L’ascension de Modi et de l’extrême-droite hindoue

 

Arundahti Roy – I.C.H. – 2.1.2020

 

 

 

 

Alors que les manifestations se propagent dans les rues du Chili, de la Catalogne, de Bolivie, de Grande Bretagne, de France, d’Irak, du Liban et de Hong Kong et qu’une nouvelle génération enrage contre ce qui a été fait à sa planète, j’espère que vous voudrez bien m’excuser de vous parler d’un endroit où quelque chose de très différent a pris possession des rues. Il fut un temps où la contestation était la meilleure exportation de l’Inde. Mais aujourd’hui, alors que  les vagues de protestation enflent en Occident, nos propres grands mouvement de protestation anticapitaliste et anti-impérialiste, pour la justice sociale et environnementale – les manifs contre les grands barrages, les privatisations et le pillage de nos rivières et de nos forêts, contre les déplacements de populations en masse et l’aliénation des territoires de nos populations indigènes – se sont presque entièrement tus. Le 17 septembre dernier, le Premier ministre Narendra Modi s’est offert en cadeau, pour son 69e anniversaire, le réservoir plein à ras bord du barrage de Sardar Sarovar, sur la rivière Narmada, tandis que des milliers de villageois qui s’étaient battus contre ce barrage pendant plus de 30 ans regardaient disparaître leurs foyers sous les eaux montantes. Ce fut un moment hautement symbolique.

En Inde aujourd’hui, un monde de ténèbres rampe vers nous en plein jour et il devient de plus en plus difficile de communiquer l’échelle de la crise, y compris à nous-mêmes : une description précise risquerait de passer pour de l’hyperbole. Et c’est ainsi qu’au nom de la crédibilité et des bonnes manières, nous faisons la toilette de la créature qui a planté ses crocs en nous, nous lissons ses poils et nous essuyons la bave qui dégoutte de ses babines, pour la rendre plus avenante en compagnie civilisée. L’Inde n’est pas, loin s’en faut, le pire ou le plus dangereux endroit du monde – du moins pas encore – mais peut-être la différence entre ce qu’elle aurait pu être et ce qu’elle est devenue n’en est-elle que plus tragique.

En ce moment même, sept millions de gens, dans la vallée du Cachemire, dont un nombre incalculable ne souhaitent pas être citoyens de l’Inde et se battent depuis des décennies pour leur droit à l’autodétermination, ont été mis sous blocus au moyen d’un siège digital et de l’occupation militaire la plus dense au monde. Simultanément, dans l’état oriental d’Assam, presque deux millions de gens qui  meurent d’envie d’appartenir à l’Inde ont découvert que leurs noms étaient absents du Registre National des Citoyens (RNC) et qu’ils risquaient de se retrouver apatrides. Le gouvernement indien a annoncé son intention d’étendre le RNC à la totalité de l’Inde. Un texte de loi est en route. Cela pourrait conduire à la formation d’une apatridie à une échelle jusqu’ici inconnue.

Dans les pays occidentaux, les riches procèdent à leurs propres arrangements pour faire face aux calamités climatiques futures. Ils se construisent des bunkers et y stockent des réserves de nourriture et d’eau potable. Dans les pays pauvres – et l’Inde, tout en étant la 5e économie mondiale, est encore, honteusement, un pays pauvre et affamé – une autre sorte d’arrangement est en cours. L’annexion du Cachemire par le gouvernement, le 5 août 2019, a autant à voir avec l’urgence qu’éprouve ce gouvernement de s’assurer l’accès aux 5 rivières qui coulent dans l’état de Jammu et Cachemire qu’avec n’importe quoi d’autre. Et le RNC qui va créer un système de citoyens à deux étages, où certains auront plus de droits que d’autres, fait aussi partie des préparatifs en vue du temps où les ressources deviendront rares. La citoyenneté, selon la formule célèbre de Hannah Arendt, c’est le droit d’avoir des droits.

Le démantèlement de l’idée de liberté, d’égalité et de fraternité, est déjà, en fait, la première victime de la crise climatique. Je vais essayer d’expliquer un peu en détail comment c’est en train de se produire. Et comment, en Inde, le système de « management », qui a émergé pour prendre en charge cette même crise moderne, s’est enraciné dans un odieux et dangereux élément de notre histoire.

La violence de l’inclusion et la violence de l’exclusion annoncent une convulsion qui pourrait altérer les fondements de l’Inde et modifier sa signification et sa place dans le monde. Notre constitution qualifie l’Inde de « République démocratique laïque socialiste ». Nous nous servons du mot « laïque » dans un sens légèrement différent du reste du monde. Pour nous, c’est un code pour désigner une société où toutes les religions ont le même statut aux yeux de la loi*. Dans la pratique, l’Inde n’a jamais été ni laïque ni socialiste. Elle a toujours fonctionné comme un état hindou de caste supérieure. Mais la prétention à la laïcité, si hypocrite qu’elle ait pu être, est le dernier fragment de cohérence qui rendait l’Inde possible. L’hypocrisie est ce que nous avons eu de mieux. Sans elle, l’Inde ne sera plus.

Dans son discours de victoire de Mai 2019, après que son parti ait remporté un second mandat, Modi a fanfaronné  qu’aucun politicien d’aucun parti n’avait osé faire campagne « sur la laïcité ». Le « réservoir » de la laïcité, a semblé dire Modi, est désormais vide. C’est donc officiel : l’Inde roule à vide. Et nous apprenons bien trop tard à chérir l’hypocrisie. Parce qu’elle implique au moins un vestige de décence.

L’Inde n’est pas vraiment un pays. C’est un continent. Plus complexe et plus divers qu’un pays, avec plus de langues – 780 au dernier comptage, dialectes exclus – plus de tribus et de religions indigènes, et peut-être plus de communautés qui se considèrent comme des nations séparées que toutes celles de l’Europe. Imaginez ce vaste océan, ce fragile et indiscipliné écosystème social se retrouvant tout à coup confisqué par une organisation hindouiste, suprémaciste, qui croit en la doctrine d’Une nation, Une langue, Une religion, Une constitution.

Je parle ici de la RSS, de la Rashtriya Swayamsevak Sangh [« Organisation Volontaire Nationale »] fondée en 1925 – navire-amiral du Bharatiya Janata Party (BJP) [« Parti indien du peuple »], au pouvoir. Ses pères fondateurs ont été très influencés par les fascismes allemand et italien. Ils ont assimilé les musulmans de l’Inde aux juifs d’Allemagne, et tenaient que les musulmans n’avaient aucune place dans une Inde hindoue. Aujourd’hui, la RSS, en typique parler caméléon RSS, prétend se distancier de ces vues. Mais son idéologie sous-jacente, en vertu de laquelle les musulmans sont portraiturés en sempiternels traîtres perfides, est la rengaine qui revient constamment dans les discours publics des politiciens du BJP et s’exprime ad nauseam dans les slogans vociférés par des foules déchaînées. Par exemple : “Mussalman ka ek hi sthan—Kabristan ya Pakistan” (« Une seule place pour les musulmans : la tombe ou le Pakistan »). En octobre dernier, Mohan Bhagwat, le leader suprême de la RSS a dit : « L’Inde est un rashtra hindou » – une nation hindoue – « Ceci n’est pas négociable ».

Cette idée change tout ce qui était beau dans l’Inde en vitriol.

