Droits des femmes

 

 

Bloody Gina et son équipe de tortionnaires

 

 

Andrew P. Napolitano – Information Clearing House – 9.6.2022

 

Traduction : c.l. pour L.G.O.

 

 

 

 

 

 

La semaine dernière, lors d’une audience préliminaire à la base navale de Guantanamo Bay à Cuba pour Abd al-Rahim al-Nashiri, un Saoudien accusé d’être le cerveau de l’attentat contre l’USS Cole en 2000, au cours duquel 17 marins américains ont été tués, le psychologue chargé d’interroger Nashiri a décrit avec force détails les techniques de torture modernes et médiévales utilisées sur lui.

 

Le psychologue a été appelé comme témoin de la défense afin de démontrer à la cour qu’une grande partie des preuves que les procureurs prévoient d’introduire contre Nashiri ont été obtenues directement ou indirectement par la torture, ou ont été entachées par celle-ci, et ne peuvent donc pas être légalement utilisées lors de son procès.

 

La torture appliquée par des agents du gouvernement et leurs collaborateurs sur une personne détenue par le gouvernement est un crime passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 20 ans dans une prison fédérale, et ses fruits sont inadmissibles dans tous les tribunaux. Pendant de nombreuses années, la CIA a utilisé les résultats des actes de torture au moyen d’enregistrements vidéo de ses agents déguisés et de ses sous-traitants torturant ses captifs, afin de pouvoir disposer de ces résultats sans avoir à révéler l’identité d’un participant.

 

Mais les vidéos des tortures subies par Nashiri ont été détruites, soit par le responsable de la CIA aux États-Unis chargé de toutes les tortures, soit par son chef de cabinet de l’époque. D’où le témoignage en direct de la semaine dernière. Le chef de cabinet en question allait devenir la directrice de la CIA, Gina Haspel, surnommée par ses collègues « Bloody Gina ».

 

 

 

 

 

 

Cette chronique épargnera au lecteur les détails effrayants, à vous retourner l’estomac, des  tortures subies par Nashiri, à l’exception de la seule procédure médiévale. Ce qui a retenu l’attention de ceux d’entre nous qui suivent ces événements, c’est la mention du nom de la fonctionnaire de la CIA sous la surveillance de laquelle la torture a eu lieu et qui en a fait une description détaillée et choquante de réalisme à ses supérieurs de Langley, Virginie. Cette fonctionnaire est cette même Gina Haspel. Elle était, en 2002, le chef de la station de la CIA en Thaïlande, où Nashiri a été torturé, et elle était même le membre principal de l’équipe de torture.

 

La torture de Nashiri a duré quatre mois, à la fin desquels l’équipe d’interrogation a conclu que Nashiri était sincère et disait essentiellement les mêmes choses sous la torture que ce qu’il avait dit aux interrogateurs avant la torture. Mais Gina la Sanglante ne croit pas aux témoignages qui ne sont pas accompagnés de terreur et d’insoutenables douleurs.

 

En 2006, Nashiri a été expédié de Thaïlande à Gitmo, où il a été accusé de meurtre capital et torturé derechef. Son procès n’a pas encore commencé. Le témoignage de la semaine dernière était l’une des nombreuses audiences préalables au procès ordonnées par les juges militaires.

 

Nashiri, qui a les mêmes droits à un procès rapide que toute personne poursuivie par le gouvernement U.S., attend le sien depuis 14 ans. Il en est à sa deuxième équipe d’avocats militaires et civils. La première équipe a démissionné lorsqu’elle a découvert que ses communications avec son client avaient été secrètement écoutées et enregistrées par des agents fédéraux.

 

La plupart des juges auraient rejeté les charges retenues contre l’accusé, devant un comportement aussi indéniablement criminel de la part du gouvernement. Mais à Gitmo, où le juge et les procureurs ont le même patron – le Secrétaire à la Défense – les subtilités de la procédure régulière sont parfois diluées.

