Déstabilisation du Caucase

 

 

US Game of Death Continues

 

[Le jeu mortel des USA continue]

 

Pascal Lottaz  et  Lasha Kasradze interviewent

Jeffrey Sachs

10.8.2025

 

Transcription : Singjupost.com

Traduduction : c.l. pour L.G.O.

 

 

 

 

 

Transcription :

 

 

Opération de déstabilisation dans le Caucase et vassalisation de l’Europe

 

 

 

 

 

 

 

Lisez la transcription intégrale de la conversation entre Pascal Lottaz, animateur de Neutrality Studies, et ses invités : Jeffrey Sachs, économiste et analyste des politiques publiques, et Lasha Kasradze, analyste des relations internationales, sur le thème « Opération de déstabilisation dans le Caucase et vassalisation de l’Europe », le 10 août 2025.

 

 

INTRODUCTION

Pascal Lottaz : Bonjour à tous. Je suis Pascal, de Neutrality Studies. Je suis aujourd’hui accompagné de mon co-animateur, Lasha Kasradze, analyste en relations internationales spécialisé dans le Caucase du Sud. Nous sommes très honorés d’accueillir le professeur Jeffrey Sachs, professeur à l’université Columbia, conseiller auprès de nombreux gouvernements et analyste prolifique. Jeffrey, bienvenue à nouveau.

Jeffrey Sachs : Je suis ravi d’être à nouveau avec vous deux.

Pascal Lottaz : Merci. C’est un plaisir de vous accueillir, professeur. Nous aimerions tout d’abord vous interroger spécifiquement sur le Caucase du Sud, car cette région a connu de nombreux développements ces derniers mois. De l’Azerbaïdjan, qui soutient l’attaque américaine et israélienne contre l’Iran, à la répression de l’opposition politique en Arménie, en passant par la tentative en Géorgie de renverser le gouvernement élu par un mouvement qui rappelle fortement l’Euromaïdan en Ukraine, même s’il remonte déjà à décembre dernier. Mais cela reste encore très présent dans mon esprit.

Que pensez-vous de ces événements ?

 

 

Ingérence des USA et de l’Europe dans le Caucase du Sud

Jeffrey Sachs : Eh bien, ils sont tous interconnectés dans les trois régions du Caucase du Sud. Il s’agit d’une ingérence des USA et de l’Europe, qui tentent d’y provoquer des révolutions colorées afin de s’attaquer à nouveau au point faible de la Russie. C’est très déstabilisant, et cela vient des États-Unis et de l’Europe, en particulier de leurs agences de renseignement.

Je n’ai aucune sympathie pour ce que l’Europe et les États-Unis sont en train de faire, parce que cette région se trouve entre plusieurs grandes puissances : la Russie, l’Iran, la Turquie, les pays du Golfe. Il faut y toucher avec précaution.

Ce n’est pas en Europe. Géographiquement, c’est l’Asie. L’Europe devrait se retirer de là.

Ce n’est pas que le Caucase du Sud devrait avoir de mauvaises relations avec l’Europe ni avec qui que ce soit d’autre. C’est simplement que l’ingérence dans la politique intérieure de ces trois pays fragiles, situés dans une région très difficile, devrait être traitée avec une extrême déférence et une grande prudence afin qu’ils ne deviennent pas la prochaine Ukraine.

L’Ukraine est en proie aux flammes à cause de la stupidité des États-Unis et de l’Europe, et ils essaient de recommencer dans le Caucase du Sud. Que diable fait l’Azerbaïdjan dans le conflit au Moyen-Orient en soutenant Israël et ses attaques contre l’Iran ? Vous plaisantez ? C’est incroyable. Et c’est l’œuvre de la CIA, ces génies qui vont déstabiliser cette région et créer une crise majeure.

Pascal Lottaz : Pensez-vous que même en Azerbaïdjan, cela fait partie du travail de la CIA d’utiliser le pays contre l’Iran ? N’est-ce pas plutôt quelque chose qui vient de la direction du pays ?

Jeffrey Sachs : Tout ce qui est indigène commencerait par dire : « Nous sommes dans le Caucase du Sud. Nous sommes pris entre plusieurs puissances. Nous ferions mieux de rester unis, car c’est là que réside notre avenir économique et notre sécurité. Nous ne devons pas nous mettre nos voisins à dos. Nous devons trouver un moyen d’être véritablement le corridor central qui relie l’Asie et l’Europe, et le corridor nord-sud qui relie la Russie et le Moyen-Orient. Et nous devons rester en dehors des grandes politiques de puissance et, pour l’amour de Dieu, rester en dehors des guerres d’Israël. »

Honte à Israël. Mais, bien sûr, Israël ne peut pas agir seul. Le Mossad, la CIA et l’Europe jouent tous ce jeu dans cette région extrêmement instable.

 

 

L’approche pragmatique de la Géorgie

Pascal Lottaz : Lasha, tues en Géorgie. Quelle est ton impression sur la direction que prend la Géorgie ? Car, à mon avis, il semble que la Géorgie essaie de se sortir de cette situation. Tu pourrais peut-être rebondir sur ce qu’a dit Jeffrey.

Lasha Kasradze : Oui, bien sûr. Tout d’abord, je comprends et je partage l’avis du professeur Sachs sur la survie dans la région. C’est ce à quoi il faisait allusion, je pense.

C’est vrai, la Géorgie fait en effet un travail remarquable. Le gouvernement actuel, en termes de géopolitique, de pragmatisme et de protection des intérêts de sécurité nationale d’un petit État, fait, à mon avis, un excellent travail, compte tenu de la réalité à laquelle il est confronté.

.Jeffrey Sachs : Je suis tout à fait d’accord avec ceci, tout à fait.

Lasha Kasradze : Formidable. Ça fait plaisir à entendre. Et je ne cherche pas à exagérer ce qui se passe. Ces questions sont tellement politisées de nos jours qu’il faut faire preuve d’une certaine prudence, du moins lorsqu’il s’agit de les analyser ou de les citer en prenant position. J’essaie de me contenter d’analyser d’un point de vue universitaire.

Et il n’y a aucune raison de soupçonner que ce gouvernement poursuit certains objectifs ou qu’il essaie de dépasser ses compétences, si vous voulez, ou qu’il agit de manière imprudente, et c’est un changement fondamental par rapport au gouvernement précédent, qui nous a conduits à la guerre de 2008 et a failli mettre fin à l’État géorgien.

La Géorgie, je ne cesse de le répéter et je continuerai à le dire : en août 2008, lorsque la Russie l’a envahie, la Géorgie a failli disparaître en tant qu’État. Je pense donc que ce gouvernement a compris ce qu’il faut faire quand on se trouve dans un environnement extrêmement hostile. Il faut être très pragmatique. Avoir une politique régionale sans problème.

Et bien sûr, comme l’a mentionné précédemment le professeur Sachs, la Géorgie ne peut pas se permettre d’adopter une attitude belliqueuse envers l’Occident. La Géorgie a besoin de l’Occident, mais pas sous la forme ni dans les conditions que l’Occident lui a imposées au cours de plus ou moins la dernière décennie.

