Rhode Island, mon cul !

Zazie

 

 

Robespierre, par Houdon.

 

 

 

Sur un blog intitulé …

 

Rodama : a blog of 18th century & Revolutionary French trivia

 

… un citoyen zunien a relevé ce portrait de Robespierre sculpté par Houdon que nous avions publié en 2013, avec nos vœux de (bon) 255e anniversaire, se demandant où diantre nous l’avions trouvé. À la suite de quoi il a fait une petite enquête. Chez des experts. D’où il ressort que le sculpteur Houdon a « probablement  pris un masque de Robespierre », mais qu’il n’a jamais (au grand jamais !) réalisé une sculpture de son modèle.

Sur un catalogue du Musée d’Art de l’École de Dessin de Rhode Island (RISD) qu’on peut trouver dans Google Books, il y a, dit-il, un exemplaire de ce buste, la légende expliquant qu’il existe très peu d’informations sur cette œuvre (vous m’étonnez, René) mais qu’à la fin du XIXe siècle, le sujet a été généralement mal identifié comme étant Robespierre.

Mal identifié par qui ? Sur quelles preuves ? Chhht ! Ne contredisez pas les experts.

 

“The consensus among the experts is that, although Houdon probably created a life mask of Robespierre, he never actually went on to make a sculpture. So what is going on ?

Illumination is provided by a 1991 catalogue for the Museum of Art, Rhode Island School of Design (RISD)  available on Google Books. S40 is an example of the same bust by Houdon. The entry explains that there is little information available but in the late 19th century the subject was commonly misidentified as Robespierre.  The statue now in Rhode Island came originally from a Belgian collection and is signed and dated 1774.  The material is plaster tinted to resemble fired clay, and small metal pins throughout the surface suggest that it was the original cast used for modelling finished versions.”

 

Ah, les experts !

Et de conclure que le buste en question ne peut être que celui de Nicolas Joseph Laurent Gilbert (mort neuf ans avant la Révolution, mais, bien sûr, Houdon était déjà vivant. Et, bien sûr, ce très célèbre sculpteur passait son temps à prendre des masques de personnages en vue archi-occupés pour n’en rien faire.).

Bref, après une recherche que vous pouvez consulter au bout du lien ci-dessus, notre valeureux blogueur US de conclure :

 

 

Nicolas Joseph Laurent Gilbert (1750-1780) was a satirical poet who made something of a name for himself as a panegyrist of Louis XV and opponent of the Encyclopedists. He first arrived in Paris in 1774 so the dates fit.  More to the point – it looks like him !

Comparison with engraving of Laurent published in Wikipedia

 

 

“It looks like him” ?

Eh bien, non, it ne looks pas like him du tout : pas les mêmes sourcils, pas les mêmes yeux, pas la même bouche et les cheveux (si ce sont les siens) plantés en pointe sur le front, alors que Robespierre (ce sont les siens) non.

Et, quoique nous ne soyons pas experts (mais demandez au Pr. Canfora ce qu’il en pense…), nous allons quand même répondre aux questions que ce M. Rodama se pose.

Commençons par notre visite à Versailles, pour demander à voir le fameux buste qui était censé s’y trouver :

C’était un peu avant les « célébrations » du Bicentenaire de la Révolution, M. Jack Lang étant alors le ministre responsable de ces choses. Et la réponse qu’on nous y avait faite (le buste étant semblait-il entreposé dans les caves) avait été : « On ne peut pas tout exposer. On n’en a pas les moyens ». Ce qui, quand on a vu le Goude circus des Champs de juillet 1989, laisse rêveur. Mais ne surprend pas trop quand on se souvient de ce que l’alors président, M. François Mitterrand, avait trouvé drôle de traiter Margaret Thatcher et Bush père, en ce 14 juillet historique, au « homard Thermidor ».

