QUADRATURE DU CERCLE
(Bruno Guigue s’essaie à la définir. Il n’y réussit pas mal)
« …ce n’est pas parce qu’on croit aux vertus de l’autonomie locale que le monde entier va s’y convertir, ou même laisser prospérer gentiment ceux qui s’y adonnent ; et ce n’est pas parce que l’État est l’instrument de la bourgeoisie qu’il est destiné à le demeurer éternellement… »
Michéa et l’impasse libertaire
Bruno Guigue – Entelekheia – 22.6.2020
Dans le panorama des idées contemporaines, l’anarchisme occupe une place singulière. Ultra-minoritaire dans la société, il exerce une influence diffuse dans les sphères universitaires, notamment aux États-Unis, où des auteurs renommés comme Noam Chomsky ou David Graeber ne font pas mystère de leur adhésion à la doctrine. Que cette influence soit intellectuellement bénéfique, qu’elle contribue à mettre en question nombre d’idées reçues, que l’anarchisme constitue à certains égards un antidote respectable au libéral-conservatisme dominant est évident. Son audience s’est également élargie, en Occident, à l’occasion de la crise pandémique, l’État étant suspecté d’enfermer les populations pour asseoir sa domination et d’imposer au pauvre petit individu des restrictions insupportables. Renouant avec les analyses de Foucault, un vent libertaire a soufflé, incriminant une « biopolitique » visant à l’encasernement des corps et à la soumission des esprits, comme si le confinement, Big Brother et la vaccination obligatoire allaient accoucher d’un nouveau régime totalitaire. Ce regain libertaire justifie en tout cas qu’on revienne sur la doctrine, en se demandant si son relatif succès n’a pas son revers de la médaille, susceptible qu’il est, dans le même temps, de générer des illusions préjudiciables dès qu’il s’agit de penser les solutions alternatives. Les questions posées par l’idéologie libertaire risquent alors de demeurer sans réponse, tant il est vrai qu’elle s’interdit, précisément, de formuler les réponses qu’elles attendent.
On se souvient qu’au début du XXe siècle, les seuls moyens d’action légitimes, aux yeux des anarchistes, étaient la grève générale, l’action directe et la reprise individuelle. Instant magique où le prolétariat interrompt le cycle de l’exploitation, la grève générale, en particulier, apparait comme le concentré idéal de la révolution libertaire : portés par leur élan insurrectionnel, les ouvriers se saisissent de l’appareil productif et l’utilisent désormais pour leur propre compte. Or toute la difficulté, cela n’échappera à personne, réside dans le jour d’après. Si la grève générale suspend la production, sa reprise sous l’égide des travailleurs associés est une autre affaire. Elle nécessite une préparation et une coordination des tâches rarement réalisées dans les faits. L’expérience des soviets de 1917, puis celle des conseils ouvriers catalans de 1936 ont tourné court : non parce que les travailleurs étaient incapables de s’organiser, mais parce que les conditions de la guerre civile exigeaient la centralisation du pouvoir. Le problème de la grève générale révolutionnaire, c’est qu’elle surgit à l’occasion d’une crise qui requiert le contraire de ce qu’elle est censée inaugurer : non la libre association des travailleurs, mais la direction centralisée de la lutte. Rêvée à défaut d’être accomplie, la grève générale est condamnée à rester ce « mythe mobilisateur » dont parlait Georges Sorel : efficace pour stimuler la lutte, elle s’avère inapte à la faire aboutir.
