Coronavirus : un traçage « humain », priorité à Bruxelles et en Wallonie
Amandine Cloot et Eric Deffet – Le Soir.be – 22.4.2020
Le cabinet De Backer coordonnait jusqu’à présent le dossier du traçage, notamment par l’établissement d’un cadre pour une application numérique. Les Régions, compétentes, restent désormais les seuls maîtres à bord.
Toutes les informations nécessaires sont à disposition des Régions qui décideront de l’opportunité du lancement d’une application de traçage et de son calendrier. C’est, en très bref, la conclusion d’une note transmise par le cabinet de Philippe De Backer (Open VLD), ministre en charge de l’Agenda numérique et de la Protection de la vie privée, que nous avons pu consulter. Depuis plusieurs semaines, le cabinet coordonne, avec celui de Maggie de Block (Open VLD), ministre de la Santé publique, une task force « Data against corona ». Ce panel avait, entre autres, pour but la définition d’un cadre technique et juridique pour une application digitale de « contact tracing » (traçage de contact, NDLR), méthode déjà déployée dans plusieurs pays, et très récemment en Italie, pour accompagner le déconfinement des populations.
Pour rappel, le « contact tracing » est un élément clé à toute stratégie de « sortie » de confinement puisqu’il a pour but de répertorier les interactions qui ont eu lieu entre des personnes testées positives au Covid-19 et des personnes dites « saines ». L’idée derrière cette collecte d’infos ? Rompre les chaînes de transmission du virus en isolant ou en testant les personnes potentiellement contaminées leur tour. Un procédé qui peut être déployé par des moyens humains et/ou la technologie (une application de « traçage » digitale permet d’automatiser et, par conséquent, d’intensifier les recherches).
Problème numéro un chez nous : la compétence du traçage des citoyens (par voie humaine comme digitale) est régionale en Belgique. Problème numéro deux : la matière – principalement au niveau digital, en raison de craintes de violation de la vie privée –, fait polémique tant au niveau politique, académique que citoyen. Problème numéro trois, conséquence directe des deux premiers points : les entités fédérées ne sont pas nécessairement d’accord sur les directions à prendre.
Au cabinet De Backer, on refile donc, en quelque sorte, la patate chaude tout en rappelant que l’expertise développée est désormais à disposition des Régions. Si elles le souhaitent. Tant au niveau du support technique pour le lancement d’une application numérique que pour l’aide à la création de « call centers » d’un nouveau genre (qui appelleraient les personnes testées positives pour retracer leurs interactions des derniers jours).
Les call centers privilégiés à Bruxelles et en Wallonie
Se dirige-t-on vers trois politiques de traçage différentes en Belgique ? C’est un risque. Le texte rappelle qu’en raison des évidents déplacements de la population d’une Région à l’autre, une approche coordonnée est plus que souhaitable et qu’un processus inefficace et disparate pourrait déclencher, à nouveau, un risque majeur pour la santé publique.
Le cadre juridique, est, par contre, bien une compétence fédérale. Si une application digitale, par exemple, est lancée dans une Région donnée, elle devra nécessairement être compatible avec ses « jumelles » éventuellement actives sur le territoire. Mais en activer une en Wallonie et en Flandre, par exemple, et pas à Bruxelles, réduirait sensiblement leur efficacité. Concernant la protection de la vie privée, la note explique très brièvement qu’une ligne rouge à ne pas dépasser a été définie : toutes les analyses de données qui pourraient impacter notre vie privée ne seront pas effectuées, seules des données anonymisées seront utilisées.
Sur le terrain, à Bruxelles comme en Wallonie, la voie à suivre n’est pas encore définitivement tracée. Les choix à opérer sont délicats et les enjeux colossaux : c’est le succès ou l’échec du déconfinement dont il est question. Mais la perspective de mettre en place des « call centers » est bel et bien sur la table, prioritairement.
Le modèle existe déjà pour la surveillance des maladies infectieuses plus classiques comme la turberculose ou la rougeole : alertés par le corps médical, des spécialistes remontent la piste des personnes potentiellement touchées au départ d’un cas avéré. Avec le coronavirus, l’opération prendrait évidemment des proportions inédites.
A l’échelle du pays, le dispositif pourrait mobiliser jusqu’à 2.000 personnes : 1.200 en Flandre, 600 en Wallonie et 200 à Bruxelles, selon des chiffres livrés par L’Echo. A Namur, on évoque plutôt une fourchette de 500 à 800 intervenants pour récolter les informations et prendre les contacts nécessaires avec les proches avérés d’un malade afin de tenter d’interrompre la chaîne de contamination en demandant un maintien strict à domicile.
Des moyens encore à trouver
Mais où trouver les forces nécessaires pour mener à bien un tel projet ? Là encore, c’était la bouteille à l’encre ce mardi à Bruxelles comme en Wallonie. Avec Iriscare et l’Aviq, les deux Régions disposent de compétences internes qui pourront s’avérer utiles, mais évidemment pas dans les proportions évoquées plus haut. Les gouvernements pourraient alors élargir le champ de leurs investigations à l’ensemble de la fonction publique régionale : il y a partout des fonctionnaires dont la crise a réduit les activités ou qui sont en télétravail et qui pourraient être intégrés au projet, le temps nécessaire.
L’éventail des possibles s’ouvre un peu plus à chacune de nos tentatives pour tenter de tracer le profil de ce dispositif. On évoque ici la possibilité de s’appuyer sur les compétences « naturelles » des mutuelles. Ailleurs, il se dit que des profils comme ceux de spécialistes en ressources humaines, des secrétaires médicaux voire des étudiants en fin de parcours dans des filières sociales ou médicales pourraient faire l’affaire.
Enfin, si toutes ces pistes ne s’avéraient pas suffisantes ou étaient insatisfaisantes, il resterait encore la possibilité de se tourner vers un partenariat avec une ou plusieurs entreprises privées spécialisées dans la gestion de standards téléphoniques « grand format », de véritables professionnels en quelque sorte. La formation nécessaire pour la crise sanitaire serait très accessible et rapide, quelques jours à peine. A condition, nous précise-t-on, de développer aussi des capacités d’écoute importantes.
Dernière question qui taraude les dirigeants des Régions : qui financera cet effort peu banal ?
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Avril 2020
One Responses
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