Pour la RSS, présenter ce qu’elle est en train de combiner aujourd’hui comme une révolution par laquelle les hindous effaceraient enfin des siècles d’oppression musulmane, fait partie de son projet historique bidon. En réalité, des millions de musulmans, en Inde, sont les descendants de gens qui se sont convertis à l’Islam pour échapper au cruel système des castes de l’hindouisme.

Si l’Allemagne nazie est un pays qui a essayé de se dilater en imposant ses fantasmes à un continent (et au-delà), l’élan qui pousse l’Inde vers une domination RSS est, dans un certain sens, inverse, car il y a, ici, un continent qui essaie de rétrécir jusqu’à devenir une simple nation. Pas même une nation, d’ailleurs, mais une province. Une province primitive, ethno-religieuse. Ce processus s’avère être inimaginablement violent.

Aucun des groupes néo-nazis en plein essor dans le monde aujourd’hui ne peut se vanter de posséder l’infrastructure et la main-d’œuvre dont la RSS dispose. Elle dit qu’elle a 57.000 shakras – branches – à travers le pays et une milice armée de plus de 600.000 « volontaires ». Elle dirige des écoles où sont inscrits des millions d’étudiants et possède ses propres missions médicales, syndicats, organisations d’agriculteurs, médias et associations féminines. Récemment, elle a annoncé qu’elle allait ouvrir un centre d’entraînement pour ceux qui souhaitent entrer dans l’armée indienne. Sous son bhagwa dhwaj – son fanion safran -, une multitude d’organisations d’extrême-droite connues sous le nom de Sangh Parivar – la « famille » RSS – ont prospéré et multiplié. Ces organisations, équivalent politique des sociétés-écran, sont responsables d’attaques scandaleusement violentes contre des minorités dont, au cours des années, des milliers et des milliers de ressortissants ont été assassinés.

Le Premier ministre Narendra Modi est membre de la RSS depuis l’âge de 8 ans. Il est une création de la RSS. Quoique n’étant pas brahmane, il a fait davantage que n’importe qui d’autre pour en faire l’organisation la plus puissante de l’Inde.et pour en avoir écrit le plus fameux chapitre à ce jour. Il est assez exaspérant d’avoir à répéter constamment l’histoire de l’ascension de Modi au pouvoir, mais l’amnésie standardisée et cultivée qui l’entoure fait de cette répétition une espèce de devoir.

La carrière politique de Modi a démarré en octobre 2001, peu de semaines après les attaques du 11 septembre aux États-Unis, lorsque le BJP a destitué son ministre principal dans l’État du Gujarat pour l’y remplacer par Modi. Lequel n’était même pas, à l’époque, un membre élu de l’assemblée législative de cet État. Au bout d’à peine cinq mois de son premier mandat, il s’est produisit un odieux mais mystérieux incendie criminel, au cours duquel 59 pèlerins hindous furent brûlés vifs dans un train. En guise de « vengeance » des émeutiers de milices privées sauvages se livrèrent, dans tout l’État, à un saccage bien planifié. On estime que 2.500 personnes, presque toutes musulmanes, furent assassinées au grand jour. Les femmes furent violées collectivement dans les rues des villes et près de 150.000 personnes furent chassées de chez elles. Aussitôt après le pogrom, Modi réclama des élections. Il les remporta, non en dépit du massacre mais grâce à lui, et fut réélu ministre en chef pour trois mandats consécutifs. Pendant la première campagne électorale de Modi comme candidat du BJP au poste de Premier ministre – qui se distingua également par un massacre de musulmans, cette fois dans le district de Muzaffarnagar de l’État d’Uttar Pradesh, un journaliste de Reuters lui demanda s’il regrettait le pogrom de 2002 au Gujarat. Il répondit qu’il regretterait même la mort d’un chien tombé accidentellement sous ses roues. Pur et simple jargon RSS bien rodé.

Quand Modi prêta serment comme 14e Premier ministre de l’Inde, sa victoire ne fut pas célébrée que par sa base de supporters nationalistes hindouistes, mais aussi par la plupart des grands industriels et hommes d’affaires de l’Inde, par la plupart des libéraux, et par beaucoup de médias internationaux, comme une quintessence d’espoir et de progrès, comme un sauveur en costume safran, représentant le point de convergence de l’ancien et du moderne, du nationalisme hindou et du capitalisme de libre marché sans entraves.

Alors que Modi a répondu aux attentes sur le nationalisme hindou, il a salement trébuché sur le front du libre marché. Par toute une série d’erreurs, il a mis à genoux l’économie de l’Inde. En 2016, à un peu plus d’un an dans son premier mandat, il a annoncé à la télévision que, à dater de ce moment, tous les billets de 500 et de 1.000 roupies – c’est-à-dire plus de 80% de la monnaie en circulation – cessaient d’avoir cours légal. Rien de semblable n’avait jamais été fait, à cette échelle, dans l’histoire d’aucun pays. Ni le ministre des Finances, ni le conseiller économique en chef ne parurent avoir été consultés. Cette « démonétisation », selon le Premier ministre, était une « frappe chirurgicale » contre la corruption et le financement du terrorisme. Pur charlatanisme économique, remède de rebouteux appliqué à une nation de plus d’un milliard d’humains ! Il s’avéra rien moins que dévastateur. Mais il n’y eut pas d’émeutes. Pas de manifestations. Les gens firent docilement la queue devant les banques pendant des heures, pour déposer leurs billets, seule moyen qu’ils avaient de les racheter. Pas de Chili, pas de Catalogne, pas de Liban, pas de Hong Kong. Presque en l’espace d’une nuit, des emplois disparurent, l’industrie de la construction s’arrêta pile, les petites entreprises disparurent du jour au lendemain.

Certains d’entre nous s’imaginèrent follement que cet acte d’hybris inimaginable serait la fin de Modi. Comme nous nous trompions ! Les gens se réjouirent. Ils souffrirent mais se réjouirent. C’était comme si la douleur s’était métamorphosée en joie. Comme si leurs douleurs étaient celles d’un enfantement qui n’allait pas manquer de mettre au monde une Inde hindoue, glorieuse et prospère.

Mais ce qui était mauvais pour le pays s’avéra excellent pour le BJP. De 2016 à 2017, alors même que l’économie capotait, il devint l’un des partis politiques les plus riches du monde. Ses revenus augmentèrent de 81%, le rendant cinq fois plus riche que son principal rival, le Parti du Congrès, dont les revenus diminuèrent de 14%. Les partis politiques plus petits firent pratiquement faillite. Ce trésor de guerre fit remporter au BJP l’élection cruciale en Uttar Pradesh, et fit de l’élection de 2019 une course entre une Ferrari et quelques vieilles bicyclettes. Et, puisque les élections sont de plus en plus une affaire d’argent, nos chances de voir une élection libre et juste dans un futur proche sont à peu près inexistantes. Si bien que la démonétisation n’a peut-être pas été une erreur après tout.

Au cours du deuxième mandat de Modi, la RSS a intensifié son jeu. Elle n’est plus du tout un État-fantôme ou un État parallèle,elle est l’État. Jour après jour, nous voyons se multiplier les exemples de son contrôle sur les médias, la police, les services secrets, plus inquiétant encore, elle a l’air d’exercer une influence considérable sur l’armée aussi. On a vu les diplomates étrangers et les ambassadeurs frayer avec Mohan Bhagwat. L’ambassadeur d’Allemagne s’est même appuyé tout le chemin jusqu’au quartier général de la RSS à Nagpur pour y présenter ses respects.

