Comment utiliser l’Arménie pour détruire le corridor international de transport Nord-Sud

 

 

Matthew Ehret The Duran – 3.10.2023

Source d’origine : The Last American Vagabond

Traduction : c.l. pour L.G.O.

 

 

 

 

 

 

 

Les incendies continus allumés dans la région caspienne entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan représentent quelque chose de beaucoup plus important que l’un ou l’autre petit pays et ont tout à voir avec la déstabilisation du plus grand et sans doute du plus stratégique méga-projet entrepris en Eurasie pour relier l’Arctique russe à l’Iran et à l’Inde.

 

 

 

 

 

Les efforts pour allumer des feux géopolitiques dans le ventre mou de la Russie ont été incessants ces dernières années (avec une révolution de couleur ratée au Kazakhstan en janvier 2022, un nouvel effort de révolution de couleur en Géorgie en mars de cette année, des affrontements entre le Kirghizistan et le Tadjikistan voisin en 2022, des menaces continues de révolution de couleur en Serbie*, des menaces de faire exploser la Transnistrie en Moldavie, et l’incendie le plus évident de tous en Ukraine).

Au milieu de toutes ces tentatives d’incendies criminels, une chose est sûre, les technocrates qui gèrent l’effondrement du culte de la mort occidental sont obsédés par la volonté de flanquer des coups de pied dans l’échiquier, en utilisant tous les coups fourrés recensés dans leur manuel.

 

 

Permettez-moi de vous présenter le « Corridor International de Transport Nord-Sud »

Jusqu’à tout récemment, la principale route commerciale pour les marchandises acheminées de l’Inde vers l’Europe était le couloir de navigation maritime passant par le détroit de Bab El-Mandeb, qui relie le golfe d’Aden à la mer Rouge, via le fort goulot d’étranglement qu’est le vcanal de Suez, à travers la Méditerranée, et ensuite vers l’Europe via les ports et les corridors rail-route.

 

 

 

 

En suivant cette route dominée par l’Occident, les temps de transit moyens prennent environ 40 jours pour atteindre les ports d’Europe du Nord ou de Russie. Les réalités géopolitiques de l’obsession technocratique occidentale de domination mondiale ont rendu cette route – contrôlée par l’OTAN – au bas mot peu fiable.

En plus de tout cela, la Russie reste l’un des plus importants fournisseurs mondiaux de pétrole, de gaz naturel, d’engrais et de céréales, mais… avec le clownesque spectacle de l’OTAN et de l’UE sabotant de plus en plus l’accès aux produits russes, de nouvelles connexions sont devenues désespérément nécessaires pour éviter de plonger le monde dans un effondrement par réaction en chaîne.

 

 

 

 

Bien que ces nouvelles connexions soient loin d’être terminées, les marchandises circulant sur le Corridor International de Transport Nord-Sud (CITNS), de l’Inde vers la Russie, terminent déjà leur voyage 14 jours plus tôt que leurs homologues passant par Suez, alors que l’on constate bel et bien une réduction impressionnante de 30% des coûts d’expédition totaux.

Ces chiffres devraient encore baisser à mesure que le projet progresse. Plus important encore, le CITNS fournirait également une nouvelle base à la coopération internationale gagnant-gagnant tellement plus en harmonie avec l’esprit géo-économique dévoilée par l’initiative chinoise OBOR (« une Ceinture une  Route » ) en 2013.

 

 

Comment faire des affaires sans massacrer vos clients

Initialement décidé entre la Russie, l’Iran et l’Inde en septembre 2000, le CITNS n’a commencé à sérieusement bouger qu’en 2002 – quoique beaucoup plus lentement que ses architectes ne l’avaient espéré.

Ce mégaprojet multimodal de 7.200 km consiste à relier plusieurs pays d’Eurasie, soit directement soit indirectement, au moyen de chemins de fer, de routes et de couloirs de navigation, dans un réseau d’interdépendance uni et soudé. Le long de chaque artère, les possibilités de construire des projets énergétiques, miniers et des zones économiques spéciales (ZES) de haute technologie abonderont, donnant à chaque nation participante le pouvoir économique de sortir ses habitants de la pauvreté, d’accroître sa stabilité et son pouvoir national de tracer son propre destin..

En plus des trois nations fondatrices, les dix autres États qui ont adhéré à ce projet au fil des ans sont l’Arménie, la Géorgie, la Turquie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Belarus, le Tadjikistan, le Kirghizstan, Oman, la Syrie et même l’Ukraine (bien que ce dernier membre risque de ne pas rester encore longtemps à bord). Ces derniers mois, l’Inde a officiellement invité l’Afghanistan et l’Ouzbékistan à se joindre à elle.

Alors que les think tanks et les analystes géopolitiques occidentaux tentent de présenter le CITNS comme un adversaire de l’OBOR chinois, la réalité est que les deux systèmes sont extrêmement synergiques à de multiples niveaux.

