Jean Ferrat

 

 

 

Ma France

 

De plaines en forêts de vallons en collines
Du printemps qui va naître à tes mortes saisons
De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine
Je n’en finirais pas d’écrire ta chanson
Ma France

Au grand soleil d’été qui courbe la Provence
Des genêts de Bretagne aux bruyères d’Ardèche
Quelque chose dans l’air a cette transparence
Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche
Ma France

Cet air de liberté au-delà des frontières
Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige
Et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige
Elle répond toujours du nom de Robespierre
Ma France

Celle du vieil Hugo tonnant de son exil
Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines
Celle qui construisit de ses mains vos usines
Celle dont monsieur Thiers a dit qu’on la fusille
Ma France

Picasso tient le monde au bout de sa palette
Des lèvres d’Éluard s’envolent des colombes
Ils n’en finissent pas tes artistes prophètes
De dire qu’il est temps que le malheur succombe
Ma France

Leurs voix se multiplient à n’en plus faire qu’une
Celle qui paie toujours vos crimes vos erreurs
En remplissant l’histoire et ses fosses communes
Que je chante à jamais celle des travailleurs
Ma France

Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches
Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien
Du journal que l’on vend le matin d’un dimanche
A l’affiche qu’on colle au mur du lendemain
Ma France

Qu’elle monte des mines descende des collines
Celle qui chante en moi la belle la rebelle
Elle tient l’avenir, serré dans ses mains fines
Celle de trente-six à soixante-huit chandelles
Ma France

 

 

Un peu d’histoire, tiens, pendant qu’on y est :

 

L’histoire de la chanson censurée de Jean Ferrat contre un édito de Jean d’Ormesson

 

Claude Askolovitch — 5 décembre 2017

https://www.slate.fr/story/154793/jean-dormesson-contre-jean-ferrat-les-deux-france-des-annees-1970

 

 

Disons-le tout de suite, on ne partage pas l’indulgence d’Askolovitch pour Jean d’Ormesson (« La mort n’est pas une excuse », Vallès).

Ce qu’assez peu de gens savent, c’est que d’Ormesson descendait d’un irréprochable révolutionnaire : Michel Lepeletier de Saint-Fargeau.

Ils étaiet deux frères, Michel, député de la noblesse aux États Généraux, ensuite député de l’Yonne à la Convention, qui serait assassiné la veille de la mort du roi, et Félix, qui lui survivrait jusqu’en 1815.

On sait que Michel, chef du parti de la noblesse, a été assassiné le 20 janvier 1793 pour avoir voté et fait voter par son groupe, la mort immédiate du roi (guillotiné le lendemain).

Le frère cadet a suivi les traces de son aîné, au point de participer plus tard à la Conjuration des Égaux, de Gracchus Babeuf, et de prendre en charge, après son propre acquittement au procès de Vendôme, la famille du tribun guillotiné et d’adopter son fils aîné, Émile.

Aussitôt après le meurtre de son frère, Félix avait remis à Robespierre le Plan d’Éducation Nationale dont Michel, à la demande de l’Incorruptible, était l’auteur et qu’il n’avait pas eu le temps de défendre à l’Assemblée. C’est donc Robespierre qui, profitant de l’assassinat de Marat (question de timing !) l’a fait voter à l’unanimité le 13 juillet 1793, à moins que notre mémoire flanche.

Après Thermidor, d’engagement en condamnation, Felix Lepeletier a même failli se retrouver à casser des cailloux à Cayenne :

 

« Après le coup d’État du 18 brumaire, qui conduit Bonaparte au pouvoir, la répression s’abat sur les milieux jacobins. Soixante députés sont destitués, la presse patriote muselée, les clubs fermés. Avec 36 autres démocrates, dont quatre députés, Lepeletier est condamné à la déportation à Cayenne, tandis que 22 autres, dont nombre de députés, sont exilés en province ; cette dernière mesure est finalement abandonnée. En revanche, il est bien compris sur les listes de déportation après l’attentat de la rue Saint-Nicaise du 3 nivôse an IX (24 décembre 1800) ; dans l’entretemps, il avait osé organiser dans sa terre de Bacqueville une colonie de républicains « purs » avec Antonelle. Arrêté le 14 nivôse an IX (4 janvier 1801), il est transféré à l’île de Ré. De retour en 1803 à Paris, où sa présence inquiète assez les autorités pour qu’il soit enfermé au Temple, il est envoyé en résidence surveillée à Genève, où il parvient malgré tout à se rapprocher de la Société des Philadelphes, opposée au régime bonapartiste. En décembre 1804, il bénéficie d’une amnistie lors du sacre de Napoléon, mais refuse la Légion d’honneur que Carnot lui a fait offrir. » (Wikipedia)

 

Pourquoi vous racontons-nous tout ceci ? Parce que Jean-Louis David avait peint un tableau représentant Michel assassiné et que la propre fille du martyr, émigrée à Coblence, l’a fait plus tard acheter à grand prix pour pouvoir le brûler.

Il restait un croquis partiel, également de la main de David :

 

 

 

 

Le délicieux d’Ormesson l’avait accroché dans ses chiottes et s’en vantait dans les salons.

Il y a noblesse et noblesse.

 

 

 

 

Un air de liberté

 

Les guerres du mensonge, les guerres coloniales
C’est vous et vos pareils qui en êtes tuteurs.
Quand vous les approuviez à longueur de journal
Votre plume signait trente années de malheur.

La terre n’aime pas le sang ni les ordures,
Agrippa d’Aubigné le disait en son temps
Votre cause déjà sentait la pourriture,
Et c’est ce fumet-là que vous trouvez plaisant

Ah, monsieur d’Ormesson
Vous osez déclarer
Qu’un air de liberté
Flottait sur Saïgon
Avant que cette ville s’appelle Ville Ho-Chi-Minh

Allongés sur les rails, nous arrêtions les trains.
Pour vous et vos pareils, nous étions la vermine
Sur qui vos policiers pouvaient taper sans frein,
Mais les rues résonnaient de « paix en Indochine ! »

Nous disions que la guerre était perdue d’avance,
Et cent mille Français allaient mourir en vain,
Contre un peuple luttant pour son indépendance.
Oui, vous avez un peu de ce sang sur les mains

Ah monsieur d’Ormesson
Vous osez déclarer
Qu’un air de liberté
Flottait sur Saïgon
Avant que cette ville s’appelle Ville Ho-Chi-Minh

Après trente ans de faim, de souffrance et de larmes,
Des millions d’hectares de terre défoliés,
Un génocide vain perpétré au Viêt-Nam.
Quand le canon se tait, vous, vous continuez.

Mais regardez-vous donc un matin dans la glace !
Patron du Figaro, songez à Beaumarchais.
Il saute de sa tombe en faisant la grimace.
Les maîtres ont encore une âme de valet.

 

Incidemment, Jean Ferrat était aussi juif que Tchoubaïs, Kolomoïski ou Zelinski.

Il y a juifs et juifs.

 

 

 

 

URL de cet article : http://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/jean-ferrat/

 

 

Septembre 2023

 

0 Comments

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.