Un tribunal, à Washington, appelle le président Biden à mettre fin aux poursuites contre Julian Assange et à défendre les droits des journalistes et des lanceurs d’alerte

 

Chris GaraffaCovert Action Magazine – 24.1.2023

Traduction : c.l. pour L.G.O.

 

 

Troisième tribunal Belmarsh pour Julian Assange, qui s’est tenu au National Press Club à Washington, D.C. le 20 janvier 2023 [Source: rumble.com]

 

 

Près de 13 ans après la publication par Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, de la vidéo Collateral Murder (Meurtre collatéral) exposant l’assassinat brutal et intentionnel de civils irakiens et de deux journalistes de l’agence Reuters, plus de 150 personnes se sont retrouvées dans la même salle du National Press Club de Washington, D.C., pour le Tribunal Belmarsh. L’audience du 20 janvier était la troisième du Tribunal, après celles de Londres et de New York en 2021 et 2022 respectivement. Plusieurs milliers de personnes ont également suivi l’événement en direct sur Internet. Voir la vidéo du Tribunal ci-dessous.

 

 

 

 

Organisé par Progressive International et coprésidé par Amy Goodman de Democracy Now ! et le philosophe et auteur croate Srećko Horvat, le Tribunal Belmarsh a réuni un panel de lanceurs d’alerte, de militants, d’avocats et d’autres personnes pour soutenir Assange, WikiLeaks et la liberté journalistique.

Tenu à deux pâtés de maisons de la Maison Blanche, le Tribunal en a appelé au président Biden pour qu’il mettre fin aux poursuites contre Julian Assange et défende les droits des journalistes et des lanceurs d’alerte.

Belmarsh, la prison près de Londres où Assange est détenu depuis 2019, est un établissement de haute sécurité souvent qualifié de « version britannique de Guantanamo Bay ». À partir de la soi-disant « guerre contre le terrorisme » en 2001, Belmarsh a été utilisée pour héberger des terroristes présumés. Aujourd’hui, nombre de ses prisonniers sont des personnes qui ont commis des crimes brutalement violents comme des meurtres et des viols.

 

 

 

La prison de Belmarsh. [Source: birminghammail.co.uk]

 

 

Assange y est détenu dans l’attente de la fin de son procès en extradition, par lequel le gouvernement des États-Unis – sous les administrations Trump et Biden – cherche à le faire comparaître aux États-Unis. Il y risque jusqu’à 175 ans de prison, en vertu de la « loi sur l’espionnage », pour avoir publié des preuves de crimes de guerre américains. Il s’agirait d’une condamnation à mort pour cet homme de 51 ans dont la santé physique et mentale s’est déjà beaucoup détériorée du fait des conditions de son enfermement.

La solidarité était un thème clé de l’événement. Steven Donziger, avocat spécialisé dans les droits de l’homme, a commencé son intervention en disant : « La moitié de la bataille, c’est ça », en montrant la salle bondée. « C’est la solidarité », a-t-il poursuivi, exprimant sa reconnaissance envers ceux qui étaient venus l’aider dans son combat. « Je ne peux pas vous dire à quel point cela a été édifiant. Une partie du défi, lorsque ceux qui disent la vérité à ces gisements de pouvoir retranchés, est de savoir comment transformer les attaques en occasions opportunes ».

 

 

Steven Donzinger, avocat spécialisé dans les droits de l’homme [Source: salon.com]

On se rappellera que c’est cet avocat juif qu’a défendu l’antisémite notoire Roger Waters à propos de l’affaire Chevron.

 

 

Donziger a intenté et gagné un procès contre la compagnie pétrolière Chevron/Texaco, au nom des populations indigènes d’Équateur pour la destruction de leurs terres par extraction du pétrole dans le champ pétrolifère de Lago Agrio. Après qu’une sentence de 9,5 milliards de dollars ait été prononcée contre elle, Chevron a exercé des représailles en intentant un scandaleux procès RICO [Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act, loi spécifique utilisée pour combattre le crime organisé, NdT] contre Donziger, qui a été placé en résidence surveillée pendant 993 jours au total (en plus de 45 jours de prison), jusqu’à ce qu’il soit finalement relâché en avril 2022.