 

 

 

Walter Lindner, ambassadeur d’Allemagne, présentant ses respects à Nagpur

 

 

En fait, les choses ont atteint le stade où un contrôle manifeste n’est même plus nécessaire. Plus de 400 chaînes de télévision émettant 24 h sur 24, des millions de groupes What’s App et de vidéos Tik-Tok maintiennent les populations sous perfusion dans un état de bigoterie frénétique.

 

En novembre dernier, la Cour Suprême de l’Inde s’est prononcée sur ce qu’un juge a appelé une des affaires les plus importantes au monde. En décembre 1992 dans la ville d’Ayodhya, une foule d’émeutiers organisée par le BJP et le Vishva Hindu Parishad (VHP) – le Conseil hindou mondial – a littéralement réduit en poussière une mosquée vieille de 460 ans. Elle prétendaiet que cette mosquée, la Babri Masjid, avait été construite sur les ruines d’un temple hindou qui avait marqué le lieu de naissance du Seigneur Râma. Plus de 2.000 personnes, pour la plupart musulmanes, avaient été tuées dans les violences qui s’en étaient suivies. Dans son jugement récent, la Cour a estimé que les musulmans ne pouvaient pas prouver leur possession exclusive et continue du site. En conséquence de quoi elle l’a attribué à un trust qui allait être constitué par le gouvernement BJP, pour que soit construit un temple hindou à la place. Il y a eu des arrestations en masse de gens qui critiquaient ce jugement. Le VHP a refusé de revenir sur ses déclarations antérieures selon lesquelles il allait s’occuper des autres mosquées. Ceci pourra donc devenir une campagne sans fin, car, après tout, tout est construit sur quelque chose.

Avec l’influence que génère la richesse immense, le BJP s’est débrouillé pour co-opter, racheter ou simplement écraser ses rivaux politiques. Les coups les plus durs sont tombés sur les partis dont les bases étaient principalement constituées de Dalits – Intouchables – ou d’autres castes défavorisées des états du nord de l’Uttar Pradesh et du Bihar. Beaucoup de leurs électeurs traditionnels ont déserté ces partis – le Bahujan Samaj Party, le Rashriya Janata Dal et le Samajwadi Party – et ont migré vers le BJP. Pour accomplir ce haut fait, car c’en est un, le BJP a travaillé dur pour exploiter et démasquer les faiblesses des hiérarchies, à l’intérieur des communautés Dalits et des autres castes défavorisées, qui ont leur propre univers intérieur d’hégémonie et de marginalisation. Les coffres débordants du BJP et sa profonde et très rusée connaissance des castes ont fini par altérer complètement les calculs électoraux conventionnels.

S’étant assuré des votes des Dalits et de ceux des autres castes défavorisées, le BJP, par sa politique de privatisation de l’éducation et du secteur public, n’a pas tardé à inverser les acquis de la discrimination positive – connue en Inde sous le nom de « Réservations » – en expulsant de leurs emplois et des établissements d’enseignement ceux qui font partie des castes défavorisées. Pendant ce temps, le National Crime Records Bureau (NCRB) – Bureau National des Archives Criminelles – montre une nette augmentation des atrocités commises contre les Dalit, y compris des lynchages et des flagellations publiques. En septembre dernier, tandis que Modi se voyait honorer par la Fondation Bill et Melinda Gates pour avoir construit des toilettes, deux enfants Dalit, qui n’avaient pour toute demeure qu’une feuille de plastique, ont été battus à mort pour avoir déféqué au grand air.

 

 

 

 

Honorer un  Premier ministre pour son travail en matière de sanitaires alors que des dizaines de milliers d’Intouchables continuent de travailler comme vidangeurs manuels – en transportant des excréments humains sur leurs  têtes – est grotesque.

 

 

Vidangeuse Dalit au travail

 

 

Ce que nous sommes en train de vivre, en plus d’une attaque flagrante contre les minorités religieuses, est une guerre aggravée de classes et de castes.

Pour consolider leurs gains politiques, la principale stratégie de la RSS et du BJP est de susciter un chaos de longue durée à une échelle industrielle. Ils ont stocké dans leur cuisine une kyrielle de chaudrons mijotants, qui peuvent à tout moment, si nécessaire, être portés à ébullition.

 

Le 5 août 2019, le gouvernement indien a unilatéralement rompu l’accord fondamental (« Instrument of Accession ») par lequel l’ex-État princier du Jammu et Cachemire avait accepté de faire partie de l’Inde en 1947. Il a dépouillé le Jammu et Cachemire de sa qualité d’État et de son statut spécial qui comprenait son droit d’avoir sa propre constitution et son propre drapeau. La dissolution de l’entité légale de l’État a signifié aussi la dissolution de la section 35A de la constitution indienne, qui assurait aux habitants de ce qui était alors un État, les droits et les privilèges qui les faisaient intendants et gardiens de leur propre territoire. En vue de cette initiative, le gouvernement avait débarqué par avion plus de 80.000 soldats, venus prêter main-forte aux centaines de milliers déjà sur place. Dès la nuit du 4 août, les touristes et les pèlerins ont été évacués de la vallée du Cachemire. Les écoles et les marchés ont été fermés. À minuit, l’Internet a été coupé et tous les téléphones sont morts. Dans les semaines suivantes, plus de 4.000 personnes ont été arrêtées : hommes politiques, hommes d’affaires, avocats, militants des droits humains, dirigeants locaux, étudiants et trois ex-Premiers ministres. Toute la classe politique du Cachemire, y compris ceux qui avaient toujours été loyaux envers l’Inde, a été incarcérée.

L’abrogation du statut spécial du Cachemire, la promesse d’un Registre National des Citoyens pour « toute l’Inde », la construction d’un temple de Râma à Ayodhya sont déjà sur les becs-avant des réchauds dans la cuisine de la RSS et du BJP. Pour rallumer les passions faiblissantes, tout ce qu’ils ont besoin de faire est de sélectionner un « méchant » dans leur galerie, qui en est riche, et de lâcher les chiens de la guerre. Il y a plusieurs catégories de méchants : les djihadistes pakistanais, les terroristes kashmiri, les « infiltrés » du Bengale ou pratiquement n’importe qui dans une population de 200 millions de musulmans indiens, qu’on peut toujours accuser d’être pro-Pakistanais ou traîtres à la patrie. Chacune de ces « cartes » est retenue en otage par les autres, et souvent à la place des autres. Elles ont peu de chose à voir les unes avec les autres et sont même souvent hostiles les unes aux autres, parce que leurs besoins, leurs désirs, leurs idéologies et leurs situations ne sont pas juste inamicales mais représentent souvent une menace existentielle pour les autres. Simplement parce qu’ils sont musulmans, il leur faut supporter les conséquences des actions des autres.

Deux fois déjà le BJP a montré qu’il pouvait gagner une élection nationale sans les voix des musulmans. Résultat, les musulmans indiens ont été effectivement marginalisés, privés de droits, et sont en train de devenir ces plus vulnérables des êtres : une communauté sans représentation politique, sans voix. Différentes formes de boycott social les poussent vers le bas de l’échelle économique, et, pour des raisons de simple sécurité physique, dans des ghettos. Les musulmans indiens ont aussi perdu toute place dans les médias mainstream – les seules voix musulmanes que l’on entende encore dans les shows télévisés sont celles des quelques absurdes qui sont constamment et délibérément invités pour jouer le rôle du primaire islamiste, afin de rendre les choses pires encore qu’elles ne le sont. En dehors de cela, le seul discours jugé acceptable de la part de la communauté musulmane est de sans cesse réitérer et démontrer sa loyauté envers le drapeau indien. Par conséquent, alors qu’au Cachemire, brutalisés comme ils le sont à cause de leur histoire et plus encore de leur géographie, il reste encore un canot de sauvetage – le rêve d’azadi, de liberté – les musulmans indiens doivent, eux, rester sur le pont, pour aider à réparer le bateau sinistré.