 

 

Mise en garde contre les jeux américains et européens

Jeffrey Sachs : Si je peux me permettre d’ajouter quelque chose, pour être tout à fait clair : j’admire le gouvernement géorgien actuel pour son bon sens et son pragmatisme. Je suis en revanche profondément sceptique au sujet de l’Azerbaïdjan et du gouvernement arménien qui, à l’heure actuelle, se livrent à des manœuvres, ou peut-être même n’est-ce pas tout à fait exact, se laissent utiliser par les États-Unis et l’Europe à des fins géopolitiques qui ne servent pas les intérêts de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie.

Et c’est précisément ce contre quoi je mets en garde, pour être bien clair, à savoir que la CIA a depuis longtemps pour habitude de s’ingérer dans les affaires des pays limitrophes de la Russie et désormais aussi de l’Iran. Et c’est justement ce qui se passe en ce moment. C’est extrêmement dangereux.

L’Occident, comme il est convenu de l’appeler, s’en vient raconter des contes de fées à des pays comme il l’a fait en Ukraine. En réalité, pour être plus précis, il a renversé un gouvernement en Ukraine pour pouvoir seriner ses contes de fées à un régime qu’il a mis en place en février 2014. Mais le fait est qu’il vient raconter un conte de fées : « Nous allons vous sauver. »

Et ce que je dis à mes amis du Caucase du Sud, c’est : regardez bien sur une carte, les États-Unis se fichent complètement du Caucase du Sud. Ils jouent un jeu. Soyez prudents.

Bruxelles, qui est totalement incompétente et incapable de faire quoi que ce soit d’utile, je suis désolé de le dire parce que j’ai été, à un certain moment, un grand fan de l’Union européenne. Mais l’Union européenne n’a rien à voir dans le Caucase du Sud. Le Caucase du Sud n’est pas en Europe. La crête des grandes montagnes du Caucase est la ligne de démarcation qui sépare l’Europe de l’Asie.

C’est pourquoi il vous faut faire attention à ne pas vous laisser manipuler. Faites plutôt attention à vos voisins. Vos voisins sont la Russie, la Turquie, l’Iran, l’Arabie saoudite et d’autres pays. C’est ce qui est important pour vous. Ne croyez pas que les États-Unis, en particulier sous Donald Trump, vont d’une manière ou d’une autre vous sauver de vos voisins. Vous plaisantez ou quoi ? Ils vont vous plonger dans les pires  ennuis.

 

 

Bruxelles en vassale des États-Unis

La capacité de Bruxelles à vous y plonger est stupéfiante, mais on pourrait dire que Bruxelles agit en quelque sorte en vassale des USA. Bruxelles, en réalité, ne représente pas l’Europe, ni les intérêts européens. Elle représente les intérêts US. C’est pourquoi l’OTAN et la Commission européenne y sont toutes deux situées au même endroit. Elles jouent le même jeu.

Le Caucase du Sud est depuis des décennies le théâtre de jeux politiques. Je pourrais d’ailleurs raconter là-dessus à Lasha une anecdote personnelle. En 2008, à un moment qu’il considère comme une grande menace pour la Géorgie, j’ai eu l’occasion d’être invité, en qualité de membre du Conscil en Relations Étrangères à New York, à une conférence donnée par le dirigeant géorgien de l’époque, Saakachvili.

Saakachvili était une marionnette des États-Unis. Il était à la solde de George Soros. C’était absolument un pantin US. Disons-le comme ça. Je suis donc allé à la conférence. Franchement, j’ai trouvé que ce type était fou.

Il a donné une conférence au Conseil des Relations Étrangères. « La Géorgie est au cœur de l’Europe. La Géorgie est un membre-clé et restera un membre-clé de l’OTAN. La Géorgie, cette Géorgie-là, et l’Europe. » Et je suis sorti, et, bien sûr, le public américain de New York l’a applaudi. « Oui. Nous vous aimons. Nous vous aimons. »

Et moi, je suis sorti et j’ai appelé ma femme, et je lui ai dit : « Ce type est fou. Il va perdre son pays. » C’était de la folie pure. Et quelques semaines plus tard, la guerre a éclaté. Vous savez, c’est si évident. Ne vous laissez pas manipuler. Ne vous faites pas posséder par l’argent US.

Ne vous laissez pas posséder par les soi-disant ONG américaines, qui ne sont pas vraiment des ONG. Ce sont des OG, des organisations gouvernementales. Allons donc, je le sais bien :  Il y a quarante ans que je les observe ! Ce sont des organisations gouvernementales.

Et c’est pourquoi, quand la Géorgie a tenté de dire : « Non, vous devez vous enregistrer en tant que ou au moins nous dire qui vous finance », qui s’est énervé ? Les bailleurs de fonds. « Vous allez nous exposer. Vous allez prouver que nous sommes des organisations gouvernementales… que cet argent vient de Washington ! » Je vous le répète : c’est un jeu. Ne vous laissez plus prendre au piège, par pitié.

J’aime le Caucase du Sud. Quelle belle région ! Quelle histoire formidable ! Quelle culture extraordinaire ! Quels sites merveilleux ! Au fait, le tourisme, la gastronomie, tout y est phénoménal. Mais, pour l’amour du ciel, ne vous laissez pas prendre au piège d’un jeu qui va vous transformer en Ukraine. C’est tout simple.

Et je vous en supplie, ne vous engagez pas sur les traces de l’Azerbaïdjan. Restez en dehors des guerres au Moyen-Orient. Restez en dehors du génocide qui se déroule à Gaza. Ne faites pas ça, sous prétexte qu’Israël vous fournit des systèmes de sécurité ou d’espionnage ou quoi que ce soit d’autre. Pour l’amour de Dieu, ce n’est pas l’avenir du Caucase du Sud.

 

 

Les objectifs permanents de l’État Profond.

Pascal Lottaz : Jeffrey, Lasha et moi discutions également, avant que vous ne vous connectiez, du rôle joué par l’État Profond. Car d’un côté, oui, nous avons les ONG. Mais il existe, bien sûr, différents moyens d’exercer une influence dans ces endroits-là, à commencer par ce qu’y fait la CIA..

Mais pourquoi Washington semble-t-il s’intéresser en permanence à ces jeux, y compris lorsqu’une personnalité comme Donald Trump se mobilise contre l’État Profond ? Pourtant, ça continue.

Jeffrey Sachs : Il ne s’en prend pas à l’État Profond. L’État Profond est plus gros que Donald Trump. L’« État Profond », cela veut dire le système de sécurité permanent des États-Unis d’Amérique. Et depuis sa création en 1947 – je dirais même depuis 1945, avec l’OSS – il a été mis sur pied pour détruire la Russie. Cela a été son objectif primordial.

Maintenant, je dirais que l’objectif principal de l’État Profond est de détruire la Russie et la Chine. Et qu’un des objectifs corollaires de l’État Profond est de faire d’Israël la puissance hégémonique locale dans son voisinage de Méditerranée orientale. Mais cela faisant partie d’une stratégie plus large, qui consiste à défaire la Russie et la Chine. C’est ça, l’État Profond.

Et l’État Profond ne perd jamais de vue l’échiquier, comme Brzezinski l’a fait dans son livre Le Grand Échiquier en 1997. Et il considère chaque case de l’échiquier comme faisant partie de ce jeu. C’est vraiment considéré comme un jeu. C’est considéré comme un jeu dans deux cas.

L’un des deux est que, dans la théorie des jeux, il s’agit d’une stratégie. Il faut placer ses pions à différents endroits, ses bases militaires à différents endroits, ses révolutions colorées, ses coups d’État, ses dirigeants choisis comme Saakachvili, etc. Tout ça en fait partie.

