Siegfried Sassoon

  

Quelques poèmes en vrac

 

 

 

 

 

Extraits de :

Qu’est-ce que ça peut faire ?

 

Traduits par des anonymes qui veulent le rester parce que leur traduction est à retravailler…

 

Et même deux petits, sans modestie ni complexe, par L.G.O.

 

 

 

 

 

Suicid in the Trenches

I knew a simple soldier boy
Who grinned at life in empty joy,
Slept soundly through the lonesome dark,
And whistled early with the lark.

In winter trenches, cowed and glum,
With crumps and lice and lack of rum,
He put a bullet through his brain.
No one spoke of him again.

You smug-faced crowds with kindling eye
Who cheer when soldier lads march by,
Sneak home and pray you’ll never know
The hell where youth and laughter go.

 

Suicide dans les tranchées

Je connaissais un gars, un simple soldat
Qui riait à la vie, en attendant de la joie,
Dormait profond dans la nuit solitaire
Et dès le matin se mettait à siffler.

Dans l’hiver des tranchées, sombre, effrayé,
Avec les obus, les poux, le rhum qui manquait,
Il s’est mis une balle dans la cervelle

……………………………………………………..

Et de lui personne n’a plus parlé.
Ô vous, foules béates aux regards qui flambent
Quand vous acclamez les soldats qui passent,
Filez chez vous et priez de ne jamais connaître
L’enfer où s’en vont rire et jeunesse.

 

 

 

 

Twelve Months After

Hullo! here’s my platoon, the lot I had last year.
‘The war’ll be over soon.’
‘What ’opes?’
‘No bloody fear!’
Then, ‘Number Seven, ’shun! All present and correct.’
They’re standing in the sun, impassive and erect.
Young Gibson with his grin; and Morgan, tired and white;
Jordan, who’s out to win a D.C.M. some night;
And Hughes that’s keen on wiring; and Davies (’79),
Who always must be firing at the Boche front line.

‘Old soldiers never die; they simply fide a-why!’
That’s what they used to sing along the roads last spring;
That’s what they used to say before the push began;
That’s where they are to-day, knocked over to a man.

 

Douze mois plus tard

Salut ! voici ma section, les gars de l’an dernier,
« Elle sera bientôt finie !»

« Y’a d’l’espoir ? »

« Même pas peur ! »

Puis, « La septième, au garde-à-vous ! Tous présents, impeccables. »

Debout dans le soleil, impassibles et figés.

Le petit Gibson et son sourire; et Morgan, blanc et fatigué;

Jordan, qui va ramasser la D.M.C. un de ces soirs ;

Et Hughes, qui sait si bien y faire aux barbelés ; et Davies (matr. 79)

Toujours à canarder les avant-postes des Boches.

« Les vieux soldats ne meurent pas; ils s’estompent, c’est tout. »

C’est ça qu’ils chantaient sur les routes au printemps dernier ;

C’est ce qu’ils disaient toujours avant l’assaut ;

C’est là qu’ils sont maintenant, fauchés jusqu’au dernier.

 

 

 

Remorse

Lost in the swamp and welter of the pit,
He flounders off the duck-boards; only he knows
Each flash, and spouting crash,–each instant lit
When gloom reveals the streaming rain. He goes
Heavily, blindly on. And, while he blunders,
“Could anything be worse than this!”–he wonders,
Remembering how he saw those Germans run,
Screaming for mercy among the stumps of trees:
Green-faced, they dodged and darted: there was one
Livid with terror, clutching at his knees…
Our chaps were sticking ’em like pigs… “O hell!”
He thought–“there’s things in war one dare not tell
Poor father sitting safe at home, who reads
Of dying heroes and their deathless deeds.”

 

Remords

Perdu dans le fatras et le bourbier du trou,

Il patauge hors des caillebotis; il sait juste

Les éclairs, les impacts qui éclaboussent – l’instant qui s’allume

Et l’ombre révélant la pluie à verse. Il avance,

Lourd, aveugle. Et tâtonnant se demande

« Peut-il y avoir pire que ça ? »

Et il se rappelle comme il a vu courir ces Allemands

Criant grâce au milieu des souches d’arbres :

Décomposés, ils s’esquivaient et fonçaient; et un,

Blanc de terreur, qui s’agrippait à ses genoux…

Nos gars les saignaient comme des porcs… « Seigneur ! »

Pensait-il – « Il y a dans la guerre des choses qu’on n’ose pas dire

À son pauvre père lisant bien tranquille chez lui

Les exploits immortels des héros qui meurent. »

 

 

 

Lamentations

I found him in the guard-room at the base

From the blind darkness I had heard his crying

And blundered in . With puzzled, patient face

A sergeant watched him; it was no good trying

To stop it; for he howled and beat his chest.

And, all because his brother had gone west,

Raved at the bleeding war; his rampant grief

Moaned, shouted, sobbed, and choked, while he was kneeling

Half-naked on the floor. In my belief

Such men have lost all patriotic feeling

 

Lamentations

Je l’ai trouvé dans la salle de garde de la base.

J’avais entendu ses cris dans la nuit noire

Et j’étais entré. Un sergent, l’air patient et embarrassé

Le surveillait; il ne servait à rien d’essayer

De l’arrêter, car il hurlait en se frappant la poitrine.