Source : http://www.entelekheia.fr/2020/06/22/michea-et-limpasse-libertaire/
Jamais sans Karl :
Marx, le Capital et l’homme-marchandise
Bruno Guigue – LGS – 24.6.2020
Ce que Marx a mis au jour dans le Capital, c’est ce qu’on pourrait appeler la consubstantialité du capitalisme et de l’esclavage ; derrière la diversité de ses formes, il a perçu la profonde unité de la servitude moderne ; il a vu, dans « l’esclavage direct » des Noirs, la vérité de « l’esclavage indirect » des prolétaires européens ; loin d’ériger l’opposition du travail libre et du travail servile en symbole de la modernité, il y a décelé la manifestation de son hypocrisie, car l’hétérogénéité apparente des statuts ne l’a pas aveuglé sur les mécanismes mis en œuvre sous l’empire de la valeur d’échange ; il a vu en somme, dans l’intensification des rapports marchands, la véritable origine d’une emprise de l’homme sur l’homme qui ne connut ni les frontières ni la différence des temps ; ce faisant, il a bâti une théorie de l’esclavage dont la connaissance nous est précieuse, à l’heure où la mondialisation libérale enfante les formes contemporaines de la servitude ; et il a défait, du coup, les faux prestiges du postulat aujourd’hui dominant selon lequel la liberté ne fait qu’un avec le marché, anéantissant par anticipation la folle prétention du libéralisme contemporain à incarner l’ultima ratio de l’histoire.
Source : https://www.legrandsoir.info/marx-le-capital-et-l-homme-marchandise.html
Des qui veulent mordicus y croire que ce n’est pas juste un super Maidan !
Vers des « révolutions colorées » ou vers une révolution sociale ?
Jean-Pierre Page, Bruno Drweski – LGS – 18.6.2020
« Nous allons combattre le racisme, pas par le racisme mais par la solidarité. Nous allons combattre le capitalisme, pas par le capitalisme noir mais par le socialisme ».
Fred Hampton(1948-1969) [1]
Il ne fait pas de doute que l’onde de choc qui a entrainé les évènements sans précédents aux Etats-Unis percute la vision que bien des gens pouvaient avoir d’un pays où semblait-il, le rapport des forces était à leurs yeux immuable. Ce qui allait de pair avec une vision de l’histoire écrite et réécrite selon les besoins du système dominant.
Aujourd’hui, ce regard souvent superficiel, ces idées reçues se trouvent bouleversés. Les USA ne sont donc pas invincibles et cette crise ne se réduit pas à ceux-ci mais au capitalisme dans sa version néolibérale la plus brutale. La contestation y est dorénavant devenue globale ! C’est là une des leçons essentielles qu’il faut déjà tirer de ce bouleversement historique et de ses implications. Aux USA, des centaines de villes manifestent, on y trouve des travailleurs, des jeunes, des classes moyennes surendettées, des Blancs, des Noirs, des Latinos, des Asiatiques, unis dans l’action, et pas les uns sans les autres. Ce qui est tout à fait nouveau, c’est le degré massif atteint par ces convergences.
Le même phénomène a en même temps lieu à l’échelle mondiale avec des rassemblements de masse souvent interdits et toujours réprimés, y compris dans le contexte des contraintes de l’épidémie. C’est le cas dans d’autres pays, France, Allemagne, Italie, Espagne, Autriche, Pologne, mais aussi en Amérique latine, au Brésil, au Mexique, en Argentine, au Chili, en Asie, au Japon, en Inde, au Sri Lanka, et jusqu’en Australie ou en Nouvelle-Zélande.
Source : https://www.legrandsoir.info/vers-des-revolutions-colorees-ou-vers-une-revolution-sociale.html
Trump contre l’État profond
Israel Shamir – Entre la plume… – 23.6.2020
via Palestine Solidarité
Tulsa, Oklahoma – Supporters de Donald Trump
On a gagné ! Comme un homme après une longue maladie se relève, lentement, d’une démarche chancelante, et fait ses premiers pas, ainsi l’humanité se relève de son lit de malade. Il y a des infirmières, des médecins, des héritiers et des avocats qui voudraient garder toujours le patient au lit, pour avoir le champ libre, mais le voilà qui se relève, maître de lui, malgré leurs cris d’orfraie. Nous voilà exactement au milieu de l’année 2020. De Noël à la mi-été, les jours rallongent; de la mi-été à Noël, les nuits rallongent. Le jour de la Saint-Jean-Baptiste ajoute un sens religieux à la signification cosmique des événements, amplifiée cette année par l’éclipse solaire.
