bons disciples, et quelques autres fols en disponibilité, lorsque vous lisez les joyeux titres de certains livres de notre invention comme Gargantua, Pantagruel, Fessepinte, La Dignité des Braguettes, Des Pois au lard, assaisonnés d’un commentaire, etc., vous jugez trop facilement qu’il n’y est question au-dedans que de moqueries, pitreries et joyeuses menteries vu qu’à l’extérieur l’écriteau (c’est-à-dire le titre) est habituellement compris, sans examen plus approfondi, dans le sens de la dérision ou de la plaisanterie. Mais ce n’est pas avec une telle désinvolture qu’il convient de juger les oeuvres des humains »

 

 

Picrochole vaincu

Gustave Doré, 1873

 

Ainsi soit-il !

 

 

 

Mis en ligne le 9 novembre 2025

par Les Grosses Orchades

 

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