Les États et empires de la Lune

 

Cyrano, la Lune et l’Église

 

 

 

 

Dans le deuxième quart du XVIIe siècle, Savinien de Cyrano Bergerac , qui avait un beau grand nez en quart de brie sans rapport avec le pied de marmite retourné dont l’a affligé Hollywood, a écrit – mais pas publié – un chef d’œuvre, qui l’eût propulsé en deux temps trois mouvements sur le bûcher. Ce très grand livre en deux volumes ne fut livré à l’impression que vingt mois après sa mort et seulement en partie, par les soins de son ami Henry Le Bret, sous le titre prudent d’Histoire comique des États et empires de la Lune (1657).

Cyrano est aussi, entre beaucoup d’autres choses, l’auteur de deux pièces, qui n’ont pas eu l’heur de plaire aux théâtreux de notre ignare époque : une comédie, Le pédant joué, où Savinien fait passer en revue par un de ses personnages la quasi-totalité des superstitions françaises (et autres), qui allaient durer jusqu’à la IIe Mondiale et n’avaient été connues, semble-t-il, à ce point, que de Rabelais, et la seule tragédie de l’intelligence que nous connaissions : La mort d’Agrippine, où Séjan, dont on sait le sort que lui réserva Tibère, dit calmement :

 

(…) Ces enfants de l’effroi,
Ces beaux riens qu’on adore et sans savoir pourquoi,
Ces altérés du sang des bêtes qu’on assomme,
Ces dieux que l’homme a faits et qui n’ont point fait l’homme,
Des plus fermes États ce fantasque soutien ;
Va, va, Térentius, qui les craint ne craint rien.

 

Voltaire n’irait jamais plus loin.

Et enfin, cette histoire-ci, qui s’appelle en définitive L’Autre monde : États et empires de la Lune et du Soleil et qui contient le voyage dans la lune, suivi du voyage dans le soleil.

 

 

« Savinien de Cyrano (1619-1655), fut un frondeur qui défendit ardemment les idées des penseurs libertins : à savoir la pluralité des mondes, des langues, des pensées et des cultures. Avec cette fiction fortement teintée de poésie, de loufoquerie, de sexe, dont la modernité ne s’est jamais démentie et que les surréalistes ont remis au goût du jour, Cyrano s’inscrit dans le grand courant de l’utopie qui, de Démocrite à Campanella, sera considéré comme l’ennemi absolu de l’Eglise et de la monarchie. »

Se trouve en poche, à 1,30 €

 

 

 

Au début des années 2000, si notre mémoire ne flanche pas trop, un acteur du nom de Benjamin Lazar eut l’idée, saugrenue en apparence, de jouer  (et plus tard d’enregistrer) de la littérature du XVIIe siècle en adoptant la diction qu’on croit avoir été celle de l’époque, en partie du moins, parce qu’alors chaque région de France (et chaque classe) avait sa propre élocution et surtout son propre accent, diversité qui ne disparaîtra qu’après la Révolution, grâce aux efforts si mal compris, surtout en Bretagne, des Révolutionnaires, pour doter ce grand pays hexagonal d’un moyen de communication unique et accessible à tous. On sait qu’au XXe siècle, la télévision allait réussir sans provoquer la moindre vague à faire disparaître définitivement toute trace de personnalité, même généralement française. Oserions-nous dire qu’à l’heure actuelle, il ne reste, pour continuer à faire vivre, donc évoluer, non seulement la littérature mais la langue, que ceux qui écrivent et parlent en français dans les anciennes colonies de la France et qui sont si superbement ignorés par la métropole.

Pour en revenir à notre propos, Benjamin  Lazar (né en 1977) entama son expérience insolite par le Bourgeois Gentilhomme de Molière, représenté aux chandelles avec la diction du temps. Nous n’avons pas eu le plaisir de le voir, mais il semble qu’il l’ait représenté et promené dans tout le pays avec grand succès.

C’est ensuite, en 2004, qu’il s’est attaqué à l’œuvre de Cyrano. Dans le même esprit. Et ensuite encore qu’il a enregistré sous forme de CD et de DVD, ce premier des deux livres, qu’on ne saurait trop vous recommander. On est surpris d’abord, par l’étrangeté de la diction, mais on s’y habitue très vite et le plaisir vaut l’effort initial.

