L’horloge de la fin  du monde à 90 secondes de minuit

 

 

Pepe Escobar – THE UNZ REVIEW – 26.1.2023

 

Traduction : c.l. pour L.G.O.

 

 

 

 

 

 

L’horloge de la fin du monde, fixée par le magazine américain Bulletin of the Atomic Scientists, a été déplacée à 90 secondes de minuit.

C’est le moment le plus proche de la catastrophe nucléaire totale, bien entendu mondiale.

L’horloge était réglée à 100 secondes depuis 2020. Le Conseil pour la science et la sécurité du Bulletin et un groupe de sponsors – qui comprend 10 lauréats du prix Nobel – ont mis l’accent sur « la guerre de la Russie contre l’Ukraine » (leur terminologie) comme raison principale.

Cependant, ils n’ont pas pris la peine d’expliquer la rhétorique américaine ininterrompue (les États-Unis sont la seule nation qui prétende adopter la « première frappe » dans une confrontation nucléaire) et le fait qu’il s’agisse ici d’une guerre par procuration des États-Unis contre la Russie, l’Ukraine étant utilisée comme chair à canon.

Le Bulletin attribue également des desseins malveillants à la Chine, à l’Iran et à la Corée du Nord, tout en mentionnant (mais juste en passant) que « le dernier traité sur les armes nucléaires entre la Russie et les États-Unis – New START – est en danger ». « À moins que les deux parties ne reprennent les négociations et ne trouvent une base pour de nouvelles réductions, le traité expirera en février 2026 ».

En l’état actuel des choses, les perspectives d’une négociation américano-russe sur le New START sont inférieures à zéro.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, explique clairement que la guerre contre la Russie n’est plus hybride, qu’elle est « presque » réelle.

C’est cela que « presque » signifie : « 90 secondes ».

Alors pourquoi tout ceci arrive-t-il ?

 

La mère de tous les fiascos de services secrets

L’ancien diplomate britannique Alastair Crooke a expliqué de manière concise comment la résilience russe – à l’instar de la résilience iranienne des quatre dernières décennies – a complètement pulvérisé les hypothèses des services d’espionnage anglo-américains.

Il s’agit de la pire des défaillances en matière de renseignement, plus étonnante encore, en fait, que l’inexistence des ADM irakiennes : à l’approche de l’opération « Choc et effroi », en 2003, toute personne dotée d’un embryon de cerveau savait que Bagdad avait abandonné son programme d’armement dès le début des années 1990.

Et voilà qu’à présent, l’Occident collectif « a mobilisé toutes ses ressources financières pour écraser la Russie […] de toutes les manières imaginables : par une guerre financière, culturelle et psychologique, avec une vraie guerre militaire à la clé ».

Et… la Russie a tenu bon. Et aujourd’hui, la réalité l’emporte sur la fiction. Le Sud collectif « se métamorphose en un modèle économique distinct, qui ne dépend plus du dollar pour ses besoins commerciaux ».

Et l’effondrement accéléré du dollar U.S. plonge de plus en plus l’Empire dans une véritable crise existentielle.

Tout cela ressemble de plus en plus à un scénario du genre Vietnam du Sud, qui se déroule en Ukraine après une purge politique et militaire brutale menée par le gouvernement de Kiev. Le bateleur cocaïnomane – dont le seul rôle est de réclamer sans cesse des sacs d’argent et des tonnes d’armes – est progressivement mis sur la touche par les Américains (attention aux directeurs de la CIA en déplacement).

Selon des sources russes, il semblerait même qu’à Kiev, les Américains ont pris la place des Britanniques dans la gestion de l’opération.

L’amuseur à la coke reste – pour l’instant du moins – une poupée de ventriloque, tandis que le contrôle militaire de ce qui reste de l’Ukraine est entièrement aux mains de l’OTAN.

Certes, elle l’était déjà – mais désormais, officiellement, l’Ukraine est le premier membre de facto de l’OTAN au monde, sans en être un membre réel, jouissant d’une souveraineté nationale inférieure à zéro, et avec des troupes d’assaut nazies de l’OTAN armées de chars américains et allemands, occupant le tapis au nom de la « démocratie ».

La réunion, la semaine dernière, du Groupe de Contact pour la Défense de l’Ukraine – contrôlé à 100% par les États-Unis – à la base aérienne américaine de Ramstein, a fini de couler dans le bronze une espèce de remake sordide de l’opération Barbarossa.

Et c’est reparti comme en 41 : avec des Panzers allemands traversant l’Ukrtaine pour aller écraser la Russie.