L’autre, le second, pris dans un sens plus familier, est qu’ils considèrent cela véritablement comme un jeu. Ces gens ne sont pas assis sur leurs fesses en première ligne. Ce ne sont pas eux qui sont tués. Ce ne sont pas eux qui meurent en masse en Ukraine ou qui sont massacrés ou affamés à Gaza. C’est donc un jeu pour eux, ni plus ni moins qu’un jeu vidéo. C’est un combat à distance où rien ne les touche jamais personnellement

Ils sont donc prêts à sacrifier des endroits si ça peut affaiblir leur ennemi. Rappelez-vous, quel est l’objectif de la guerre en Ukraine ? Eh bien, notre secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, l’a défini au printemps 2022 : il s’agit d’affaiblir la Russie. D’affaiblir la Russie en sacrifiant des millions de vies ukrainiennes. C’est ça l’idée.

 

 

Primauté US et stratégie d’« extension à la Russie »

Ainsi, l’État profond a un objectif primordial, à savoir la primauté américaine. Et cette primauté américaine est menacée par l’existence d’autres grandes puissances. L’Amérique ne se soucie pas des «endroits insignifiants ». (Je mets ça  entre guillemets. J’explique le point de vue américain en matière de sécurité.)

Croyez-vous qu’ils se soucient de la Géorgie ? Croyez-vous qu’ils se soucient de l’Arménie ? Croyez-vous qu’ils en aient quelque chose à fiche de l’Azerbaïdjan ? Croyez-vous qu’ils savent seulement où ces endroits se trouvent ? La seule chose qu’ils savent à ces égards, c’est que le Caucase du Sud est en quelque sorte le talon d’Achille de la Russie. Ils estiment donc qu’il faut nous en prendre à la Russie, l’asticoter par tous les moyens possibles, directs ou indirects. Et c’est ce que nous permet de faire la région voisine.

Et c’est de cette manière-là aussi que les USA considèrent la Chine. De la même manière qu’ils considèrent la Russie. Il existe un texte publié en 2019. Il serait drôle s’il n’était aussi tragique. C’est un document de la Rand Corporation intitulé Extending Russia  (« Étension de – ou à – la Russie »).

 

 

[Soulignons en passant que Brian Berletič y fait une copieuse allusion dans la vidéo d’ouverture de ce post, et qu’aujourd’hui-même (12 août) Simplicius y consacre un passage important de son article du jour, Israel announces « final plan » to occupy Gaza : the infamous 2019 Rand report,  y renvoyant ainsi son lecteur. N.d.T ]

 

 

La Rand Corporation dresse une liste. : Que pouvons-nous faire pour embêter la Russie ? Est-ce vraiment là l’objectif des États-Unis d’Amérique ? Embêter la Russie ? Eh bien, oui, de leur point de vue, car nous (US) essayons de déstabiliser la Russie, de la maintenir en permanence sur la défensive, de l’empêcher de se développer économiquement, de l’empêcher de développer des relations économiques normales avec le reste du monde, y compris à travers le Caucase du Sud.

 

 

Liste de la Rand Corporation  [Intrusion des G.O.]

 

 

Ce chapitre décrit les six actions US possibles dans la compétition géopolitique en cours :

– Fournir des armes létales à l’Ukraine

– Reprendre le soutien aux rebelles syriens

– Promouvoir un changement de régime au Belarus

– Exploiter les tensions entre les Arméniens et les Azéris

–Intensifier l’attention à l’Asie Centrale

– Isoler la Transnistrie (enclave occupée par la Russie en Moldavie).

 

 

Parce que le commerce de la Russie avec le Caucase du Sud et la région du Golfe serait pour elle très avantageux Il s’agit donc d’empêcher le Caucase du Sud de devenir le corridor est-ouest, le corridor central entre l’Asie et l’Europe. Ils ne veulent pas de cela ! Ce qu’ils veulent, c’est affaiblir la Russie. C’est bien leur objectif principal.

Pascal Lottaz : Lasha,est-ce que tu veux intervenir ?

Lasha Kasradze : Oui, bien sûr. Ce que je voudrais, c’est juste ajouter un commentaire. Et peut-être que le professeur voudra y répondre. Je pense que l’un des plus grands problèmes, quand vous dites, Professeur : « ne vous laissez pas berner par ces promesses, par ces contes de fées », qu’une partie du problème, une partie de la raison pour laquelle ils se sont laissé berner, est d’ordre historique.

 

 

Contexte historique des aspirations occidentales de la Géorgie

Lasha Kasradze : Cela remonte à plusieurs centaines d’années, voire plus, l’idée que, dans un endroit extrêmement idéalisé, la Géorgie a toujours appartenu à l’Occident, même si c’était en contradiction avec la réalité matérielle et la géopolitique. Malgré tous ses efforts et toutes ses tentatives, la Géorgie n’a jamais réussi à se faire admettre dans le club élitiste occidental de la géopolitique, de la géoéconomie, etc. La Géorgie continue à demander qu’on l’y admette.

Elle continue à demander. Mais personne ne semble penser à se demander pourquoi elle n’a pas été admise dans ce club. Ça, c’est le premier point.

Le second point que je souhaite soulever concerne, par exemple, la période post-soviétique, post-guerre froide. Il y a eu cette attente irrationnelle et erronée que les États-Unis interviennent et entreprennent une sorte de reconstruction nationale… Comme au Japon, en Corée du Sud et en Europe occidentale après la Deuxième Guerre mondiale. Bien que, subconsciemment, ils n’aient pas rationalisé ce discours pour le public géorgien. C’est bien là le problème. C’est bien ce qui manque. Il n’a pas été rationalisé.

Personne n’a analysé le fait qu’il n’a jamais existé aucun plan de ce type pour le Caucase du Sud, où, à défaut de l’ensemble de Occident, au moins les USA, avec leur leadership et leurs énormes ressources, auraient pu et ne sont pas intervenus pour reconstruire le Caucase du Sud au nom de la Géorgie, ou alors pour s’occuper de la Géorgie toute seule, reconstruire la Géorgie et laisser tomber tout le reste du Caucase du Sud. C’est pour cela que, logiquement, à leurs yeux, rien n’a de sens.

Et pourtant, il reste cette rhétorique, cette naïveté, cette confusion, cette sorte d’attente inconsciente que l’Amérique va continuer d’intervenir avec l’OTAN et en encourageant l’Union européenne à s’occuper du Caucase du Sud, comme si aucun autre pays de la région n’existait ou n’avait jamais existé, qui soit susceptible d’en être affecté. La Russie, au premier chef. Vous savez, Il s’agit bien d’un conflit mental, d’un conflit sociologique avec la réalité.

Donc, il y a cette attente que l’Amérique intervienne et mette en place une sorte de plan Marshall pour le Caucase du Sud… attente absurde, puisque rien de ce genre n’a bien sûr jamais été envisagé. C’est très difficile d’expliquer tout ça à mes collègues et amis, parce que, en réalité, ils n’y croient manifestement pas et sont très surpris que cela ait pu être le moteur de ces trente années de naïveté et d’idéalisme mal dirigé qui ont abouti à l’année 2008. Et puis, vous le savez comme moi : Freedom Agenda, Dick Cheney et Victoria Nuland sont arrivés et nous ont dit que la Géorgie était le phare de la liberté, etc. etc.