 

 

 

 

Contrairement à l’économie de bulles spéculatives chère à l’Occident, tant l’OBOR que le CITNS définissent la valeur économique et leur intérêt personnel en fonction de l’amélioration de la productivité et du niveau de vie généré par l’économie réelle. Alors que la pensée à court terme prédomine dans le paradigme myope de Londres et de Wall Street, les stratégies d’investissement de l’OBOR et du CITNS sont guidées par une pensée fondée sur le long terme et l’intérêt mutuel.

Ce n’est pas par une ironie anodine que de telles politiques ont un jour animé les meilleures traditions occidentales, avant que la pourriture de la pensée unipolaire ne prenne le dessus et que l’Occident ne perde sa boussole morale.

 

 

Une alternative intégrée

Les deux principaux pôles d’attraction du CITNS sont la zone productive de Mumbai, dans la région indienne du Gujarat (sud-est), et le port arctique le plus septentrional qui existe de Lavna, dans la péninsule russe de Kola (Murmansk)..

Il ne s’agit pas seulement là du premier port construit par la Russie depuis des décennies, mais d’un port qui, une fois achevé, sera l’un des plus grands ports commerciaux du monde, avec une capacité prévue de traitement de 80 millions de tonnes de marchandises d’ici à 2030.

Le port de Lavna fait partie intégrante de la vision russe du développement de l’Arctique et de l’Extrême-Orient et constitue une pièce maîtresse de l’actuel Plan Global de Modernisation et d’Expansion de l’Infrastructure Principale de la Russie et de sa Route Maritime du Nord, qui devrait voir le trafic de fret arctique multiplié par cinq au cours des prochaines années. Ces projets sont intégralement liés à la Route de la Soie Polaire de la Chine. [ Sur Internet, les références au port de Lavna abondent en anglais. Il n’y en a pas une seule en français. NdT]

 

 

 

 

Entre ces deux extrémités, le CITNS transporte des marchandises de l’Inde vers le port iranien de Bandar Abbas, où elles sont chargées sur des trains à double voie vers la ville iranienne de Bafq, puis vers Téhéran, avant d’arriver au port d’Anzali, au sud de la mer Caspienne.

Étant donné que le CITNS repose sur un concept flexible capable de s’adapter à un environnement géopolitique changeant (à l’instar de l’OBOR), il existe une multitude de lignes de connexion qui bifurquent de l’artère principale nord-sud avant que les marchandises n’atteignent la mer Caspienne.

Ces connexions comprennent notamment un corridor oriental et occidental partant de la ville de Bafq en direction de la Turquie, puis de l’Europe via le Bosphore, ainsi qu’un corridor oriental partant de Téhéran en direction du Turkménistan, de l’Ouzbékistan, du Kazakhstan, puis d’Urumqi, en Chine.

 

 

 

 

Importance stratégique des voies de chemin de fer

Depuis le port d’Anzali, dans le nord de l’Iran, les marchandises peuvent être transportées par la mer Caspienne jusqu’au port russe d’Astrakhan, où elles sont ensuite chargées sur des trains et des camions à destination de Moscou, de Saint-Pétersbourg et de Mourmansk. Par ailleurs, les marchandises peuvent également être acheminées par voie terrestre vers l’Azerbaïdjan, où le chemin de fer Rasht en Iran-Caspienne, d’une longueur de 35 km, est actuellement en cours de construction, 11 km venant d’être achevés au moment où j’écris ces lignes.

Une fois terminée, la ligne reliera le port d’Anzali à Bakou, en Azerbaïdjan, offrant ainsi aux marchandises la possibilité de poursuivre leur route soit vers la Russie soit vers l’ouest, en direction de l’Europe. Il existe déjà une ligne ferroviaire Téhéran-Bakou.

En outre, l’Azerbaïdjan et l’Iran collaborent actuellement à l’élaboration d’une vaste ligne ferroviaire de 2 milliards de dollars reliant les 175 km du chemin de fer Qazvin-Rasht – lequel a commencé à fonctionner en 2019 – à une ligne ferroviaire stratégique reliant le port iranien de Rasht sur la Caspienne au complexe de Bandar Abbas dans le sud (planifiée pour achèvement en 2025). Sergueï Pavlov, premier directeur général adjoint des chemins de fer russes, a déclaré en mars 2023 : « Le ministère des Transports prépare actuellement deux accords intergouvernementaux : un accord Iran-Russie et un accord trilatéral Azerbaïdjan-Russie-Iran. »

Ces derniers mois, le Premier ministre indien Narendra Modi a fait pression pour que le port de Chabahar, construit conjointement par l’Iran et l’Inde, soit incorporé au CITNS, ce qui sera probablement le cas puisqu’une autre ligne ferroviaire de 628 km reliant le port à la ville iranienne de Zahedan est actuellement en cours de construction.

Depuis 2014, un vaste complexe ferroviaire et de transport s’est développé autour des cosignataires de l’accord d’Ashkabat (lancé en 2011 et amélioré à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie). Ces réseaux ferroviaires comprennent la voie Iran-Turkménistan-Kazakhstan de 917,5 km lancée en 2014, et le projet ferroviaire/énergétique Turkménistan-Afghanistan-Tajikistan lancé en 2016, qui fait actuellement l’objet d’extensions susceptibles de se prolonger aisément jusqu’au Pakistan.