La solidarité s’est étendue à Daniel Hale, un lanceur d’alerte qui a révélé le programme d’assassinats ciblés par drones des États-Unis. L’avocate Jesselyn Radack a parlé de son cas et de sa similitude avec celui d’Assange. Daniel Hale est détenu dans une unité de gestion des communications (CMU) au pénitencier américain de Marion, dans l’Illinois, aussi appelé « Gitmo Nord », où ses contacts avec le monde extérieur sont étroitement surveillés et sévèrement limités.

 

 

Jesselyn Radack, l’avocate de Daniel Hale [Source: alchetron.com]

 

 

[Source: unac.notowar.net]

 

 

 « J’ai été exclue des audiences de mes propres clients qui n’étaient pourtant pas à huis-clos. Même les parties publiques des audiences comprennent souvent des mots codés et des substitutions de termes qui rendent les procédures très difficiles à suivre pour le public. Dans un certain cas, par exemple, le gouvernement a tenté d’empêcher les avocats de la défense d’utiliser les mots « lanceur d’alertes », ou « journal ». Le récit de Radack signifie clairement que si Assange est extradé vers les États-Unis, il n’y bénéficiera pas d’un procès équitable et impartial.

Les poursuites contre Assange sont un exemple d’agression politique et d’intimidation nues. Elles ne visent pas que le seul Assange et WikiLeaks, mais prennent pour cible tous les lanceurs d’alerte, tous les journalistes et tous les militants.

 

 

 

 

 

 

L’ex-chef du Parti travailliste britannique Jeremy Corbyn a déclaré : « De quoi Julian est-il accusé ? D’avoir dit la vérité. De dire la vérité dans le monde entier sur ce que font les gouvernements et sur ce qu’ils veulent cacher… En tant qu’élu, je sais très bien à quel point les élus n’aiment pas être mis en question sur les décisions qu’ils prennent. Mais il est fondamental pour une société démocratique qu’ils soient constamment surveillés et qu’ils aient à rendre des comptes. [Alors] qu’ils sont si prompts à vouloir mettre sous surveillance et contrôler les autres, toutes leurs décisions devraient être parallèlement surveillées et contrôlées ».

 

 

L’ex-dirigeant du Parti Travailliste Jeremy Corbyn. [Source: lavarnguardia.com]

 

 

En plus d’en appeler à l’administration Biden pour qu’elle mette fin à ses poursuites, Corbyn a également appelé les journalistes et les médias à poursuivre leur action. En novembre 2022, le New York Times, El Pais, Le Monde, The Guardian et Der Spiegel ont publié une lettre ouverte reprenant la même exigence : « Cette mise en accusation crée un dangereux précédent et menace de rendre nuls le Premier Amendement américain et la liberté de la presse. Exiger des comptes des gouvernements fait partie de la mission essentielle d’une presse libre dans une démocratie ».

Corbyn est allé plus loin en appelant les journalistes du monde entier à prendre la défense d’Assange : « Je dis ceci aux journalistes du monde entier qui peut-être nous regardent : Vous pourriez vous dire “ok, c’est Assange, c’est spécial…”, mais ce ne l’est pas ! Cela vous concerne en tant que journaliste, parce que si Julian Assange finit dans une prison de haute sécurité aux USA pour le reste de sa vie, tous les autres journalistes du monde entier se diront : « Oh, dois-je vraiment rapporter cette information qu’on me donne ? Dois-je vraiment parler de ce déni des droits de l’homme, de cette avortement judiciaire dans n’importe quel pays du monde ? Parce que le très long bras de l’espionnage U.S. pourrait m’atteindre et qu’une procédure d’extradition pourrait me flanquer à mon tour dans cette même prison ?” ».

Kristinn Hrafnsson, l’actuel rédacteur en chef de WikiLeaks, a comparu par vidéo à la suggestion de ses avocats, du fait qu’un voyage aux États-Unis constituerait un véritable danger pour lui.

Hrafnsson a divisé l’histoire de WikiLeaks en deux chapitres :  « L’un concerne les publications : le travail journalistique le plus important de ce siècle. L’autre chapitre est celui de la réaction à ce travail, et il n’est pas moins révélateur. ».