Alors, qu’est-ce que vous en pensez ? Qu’est-ce que vous pourriez suggérer ?

 

 

[Ceci rappelle étrangement ce que racontaient les exilés hongrois, après 1956, comment ils avaient cédé aux contes de fées et aux promesses de Radio Free Europe et comment ils s’étaient retrouvés tout seuls sur leurs barricades, à attendre une intervention armée dont il n’avait bien entendu jamais été question. NdT]

 

 

Mythe d’un plan Marshall et héritage de la guerre froide 

Professeur Jeffrey Sachs : Beaucoup de choses me viennent à l’esprit. Tout d’abord, l’héritage du plan Marshall à la fin des années 1940 et le soutien à la reconstruction du Japon étaient spécifiques à la période de la guerre froide, quand les USA se positionnaient comme la nouvelle puissance hégémonique mondiale, contestée par une seule puissance, l’Union Soviétique. Les USA ont donc construit cette alliance, ou ont tenté de la construire, contre le communisme soviétique.

C’était l’idée. Il n’y a rien eu de tel depuis lors. Tout d’abord, le Caucase du Sud n’est pas l’Europe occidentale de 1949. Et il ne le sera plus jamais. À cette époque, il y avait une puissance dominante et une deuxième superpuissance, l’Union soviétique.

Et nous avons connu ce conflit bipolaire très dangereux. Mais c’est à ce moment-là que l’idée d’un « État Profond », qui existe depuis… maintenant,… comme je l’ai dit…. quatre-vingts ans, a pris racine, dans le but de saper, puis de vaincre et même de détruire, d’abord l’URSS, puis la Russie. Et c’est ce qui se poursuit encore aujourd’hui, assurément.

Parce que, même après 1991,quand l’Union soviétique a pris fin et que les gouvernements russes ont déclaré : « Nous voulons simplement coopérer. Nous voulons avoir des relations normales », les USA ont répondu : « Non. Vous devez vous mettre à genoux. Vous devez nous être soumis. » Et plus encore : « Nous vous briserons en morceaux, peut-être en trois morceaux », a déclaré Brzezinski. « Vous allez être une confédération lâche, composée d’une Russie européenne, d’une Russie d’Asie centrale et d’une Russie d’Asie orientale. ». C’est un monde imaginaire, mais très, très dangereux.

Pascal Lottaz : J’allais dire que le changement fondamental qui s’est produit depuis lors dans le monde fait qu’on ne peut même pas dire qu’il s’agit d’une illusion, parce que nous vivons clairement, désormais, dans un monde multipolaire où les USA n’ont même plus le début du pouvoir, de l’influence ou des moyens financiers qu’il faudrait pour faire quoi que ce soit de tout cela. Nous sommes un pays immensément endetté.

Nous empruntons chaque année des sommes colossales, rien que pour maintenir nos comptes en ordre, vous savez, pour que notre gouvernement puisse fonctionner. L’Europe et les USA ne sont pas en train de construire le Caucase du Sud. Ils veulent juste agacer, irriter, voire déstabiliser la Russie. C’est tout le contraire d’un développement économique.

Et quelle importance accordez-vous à l’aspect générationnel ? Vous savez, tout comme pour le Japon, lorsque le Japon était occupé, MacArthur pensait en fait qu’il devait être neutre. Il faisait partie, bien sûr, d’une génération de gens qui avaient grandi dans les années 1910 et 1920 et qui avaient grandi dans l’ancienne Amérique. Aujourd’hui, les gens au pouvoir sont ceux qui ont grandi dans les années 1980, 1990 et 2000.

N’est-ce pas ? Et ils ont aujourd’hui entre cinquante et soixante ans. Quelle est l’importance de ce facteur ? Par exemple, quand vous étiez jeune, comment voyiez-vous le monde à cette époque ?

 

 

Mentalité hégémonique américaine

Professeur Jeffrey Sachs : En fait, je ne savais pas, jusqu’à ce que vous me le disiez, que MacArthur préconisait la neutralité du Japon, car la politique américaine était clairement d’occuper le Japon pour toujours, en tant qu’avant-poste militaire des États-Unis à la frontière chinoise. Peut-être est-ce la guerre de Corée qui a changé tout cela, ou peut-être le départ de MacArthur y est-il pour quelque chose, peu importe. Mais il est certain que les États-Unis ne toléreraient jamais un Japon neutre aujourd’hui, avec l’idéologie qui est la leur. Et je pense que c’est ainsi depuis longtemps.

Vous et moi avons discuté de ma récente relecture du dialogue de Milos dans l’ouvrage de Thucydide La guerre du Péloponnèse, dialogue incroyablement puissant et sinistre dans lequel les Athéniens disent aux habitants de l’île de Milos : « Vous êtes soit avec nous, soit contre nous. Et si vous essayez de rester neutres, nous tuons tous les hommes et réduisons en esclavage toutes les femmes et tous les enfants. » C’est la mentalité américaine actuelle.

Je pense qu’il en a été ainsi plus ou moins depuis l’époque où John Foster Dulles est devenu secrétaire d’État ou depuis la résolution NSC 68 de 1950, lorsque les États-Unis se sont lancés à fond dans la croisade de la guerre froide, qui consistait à vaincre l’ennemi et à devenir le gendarme du monde.

Après 1991, l’idée que les États-Unis seraient le gendarme du monde, ce qui, à l’époque où j’ai grandi, avait une connotation négative. « Oh, vous vous prenez pour le gendarme du monde ! » Mais pour les néoconservateurs, c’était un compliment. Nous assumerons, disaient-ils, les fonctions de police du monde, les États-Unis seront le gendarme du monde. Ce qu’ils voulaient dire, c’est que les USA dirigeraient le monde, et que tous se recroquevilleraient, s’inclineraient ou feraient ce qu’ils pourraient pour montrer aux USA comme ils étaient obéissants.

Le problème,, avec tout ça, c’est que c’est une illusion, parce que, comme vient de le déclarer le président Lula : « nous n’avons pas besoin d’un empereur ». Nous ne voulons donc pas qu’une seule personne dicte sa loi au reste du monde, et nous n’avons pas de superpuissance unique dans le monde.

 

 

Réalités économiques et alternatives régionales

Pour en revenir au Caucase du Sud, regardez : Avoir de bonnes relations avec la Chine est encore plus important pour l’avenir économique du Caucase du Sud qu’avoir de bonnes relations avec les États-Unis. Soit dit sans détours. Pourquoi ? Parce que la Chine est la grande économie de l’Asie.

L’Inde aussi sera une puissance majeure et est appelée à jouer à l’avenir un rôle important dans le Caucase du Sud. Les USA sont protectionnistes, leur marché croît lentement et ils sont loin. C’est pourquoi, pour le Caucase du Sud, la stratégie consiste à être un corridor stable, sûr et pacifique entre le nord, le sud, l’est et l’ouest, ainsi qu’un endroit idéal pour toutes sortes d’industries, pour les technologies de pointe, l’agriculture, le tourisme et la manufacture. C’est l’avenir. La question est donc de savoir comment y parvenir.