(Il y a une autre catégorie de méchant « antinational » – les militants pour les droits humains, avocats, étudiants, universitaires et autres « maoïstes urbains » – qui sont diffamés, calomniés, emprisonnés, empêtrés à plaisir dans des affaires judiciaires, surveillés par des logiciels d’espionnage israéliens, et, dans plusieurs cas, assassinés. Mais c’est encore là une autre paire de manches.)

Le lynchage de Tabrez Ansari illustre bien à quel point le navire prend l’eau et à quel point il est pourri. Le lynchage, comme vous, aux États-Unis, le savez bien, est un spectacle public de meurtre ritualisé, au cours duquel un homme ou une femme est tué pour rappeler à sa communauté qu’elle vit à la merci de la populace. Et que la police, le droit, le gouvernement – tout comme les braves gens dans leurs foyers, qui ne feraient pas de mal à une mouche, qui vont au travail et qui prennent soin de leurs familles – sont tous des amis de la populace. Tabrez a été lynché en juin  dernier. Orphelin, il avait été élevé par des oncles dans l’État de Jharkhand. À l’adolescence, il s’en était allé à la ville de Pune, où il avait trouvé du travail comme soudeur. À 22 ans, il est revenu chez lui pour se marier. Le lendemain de son mariage avec Shahista, 18 ans, il a été saisi par des émeutiers, attaché à un réverbère, battu pendant des heures et forcé à pousser le nouveau cri de guerre hindou, « Jai Shri Ram ! » – « Victoire au Seigneur Râma ! » –. La police a fini par intervenir : elle a placé Tabrez en détention, mais a refusé de laisser sa famille éplorée l’emmener à l’hôpital. Au lieu de quoi elle l’a accusé d’être un voleur et l’a fait comparaître devant un juge, qui l’a renvoyé derrière les barreaux. Il y est mort quatre jours plus tard. [D’arrêt cardiaque dû à une fracture du crâne  « et d’autres blessures ». NdT].

 

 

 

Tabrez « sauvé » par la police.

 

 

Dans son dernier rapport du début de ce mois-ci, le Bureau National des Archives Criminelles a soigneusement omis toute allusion aux lynchages. Selon le site d’information indien The Quint, il y a eu 113 cas de mort par violence populacière depuis 2015. Les lyncheurs et d’autres accusés de crimes racistes, y compris de meurtres en masse, ont été récompensés par des emplois publics et honorés par des ministres du cabinet de Modi. Modi lui-même, habituellement bavard sur Twitter – généreux de ses condoléances en cas de décès et de ses félicitations en cas de naissance – se montre on ne peut plus taiseux quand quelqu’un est lynché. Sans doute est-il déraisonnable de s’attendre à ce qu’un Premier ministre s’exprime, à chaque fois qu’un chien finit sous les roues de quelqu’un. Surtout quand cela se produit si souvent.

 

 

 

 

Ici, aux États-Unis, le 22 septembre 2019 – cinq jours après la fête d’anniversaire de Modi au barrage de Narmada – 50.000 Indo-Américains se sont réunis au stade NRG de Houston. L’extravagance « Howdy, Modi ! » [Salut, Modi !] est déjà devenue matière à légende urbaine. Le président Donald Trump a été assez gracieux pour permettre à un Premier ministre étranger en visite de le présenter comme invité spécial dans son propre pays à ses propres compatriotes. Plusieurs membres du Congrès des États-Unis y ont également pris la parole, sourires trop larges et corps curieusement courbés dans une flagornerie un peu servile.

Dans un crescendo de roulements de tambours et d’acclamations frénétiques, la foule en adoration a scandé « Modi ! Modi ! Modi ! ». À la fin du show, Trump et Modi, se tenant par la main, ont fait le signe de la victoire. Le stade a explosé. En Inde, le tintamarre a été amplifié mille fois par le matraquage médiatique de toutes les chaînes de télévision. « Howdy » est devenu un mot hindi. Tandis que, bien sûr, tous les organes d’information ignoraient sans complexe les milliers de gens qui étaient venus protester autour du stade.

Toutes les vociférations du stade de Houston n’ont pas pu couvrir le silence assourdissant qui règne au Cachemire. Ce jour-là – 22 septembre – marquait le 48e jour du couvre-feu et du verrouillage des communications dans la vallée.

Une fois de plus, Modi s’est débrouillé pour déchaîner sa marque unique de cruauté à une échelle inouïe dans les temps modernes. Et, une fois de plus, son loyal public ne l’en a aimé que davantage. Quand la Loi de Réorganisation du Jammu et Cachemire a été votée par le Parlement indien – le 5 août 2019 – la chose a été célébrée d’un bout du spectre politique à l’autre. Des douceurs ont été distribuées dans les bureaux et on a dansé dans les rues. On célébrait une conquête, une annexion coloniale, un triomphe de plus pour la Nation Hindoue. Une fois de plus, les yeux des conquérants sont en premier lieu tombés sur les trophées primitifs de la conquête : les femmes et la terre. Des déclarations de politiciens BJP de haut rang et des vidéos de pop music ayant enregistré des millions de vues ont légitimé cette indécence. Google Trends a décelé une montée en flèche des phrases « trouver une fille kashmiri » et « acheter de la terre kashmiri » dans les moteurs de recherche.

Les choses ne se sont pas limitées à des recherches infectes sur Google. Dans les semaines qui ont suivi le siège, le Comité Consultatif des Forëts a autorisé 125 projets impliquant le détournement de terres forestières au bénéfice d’autres usages.

Dans les premiers jours du blocus, de maigres nouvelles sont sorties de la vallée. Les médias indiens nous ont dit ce que le gouvernement voulait que nous entendions. Les journaux kashmiri ont publié des pages et des pages sur des annulations de mariages, les effets du changement climatique, la conservation des lacs et des réserves sauvages, des conseils pour mieux vivre avec le diabète et des annonces publicitaires gouvernementales à la Une sur les avantages que le nouveau statut dégradé du Cachemire va apporter aux Kashmiri. Il y a gros à parier que les « avantages » incluront des projets visant à contrôler (s’approprier) l’eau des rivières qui coulent au Cachemire. Ils incluront certainement aussi l’érosion qui résultera de la déforestation, la destruction du fragile écosystème himalayen et le pillage de la belle richesse naturelle du Cachemire par de grands groupes privés indiens.