 

Parenthèse

[Histoire de pinailler : Wikipedia gratifie Benjamin Lazar de la création, en 2009, de Pyrame et Thisbé, de Théophile de Viau, autre grand « libertin » de l’époque. Wikipedia se plante comme souvent : pour y avoir participé nous-mêmes, nous pouvons assurer que le Pyrame et Thisbé de Théophile a été créé en 1965, à Paris,  au Concours des Jeunes Compagnies, mis en scène (au Théâtre Récamier) par Jean Bollery, son interprète principal  (qui avait dû aller en copier le texte introuvable à la Bibliothèque Nationale), dans un décor et des costumes inoubliables de José Quiroga, qui avait été l’élève de Christian Bérard. Tout ceci ne nous rajeunit pas. Le spectacle, d’ailleurs, n’avait eu aucun succès, surtout auprès des critiques, parce que la mode, alors, était au théâtre engagé, de préférence pour le Vietnam. Oui, la « gauche » artistique a fait, elle aussi, du chemin depuis.

Le début des années 1960 est riche en souvenirs de ce genre.

Ainsi, qui se souvient encore qu’en Italie, Vittorio Gassman a eu l’ambition de marcher sur les traces de Jean Vilar, en créant un TPI (Teatro Popolare Italiano) en forme de cirque et ambulant ? Que les efforts de l’acteur – déjà snobé quoique juif  par la mafia juive de Hollywood malgré son mariage avec une star juive du lieu – aient été écrasés dans l’œuf par les tout-puissants d’alors (Démocratie Chrétienne plus occupants U .S.) n’aurait dû étonner personne : Gassman était communiste, comme avant lui l’avaient été Eisenstein et Chaplin, et les « maîtres du discours », à Hollywood, ne voulaient pas de ça chez eux. Or, donc, Gassman, ruiné jusqu’à l’os, dut licencier la mort dans l’âme la grande troupe constituée avec tant de soin et ne garder la poignée de ses interpètes principaux que parce qu’ils avaient des contrats de trois ans et qu’il lui aurait fallu les payer de toute façon. C’est avec eux – une demi-douzaine de grands acteurs, dont l’Argentine Elena Zareschi et le Yougoslave Andrea Bosic – qu’il vint à Paris, invité par Claude Planson à participer au Théâtre des Nations d’on ne sait plus quelle année demandez aux gens du Sarah Bernhart, avec un spectacle-patchwork de scènes extraites de leurs principaux succès appelé Le jeu des Héros. Nous l’avons vu. C’était superbe et à fendre le cœur. M. Jean-Jacques Gauthier, pythie en chef du Figaro et du Tout-Paris, a titré le lendemain : « Les héros sont fatigués ».

Pour Wikipedia (et cette fois c’est vrai) Benjamln Lazar est  « lauréat du Prix J.-J. Gauthier », c’est-à-dire de pas grand-chose. Il vaut mieux être connu pour son talent et son originalité à soi que par ce genre de fariboles adossées à de fausses valeurs.]

 

 

Quoi qu’il en soit :

 

En CD et en DVD :

L’Autre Monde ou les États et Empires de la Lune / Cyrano de Bergerac

Un spectacle mis en scène par Benjamin Lazar

 

D’après le texte de Savinien de Cyrano Bergerac
Adapté, mis en scène et joué par Benjamin Lazar

Musiques de Dufaut, Sainte-Colombe, Playford, Hotman, Kapsberger,
Marais, Boësset, Ortiz et Hume,
choisies et interprétées par l’ensemble La Rêveuse

Florence Bolton, viole de gambe
Benjamin Perrot, théorbe et guitare baroque

Louise Moaty, regard sur la mise en scène
Adeline Caron, scénographie et costumes
Mathilde Benmoussa, maquillages

 

Un spectacle filmé par Corentin Leconte en mai 2013 à Paris, au Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet

Une coproduction Bel air Media – L’Autre Monde – Théâtre de l’incrédule

Avec la participation de France Télévisions

En partenariat avec l’Académie Bach d’Arques-la-Bataille – l’Ensemble La Rêveuse – L’Athénée Louis-Jouvet