En décembre 2021, la ligne ferroviaire Islamabad-Istanbul (via l’Iran), longue de 6.540 km, a été remise en service après une décennie d’inaction. Cet itinéraire permet de réduire de moitié le temps de transit maritime conventionnel, qui est de 21 jours. Des discussions sont déjà en cours pour prolonger la ligne du Pakistan jusqu’à la province chinoise du Xinjiang, reliant encore plus étroitement le CITNS à l’OBOR sur un autre front encore.

 

 

 

 

Finally, June 2022 saw the long-awaited unveiling of the 6108 km Kazakhstan-Iran-Turkey rail line which provides an alternative route to the under-developed Middle Corridor. Celebrating the inaugural 12 day voyage of cargo, Kazakhstan’s President Kasym-Jomart Tokayev stated:

Enfin, juin 2022 a vu l’inauguration tant attendue de la ligne de chemin de fer Kazakhstan-Iran-Turquie de 6.108 km qui offre une alternative au « Corridor Médian » sous-développé. Au cours des célébrations du voyage inaugural de 12 jours, le président du Kazakhstan, Kasym-Jomart Tokayev, a déclaré :

 

 

     

 

« Aujourd’hui, nous avons accueilli le train de conteneurs qui a quitté le Kazakhstan il y a une semaine. Il se rendra ensuite en Turquie. C’est un événement important, compte tenu des conditions géopolitiques difficiles. »

 

 

Dans ce contexte, le Chemin de fer d’Arménie du Ssud, attendu depuis longtemps, pourrait être construit et constituerait le chaînon manquant de 316 km du Corridor International de Transport Nord-Sud entre la mer Noire et le golfe Persique. Ce projet implique la traversée d’un total incroyable de 84 ponts (19,6 km) et de 60 tunnels (102,3 km) en terrain montagneux, reliant finalement l’artère principale du golfe Persique à l’Europe, avec des avantages considérables pour toutes les nations et toutes les populations impliquées.

 

 

 

 

Le CITNS, l’OBOR et d’autres grands projets d’infrastructure ne feraient pas que créer des relations nouvelles et qu’ouvrir de nouveaux marchés en l’espace de quelques années, mais ils fourniraient également la base de nouvelles industries, d’un potentiel de production accru et d’un incroyable potentiel d’investissement à tous les intérêts, indépendamment des différences religieuses, ethniques ou autres que tous les impérialistes ont cherché à exploiter de temps immémorial.

Malheureusement, si le pantin arménien de Soros, Nikol Pachinyan, qui sert de président à l’Arménie (installé par une révolution colorée en 2018), parvient à saboter l’Union Économique EurAsiatique (UEEA) et l’Organisation du Traité de Sécurité collective (OTSC) dirigées par la Russie et à adhérer à l’OTAN, ces perspectives d’intégration eurasienne risquent de s’envoler en fumée.

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N.B. Il y avait, comme toujours, dans ce texte, des liens impossibles à ouvrir parce que censurés. À l’impossible, nul n’est tenu. L.G.O.

 

Sources :

https://www.thelastamericanvagabond.com/armenia-destroy-transportation/

https://theduran.com/using-armenia-to-destroy-the-international-north-south-transportation-corridor/

 

L’auteur :

 

Matthew Ehret

Est un journaliste, éditeur et auteur canadien résidant à Montréal

Il est le fondateur et rédacteur en chef de la Canadian Patriot Review. Il collabore à Strategic Culture et il est « Senior Fellow » (Docteur) de l’Université américaine de Moscou.

Il a rédigé l’introduction de la série de livres Untold History of Canada  (« Histoire inédite du Canada) et est l’auteur de Clash of the Two Americas (« Affrontement des deux Amériques »).

En 2019, il a co-fondé la Rising Tide Foundation, située à Montréal.

Matthew Ehret a, en général, beaucoup écrit sur l’État Profond canadien, mais aussi sur la manière dont l’Empire Britannique (via l’État Profond de Grande Bretagne) domine toujours le monde.

Dans ses articles, il traite plus généralement de géopolitique, d’histoire, d’économie et de science, mais aussi d’art. Ne s’exprime pas, en revanche, sur la mode, le sport, la cuisine, l’astrologie

Ses articles paraissent dans : The Cradle, TheDuran, Dissident Voice, Substack, Global Research, LifeSiteNews.com, The Unz Review, American Thinker, Veterans Today, Lew Rockwell, Antiwar.com, Daily Trust, Russia Insider, Fort Russ, L.A. Review of Books, China Channel, Asia Times, Global Times, Oriental Review; Sott, Zero Hedgeliste non exhaustive.

À ne pas manquer : https://www.algeriepatriotique.com/2022/11/21/interview-le-journaliste-canadien-matthew-ehret-lonu-est-corrompue /  en français

Ainsi que : https://audioboom.com/posts/8281421-327-the-tentacles-of-the-british-empire-matt-ehret en anglais

Toutes les analyses (en anglais) de Matthew Ehret sur The Cradle sont ici : https://new.thecradle.co/authors/matthew-ehret-39

 

 

 

 

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Octobre 2023

 

 

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