Les vrais reportages, sur la vie des gens ordinaires ne sont venus que des journalistes et des photographes qui travaillent pour des médias internationaux – l’Agence France Presse, l’Associated Press, Al Jazeera, The Guardian, la BBC, le New York Times et le Washington Post. Les reporters, en majorité kashmiri, qui travaillaient dans un vide informatique, sans aucun des outils généralement accessibles aux reporters d’aujourd’hui, ont voyagé à travers leur patrie à grand risque pour eux-mêmes, pour nous en rapporter des nouvelles. Et les nouvelles parlaient de raids nocturnes, de jeunes hommes encerclés, arrêtés et battus pendant des heures, leurs cris diffusés par des systèmes d’amplification sonore, pour que leurs voisins et leurs familles les entendent, de soldats pénétrant de force dans les foyers villageois pour y mélanger des fertilisants et du kérosène aux réserves de nourriture stockées pour l’hiver. Les nouvelles parlaient d’adolescents aux corps criblés de plombs de chasse, soignés tant bien que mal chez eux parce qu’ils seraient arrêtés s’ils allaient à l’hôpital. Elles parlaient de centaines d’enfants enlevés au milieu de la nuit, de parents fous de désespoir et d’angoisse. Les nouvelles parlaient de peur et de colère, de dépression, de confusion, de résolution d’acier et de résistance incandescente.

Mais le ministre de l’Intérieur Amit Shah a dit que le siège était une vue de l’esprit,  le gouverneur du Jammu & Cachemire, Satya Pal Malik a dit que les lignes téléphoniques n’étaient pas importantes pour les Kashmiri et n’étaient utilisées que par des terroristes, et le chef des armées, général Bipin Raxwat a dit « la vie normale au Jammu & Cachemire n’a pas été affectée. Les gens vont normalement à leur travail… Ceux qui sentent que leur vie a été affectée sont ceux dont la survie dépend du terrorisme ».  Il n’est pas difficile de deviner en qui le gouvernement indien voit des terroristes.

Imaginez tout New York City mis sous verrouillage informatique et des communications, sous couvre-feu imposé par des centaines de milliers de soldats. Imaginez les rues de votre ville reconfigurées par des barbelés et des centres de torture. Imaginez des mini-Abu Ghraibs éclosant dans votre voisinage. Imaginez des centaines d’entre vous arrêtés sans que vos familles sachent où on vous a emmenés. Imaginez que vous soyez incapables de communiquer avec qui que ce soit au monde – ni avec vos voisins ni avec ceux que vous aimez en dehors de la ville – pendant des semaines d’affilée. Imaginez les banques et les écoles fermées, les enfants verrouillés dans leurs maisons. Imaginez vos parents, vos frères et sœurs, votre compagne ou votre compagnon, votre enfant mourant sans que vous en sachiez rien pendant des semaines. Imaginez les urgences médicales, les urgences en santé mentale, les urgences juridiques, les pénuries de nourriture, d’argent, d’essence. Imaginez que vous soyez un ouvrier payé à la journée, sous contrat limité, mis dans l’impossibilité de rien gagner pendant des semaines et des semaines. Et puis imaginez qu’on vous dise que tout ça, c’est pour votre bien.

Les horreurs que les Kashmiri ont enduré au cours des derniers mois viennent s’ajouter au traumatisme d’un conflit armé de trente ans, qui a déjà pris 70.000 vies et couvert la vallée de tombes. Ils ont résisté à tout, alors que tout leur était jeté dessus – les guerres, l’argent, la torture, les disparitions en masse, une armée de plus d’un demi-million de soldats et une campagne de diffamation et de calomnies qui a portraituré une population entière en bande de fondamentalistes meurtriers.

Il y a maintenant quatre mois que le siège dure. Les dirigeants kashmiri sont toujours en prison. On leur a proposé de les relâcher, à condition qu’ils acceptent de ne faire aucune déclaration publique sur le Cachemire pendant un an. La plupart ont refusé.

Aujourd’hui, le couvre-feu a été un peu atténué, les écoles ont rouvert et certaines lignes téléphoniques ont été rétablies. La « normalité » a été déclarée. Au Cachemire, la normalité est toujours une déclaration., un fiat prononcé par le gouvernement ou l’armée. Elle a peu de choses à voir avec la vie des gens au quotidien.

Jusqu’ici, les Kashmiri ont refusé d’accepter leur nouvelle normalité. Les salles de classe sont vides, les rues sont désertées et l’exceptionnelle récolte de pommes de cette année pourrit dans les vergers. Que pourrait-il y avoir de pire à endurer pour un parent ou un fermier ? L’annihilation imminente de leur identité peut-être.

 

La nouvelle phase du conflit du Cachemire a commencé. Les militants de la résistance ont déclaré qu’à partir de maintenant, tout Indien serait considéré comme cible légitime. Plus de dix personnes, pour la plupart pauvres, des ouvriers immigrés non kashmiri, ont été tuées. (Oui, ce sont les pauvres, principalement les pauvres, qui sont pris dans les lignes de tir.) Les choses vont devenir laides. Très laides.

Bientôt, toute cette histoire récente sera oubliée, et une fois de plus il y aura des débats dans des studios de télévision où on créera une équivalence entre les atrocités commises par les forces de sécurité indiennes et les actions des résistants kashmiri. Parlez du Cachemire, et le gouvernement indien et ses médias vous parleront immédiatement du Pakistan, amalgamant les actes d’un état étranger hostile avec les aspirations démocratiques de gens ordinaires vivant sous une occupation militaire. Le gouvernement indien a fait savoir clairement que la seule option qu’ont les Kashmiri est la capitulation complète, qu’aucune forme de résistance ne sera acceptée, violente, non violente, parlée, écrite ou chantée. Oui, les Kashmiri savent que, pour exister, ils doivent résister.

Pourquoi devraient-ils vouloir faire partie de l’Inde ? Pour quelle raison au monde ? Si la liberté est ce qu’ils veulent, la liberté est ce qu’ils doivent avoir.

C’est ce que les Indiens devraient vouloir aussi. Pas pour l’amour des Kashmiri, pour leur propre bien. Les atrocités commises en leur nom entraînent une sorte de corrosion à laquelle l’Inde ne survivra pas. Le Cachemire peut ne pas vaincre l’Inde, mais il avalera l’Inde. De beaucoup de façons, il l’a déjà fait.

Tout ceci peut ne pas avoir eu tant d’importance que cela, aux yeux des 50.000 excités du stade de Houston, vivant le suprême rêve indien d’avoir réussi en Amérique. Pour eux, le Cachemire n’est probablement qu’un vieux casse-tête fatigué, auquel ils croient bêtement que le BJP a trouvé une solution durable. Pourtant, il est sûr qu’en tant qu’émigrés eux-mêmes, leur perception de ce qui est en train de se passer en Assam pourrait être plus nuancée. Mais peut-être est-ce trop demander à des gens qui, dans un monde déchiré par des crises de réfugiés et de migrants, sont les plus chanceux des immigrés.  Beaucoup de ceux qui étaient au stade de Houston, à l’instar de gens qui ont une résidence secondaire pour les vacances, jouissent probablement de la citoyenneté américaine en même temps que d’un passeport de Citoyen Indien d’Outremer.

L’événement du « Howdy, Modi ! » marquait le 22e jour, depuis que deux millions de personnes ont découvert que leur nom avait disparu du Registre National des Citoyens.

Comme le Cachemire, l’Assam est un état frontalier, avec une histoire de souverainetés multiples, avec des siècles d’émigrations, de guerres, d’invasions, de frontières continuellement mouvantes, de colonialisme britannique et plus de 70 ans de démocratie électorale qui n’a fait qu’approfondir les lignes de faille dans une société dangereusement combustible.

