Le nouveau quartier général des publications d’Axel Springer à Berlin depuis 2021

 

 

Le plus grand agrégateur d’informations d’Europe ordonne à ses rédacteurs de minimiser les décès de Palestiniens

 

Upday, une application appartenant au géant allemand des médias Axel Springer, exige de ses journalistes qu’ils couvrent la guerre à Gaza en privilégiant Israël.

 

Daniel Boguslaw  – The Intercept – 19.10.2023

Traduction : c.l. pour L.G.O.

 

Alors que les bombardements israéliens ont pratiquement supprimé l’accès à Internet dans la bande de Gaza au cours du week-end, l’une des plus grandes sociétés de médias en Europe a pris sa propre initiative pour limiter les informations en ligne sur les victimes civiles en Palestine.

Upday, la plus grande application d’agrégation de nouvelles en Europe, a donné des directives pour colorer la couverture de la guerre à Gaza par des sentiments pro-israéliens, selon des entretiens avec des employés et des documents internes obtenus par The Intercept.

La direction d’Upday, filiale du géant allemand de l’édition Axel Springer, a donné des instructions à son personnel pour que priorité soit donnée au point de vue israélien et que soient minimisées les morts civiles palestiniennes dans la couverture des événements, selon le témoignage d’employés du goupe.

 

« Nous ne pouvons pas faire état des chiffres de morts ou de blessés palestiniens sans que l’information sur Israël ne soit plus haut placée dans l’article.

« Il ne nous est pas permis de diffuser d’informations sur le nombre de morts ou de blessés palestiniens sans que l’information sur Israël ne figure plus haut dans l’article », a déclaré un employé à The Intercept, faisant référence aux notifications push, c. à d. les alertes envoyées à des millions de téléphones. Les employés, qui ont demandé à garder l’anonymat pour protéger leurs moyens de subsistance, ont déclaré que ces mesures suscitaient un malaise généralisé au sein de l’entreprise.

 

« Nous contestons fortementt les allégations indirectes que vous faites », nous a déclaré Julia Sommerfeld, représentante de la société allemande Axel Springer. « Nous n’avons pas demandé à nos journalistes d’ignorer les victimes civiles à Gaza, ni à nos rédacteurs en chef de manipuler la couverture de l’actualité, et la direction de l’entreprise n’a été impliquée dans aucune décision éditoriale. Les lignes directrices éditoriales d’Upday sont basées sur les principes du journalisme et les Axel Springer Essentials (=accessibles au public) »,

Sommerfeld nous a dit encore :  « la couverture de l’actualité par Upday suit ces principes, et chaque décision éditoriale est prise par des journalistes qualifiés ».

[Qui perdent leur travail s’ils ne marchent pas dans les clous…]

La haute estime des dirigeants d’Upday pour Israël était apparente dans les communications quotidiennes : Dans le Slack de la compagnie, un drapeau israélien apparaît à côté de l’avatar du PDG d’Upday, Thomas Hirsch, d’après les employés. (Upday n’a pas répondu à la demande directe de commentaire de The Intercept).

« Les médias exercent une pression ridicule, absurde, pour supprimer et rendre invisible toute sympathie pour la Palestine », nous a déclaré Ahlam Muhtaseb, professeur d’études médiatiques à l’université d’État de Californie à San Bernardino, interrogé sur les directives internes d’Upday. « Le récit unilatéral de la victimisation israélienne exige l’adhésion de toutes les institutions médiatiques et du gouvernement U.S. lui-même. »

Dans ses directives, Upday a mis en garde ses employés contre la publication de titres qui pourraient être « mal interprétés comme pro-palestiniens », d’après les deux employés interrogés par The Intercept. Les commentaires d’hommes politiques israéliens déshumanisant les Palestiniens devaient être formulés en insistant sur l’ampleur et la brutalité des attaques du Hamas contre Israël, qui ont fait jusqu’à présent plus de 1.300 morts, dont de nombreux civils.

Une des directives reçues était de ne pas citer les groupes militants palestiniens dans les titres.

Selon les employés, l’entreprise leur a donné des instructions pour que, conformément à la déclaration de mission « Essentials » d’Axel Springer, la rédaction soutienne fermement le peuple juif et le droit à l’existence d’Israël.

 

Upday et la partialité médiatique

Lancée en 2016, Upday dessert plus de 30 pays. L’application compte des dizaines de millions d’utilisateurs grâce à un accord avec Samsung qui précharge l’application sur les appareils Samsung.

Axel Springer publie les journaux allemands Bild et Die Welt, ainsi que le tabloïd polonais Fakt, parmi de nombreux autres titres européens. Aux États-Unis, l’entreprise détient une participation majoritaire dans le site d’information Insider et a acheté Politico en 2021.

Axel Springer a été critiqué pour avoir géré son empire de presse selon des principes conservateurs. Parmi ses positions bien connues figure son ardent soutien à l’État d’Israël, énoncé très explicitement dans la déclaration de mission « Essentials » qui professe aussi le soutien à « une Europe unie », à « l’Alliance transatlantique », au « peuple juif et au droit à l’existence de l’État d’Israël ».

Comme les principes des « Essentiels » d’Axel Springer ont été appliqués chez Upday pendant la conflagration actuelle du conflit israélo-palestinien, ils y sont devenus des directives appliquées à des tâches telles que la rédaction des titres – sur lesquelles, en tant qu’agrégateur d’actualités, l’entreprise a un contrôle éditorial.

L’approche biaisée d’Upday reflète un parti pris largement répandu parmi les géants des médias occidentaux, partialité qui existe depuis des années, mais qui s’est intensifiée avec l’attaque surprise brutale du Hamas.

Sur MSNBC, la chaîne d’information câblée U.S., trois présentateurs d’actualités musulmans ont été démis de leurs fonctions selon les informations qui circulent (MSNBC les a démenties). D’autres organes de presse ont pris des mesures publiques pour censurer ou expulser des journalistes accusés d’avoir enfreint des directives internes ou la déontologie journalistique.

La BBC a suspendu six journalistes pendant qu’elle enquêtait pour découvrir s’ils avaient publié des déclarations prétendument anti-israéliennes sur les médias sociaux. La chaîne britannique a par ailleurs été forcée de présenter ses excuses aux téléspectateurs, pour avoir diffusé des informations trompeuses décrivant les manifestations pro-palestiniennes au Royaume-Uni comme des manifestations « pro-Hamas ». Le Guardian, un quotidien britannique, a récemment licencié un caricaturiste qu’il employait depuis des décennies, après que des critiques eurent qualifié d’antisémite une représentation du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

M. Muhtaseb, professeur à l’université d’État de Californie, a déclaré que la vociférante position pro-israélienne de l’État allemand pourrait jouer un rôle dans la détermination de la ligne pro-israélienne d’Axel Springer, invoquant notamment la « décision du gouvernement allemand de criminaliser le BDS »  –  mouvement pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions contre Israël pour sa violation des droits des Palestiniens – « ainsi que tout discours de soutien aux Palestiniens et d’assimiler toute critique antisioniste à de l’antisémitisme ».

Source : https://theintercept.com/2023/10/19/upday-news-gaza-israel-axel-springer/

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Octobre 2023