Pourtant, la coalition de chars semble avoir fait long feu avant même de commencer. L’Allemagne en enverra 14, le Portugal 2, la Belgique 0 (désolés, on n’en a pas). Il y a aussi la Lituanie, dont le ministre de la Défense a fait remarquer que : « Oui, nous n’avons pas de chars, mais nous avons un avis sur les chars ».

Personne n’a jamais accusé la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock d’être plus brillante qu’une ampoule électrique. Elle a finalement vendu la mèche, au Conseil de l’Europe à Strasbourg :

 

« Ce qui est important, c’est que nous le fassions ensemble et que nous n’encourions pas les reproches de l’Europe, car nous faisons une guerre à la Russie »

 

Donc Baerbock est d’accord avec Lavrov. Mais ne lui demandez pas ce que signifie « Horloge de la fin du monde », ni ce qui s’est passé quand l’opération Barbarossa a foiré.

 

 

Le « jardin » OTAN-UE

Le combo UE-OTAN porte les choses à un tout autre niveau, puisque l’Union Européenne a été essentiellement ravalée au statut de petit bras de l’OTAN en matière de relations publiques.

Tout cela est dit dans sa « déclaration commune » en dix points du 10 janvier.

La mission conjointe OTAN-UE consiste donc à utiliser tous les moyens économiques, politiques et militaires pour s’assurer que « la jungle » se comporte toujours conformément à « l’ordre international fondé sur des règles » et accepte d’être indéfiniment pillée par le « jardin en fleurs ».

Si on considère la situation dans son ensemble, absolument rien n’a changé dans l’appareil militaro/espionnage U.S. depuis le 11 septembre : c’est une affaire bipartisane, et elle signifie domination totale (« Full spectrum Dominance ») des États-Unis et de l’OTAN sur tout et partout. Aucune dissidence n’est autorisée. Et aucune idée admise en dehors des rails.

Le plan A est divisé en deux sections.

 

1/ Intervention militaire dans une coquille vide d’État doublure (Afghanistan, Ukraine).

2/ Défaite militaire inévitable et humiliante (Afghanistan et bientôt Ukraine). Les variantes incluent la construction d’un terrain vague appelé « paix » (Libye) et une guerre par procuration prolongée conduisant à une future expulsion humiliante (Syrie).

 

Il n’y a pas de plan B.

À moins qu’il y en ait un… 90 secondes avant minuit ?

Obsédé par Mackinder, l’Empire s’est battu pour le contrôle de la masse continentale eurasienne lors de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale, car cela représentait, selon lui, le contrôle du monde.

Plus tard, Zbigniew « Grand échiquier » Brzezinski avait prévenu : « Le scénario potentiellement le plus dangereux serait une grande coalition de la Russie, de la Chine et de l’Iran ».

Sautons aux Raging Twenties, lorsque les États-Unis ont imposé la fin des exportations de gaz naturel russe vers l’Allemagne (et l’UE) via Nord Stream 1 et 2.

Et on se retrouve avec, une fois de plus, l’opposition mackinderienne à une grande alliance sur la masse continentale eurasienne composée de l’Allemagne, de la Russie et de la Chine.

Les psychopathes néocons et néolibéraux straussiens en charge de la politique étrangère U.S. pourraient à la rigueur avaler une alliance stratégique entre la Russie et la Chine, si douloureuse fût-elle. Mais la Russie, la Chine ET l’Allemagne : JAMAIS.

Avec l’effondrement du JCPOA, l’Iran se retrouve une fois de plus ciblé avec un maximum d’hostilité. Pourtant, si Téhéran voulait jouer la carte de l’hostilité, la marine ou l’armée américaine ne pourrait jamais maintenir le détroit d’Ormuz ouvert, de l’aveu même des chefs d’état-major interarmées U.S..

Dans ce cas, le prix du pétrole grimperait jusqu’à plusieurs milliers de dollars le baril, s’il faut en croire les experts en produits dérivés de Goldman Sachs, ce qui provoquerait un effondrement de l’économie mondiale.

C’est sans doute le principal talon d’Achille de l’OTAN. Presque sans tirer un coup de feu, une alliance Russie-Iran pourrait réduire l’OTAN en miettes et faire tomber les différents gouvernements de nion Européenne, tandis que le chaos socio-économique se répandrait dans l’ensemble de l’Occident.

Pendant ce temps, pour citer Dylan, l’obscurité continue de se lever à l’aube de midi. Et pour leur part, les psychopathes néocons et néolibéraux straussiens continueront à pousser l’horloge du Jugement Dernier de plus en plus près de minuit.

 

Source : ‘Doomsday clock’: 90 seconds to midnight, by Pepe Escobar – The Unz Review

 

 

 

 

 

Janvier 2023

 

 

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