Aux États-Unis, l’événement central c’est le rebondissement de Trump. À Tulsa, Oklahoma, Trump a commencé à regagner le terrain perdu. La conjoncture ne lui était pas favorable. Twitter a encore une fois trollé Trump, avec sa blague sur les média mensonges. La Cour suprême a rejeté deux de ses initiatives, offrant une protection supplémentaire aux personnes qui se déclarent LGBT et aux jeunes immigrants illégaux désormais intouchables. L’armée a manifesté son hostilité envers Trump, en s’excusant pour une séance de photos avec son commandant en chef. Les services secrets ont divulgué le lieu où se trouvait le président. De plus en plus de fonctionnaires ont déclaré leur allégeance au Nouvel Ordre Mondial en s’agenouillant devant lui plutôt que devant Dieu.
Source : http://www.palestine-solidarite.org/analyses.israel_shamir.230620.htm
Commentaire : On a du mal à partager l’optimisme d’Israël Shamir et sa vision de Trump. On a surtout encore en tête le « banditisme assumé » de Michel Raimbaud, même s’il est simpliste de renvoyer dos à dos toutes les factions US. Et aussi… on ne comprend pas très bien ce que veut dire le dernier paragraphe, mais c’est peut-être seulement nous qui sommes nuls. Jugez par vous-mêmes.
Deux « hors système » qui font de leur mieux pour essayer d’y voir clair
Discussion en 3 vidéos entre Hervé Juvin et Charles Gave :
COVID 19, restrictions des libertés, souveraineté
Première partie : Le coup de force des bien-pensants
Deuxième partie : Un seul souverain le peuple
Troisième partie : L’État profond : main basse sur la démocratie
Source : https://hervejuvin.com/charles-gave-discussion/
On a un faible pour les polémistes, dont Jean-Paul Brighelli fait partie. Mais s’ils sont souvent sans peur, ils sont rarement sans reproche. Ainsi, dans l’article ci-dessous, râlant contre l’actuelle mode imbécile de l’antiracisme de la 11e heure et de la repentance made in les pires sous-couches de la crétinerie fière d’elle et dominatrice US, se croit-il obligé de s’écrier :
« L’essentiel des actes racistes, rapportés à ce que représentent en proportion les diverses composantes du tissu français, ce sont les Juifs, comme d’habitude, qui les encaissent. »
Mais encore ?
Le sionocompatible qu’il est ne se rend-t-il pas compte ou fait-il semblant de ne pas voir l’origine holocaustique de ce qu’il déplore avec tant de raison ? Ne voit-il pas que les revendications victimaires les plus échevelées d’aujourd’hui n’ont pas d’autre origine que le sport pratiqué depuis la fin de la guerre par ceux qui l’hébergent et qu’il ménage en feignant qu’il n’y a pas de différence entre « juifs » et « sionistes » ?
Que ces derniers s’obstinent à le prétendre dans le canard à Finkie, c’est de bonne guerre. Mais il y a des limites au respect humain acceptable et il y a un moment où il faut admettre que les barricades n’ont que deux côtés (Elsa Triolet, si je ne m’abuse) et qu’on ne peut pas camper sur les deux à la fois, surtout quand il faut tirer.
Er ce n’est pas la seule chose à lui reprocher, si on veut pinailler…
Bien sûr qu’il y a du lumpenproletariat noir – pourquoi n’y en aurait-il pas ? – et, bien sûr qu’il est aussi à plaindre et insupportable que les autres.