Et parce que son frère s’était fait descendre,

Il ressassait contre cette foutue guerre une inconsolable douleur,

Gémissant, gueulant, sanglotant et s’étranglant, à genoux,

Presque nu sur le plancher. À mon avis,

De tels hommes ont perdu tout sentiment patriotique.

 

 

 

 

Golgotha

Through darkness curves a spume of falling flares
That flood the field with shallow, blanching light.
The huddled sentry stares
On gloom at war with white,
And white receding slow, submerged in gloom.
Guns into mimic thunder burst and boom,
And mirthless laughter rakes the whistling night.
The sentry keeps his watch where no one stirs
But the brown rats, the nimble scavengers.

 

Golgotha

Le sillage des fusées qui retombent s’incurve dans les ténèbres,

Inondant le terrain d’une lueur blanche et spectrale.

La sentinelle, blottie dans son coin, observe

La guerre de l’obscurité contre la blancheur,

Et la blancheur cédant peu à peu, submergée par l’obscurité.

Les canons imitent le roulement du tonnerre

Et ce rire sans joie ratisse la nuit sifflante.

La sentinelle veille, mais rien ne bouge

Sinon les rats bruns, agiles et lestes nécrophages.

 

 

 

 

Le défilé

En rouge et or, le Commandant du Corps plastronnait,

Bombant son torse enrubanné pour que tout le monde le vît.

Il avait juré de battre les Allemands (s’il le pouvait),

Parce que Dieu lui avait enseigné la force et la stratégie.

C’était notre chef, une autorité en matière de porto,

Un chasseur à courre plutôt correct, et un « sacré bonhomme ».

« Tête à droite! » Nous passions devant lui avec un regard vif.

« Tête fixe! » Il regardait passer ses légions fidèles.

Je me demandais s’il pensait au nombre de ceux

Qui seraient éliminés d’ici la prochaine revue.

« Tête à droite! » Le commandant des corps restait muet ;

Et la mort lorgnait autour de lui, recevant notre salut.

 

(Nos excuses : On n’a pas trouvé l’original)

 

 

 

 “Blighters”

The house is crammed: tier beyond tier they grin
And cackle at the Show, while prancing ranks
Of harlots shrill the chorus, drunk with din;
“We’re sure the Kaiser loves the dear old Tanks!”

I’d like to see a Tank come down the stalls,
Lurching to rag-time tunes, or “Home, sweet Home,”–
And there’d be no more jokes in Music-halls
To mock the riddled corpses round Bapaume.

 

Bons à rien

La salle de spectacle est comble : dans toutes les travées

Ça jacasse et ça rigole, tandis que des files de putains,

Ivres de vacarme, paradent et criaillent un refrain :

« Nous sommes sûres que le Kaiser apprécie nos bons vieux tanks ! »

J’aimerais voir un tank débouler dans l’orchestre,

Titubant sur un air de ragtime, ou sur l’air du « Home, sweet Home »,

On n’entendrait plus alors la moindre plaisanterie dans les music-halls

Pour rire des corps criblés de balles devant Bapaume.

 

 

 

 

Soyez indulgents, ces deux–là, c’est nous :

 

Atrocities

You told me, in your drunken-boasting mood,

How once you butchered prisoners. That was good!

I’m sure you felt no pity while they stood

Patient and cowed and scared, as prisoners should.

 

How did you do them in? Come, don’t be shy:

You know I love to hear how Germans die,

Downstairs in dug-outs. ‘Camerad!’ they cry;

Then squeal like stoats when bombs begin to fly.

 

And you ? I know your record. You went sick

When orders looked unwholesome: then, with trick

And lie, you wangled home. And here you are,

Still talking big and boozing in a bar.

 

Atrocités

Tu m’as raconté, comme on le fait quand on a bu et qu’on se vante,

Comment, un jour, tu as exécuté des prisonniers. Ah, que c’était bien !

Je suis sûr que tu n’as pas ressenti de pitié, alors qu’ils se tenaient

Patients, intimidés et apeurés, comme doivent se tenir des prisonniers.

 

Comment les as-tu liquidés ? Allez, ne sois pas timide !

Tu sais que j’aime entendre comment les Allemands meurent

En bas, dans les abris. « Kamerad ! » qu’ils crient ;

Puis bêlent comme des chèvres quand les bombes commencent à voler.

 

Et toi ? Je connais ton dossier. Tu t’es fait porter pâle

Quand les ordres sont devenus malsains. Alors, par combine

Et mensonge, tu t’es arrangé pour rentrer chez toi. Et te voilà

Toujours en train de parler fort et d’écluser dans un bar.

 

 

 

 

 

Base Details

If I were fierce, and bald, and short of breath,

I’d live with scarlet Majors at the Base,

And speed glum heroes up the line to death

And when the war is done and youth stone dead,

I’d toddle safely home and die in bed

 

Détails de la base

Si j’étais féroce, et chauve et essoufflé,

Je vivrais avec les écarlates Majors à la Base,

Et j’enverrais les maussades héros à la mort en première ligne,

Et quand la guerre serait finie et la jeunesse morte,

Je rentrerais chez moi à petits pas pressés et je mourrais dans mon lit.

 

 

 

 

 

66 des plus beaux en anglais :

 

http://fullreads.com/authors/siegfried-sassoon/

 

 

 URL de cet article : http://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/quelques-poemes-en-vrac/

 

 

 

 

 

 

11 novembre 2021

 

 

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