« Alors le charpentier prit son courage à deux mains et demanda d’une voix sonore si dans cette maison là-bas ou dans une autre, Si vous m’entendez, quelqu’un voudrait-il, Au nom de Dieu qui voit tout, donner un refuge à sa femme qui est sur le point d’avoir un enfant, il doit sûrement y avoir par là un coin à l’abri, les nattes il les avait avec lui. Et aussi, Où pourais-je trouver dans ce village une matrone pour aider à l’accouchement. Le pauvre Joseph disait honteusement ces choses énormes et intimes, encore plus honteux de se sentir rougir en les disant. L’esclave qui écoutait à la porte s’en fût porter à l’intérieur le message, la requête et la protestation, cela prit du temps, elle revint avec la réponse, ils ne pouvaient pas rester là, qu’ils cherchent une autre maison, mais qu’ils ne la tiennent pas par certaine, et sa maîtresse leur faisait dire que le mieux pour eux serait encore de s’abriter dans une de ces nombreuses grottes qu’il y avait sur ces coteaux, Et la matrone, demanda Joseph, à quoi l’esclave répondit que si ses maîtres l’y autorisaient et si lui acceptait, elle-même pourrait aider, car les occasions de voir et d’entendre ne lui avaient pas manqué dans la maison, tout au long de ces années. En vérité, ces temps sont bien durs, confirmation vient d’en être donnée à l’instant même, où une femme sur le point d’avoir un enfant venant frapper à notre porte, nous lui refusons la remise dans la cour et nous l’envoyons accoucher dans une grotte comme les ourses et les louves. Toutefois nous eûmes un sursaut de conscience et, nous levant d’où nous étions, nous allâmes à la porte voir qui étaient ces gens qui cherchaient un abri pour une raison aussi urgente et hors de l’ordinaire, et quand nous aperçûmes l’expression douloureuse de la malheureuse créature, notre coeur de femme s’apitoya et nous justifiâmes notre refus avec des paroles mesurées, arguant du manque de, Les fils et les filles sont si nombreux dans cette maison, les petits-fils et les petites-filles, les gendres et les brus, que vous ne pouvez loger ici, mais l’esclave vous mènera à une grotte qui nous appartient et qui a servi d’étable, vous y serez installés commodément, il n’y a pas de bêtes là-bas en ce moment, et ayant dit ces choses et écouté les remerciements de ces pauvres gens, nous nous retirâmes dans ce refuge qu’était notre foyer, éprouvant dans les tréfonds de notre âme le réconfort ineffable que donne la paix de la conscience » (italiques M-A P).

 

José Saramago, L’évangile selon Jésus-Christ p. 83-84, Ed. du Seuil, “Points”, 1993, traduit du portugais par Genevieve Leibrich.

 

 

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Noël 2022

 

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