Et cela ne repose pas sur l’OTAN. Que tout soit bien clair pour tout le monde dans le Caucase du Sud : aucun pays du Caucase du Sud ne fera jamais partie de l’OTAN. Car avant que cela n’arrive, il faudra qu’il y ait eu une guerre ukrainienne victorieuse dans le Caucase du Sud. La Russie ne permettra jamais que cela se produise.

Et je vais faire une déclaration similaire. Il n’y aura jamais d’alliance militaire entre le Mexique et la Russie, ni entre le Mexique et la Chine, parce que les États-Unis envahiront le Mexique avant que cela ne soit possible. Les grandes puissances ne doivent donc pas établir leurs camps aux frontières d’autres grandes puissances. C’est le principe de survie le plus fondamental dans ce monde.

Les États-Unis, s’ils avaient le moindre bon sens, ce qui n’est manifestement pas le cas, mais s’ils en avaient, ils n’auraient jamais poursuivi ce genre d’objectif, ils n’auraient même pas envisagé l’idée que l’Ukraine ou la Géorgie puissent rejoindre l’OTAN, ils n’armeraient pas Taïwan en ce moment, ils resteraient en dehors de la sphère d’influence des autres superpuissances et demanderaient sagement à ces dernières de rester en dehors de la leur, ce qui permettrait d’instaurer un monde pacifique où nous ne nous détruirions pas les uns les autres.

 

 

Stabilité régionale et multiples parties prenantes

L’autre point que je voudrais mentionner en passant, est que le Caucase du Sud a d’autres choix. Ce n’est pas comme si sa sécurité se résumait à « soit nous sommes dans l’OTAN, soit la Russie nous envahit ». La Russie ne va pas envahir le Caucase du Sud à moins que les États-Unis ne l’y poussent. Pourquoi ? D’abord, parce qu’il y a beaucoup de puissances importantes dans la région. La Turquie ne voudra jamais que la Russie envahisse quiconque. L’Iran non plus ne voudra jamais qu’elle envahisse qui que ce soit.

De son côté, la Russie aimerait que le Caucase du Sud soit en quelque sorte une zone de sécurité entre toutes ces puissances. Car elle a grand intérêt à ce que la stabilité règne dans cette région. Et la Chine aussi, soit dit en passant, a un puissant intérêt à la stabilité du Caucase du Sud, parce qu’il s’agit d’un corridor essentiel pour la connectivité est-ouest, ce qui, comme tout le monde le comprend, est un objectif majeur de la Chine, au moins depuis la dynastie Han d’il y a deux mille ans, un objectif qui consiste à faire du corridor est-ouest une route de la soie. Aujourd’hui, nous disons « Belt and Road ».

Et c’est ainsi que tout le monde souhaite la stabilité dans le Caucase du Sud, à l’exception sans doute de Bruxelles et des États-Unis. Mais il n’y a aucune raison pour que les pays du Caucase du Sud se disent : « Oh mon Dieu, ou nous faisons ceci ou l’empire russe va nous envahir ». C’est le genre d’illusion que les États-Unis aimeraient bien faire avaler, mais c’est une illusion complètement trompeuse.

Pascal Lottaz : Jeffrey, nous n’oublions pas que vous avez un emploi du temps à respecter et nous tenons à vous remercier pour toutes ces explications, qui nous sont très précieuses. Grand merci pour tout.

Professeur Jeffrey Sachs : Oui. Et moi, j’ai été heureux de vous retrouver tous les deux. Ça m’a vraiment fait plaisir. À bientôt.

Lasha Kasradze : Formidable. Ravis que vous soyez venu. Merci beaucoup.

Professeur Jeffrey Sachs : Merci à tout le monde. Et on se reparle bientôt. Bye bye.

 

 

Analyse post-entretien

Pascal Lottaz : Lasha, c’était quelque chose, hein ?

Lasha Kasradze :  Oui, c’était formidable.

Pascal Lottaz : On peut en discuter encore un peu ? Je veux dire de ces propos vraiment très clairs du professeur Sachs. Peu de gens s’expriment de manière aussi claire et aussi directe. Qu’en penses-tu ? Comment évalues-tu sa description de la situation géopolitique et géostratégique de – en particulier – la Géorgie ?

Lasha Kasradze : Eh bien, écoute, quoi qu’en penseront certains, ça semble absolument juste. C’est brutal. Ce n’est pas exactement ce que beaucoup voudraient entendre en Géorgie. Mais c’est la dure réalité. Et j’admire Jeffrey Sachs pour son courage intellectuel à dire les choses telles qu’elles sont, et pas seulement à propos de la Géorgie. On voit peu d’hommes parler de la politique mondiale de cette manière. John Mearsheimer aussi, je trouve, est un remarquable spécialiste des relations internationales. Jeffrey Sachs, John Mearsheimer… ce que je veux dire, c’est  qu’on  peut s’appuyer sur leurs épaules à beaucoup d’égards..

Donc, oui, ils disent la vérité. Jeffrey Sachs, ce qu’il vient de nous expliquer est exactement ce que la Géorgie n’a pas fait. Et c’est là que, maintenant, je ne dis pas que si elle avait fait exactement ce qu’il fallait, si elle avait adopté une approche pragmatique de la realpolitik, si elle avait abordé sa politique étrangère régionale d’un point de vue réaliste, tout aurait été parfait. Mais je dis qu’elle aurait pu minimiser à la fois le séparatisme et les risques de séparatisme, même si la Russie a joué un rôle énorme dans ce domaine. Qu’elle n’a pas joué sans raisons.

De plus, ils auraient minimisé, voire éliminé, les risques d’une invasion de la Russie en 2008, quand Moscou a reconnu l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie comme des États indépendants au sein de l’État géorgien. Penses-y. C’est remarquable. Oui, si tu y penses : la Géorgie est passée de mal en pis d’un point de vue géostratégique.

Et quant à savoir si la Russie retirera cette reconnaissance, je dirais que les choses ne se présentent pas bien pour la Géorgie. Je ne pense pas que ce sera le cas. Donc, pour un petit État comme la Géorgie, voire l’Azerbaïdjan, même s’il s’agit de l’État le plus puissant, disons, du Caucase du Sud et incomparablement plus puissant que la Géorgie et l’Arménie, il doit quand même  agir lui aussi avec beaucoup de circonspection.

Et tout cet encouragement de l’Arménie par l’Occident collectif à rejoindre son camp, son camp stratégique, pense un peu à ça. On se retrouve avec  l’Arménie qui serre la main d’Erdogan, Pashinyan qui serre la main d’Erdogan ! C’est une sorte de révolution diplomatique qui se produit : depuis que l’histoire existe ! Mais, tu sais, çà ne tient pas la route. Ça ne peut tout simplement pas être fondé sur une politique forte ou durable, d’un point de vue géopolitique. On dirait plutôt qu’il s’agit d’une Géorgianisation de l’Arménie bis.

 

 

Illusions stratégiques européennes et pragmatisme régional

Lasha Kasradze : Tu sais,, c’est ce qui s’est passé quand Saakachvili est arrivé au pouvoir, soutenu par les néoconservateurs de Washington, qui l’ont encouragé et poussé à s’opposer à la Russie. Et même si on ne voit pas de parallèles exacts, on constate des similitudes. Bon. l’Occident n’a pas l’air aussi agressif dans ses manœuvres pour dresser l’Arménie contre la Russie, mais il essaie quand même de l’éloigner de la Russie, non ?