Avec le soutien de L’Association des Amis du château de Bournazel & du Centre National de la Cinématographie

Durée : 1h42
PAL – All Regions
16/9 – Stereo

Livret de 60 pages, en français :

Autres Mondes, par Jean-Paul Combet
Une passion de nuit, par Annie Le Brun
Ton esprit qu’en son vol nul obstacle n’arrête, par Benjamin Lazar
Texte intégral du spectacle

Suppléments DVD :
galerie photographique de Nathaniel Baruch
Bournazel, un château Renaissance en Rouergue

 

  Le spectacle proposé par Benjamin Lazar et La Rêveuse, est une visite guidée du chef-d’oeuvre de Cyrano, L’Autre Monde ou les États et Empires de la Lune, qui circula sous le manteau jusqu’à la mort de son auteur et qui ne parut dans sa version non expurgée qu’au XXe siècle.

Faire découvrir le chef-d’œuvre du vrai Cyrano de Bergerac en moins de deux heures, tel est le défi que se sont fixés Benjamin Lazar et les musiciens de La Rêveuse. Ce spectacle à la lueur des bougies est un voyage dans le temps autour d’un texte sulfureux et savoureux qui circula sous le manteau jusqu’à la mort de son auteur et qui ne parut dans sa version intégrale qu’au XXe siècle.

Plein de fulgurances, ce texte, à la pointe des théories scientifiques de l’époque, nous emmène de démonstrations en vérités : rotation de la Terre autour du Soleil, machines volantes de toutes sortes, repas de fumées, livres qu’on lit « avec les oreilles » …

 

 

 

 

Puisqu’on était chez des artistes du peuple-élu…

 

C’est le moment ou jamais de rappeler que quelques-uns d’entre eux ont connu, dans les années cinquante, les joies de la chasse aux sorcières, du côté des chassés. Au titre de communistes, qu’ils étaient ou pas, on n’en sait rien… Ceux-là ont pu vivre assez longtemps pour régler leurs comptes, et ils l’ont fait d’une manière que ne peuvent même pas imaginer les assassins de Prigogine et accusateurs de Poutine :

 

 

Leonard Bernstein : Candide

 

« Auto-da-fé »

 

 

 

Ceci est extrait d’une représentation historique – distribution éblouissante !  – de Candide en concert, à Londres, en 1989, sous la direction du compositeur, qui allait mourir l’année suivante.

 

 

P.S. : Nous possédons ce qui est sans doute le dernier exemplaire de cet opéra-comique en DVD avec des sous-titres en français. Pourquoi ont-ils disparu et n’existent-ils plus nulle part ? Parce que Deutsche Gramophon se fout de sa clientèle de francophonie (France, Belgique, Suisse, Algérie, Monte Carlo, Quebec, La Réunion, Madagascar, etc.). Les sous-provinciaux n’ont qu’à apprendre la langue d’Annalena Baerbock ou celle de Rishi Sunak.

Voltaire ? Bof ! C’est qui Voltaire ?

 

 

Se trouve, en poche, à 1,90 €

 

 

Ne soyons pas chiens, voici les paroles de la version originale :

 