Relégué dans les caves ! Ce n’est pourtant pas non plus comme si Houdon eût été un petit sculpteur de rien du tout : il est même considéré en France comme le plus important du XVIIIe siècle et il a quand même sculpté en marbre, entre autres, Louis XVI (de son vivant), Benjamin Franklin, le général Saltykov, Thomas Jefferson, John Paul Jones, George Washington (en pied, qui se trouve au Capitole de Richmond), Napoléon (pas qu’une fois !) et Joséphine, Rousseau, Diderot, d’Alembert, Molière, Mirabeau, avec toutes ses marques de petite vérole 

et, bien sûr, Voltaire et son ineffable sourire (plusieurs fois aussi). Plus une petite négresse inconnue :

 

 

en 1781

 

 

Mais faire un buste de Robespierre après en avoir pris un masque pour ne pas trop contraindre à poser un homme qui dormait une heure ou deux de temps en temps ? Vous voulez rire ! Sculpter Robespierre ? Ah ha ha ! elle est bien bonne.

Remarquez, c’est normal : pour eux, Robespierre, ce n’est rien. Qu’on se le dise.

 

 

Le regard de Washington est un des plus révélateurs qui soient. Et celui de Robespierre aussi. Mais pas révélateurs des mêmes choses…

 

 

Ce qu’il est intéressant de savoir, c’est que Jean-Antoine Houdon était arrivé à donner à ses statues un regard (d’ordinaire, les statues n’en ont pas). Il avait un truc pour ça : il creusait, dans l’œil, une petite lamelle qui, selon sa taille et son orientation, créait le regard. Un truc de sorcier.

 

 

Il a même sculpté (mais en plâtre) Bélisaire sans ses yeux.

 

 

Ce qui est le plus remarquable, dans son buste de Maximilien, c’est qu’il soit arrivé à sculpter ses yeux blessés.

Contrairement à l’idée reçue et répétée ad nauseam : Robespierre n’avait pas les yeux verts. Ses yeux étaient bleus. Et abîmés par des années de lecture même pas à la chandelle parce que les étudiants pauvres n’avaient pas de quoi s’en payer. D’où les fameuses lunettes vertes – protectrices –  qui, de loin, à la lumière des quinquets, lançant des éclairs verts, ont abusé les badauds.

N’y aurait-il que ce seul détail, dans le fameux buste dont l’idée qu’il pourrait être le sien offusque tant de monde, il suffirait à l’identifier. On peut donc même dire que le buste de Robespierre par Houdon est le plus fidèle de tous ses portraits.

 

Où nous l’avions trouvé ? Ici :

 

 

 

 

Dans une brochure publiée en 1906 par Arthème Fayard sous le titre « Le Règne de Robespierre ou les mémoires d’Hélène-Maria Williams, traduit pour la première fois de l’anglais par Frantz Funck-Brentano. Avec des illustrations. » Dont une photographie du buste de Robespierre par Houdon, qui avait, peu de temps auparavant, été exposé à Paris.

 

Il y a eu – nous l’y avons vu – à l’Académie des Beaux-Arts de Verviers (Belgique) un « buste de Robespierre d’après Houdon », en plâtre, réalisé de mémoire par un sculpteur local, au retour d’une visite à Paris où il avait visité la fameuse exposition. « De mémoire »… il n’était pas très beau ni surtout très ressemblant, mais il a servi à plusieurs générations d’élèves des classes de dessin et de sculpture. Il y est peut-être encore. À moins que ce soit lui qui se trouve à Rhode Island… allez savoir.

 

Une autre statue, qui représentait Robespierre agonisant sur une table de l’Hôtel de Ville, avait peut-être fait partie de la même exposition.

 

 

 

 

C’est qu’en 1906, les auteurs, les éditeurs et les organisateurs d’expositions ne savaient pas encore qu’il convenait de faire silence sur Robespierre, et que moins on en parlerait, mieux ça vaudrait.

 

 

 

 

 

Et Miss Williams ?

 

 

 

 

Helen Maria Williams était une espionne anglaise en mission à Paris, qui s’était trouvé une couverture idéale en partageant un logement avec Mary Wollstonecraft, future épouse de William Godwin, et le poète William Wordsworth, tous deux ignorants de cette circonstance, et elle ne les mentionne pas dans ses mémoires.