Il essaie en quelque sorte de la rallier au camp de l’Azerbaïdjan, de la Turquie et d’Israël. Mais dans quel but ? C’est la question. Qu’est-ce que Pashinyan croit vraiment accomplir avec ça ? Il n’y a aucune garantie en matière de sécurité nationale, ce qui devrait quand même être son principal sujet de préoccupation..

Tant mieux si cette politique apporte une certaine forme de développement économique à Erevan. Mais en termes de sécurité, il n’y a aucune garantie. Et pour l’Arménie en particulier, je pense que ces politiques sont destinées en quelque sorte à garantir sa sécurité contre la Russie, que ce sont des dispositions contre la Russie. Et, en se fondant là-dessus, ils prennent des mesures plus ou moins idiotes.

Parce que, si quelqu’un pense que la Russie, simplement parce qu’elle est en ce moment occupée en Ukraine, n’aura pas une longue mémoire de ce qui se passe dans son talon d’Achille stratégique et de la manière dont, par exemple, la France et l’ensemble de l’Occident s’ingèrent en Arménie, il se met fameusement le doigt dans l’œil, parce que la Russie se souviendra fort bien de qui a fait preuve de pragmatisme et de prudence et de qui a décidé, disons, de se laisser une fois de plus séduire par ces politiques insensées de l’Occident.

Pascal Lottaz : Observe-t-on actuellement un apaisement des relations entre la Russie et la Géorgie ? Je veux dire, il faut rappeler que ces deux pays n’ont pas de relations diplomatiques directes, même si l’Occident ne cesse pas de répéter : « Oh, à Tbilissi, le parti Georgia Dream est tellement pro-russe. » Je veux dire qu’ils ne veulent même pas établir de relations diplomatiques directes. Tout passe encore par l’ambassade suisse, n’’est-ce pas ? Je veux dire, grâce à la médiation suisse, qui discute officiellement avec les deux. Est-ce qu’on constate, à l’heure actuelle, un rapprochement quelconque, notamment en ce qui concerne la question des deux régions séparatistes, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud ?

 

 

Progrès limités dans les relations Géorgie-Russie

Lasha Kasradze : Non. La réponse est non. Il y a eu des conversations qui ont toujours plus ou moins flotté à l’arrière-plan.

Mais, tu sais, regarde : la Russie n’a pas fait ça pour reconstruire l’Abkhazie ou en faire un joyau de la mer Noire. C’est un pays où il y a une corruption énorme, tu sais, et une forte toxicomanie. Et j’imagine que la même chose se passe en Ossétie du Sud. Ces territoires ne sont pas en train d’être reconstruits par Moscou. Ce n’est pas le but en Abkhazie pour Moscou.

En fait, il y a des Russes puissants et très riches qui s’y rendent pour acquérir davantage de territoires, pour acheter des terres. Et cela dérange quelque peu les ultranationalistes d’Abkhazie. Il y a donc un conflit là-bas. Mais encore une fois, ils sont impuissants. Ils ne peuvent rien faire contre la Russie à propos de ces politiques.

Mais pour répondre à ta question, Tbilissi essaie de prolonger cette situation autant que possible, de rester pragmatique le plus longtemps possible envers Moscou. Parce qu’en gros, et je déteste dire cela, mais tu sais, peu importe ce que nous pensons, pour être honnête avec toi, toutes les cartes sont entre les mains de Moscou en ce qui concerne le rétablissement de la souveraineté de la Géorgie. Et dans celles de Washington, bien sûr, dans une certaine mesure.

Mais surtout, je pense, l’ironie, ici, est que s’il existe une solution à ce problème, elle se trouve entre Tbilissi et Moscou… avec l’encouragement, l’aide et la légitimation de Washington bien sûr, pour l’ensemble du processus. Mais pour l’instant, on en est loin. Ce n’est encore qu’un rêve. La Géorgie est donc loin d’être rétablie.

Les relations entre Tbilissi et Moscou se sont bien sûr nettement améliorées. Le commerce a repris. Les voyages entre les deux pays ont repris. Mais d’un point de vue géostratégique, je pense qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

Cela ne veut pas dire pour autant qu’il s’agisse d’une cause perdue d’avance. Voici ce que je dirais de la différence entre le gouvernement précédent et le gouvernement actuel, sans entrer dans des théories du complot selon lesquelles le gouvernement précédent savait en quelque sorte ce que la Russie allait faire si Tbilissi envahissait l’Ossétie du Sud. C’est une tout autre histoire.

Mais en termes de développement d’au moins une relation de soft power avec Moscou, je pense que Tbilissi est en train de créer, tu sais, les contours très légers d’un possible rapprochement, qui n’est encore qu’une possibilité lointaine. Je mettrais bien sûr en garde contre le fait de trop s’enthousiasmer à ce sujet. Mais il pourrait y avoir au moins une troisième personne, une quatrième personne, peut-être des conversations qui ont lieu en coulisses. Toutes choses qui n’ont encore rien à voir, selon moi, avec une formalisation..

Pascal Lottaz : D’accord. Certaines choses ont simplement besoin de temps, mais si la situation ne s’améliore pas, c’est déjà une bonne chose, dans certaines circonstances, qu’elle n’empire pas, hein ?

 

 

L’équation sécuritaire dans le Caucase du Sud   

Lasha Kasradze : Oui. Et, tu sais, globalement parlant, la grande stratégie consiste à dire que tant que Moscou, si l’on considère la région du Caucase du Sud, élimine la menace, la menace sécuritaire contre la Russie telle que Moscou la perçoit, parce que la Géorgie n’a jamais menacé la Russie, on le sait, elle ne le peut pas, c’est ridicule, on parle ici de l’Occident collectif qui utilise la région, comme le professeur vient de l’expliquer.

Si cette menace disparaîssait complètement, ce qui n’est pas le cas, alors peut-être que les pourparlers pourraient reprendre afin de rétablir ou de revenir à la table des négociations et à la case départ, et trouver un moyen, à tout le moins, d’entamer des discussions sur la reconstruction d’un accord souverain pour la Géorgie, dans lequel ces deux régions feraient partie de la Géorgie, mais bénéficieraient d’une certaine autonomie interne.

Tu sais, mais jusqu’à présent, je pense que personne n’est assis autour de la table là-bas. Si une table se trouve dans une pièce, ils sont tous à l’extérieur de cette pièce, sans parler de s’asseoir autour de la table. Nous verrons bien. Tant qu’ils n’abandonnent pas la pièce elle-même depuis l’extérieur et ne laissent pas le bâtiment se dégrader tout seul. Je pense que c’est une meilleure situation d’un point de vue stratégique.

Pascal Lottaz : C’est vrai. Car le fait est que s’il existe une solution politique à la souveraineté de la Géorgie et au retrait complet des forces russes, cela signifie en réalité, du point de vue russe, une moindre garantie que leur talon d’Achille restera en sécurité, non ? Il faudrait donc offrir à la Russie des garanties très solides pour qu’elle soit incitée à tenter de changer le statu quo, parce que, à l’heure actuelle,  du point de vue de Moscou, c’est celui-ci qui est acceptable, n’est-ce pas ?