 

 

 

 

Qu’un exercice comme celui du RNC ait même pu avoir lieu a quelque chose à voir avec l’histoire culturelle de l’Assam. L’Assam fait partie des territoires cédés aux Britanniques par les Birmans, après la première guerre anglo-birmane, en 1826. À l’époque, c’était une province couverte de forêts épaisses, maigrement peuplée, abritant des centaines de communautés – dont les Bodos, les  Cachari, les Mishing, les Lalung, les hindous et les musulmans Ahomiya – chacune avec sa propre langue ou idiome, chacune avec une relation organique peu connue à la terre. Comme un microcosme de l’Inde, l’Assam a toujours été un assemblage de minorités, chacune se donnant du mal pour tenter de bricoler une majorité ethnique aussi bien que linguistique, tout ce qui altérait l’équilibre en vigueur devenant un catalyseur potentiel de violence.

Les graines d’une altération de ce genre ont précisément été semées en 1837, quand les Britanniques, devenus les nouveaux maitres de l’Assam, ont fait du bengali l’idiome officiel de la province. Cela a eu pour conséquence que tous les emplois administratifs et gouvernementaux ont été monopolisés par une élite hindoue parlant le bengali. Quoique cette politique ait été inversée au début des années 1870 et que les Assamais aient reçu un statut officiel équivalent à celui des Bengali, cela a compromis sérieusement l’équilibre des pouvoirs et a marqué le début de ce qui est devenu un antagonisme de près de deux siècles entre ceux qui parlent l’assamais et ceux qui parlent le bengali.

Vers le milieu du XIXe siècle, les Britanniques ont découvert que le climat et le sol de la région étaient propices à la culture du thé. Les gens du cru ne tenaient pas du tout à travailler comme serfs dans les plantations de thé, si bien que de grandes populations de tribus indigènes ont été déportées du centre de l’Inde. Elles n’étaient pas différentes des cargaisons de travailleurs indiens sous contrat que les navires britanniques ont transporté de leurs colonies dans le monde entier. Aujourd’hui, les gens qui travaillent dans les plantations de l’Assam représentent 15 à 20% de la population du pays. Honteusement, ces travailleurs sont considérés avec dédain par les nationaux, et continuent à vivre sur les plantations à la merci des planteurs et pour des salaires d’esclaves.

À la fin des années 1890, à mesure que l’industrie se développait et que les plaines du Bengale de l’Est voisin atteignaient les limites de leur capacité de culture, les Britanniques encouragèrent les paysans musulmans bengali – maîtres dans l’art de cultiver les riches berges limoneuses et les îles mouvantes du Brahmapoutra connues sous le nom de chars – à émigrer en Assam. Pour les Britanniques, les forêts et les plaines de l’Assam étaient, sinon terra nullius [territoire sans maître, NdT], du moins terra presque nullius. Ils n’ont quasiment pas noté la présence des nombreuses tribus et ont librement attribué ce qui était des terres tribales communales à des paysans « productifs », dont les productions devaient contribuer à arrondir la collecte des recettes britanniques. Les immigrants y vinrent par millions, y abattirent les forêts et transformèrent les marais en terres arables. En 1930, l’immigration avait radicalement changé à la fois l’économie et la démographie de l’Assam.

La seule manière d’atteindre les lointaines colonies semi-nomades sur les mouvantes chars limoneuses du Brahmapoutra est au moyen de bateaux, souvent dangereusement surchargés de passagers. Les quelque 2.500 îles « chars » sont des offrandes transitoires, susceptibles d’être reprises à tout moment par le légendairement capricieux Brahmapoutra, et réoffertes à un autre endroit, dans un autre état et sous une autre forme. Les colonies qui s’y trouvent sont temporaires, et les habitations n’y sont que des baraquements de fortune. Toutefois, certaines de ces îles sont si fertiles et les fermiers qui s’y trouvent sont si habiles, qu’ils font trois moissons par an. Cependant, leur impermanence a fait qu’il n’y existe pas de titres de propriété foncière, de développements, d’écoles ni d’hôpitaux.

Dans les chars moins fertiles que j’ai visitées au début du mois dernier, la pauvreté passe par-dessus vous comme les sombres eaux riches en limon du Brahmapoutra. Les seuls signes de modernité étaient les sacs en plastique brillant contenant les documents que leurs propriétaires – qui sont prompts à s’agglutiner autour des visiteurs – ne pouvaient pas lire mais qu’ils regardaient anxieusement avec insistance, comme s’ils allaient déchiffrer les formes décolorées sur les pages jaunies et réussir à savoir si elles les sauveraient, eux et leurs enfants, de l’énorme nouveau camp de concentration dont ils ont appris qu’il était en construction dans les forêts de Goalpara. Imaginez toute une population de millions de gens comme ceux-là, débilités, raides de peur et de souci pour leurs papiers. Ce n’est pas une occupation militaire, ici, c’est une occupation par la paperasse. Ces papiers sont les biens les plus précieux de ces gens, soignés avec plus d’amour que n’importe quel enfant ou parent. Ils ont survécu à des inondations et à des tempêtes et à toutes sortes de situations d’urgence. Des fermiers grisonnants, tannés par le soleil, des hommes et des femmes, savants de la terre et des multiples humeurs du fleuve, utilisent des mots anglais tels que « legacy document » (titres de descendance), « link paper » (preuve de lignée) , « certified copy » [copie conforme], « re-verification » [revérification], « reference case » [cas de référence], « D-voter » [Électeur D], « declared foreigner » [étranger déclaré], « voter-list » [liste d’électeurs], « refugee certificate » [certificat de demandeur d’asile]  – comme si c’étaient des mots de leur propre langue. C’en est. Le RNC a sécrété un vocabulaire qui lui est propre, dont l’expression la plus désolante est « genuine citizen » [citoyen véritable].

Dans un village après l’autre, les gens racontaient des histoires de convocations reçues tard dans la soirée, enjoignant de se présenter devant un tribunal distant de 2 à 300 km le matin suivant. Ils racontaient les ruées pour rassembler les membres de la famille et leurs papiers, les dangereuses traversées du fleuve bouillonnant dans le noir sur de petits bateaux à rames, les négociations avec de rusés transporteurs, prompts à flairer le désespoir et à tripler leurs tarifs, les conduites imprudentes dans la nuit sur des routes dangereuses. L’histoire la plus glaçante que j’aie entendue est celle d’une famille voyageant à bord d’une camionnette qui était entrée en collision avec un camion de travaux d’entretien des routes chargé de tonneaux de goudron. Les tonneaux s’étaient renversés et la famille accidentée avait été recouverte de goudron. « Quand je suis allé les voir à l’hôpital » me dit le jeune militant avec qui je voyageais, « leur petit garçon essayait d’enlever le goudron mêlé de petites pierres qui collait à sa peau. Il avait regardé sa mère et demandé “Est-ce qu’on pourra jamais se défaire du kala dang (stigmate) d’être des étrangers ?” »

Et pourtant, malgré tout cela, malgré les réserves sur le processus et sur son déroulement, la mise à jour du RNC a été bien accueillie (avec enthousiasme ici, avec circonspection là) par presque tout le monde en Assam, chacun pour ses propres raisons. Les nationalistes assamais espéraient que des millions d’« infiltrés » bengali, hindous aussi bien que musulmans, seraient finalement détectés et formellement déclarés « étrangers ». Les communautés tribales indigènes espéraient quelque sorte de compensation pour les torts qu’ils avaient subis. Les hindous tout comme les musulmans originaires du Bengale voulaient voir leurs noms sur le RNC pour preuve qu’ils étaient d’authentiques Indiens, de sorte que le kala dang qui faisait d’eux des « étrangers » puisse être enterré une bonne fois pour toutes. Et les nationalistes hindous  – désormais au gouvernement en Assam aussi – voulaient voir ces millions de noms musulmans effacés du RNC. Tout le monde espérait l’une ou l’autre forme de classement définitif des choses.