Elle fut très liée aux Girondins, arrêtée en 1793 et relâchée l’année suivante. Après un séjour en Suisse, elle devait revenir dans un Paris débarrassé de sa racaille, où elle est morte en 1827.

Elle a aussi, bien entendu, publié quelques petites choses qui pouvaient servir à expliquer sinon à justifier sa présence aux premières loges, notamment une traduction de Paul et Virginie.

R.I.P. Miss Williams et ses œuvres.

 

 

 

 

Beaucoup plus intéressante est Mary Wollstonecraft

 

 

William Godwin et Mary Wollstonecraft

 

 

En ces temps de pseudo-féminisme imbécile jusqu’à la caricature, cette pionnière du féminisme, femme de lettres et révolutionnaire anglaise mériterait d’être redécouverte, non seulement pour ses qualités intrinsèques et son histoire propre, mais pour celle aussi, de son mari, William Godwin, qui fut à l’origine du mouvement chartiste et chef de file du roman jacobin anglais. Car, oui, il a existé une école du roman jacobin… en Angleterre.

Et William Godwin, auteur d’une Élégie sur la mort de Maximilien (en vers, publiée sur feuille volante, consultable à la British Library) a aussi failli publier une biographie de Robespierre qui eût été d’autant plus intéressante qu’il avait passé, pour en documenter le 2e volume, de longs mois à Paris, y rencontrant, pour les interroger, tous les rescapés encore en vie de ces événements historiques.

Malheureusement, Godwin était pauvre et il consacrait beaucoup de son temps au mouvement ouvrier naissant. Il finit par être mis à la porte de son logement et tous ses biens saisis par les huissiers, y compris le manuscrit de son Robespierre.

Nous avons connu, dans les années 1980, un jeune historien écossais qui, en consacrant sa thèse de doctorat au mouvement chartiste, a retourné en vain ciel et terre à la recherche de ce fameux manuscrit, qu’il estime, sans doute avec raison, perdu. Car qu’étaient censés faire des huissiers d’un paquet de feuilles manuscrites non monnayables, sinon les jeter au  caniveau ?

William Godwin a donc été un théoricien politique et un romancier, auteur, notamment, en 1793, d’une Enquête sur la justice politique et son influence sur la vertu et le bonheur en général. Avec son roman Caleb Williams ou les choses comme elles sont, paru en 1794, il a accédé à une renommée littéraire européenne.

Godwin a été un des précurseurs de la pensée anarchiste mais aussi un inspirateur de Shelley, de Coleridge, de Wordsworth, de William Blake et de bien d’autres. Qu’on nous pardonne si nous l’avons déjà dit, mais ce sont des choses qu’on ne répète jamais trop.

Mary Wollstonecraft est morte en accouchant de leur fille Mary, et Mary Godwin, devenue, plus tard, Mary Shelley, est l’auteur de Frankenstein.

 

Un livre de William Godwin à découvrir :

 

  

William Godwin

Histoires de Temps

Vérone Éditions – 2017

580 pages

 

Il y a des millions d’années, l’Homme arrive sur Terre, une île dans un océan cosmique étoilé.

À sa naissance, il est sans langage, inconscient.

Après quelques milliers d’années de rondes solaires et galactiques, le penseur surgit de cette pré-conscience, brisant la coquille de son œuf terrestre, pour s’interroger sur le monde et sur lui-même, sujet et objet : sujet discernant et pensant, objet verbal et grammatical.

C’est le temps des révolutions intérieures, l’individu vit dans son « moi » et accède à son âge supérieur, il ne se reconnaît plus simple objet. Le penseur veut se connaître lui-même, retrouver et rejoindre ses frères et ses sœurs, compagnons de voyage dans cette odyssée.

Cette quête légitime doit trouver des réponses raisonnées, qui nous réconcilient avec notre histoire, notre origine, avec la vie, le monde et le temps.

Un récit qui fait le pont entre mythologie et physique quantique. Un voyage poétique de réflexions contemporaines…

 

 

Au diable l’avarice :

 

William Godwin

Vie et mémoires de Marie Wollstonecraft-Godwin

La source des mots – 2016

52 pages

 

 

 

 

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6 mai 2021

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