Bien sûr les Arabes ont pratiqué l’esclavage, comme tous les peuples sans exception depuis la préhistoire, et ce n’est pas non plus, bien sûr, de la judéophobie d’admettre qu’en Europe, des millions d’esclaves slaves ont été émasculés – dont 4 sur 5 mouraient (plaque tournante : Verdun) – par des esclavagistes hébreux ou Khazars qui les vendaient ensuite à qui en avait l’usage, éventuellement des Arabes mais pas que, qu’est-ce que vous croyez ?
Et peut-être est-il vrai que quelque allumé du Vietcong ait coupé le bras d’un compatriote parce que vacciné par les Yankees. Ce sont les généralisations qui font le racisme, quelle que soit sa forme.
Bon. Brighelli râle. Moi aussi.
Théroigne
Iconoclasme
Jean-Paul Brighelli – Bonnet d’âne – 12.6.2020
Chacun (sauf le CRAN, le PIR, tous ceux qui les soutiennent et mettent un genou à terre pour s’excuser des crimes supposés de leurs ancêtres, et Virginie Despentes, qui est à la Culture ce qu’un poisson est à une bicyclette) — chacun donc sait que le fondement de l’iconoclasme, que ce soit au VIIIe siècle, quand les chrétiens de Léon III tentèrent de se faire aussi bêtes que les Arabes qui leur étaient frontaliers, au IXe quand les sujets de Léon V récidivèrent, ou au XVIe, quand les Protestants, non contents d’adhérer à une religion qui interdisait pratiquement le plaisir, détruisirent les églises et les cathédrales partout où ils passèrent, est essentiellement religieux. Persuadés de prêcher la vraie foi, les barbares se déchainèrent contre tout ce qui leur était hostile — l’Art et la Culture au premier chef.
Le mouvement de destruction des statues, amorcé déjà depuis quelques années au nom de la lutte contre le colonialisme (il faudra m’expliquer en quoi massacrer Cecil Rhodes en effigie
légitime les massacreurs noirs qui ont pris le pouvoir au Zimbabwe depuis qu’il ne s’appelle plus Rhodésie) ou le racisme — et la destruction des statues de Schoelcher à la Martinique
URL de cet article : http://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/11447-2/
Un fauteur de guerre dépeint Trump en pacifiste
Le livre de Bolton envoie Trump dans les cordes, mais le réquisitoire à charge pourrait bien faire se relever, avant le dernier round électoral, le dirigeant sonné.
Pepe Escobar – Asia Times – 19.6.2020
Photo un peu retouchée de Donald Trump, au temps où il participait au WWW (World Wrestling Entertainment).
Un fauteur de guerre de carrière devient l’idole des libéraux à limousines en ridiculisant le président des États –Unis.
N’est hélas pas traduit en français. À défaut, le voici en anglais :
https://asiatimes.com/2020/06/warmonger-paints-trump-a-peacenik/
Mis en ligne le 24 juin 2020
2 Responses
j’ai laissé deux commentaires à l’article de Bruno Guigue, qui n’ont pas été pris en compte : s’agit-il d’une censure ?
Si c’est le cas, veuillez avoir l’obligeance de me désabonner…
J’apprécie le texte de Bruno Guigue et je suis d’accord avec lui sur son jugement concernant Michéa.
Mais son article reste une analyse purement philosophique qui ne tient pas compte de la réalité historique ; c’est bien pourquoi le tome 2 des « 72 Immortelles » s’attache à montrer comment les Communeux ont ébauché un ordre libertaire, qui était la première tentative de gestion communaliste anarchiste, fracassée par les Versaillais.
Ce phalanstère communeux n’est pas le fruit de « la dictature du prolétariat » comme l’ont exalté à tort les bolcheviks qui avaient besoin de repères mais ce hold-up mémoriel a faussé complètement l’image de la Commune de Paris dont on va bientôt commémorer le cent-cinquantenaire…
Aujourd’hui, le projet communaliste a du sens, comme l’affirme son héritier incontestable, Raoul Vaneigem.
Salut et fraternité !
Jean A.Chérasse
Nb/ mon prochain livre décodera « la grande déchirure » du Congrès de Tours, en 1920