Après une série d’ajournements, la liste finale mise à jour fut publiée le 21 août 2019. Les noms de 1,9 million de personnes en avaient disparu. Et ce nombre pouvait encore augmenter, à cause d’une clause permettant à des gens – voisins, ennemis, étrangers – d’interjeter appel auprès d’un Tribunal des Étrangers. En fin de compote, plus de 200.000 objections à la version préliminaire du RNC avaient été enregistrées. Un grand nombre de ceux dont les noms avaient disparu de la liste étaient des femmes et des enfants, dont la plupart appartenaient à des communautés où les femmes sont mariées à l’adolescence et dont le nom, selon la coutume, change. Elles n’ont pas de « link documents » pour prouver leur ascendance. Un grand nombre de ces personnes sont illettrées, personnes dont les noms ou les noms de leurs parents ont été erronément transcrits au cours du temps, un Hasan devenu un Hassan, un Joynul  devenu Zainul, un Mohammed, dont le nom avait été orthographié de diverses façons. Une simple bévue ou coquille et vous étiez dehors. Si votre père était mort ou avait quitté votre mère, s’il ne votait pas, n’avait pas fait d’études ou ne possédait pas de terre, vous étiez dehors. Parce que, dans la pratique, la lignée maternelle ne compte pas. Au nombre des préjugés intervenant dans la mise à jour du RNC, le plus grand de tous peut-être est le préjugé intériorisé, structurel, à l’encontre des femmes et des pauvres. Et les pauvres, dans l’Inde d’aujourd’hui, sont surtout musulmans, intouchables (Dalit) et tribaux.

Tous les 1,9 million de gens dont les noms ont disparu vont avoir à faire appel auprès d’un Tribunal des Étrangers. Il y a, pour l’instant, 100 Tribunaux pour Étrangers en Assam, et 1.000 autres sont dans les tuyaux. Les hommes et les femmes qui y président tiennent dans leurs mains le sort de millions de personnes mais n’ont aucune expérience de la fonction de juge. Ce sont des bureaucrates ou des avocats débutants, engagés par le gouvernement et percevant un généreux salaire. Une fois de plus, les préjugés sont inhérents au système. Les documents gouvernementaux auxquels les militants ont eu accès montrent que le seul critère retenu pour retirer le nom de membres dont les contrats ont expiré est le nombre d’appels rejetés. Tous ceux qui devront aller en appel devant les Tribunaux pour Étrangers devront aussi engager des avocats et se vouer à une vie d’endettement et de pénurie. Beaucoup d’entre eux, bien sûr, n’ont aucune terre ou aucune maison à vendre. Plusieurs se sont déjà suicidés. [6 pendant les 13 premiers jours de juillet. NdT]

 

 

Habitants attendant que leurs noms soient vérifiés sur la version préliminaire du RNC dans le district de Nagam (Assam)

 

 

Au bout de cet exercice élaboré et des millions de roupies qu’il a coûté, toutes les parties prenantes du RNC sont amèrement déçues de la liste. Les immigrés en provenance du Bengale sont déçus parce qu’ils savent que des citoyens légitimes ont été arbitrairement écartés. Les nationalistes de l’Assam sont déçus parce que la liste est loin d’avoir exclu les 5 millions de réputés « infiltrés » qu’ils s’attendaient à voir détecter et parce qu’ils pensent que trop d’étrangers illégaux se sont débrouillés pour finir sur la liste. Et les hindous nationalistes au pouvoir en Inde sont déçus, parce qu’il semble que la moitié des 1,9 million d’exclus ne sont pas des musulmans. (La raison de ceci est ironique : les immigrés musulmans provenant du Bengale, accoutumés à l’hostilité depuis si longtemps, avaient passé des années à rassembler leurs « papiers ». Les musulmans hindous, se sentant en situation moins précaire, ne l’avaient pas fait.)

Le juge Gogoi a ordonné le transfert de Prateek Hajela, coordonnateur en chef du RNC, lui donnant sept jours pour quitter l’Assam. Le juge Gogoi n’a pas estimé devoir justifier sa décision. Les demandes introduites pour réclamer un nouveau RNC ont déjà commencé.

Comment peut-on même seulement essayer de comprendre ce délire, sinon en se tournant vers la poésie ? Un groupe de jeunes poètes musulmans, connus sous le nom de « poètes Miya » ont commencé à écrire leur peine et leur humiliation dans la langue qui leur est la plus intime, langue que, jusqu’alors, ils n’avaient jamais parlé que chez eux, dans leurs foyers, le dialecte Miya de Dhakaiya, de Maimansingia et de Pabnaiya. Un d’entre eux, Rehna Sultana, dans un poème appelé « Mère » a écrit :

 

Ma, ami tumar kachchey aamar poritsoii diti diti biakul oya dzai

(Mère, je suis si fatigué, fatigué de me présenter à toi)

 

Quand ces poèmes ont été mis en ligne et ont circulé sur Facebook, un dialecte privé est subitement devenu public. Et le vieux spectre d’une politique linguistique a de nouveau relevé la tête. La police a enregistré des plaintes, accusant les poètes Miya de diffamer la société assamaise. Rehna Sultana a dû se réfugier dans la clandestinité.

Qu’il y ait un problème en Assam, on ne peut le nier. Mais comment le résoudre ? L’ennui, c’est qu’une fois que la torche du nationalisme ethnique a été allumée, il n’est pas possible de savoir dans quelle direction le vent va propager le feu. Dans le nouveau territoire de l’union du Ladakh – qui a reçu ce titre par l’abrogation du statut spécial du Jammu et Cachemire, les tensions mijotent entre bouddhistes et musulmans chi’ites. Dans les états du Nord-Est de l’Inde, des étincelles ont déjà commencé à enflammer de vieux antagonismes. Dans l’Arunachal Pradesh, ce sont les Assamais qui sont les immigrants non désirés. Le Meghalaya a fermé sa frontière avec l’Assam et exige maintenant que tous les « étrangers » qui séjournent plus de 24 heures sur son sol se fassent enregistrer, comme l’exige la nouvelle Loi pour la Sûreté et la Sécurité des Habitants du Meghalaya. Au Nagaland, 22 ans de pourparlers de paix entre le gouvernement central et les rebelles Naga ont buté sur l’exigence d’un drapeau et d’une constitution Naga. Au Manipur, des dissidents, inquiets d’un éventuel accord entre les Naga et le gouvernement central, ont annoncé la formation d’un gouvernement en exil à Londres. Les tribus indigènes du Tripura réclament leur propre RNC, pour pouvoir expulser la population des hindous bengali qui a fait d’eux une minorité minuscule dans leur propre pays.

Loin de se laisser décourager par le chaos et la détresse créés par le RNC de l’Assam, le gouvernement Modi s’apprête à l’importer dans tout le reste de l’Inde. Pour s’assurer que les hindous et ses autres supporters ne se retrouveront pas coincés dans les complexités du RNC comme c’est arrivé en Assam, il a torché un Citizenship Amendment Bill – Projet de loi d’amendement de la citoyenneté – (Après passage au Parlement, c’est maintenant devenu le Citizenship Amendment Act – Loi modifiant la citoyenneté –). Cette loi dit que toutes les « minorités persécutées » non-musulmanes du Pakistan, du Bengladesh et de l’Afghanistan – c’est-à-dire les hindous, les sikhs, les bouddhistes et les chrétiens – recevront l’asile en Inde. Par défaut, le CAB fera en sorte que ceux qui seront privés de citoyenneté seront seulement des musulmans.