 

La  signification de cette supervision personnelle des tortures par Bloody Gina ne peut être sous-estimée. C’est la première fois que nous apprenons de quelqu’un témoignant sous serment, que la torture pratiquée par la CIA était approuvée et supervisée aux plus hauts niveaux de la CIA. C’est également la première fois que nous apprenons qu’une directrice de la CIA, dès les débuts de sa carrière, s’est rendue coupable de crimes fédéraux, puisque chaque séance de torture constitue un crime fédéral distinct.

 

Nous avons également appris que Bloody Gina est peut-être une historienne qui s’ignore : à la fin des années 1400, lorsque les Médicis de Florence institua une torture particulièrement agressive – pour les personnes secrètement accusées de péchés de la chair – dans le but d’obtenir leurs confessions publiques et l’identité de leurs partenaires sexuels.

 

Comme Bloody Gina, il refusait d’accepter le témoignage d’une personne détenue, à moins qu’il n’eût été obtenu sous la torture. Et, comme Bloody Gina, il avait institué une nouvelle technique de torture, qui consistait à suspendre la victime par les bras attachés derrière le dos afin de provoquer une dislocation atroce de l’épaule.

 

Ceux d’entre nous qui croient que la Constitution signifie ce qu’elle dit ont fait valoir que les agresseurs de militaires américains qui ne sont pas au combat en vertu d’une déclaration de guerre du Congrès devraient être jugés par un tribunal fédéral et bénéficier d’une protection constitutionnelle contre les tortionnaires du gouvernement. Si cela avait été fait, le cas de Nashiri et de tous les autres détenus de Gitmo serait clos depuis des années, et le gouvernement ne dépenserait pas 500 millions de dollars par an dans cette prison, pour y bafouer la Constitution à son aise.

 

J’ai été surpris d’apprendre que l’un des tortionnaires a reconnu ces crimes et a impliqué Bloody Gina. La torture pratiquée par des agents de l’État – quel que soit leur objectif – est la pratique de gouvernement la plus tyrannique que l’on puisse imaginer. Elle suppose qu’il n’existe pas de droits naturels ni de principes moraux ; elle nie totalement le statut de personne de la victime ; elle révèle qu’il n’y a pas de limites à ce que le gouvernement peut faire et qu’il peut s’en tirer quand même. Elle est expressément interdite par la Constitution et la loi fédérale.

 

Bloody Gina et son équipe de tortionnaires peuvent se sentir à l’abri des procureurs américains, les tortures subies par Nashiri ayant eu lieu très au-delà du délai de prescription – mais pas de tous les procureurs. La Cour Pénale Internationale de La Haye revendique une compétence sur l’ensemble du globe, et la Thaïlande – lieu des tortures de Nashiri – est signataire du traité qui a établi la Cour. La CPI qualifie la torture de crime de guerre imprescriptible et elle ne reconnaît aucune amnistie  d’exécutif.

 

Lorsque les Médicis revinrent au pouvoir après qu’un soulèvement populaire eût déposé Savonarole, celui-ci fut torturé par ses propres bourreaux avant d’être pendu pour hérésie.

 

La pratique de la torture, c’est le gouvernement sans limites. Seul un gouvernement qui s’impose des limites respecte le droit des personnes.

 

 

 

Andrew P. Napolitano, ex-juge de la Cour Supérieure du New Jersey, est l’analyste judiciaire principal de Fox News Channel. Le juge Napolitano a écrit sept livres sur la Constitution U.S. Le plus récent est Suicide Pact : The Radical Expansion of Presidential Powers and the Lethal Threat to American Liberty (« Pacte de suicide : L’expansion radicale des pouvoirs présidentiels et la menace mortelle qui pèse sur la liberté américaine »). Pour en savoir plus sur le juge Napolitano et pour lire les articles d’autres écrivains et dessinateurs de Creators Syndicate, rendez-vous sur www.creators.com .

 

Source : http://www.informationclearinghouse.info/57063.htm

URL de cet article : http://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/bloody-gina-et-son-equipe-de-tortionnaires/

 

 

 

 

Juin 2022