 

 

Kristinn Hrafnsson [Source: npc.org.au]

 

 

D’un côté de cette réaction se trouvent les attaques contre WikiLeaks et le journalisme, ainsi que l’affaiblissement des normes et principes démocratiques fondamentaux et de tous les processus juridiques nationaux et internationaux. D’un autre côté, il y a l’attention et le soutien dont bénéficient WikiLeaks, Assange et les dénonciations. M. Hrafnsson a ensuite évoqué son récent voyage en Amérique latine, où il a rencontré des dirigeants pour discuter de l’affaire :

 « Les Argentins, comme d’autres dans la région, connaissent parfaitement la capacité de la CIA à planifier l’enlèvement ou l’assassinat de personnes », a-t-il déclaré en évoquant sa rencontre avec Alberto Fernández et Cristina Fernández de Kirchner d’Argentine. Le président bolivien Luis Arce « s’est pleinement engagé à soutenir Assange ». Le président nouvellement élu du Brésil, Lula, a déclaré que « la lutte pour mettre fin à l’injustice qu’implique l’affaire Assange allait être une priorité de sa politique étrangère ». Gusavo Petro, de Colombie, a également exprimé son soutien, tout comme l’a fait Andrés Manuel López Obrador, du Mexique.

 

 

 

Le président Luiz Inacio Lula da Silva fait partie des nombreux dirigeants progressistes d’Amérique latine qui soutiennent Assange. [Source: usnews.com]

 

 

Le président bolivien Luis Arce [Source: k2.abs-cbnnews.com]

 

 

Le president colombien Gustavo Petro and sa vice-présidente Francia Márquez. [Source: nytimes.com]

 

 

Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador [Source: japantimes.co.jp]

 

 

Le president argentin Alberto Fernández et sa vice-présidente, l’ex-présidente Cristina Fernández de Kirchner. [Source: npr.org]

 

 

Stefania Maurizi [Source: la7.it]

 

 

La journaliste italienne Stefania Maurizi a dit comme elle avait été « sidérée » par la criminalité d’État que révèlent les dossiers, « par l’impunité dont jouissent les criminels de guerre et les tortionnaires dans nos démocraties » Elle continue à déposer des Demandes de Liberté d’Information – qu’elle décrit comme « une guerre de tranchées » – aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Suède et en Australie pour continuer à découvrir la vérité sur les poursuites engagées contre Assange. Son dernier livre, Secret Power : WikiLeaks and its Enemies [Pouvoir secret : WikiLeaks et ses ennemis], a été récemment traduit en anglais.

 

 

Srećko Horvat [Source: cultureforum.eu]

 

 

Pour finir, Srećko Horvat a passé en revue le panel, les preuves et les prochaines étapes. « C’est à l’administration Biden qu’il revient d’abandonner les charges. Mais c’est aussi à vous tous, ici, dans la salle et en dehors de la salle, qu’il appartient d’aller plus loin et de faire pression autant que vous le pouvez sur l’administration Biden ».

Le prochain tribunal Belmarsh se tiendra à Sydney, en Australie, en mars prochain. Il a terminé par une citation d’Assange lui-même : « Si nous ne pouvons vivre qu’une fois, alors que ce soit une aventure audacieuse qui fasse appel à tous nos pouvoirs. Que ce soit avec d’autres de même sorte, dont nous puissions être fiers du cœur et de la tête. Que nos petits-enfants se réjouissent de trouver le début de nos histoires dans leurs oreilles, mais la fin sous leurs yeux flâneurs ».

 

Source :  Tribunal in Washington Calls on President Biden to End Prosecution of Julian Assange and to Defend Rights of Journalists and Whistleblowers | CovertAction Magazine

 

L’auteur :

 

Chris Garaffa est un organisateur anti-impérialiste et de justice sociale depuis qu’il a rejoint le mouvement contre la guerre d’Irak en 2003.

Chris est l’invité hebdomadaire de l’émission « By Any Means Necessary » de Sputnik Radio, qui se concentre sur l’intersection entre la technologie et les droits de l’homme, et co-anime CovertAction Bulletin, l’émission de radio et le podcast de CovertAction Magazine

On peut joindre Chris à l’adresse suivante : chris.garaffa@gmail.com

 

 

 

 

 

 

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 Janvier 2023

 

 

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