Lasha Kasradze : C’est exactement ça. Et à ce propos, en réalité, ce n’est pas comme si la Russie souhaitait cela. La Russie ne veut pas s’attirer davantage de problèmes sur le plan stratégique. La Russie n’a jamais, Poutine ne s’est jamais réveillé un jour en se disant : « Je vais envahir l’Ukraine comme ça, sans crier gare. » Nous savons comment tout s’est construit contre lui. Je ne cherche pas à défendre Poutine. Je le souligne toujours. Mais ce que je veux dire, c’est qu’il agit rationnellement.

Il y a une logique stratégique derrière ce qui s’est passé. Et si nous ne comprenons pas cette logique, nous ne pourrons pas trouver les solutions possibles. Cette logique s’applique également à la Géorgie et au Caucase du Sud.

Tu sais,, certains de mes collègues font remarquer que les analystes s’enthousiasment actuellement en disant : « Oh, ils voient ce qui se passe. La Russie est en train de perdre l’Azerbaïdjan. » Eh bien, il n’a jamais été question de perdre ou non l’Azerbaïdjan. Je fais la distinction entre le triomphe géoéconomique, plus précisément le triomphe géopolitique, en particulier pour l’Azerbaïdjan, et les préoccupations de la Russie en matière de sécurité. Comme Bakou et Aliyev le comprennent, Aliyev comprend que, sur le plan géoéconomique, dans le Caucase du Sud, l’Azerbaïdjan est un État indispensable, hein ?

La Turquie en a besoin. La Turquie le soutient. Tu sais, si Israël considère l’Azerbaïdjan comme une plate-forme potentielle contre l’Iran… mais contentons-nous simplement des faits, je ne me prononce pas sur le bien-fondé de cette initiative : mais oui, ça rend l’Azerbaïdjan d’autant plus indispensable, non ? D’autant plus indispensable en tant qu’État du Caucase du Sud.

Mais même ainsi, cela n’a rien à voir avec la concurrence de l’Azerbaïdjan en termes de sécurité contre la Russie. Parce que, quand le scandale a éclaté à Ekaterinbourg et que les Russes ont arrêté certains acteurs malveillants, des acteurs azerbaïdjanais et que l’Azerbaïdjan a riposté en arrêtant des Russes qui se sont avérés être, je crois, des programmeurs en informatique. Et c’est vraiment très bizarre, parce qu’il s’agissait d’Azerbaïdjanais de Russie, titulaires d’un passeport russe, mais d’origine ethnique azérie. C’est quand même bizarre que l’Azerbaïdjan ait agi de la sorte. Vraiment.

Et ce n’était qu’un jeu politique visant à prouver un point plus fondamental, à savoir que l’Azerbaïdjan n’est plus le frère cadet de Moscou et qu’il peut prendre en charge ses intérêts économiques et sécuritaires nationaux sans la Russie. Tu sais, il a gagné la guerre. Il a récupéré le Haut-Karabakh et il décide seul de ses politiques géoéconomiques avec la Turquie et le reste de l’Europe. Très bien.

Mais cela a été en quelque sorte confondu avec l’idée que Poutine ou la Russie ne sont plus en mesure de gérer la géopolitique ou leurs besoins et intérêts en matière de sécurité dans la région. Et c’est une façon très trompeuse, voire superficielle, d’envisager les choses. La Russie aura toujours suffisamment de pouvoir pour défendre militairement ses intérêts en matière de sécurité nationale dans la région. D’accord ? C’est de sécurité que nous parlons ici, et je crois qu’Aliyev le comprend fort bien.

Mais je pense aussi que nous assistons aujourd’hui à un apaisement de la situation. que Poutine comprend également que son aventurisme dans l’invasion de l’Ukraine a coûté cher à la Russie en termes de possibilités perdues. Il ne peut plus se concentrer sur l’Arménie ou l’Azerbaïdjan comme il l’a fait au début des années 1990 et dans les années 2000, en y jouant un rôle d’arbitre et en fournissant des armes aux deux pays, entre autres.

Et je continue de penser qu’il y avait une différence fondamentale entre cela et les intérêts sécuritaires de la Russie. Car lorsque les intérêts sécuritaires de la Russie seront en cause, par exemple vis-à-vis de l’Azerbaïdjan ou de l’Arménie, la Russie agira. Je n’ai aucun doute là-dessus. Elle a déjà agi par le passé. L’Histoire le prouve indiscutablement.

Et donc, à cet égard, la Géorgie joue à nouveau un rôle très intelligent et astucieux. Elle a adopté une politique dite de « zéro problème avec ses voisins ». Je pense qu’elle devrait poursuivre dans cette voie, ne fût-ce que parce qu’elle ne peut tout simplement pas se permettre de modifier l’équilibre ou s’allier avec d’autres pays.

Et d’ailleurs, il n’y a pas d’alliance au sens classique du terme, il n’y a pas de structure d’alliance dans le Caucase du Sud, n’est-ce pas ? Tous ces pays veulent leur propre chose. Ils veulent leurs propres intérêts. Ils ont leurs propres intérêts.

Et puis, avec qui pourraient-ils s’allier ? Même s’il y avait une chance de vaincre la Russie, ils ne pourraient pas s’allier, car même ensemble, ils ne pourraient pas rassembler suffisamment de moyens sécuritaires et militaires pour agir contre la Russie.

Tout ceci est un jeu qui oppose principalement l’OTAN à la Turquie dans la région depuis toujours. Il s’agit également d’un jeu visant à affaiblir l’Iran, à le soustraire aux intérêts stratégiques de la Russie. Tu sais, c’est aussi un jeu qui touche les États baltes, géopolitiquement, en passant par l’Ukraine.

Et comme l’a dit le professeur, nous avons tendance à oublier. Car Kaliningrad aussi, soit dit en passant, est un autre point chaud, comme elle le fut jadis, sous le nom de Koenigsberg, maintenant territoire russe, et il y a aussi la Biélorussie. Si tu veux, c’est en quelque sorte une masse continentale, prise dans son ensemble, que l’Occident a toujours… et l’Empire britannique – j’ai oublié de poser la question au professeur à ce sujet ! – l’empire britannique a toujours eu une sorte de mépris historique pour la Russie dans cette région.

Et donc, même si ces événements ne se répètent pas exactement de la même manière historique, ils présentent certainement des similitudes. On observe encore aujourd’hui des schémas similaires qui rappellent le Grand Jeu et la compétition stratégique. Mais là encore, l’Occident n’a rien pu y faire pendant des siècles. Et il me semble qu’il continue d’échouer à l’heure où nous parlons en s’aventurant dans toutes ces politiques.

 

 

Erreurs stratégiques de l’Europe.

Pascal Lottaz : Que pense l’Europe occidentale ? Où en est l’Europe occidentale aujourd’hui ? Elle fait beaucoup de sacrifices, vous faites beaucoup de sacrifices pour certaines convictions. Et nous avons vu comment cela se termine lorsque certaines puissances, que nous ne comprenons que d’un point de vue purement économique et géostratégique, se lancent dans une lutte désespérée.

Je veux dire, encore une fois, c’est ce qui est arrivé au Japon. En 1941, beaucoup d’observateurs en Europe ont très bien compris que le Japon venait de déclencher une guerre en attaquant Pearl Harbor et que les choses allaient probablement mal tourner pour lui, même si, d’accord, il pouvait s’étendre dans une certaine mesure au début. Mais il était clair qu’il allait manquer de pétrole, point final.