Avant que le processus soit mis en route, le plan est de mettre à jour le Registre National de Population. Ceci impliquera une enquête de porte à porte, au moyen de laquelle, aux données de recensement de base, le gouvernement a l’intention d’ajouter sa collecte des reconnaissances faciales, scans des iris et autres données biométriques. Ce sera la mère de toutes les banques de données.

Le travail de terrain a déjà commencé. Dans un de ses premiers décrets en tant que ministre de l’Intérieur, Amit Shah a publié une notification qui permet à tous les gouvernements d’États de l’Inde de mettre en place des Tribunaux pour Étrangers et des centres de détention, tenus par des officiers non-judiciaires investis de pouvoirs draconiens. Les gouvernements du Karnataka, de l’Uttar Pradesh et du Haryama se sont déjà mis au travail. Comme on l’a vu, le RNC, en Assam, a germé d’une histoire particulière. L’appliquer au reste de l’Inde est de la pure malveillance. La réclamation d’un RNC en Assam était vieille de 40 ans. Là, les gens avaient commencé à rassembler et à préserver  leurs papiers depuis 50 ans. Combien de gens, en Inde, peuvent-ils produire des documents de lignage ? Peut-être même pas notre Premier ministre, dont la date de naissance, le diplôme d’études secondaires et la situation familiale ont tous fait l’objet de controverses nationales.

On nous dit que le RNC de l’Inde entière est un exercice destiné à détecter plusieurs millions d’infiltrés du Bengladesh, des « termites », comme notre ministre de l’Intérieur se plaît à les appeler. Qu’imagine-t-il qu’un tel langage va faire aux relations de l’Inde avec le Bengladesh ? Une fois encore, des chiffres fantômes qui tournent autour de dizaines de millions sont jetés au vent. Il n’est pas douteux qu’il y a un grand nombre de travailleurs sans papiers venus du Bengladesh en Inde. Il n’est pas douteux non plus qu’ils constituent une des populations les plus pauvres et les plus marginalisées du pays. Quiconque prétend croire au Marché Libre devrait savoir qu’ils ne font que remplir un créneau économique vide en faisant un travail que les autres ne veulent pas faire, pour des salaires dont personne d’autre ne se contenterait. Ils échangent une journée de travail honnête pour une journée de salaire honnête. Ce ne sont pas eux les escrocs des grosses sociétés qui détruisent le pays, qui volent l’argent public ou qui mettent les banques en faillite. Ces pauvres gens ne sont qu’un leurre, le cheval de Troie de la RSS, destiné à faciliter son objectif réel, sa « mission historique ».

L’objectif réel d’un RNC pour toute l’Inde couplé avec le CAA est de menacer, de déstabiliser et de stigmatiser la communauté musulmane, en particulier ses représentants les plus pauvres. Il a pour but d’officialiser une société inégalitaire, à deux étages, où une partie de la population n’aura aucun droit et vivra à la merci de l’autre, dépendant entièrement de son bon vouloir, un système de castes moderne, qui existera à côté de l’ancien, où les musulmans seront les nouveaux Intouchables. Pas en théorie, mais dans les faits. Légalement. Dans des endroits comme l’Ouest du Bengale, où le BJP est en phase de prise du pouvoir agressive, les suicides ont déjà commencé.

 

Voici ce que M.S. Golwalkar, leader suprême de la RSS en 1940, écrivait dans son livre We, or Our Nationhood Defined [Nous et notre nationalité définie] :

 

« Depuis le jour maudit où les musulmans ont débarqué dans l’Hindoustan jusqu’à ce moment même, la nation hindoue s’est vaillamment battue pour l’emporter sur ces spoliateurs. L’Esprit de la Race vient de s’éveiller.

En Hindoustan, terre des hindous, vit et devrait vivre la nation hindoue… Tous les autres sont des traîtres et des ennemis de la Cause Nationale, ou, si on veut être charitable, des idiots. Les races étrangères en Hindoustan… peuvent rester dans le pays, totalement subordonnés à la Nation Hindoue, à condition qu’ils ne réclament rien, n’obtiennent aucuns privilèges, moins encore et de loin un traitement préférentiel, pas même des droits de citoyens. »

 

Il continue :

 

« Pour conserver la pureté de sa race et de sa culture, l’Allemagne a choqué le monde en purgeant le pays des races sémites : les juifs. La fierté raciale à son sommet s’est manifestée là, bonne leçon pour nous, en Hindoustan, à apprendre et dont faire notre profit. »

 

Comment traduisez-vous cela en termes modernes ? Couplé avec le CAA, le RNC est la version insidieuse des Lois de Nuremberg 1935 de l’Allemagne, par lesquelles la citoyenneté allemande était réservée à ceux-là seuls qui avaient reçu des papiers de citoyenneté – des legacy papers – par le gouvernement du IIIe Reich. L’amendement contre les musulmans est le premier de ce genre. D’autres suivront, c’est indubitable, contre les chrétiens, les Dalit, les communistes, tous ennemis de la RSS.

Les Tribunaux pour Étrangers et les centres de détention qui ont déjà commencé à fleurir d’un bout de l’Inde à l’autre, peuvent ne pas être, pour le moment, destinés à parquer des centaines de millions de musulmans. Mais ils ont pour but de nous rappeler que, seuls, les hindous doivent être considérés comme les vrais aborigènes de l’Inde et qu’ils n’ont pas, eux, besoin de ces papiers. Même le Babri Masjid vieux de 460 ans n’a pas eu les papiers de lignage qu’il fallait. Quelles chances d’en détenir auront un pauvre fermier ou un vendeur des rues ?

C’est cette vilenie que les 50.000 personnes du stade de Houston ont acclamée. C’est pour elle que le président des États-Unis a mis sa main dans la main de Modi. C’est cette vilenie dont les Israéliens veulent être les partenaires, avec laquelle les Allemands veulent commercer, à laquelle les Français veulent vendre des avions de combat polyvalents, cette vilenie que les Saoudiens veulent financer.

Peut-être le processus du RNC pour « toute l’Inde » sera-t-il privatisé, lui et sa banque de données avec notre reconnaissance faciale et le scan de nos iris. Qui sait, les nouveaux emplois qu’il génèrera et les bénéfices qui s’ensuivront ranimeront peut-être notre économie agonisante. Les centres de détention pourraient être, par exemple, construits par les alter ego indiens de Siemens, de Bayer et d’IG Farben. Il n’est pas difficile de deviner quelles seront ces sociétés. Même si nous n’en venons  pas jusqu’au stade du Zyklon B, il y aura indéniablement beaucoup d’argent à se faire.

Tout ce que nous pouvons espérer, c’est qu’un jour prochain, les rues de l’Inde se remplissent de gens qui auront compris qu’à moins qu’ils ne se bougent, la fin est proche.

Si cela n’arrive pas, considérez ces mots comme l’intuition prémonitoire de quelqu’un qui a traversé ces temps-ci.

_________________  

*C’est exactement la même signification que lui donnait la première République française. [NdT]

 

URL de cet article : http://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/lascension-de-modi-et-de-lextreme-droite-hindoue/

Source : http://www.informationclearinghouse.info/52789.htm

Traduction : c.l. pour Les Grosses Orchades

 

 

 

 

 

Février 2020

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