Auto Da Fe (What A Day) lyrics

CHORUS
What a day, what a day
For an auto-da-f?!
What a sunny summer sky!
What a day, what a day
For an auto-da-f?!
It’s a lovely day for drinking
And for watching people fry!
Hurry, hurry, hurry,
Watch’em die!
Hurry, hurry, hurry,
Hang ’em high!
BEAR-KEEPER
See the great Russian bear!
COSMETIC MERCHANT
Buy a comb for your hair!
WOMEN
But the price is much too high!
DOCTOR
Here be potions and pills
For your fevers and chills!
WOMEN
But we haven’t any money
So there’s nothing we can buy!
JUNKMAN
Any kind of metal
Bought and sold!
ALCHEMIST
Any kind of metal
Turned to gold!
JUNKMAN
Pots and pans,
Metal cans,
Bought or traded or sold!
Pans and pots
And what-nots!
Trading new ones for old!
ALCHEMIST
Pots and pans,
Metal cans,
I can turn them into gold!
Pans and pots
And what-nots!
For a tiny fee
My alchemy
Can turn them into gold!
CHORUS
Hurry, hurry, hurry,
Come and buy!
Hurry, hurry, hurry,
Come and try!
What a fair, what a fair!
Things to buy everywhere,
But the prices are too high!
It’s not fair, it’s not fair,
Things to buy everywhere;
But we haven’t any money
So there’s nothing we can buy!
PANGLOSS
But you can’t execute me; I’m too sick to die!
CHORUS
What d ya mean sick?
PANGLOSS
Oh my darling Paquette,
She is haunting me yet
With a dear souvenir
I shall never forget.
‘Twas a gift that she got
From a seafaring Scot,
He received he believed in Shalott!
In Shalott from his dame
Who was certain it came
With a kiss from a Swiss
(She’d forgotten his name),
But he told her that he
Had been given it free
By a sweet little cheat in Paree.
Then a man from Japan,
Then a Moor from Iran,
Though the Moor isn’t sure
How the whole thing began;
But the gift we can see
Had a long pedigree
When at last it was passed on to me!
CHORUS
Then a man from Japan,
Then a Moor from Iran,
Though the Moor isn’t sure
How the whole thing began;
But the gift we can see
Had a long pedigree
When at last it was passed on to he!
PANGLOSS
Love is sweet, love is sweet,
And the custom is sound,
For it makes the world go ’round.
CANDIDE, PANGLOSS
I repeat, love is sweet,
And the custom is sound,
For as we/I have shown it’s love alone
That makes the world go ’round.
PANGLOSS
Well, the Moor in the end
Spent a night with a friend
And the dear souvenir
Just continued the trend
To a young English lord
Who was stung, they record,
By a wasp in a hospital ward!
Well, the wasp on the wing
Had occasion to sting
A Milano soprano
Who brought home the thing
To her young paramour,
Who was rendered impure,
And forsook her to look for the cure.
Thus he happened to pass
Through Westphalia, alas,
Where he met with Paquette,
And she drank from his glass.
I was pleased as could be
When it came back to me;
Makes us all just a small family!
CHORUS
Oh, he happened to pass
Through Westphalia, alas,
Where he met with Paquette,
And she drank from his glass.
He is pleased as can be
For it shows him that we
One and all are a small family!
PANGLOSS
I am pleased as can be
For it shows us that we
One and all are a small family !
CHORUS
What a day, what a day
For an auto-da-f?!
What a lovely day for drinking
And for watching people fry!
What a day, what a day,
Oh, what a day,
What a perfect day for hanging!
GRAND INQUISITOR
Silence!
INQUISITORS
Shall we let the sinners go or try them?
CHORUS
Try them.
INQUISITORS
Are the culprits innocent or guilty?
CHORUS
Guilty.
INQUISITORS
Shall we pardon them or hang them?
CHORUS
Hang them.
What a lovely day, what a jolly day,
What a day for a holiday!
He don’t mix meat and dairy,
He don’t eat humble pie,
So sing a miserere
And hang the bastard high!
INQUISITORS
Are our methods legal or illegal?
CHORUS
Legal.
INQUISITORS
Are we judges of the law, or laymen?
CHORUS
Amen.
INQUISITORS
Shall we hang them or forget them?
CHORUS
Get them!
What a perfect day, what a jolly day,
What a day for a holiday!
When foreigners like this come
To criticize and spy,
We chant a pax vobiscum,
And hang the bastard high!
GRAND INQUISITOR
The supreme moment has arrived. All ye faithful –
genuflect!
CHORUS, INQUISITORS
Oh, pray for us, pray for us!
Fons pietatis, pray for us!
Davidis turris, pray for us!
Rex majestatis, pray for us!
(The crowd scatters in fear.)
PANGLOSS
Ladies and gentlemen, one final word. God in his
wisdom made it possible to invent the rope…
aaargh.
CHORUS
What a lovely day what a jolly day,
What a day for a holiday!
At last we can be cheery,
The danger’s passed us by.
So sing a Dies Irae
And hang the bastard high!
Oh, what a day!!
Pangloss is hanged, Candide flogged. Candide still believes
Pangloss was right.

 

 

Pour la curiosité :

« Auto-da-fé »

Version USA dernier cri (pré 2024) :

https://www.youtube.com/watch?v=tbTaD2C08xU

 

 

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            Août – Septembre 2023

 

 

 

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