Et tu ne peux pas, si tu mènes cette lutte sur tous les fronts, tu t’exposes à une défaite certaine. Il me semble que c’est exactement ce que font les Européens en ce moment. Ils se lancent dans tellement de combats que, quel que soit l’angle sous lequel on les considère, ils vont droit à l’échec. Oui, tu peux verser ton sang pour tout ça, mais ce ne sera pas joli à voir.

C’est pourquoi j’espère que le Caucase du Sud, et en particulier la Géorgie, comprendront qu’il ne faut pas se rallier à ce camp. Ça ne veut pas dire qu’il faille rejoindre la Russie. Ça ne veut pas dire qu’il faille rejoindre l’Iran. Il ne faut simplement pas se rallier au camp qui est sûr de perdre. Il faut juste essayer de survivre en tant que petit État. Et l’histoire regorge d’exemples qui te permettent de tirer cette leçon.

Mais, rapidement : tu sais, quand on en parle… pour moi… c’est absurde, l’idée que l’Europe pourrait trouver, selon Macron, une indépendance stratégique ou une quelconque autonomie vis-à-vis de Washington contre la Russie… sous quelle forme ? Ils vont créer leur propre OTAN ? Ils ne sont même pas capables d’arriver aux 5 % du financement de leur contribution à l’OTAN actuel. Qu’est-ce que tu en penses ?

 

 

La voie à suivre : solutions diplomatiques et réalités stratégiques

 

(Retour à un précédent échange avec Jeffrey Sachs)

Pascal Lottaz : Pensez-vous sincèrement qu’ils puissent rassembler les forces nécessaires pour résister militairement à la Russie sans l’aide des États-Unis ?

Jeffrey Sachs : Non. Non. Écoutez, le fait est que vous n’avez pas besoin de résister à la Russie si vous entretenez de bonnes relations avec elle.

Et en fait, j’ai relu aujourd’hui le discours du 14 juin 2024, le discours sur la politique étrangère que Poutine a prononcé devant l’ensemble de son équipe de politique étrangère à Moscou, dans lequel il a également exposé ce qui serait nécessaire pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Et sur un de ces aspects, il a dit quelque chose comme : « Oui, les Européens traversent actuellement une période vraiment bizarre et ils se font du tort à eux-mêmes. Peut-être qu’à un moment donné, ils voudront à nouveau s’associer avec nous. Eh bien, nous attendons que cela se produise. Et nous sommes là. » … « Nous sommes ouverts à cette possibilité » Et je me suis dit : « Waouh, c’est vraiment du bon sens stratégique. C’est comme si on disait : “Nous ne fermons pas la porte pour toujours. Nous attendons simplement que le bon sens revienne de leur côté, car actuellement, je pense que les Russes comprennent que cela n’a rien à voir du tout avec une analyse nationale rationnelle des besoins de ces différents endroits”. »

En ce sens, je crois sincèrement qu’il y a un avenir pour l’Europe dès lors qu’elle comprendra qu’elle a des intérêts qui la poussent parfois à coopérer avec Washington, parfois avec Moscou, parfois avec Pékin. Et, vous savez, c’est l’un des pôles. Je pense que c’est le mieux à quoi l’Europe puisse aspirer, même si elle a peut-être déjà dépassé ce stade et devra traverser des moments bien plus difficiles avant qu’une certaine rationalité puisse s’installer à nouveau.

Lasha Kasradze : Oui. Si on y fait attention, la Russie n’a jamais complètement fermé la porte à l’Occident. La porte est toujours ouverte. Même aujourd’hui, elle affirme qu’il y a matière à discussion. Elle n’essaiera plus jamais, je crois, de prendre position comme une des parties, vous savez, Berlin, Paris, Moscou. Je ne crois pas qu’elle voie encore les choses ainsi.

Mais, vous savez, en tant qu’Eurasien, et l’Europe faisant partie de l’Eurasie, je pense qu’ils ont le bon sens de se dire : « Oui, ce serait une bonne chose pour la Russie. Alors pourquoi pas ? »

Jeffrey Sachs : Exact. Exact Tant que Poutine… mais à long terme, la question reste de savoir ce que Poutine va faire à long terme, car il me semble que l’Occident, dans son ensemble, n’est pas prêt à abandonner cette guerre. D’une manière ou d’une autre, ils vont continuer à intensifier les tensions, à attiser les conflits.

 

 

Les calculs stratégiques de Poutine

Pascal Lottaz : Alors, pour Poutine, et c’est en fait une question qui s’adresse à toi. Je voudrais savoir ce que tu en penses. Pour Poutine, penses-tu que plus tôt il en finira avec cette affaire, mieux ce sera pour lui sur le plan stratégique ? Ou penses-tu qu’il trouve un certain avantage à prolonger cette affaire, sachant qu’il en sortira vainqueur ?

Lasha Kasradze : Très brièvement, puisque nous devons mettre fin à cette conversation, mais nous sommes le 7 août et nous venons d’avoir la confirmation que même Vladimir Poutine dit : « Oui, une rencontre directe avec Donald Trump est prévue » après avoir eu une conversation de trois heures avec M. Witkoff.

Au début, je n’arrivais pas à y croire, mais maintenant que Poutine dit que ça va… Quelque chose est en train de se passer. Alors peut-être que ce à quoi nous assistons actuellement est une forme de débat déguisé sur une capitulation, tu ne crois pas? Quelles peuvent bien être les conditions de cette capitulation ?

Parce que nous voyons bien que la Russie est en train de gagner sur le champ de bataille, mais la Russie a quand même intérêt à mettre fin à cette situation par la voie diplomatique, puisque la dernière chose que tout le monde souhaite, c’est une guérilla éternelle. Personne ne souhaite ça. Et encore moins une occupation éternelle.

 

 

Nécessité d’un règlement politique

Oui. Et encore moins une occupation. Il faut trouver une forme d’accord qui tienne compte de tout ce que la Russie peut obtenir tout en empêchant une guérilla éternelle. Et je pense que, dans un sens, c’est aussi ce que les Américains ont dû négocier avec les Japonais pour s’assurer qu’ils déposeraient réellement les armes, pour ensuite continuer avec la politique, l’occupation et l’engagement politique.

La Russie doit donc parvenir à un stade où elle pourra s’engager politiquement sans continuer à recourir aux armes. En ce sens, je pense qu’il existe une forte incitation à parvenir à une forme d’accord pour mettre fin à cette guerre par procuration, et engager ensuite un processus politique réaliste, en Ukraine et avec l’Ukraine, qui résolve cette situation horrible.

Mais la résolution peut prendre vingt, trente ans, car ces blessures mettront très longtemps à cicatriser. Malheureusement, tout cela aurait pu être évité. Et maintenant, nous sommes assis ici à parler de cette grande tragédie. C’est ainsi. Et, tu  sais, je suis très heureux que la Géorgie n’ait pas emprunté cette triste voie, et j’espère sincèrement que cela restera ainsi..

Pascal Lottaz : Et nous approchons de la fin de cette heure. Merci beaucoup de m’avoir accordé ton temps aujourd’hui.

Lasha Kasradze : Pascal, merci beaucoup à toi de m’avoir invité.

Source : https://singjupost.com/transcript-destabilizing-operation-in-the-caucasus-vassalization-of-europe-dr-jeffrey-sachs/

URL de cet article : https://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/destabilisation-du-caucase/ 

 

 

 

 

Août 2025

 

 

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