Déclaration du représentant permanent Vassily Nebenzia lors de la réunion d’information du Conseil de sécurité des Nations unies concernant les actes de sabotage perpétrés sur le gazoduc Nord Stream

 

TASS – NORD STREAM GAS LEAK INVESTIGATION –  28 SEP, 23:33

(Traduction : c.l. pour L.G.O.)

 

 

 

 

 

 

Monsieur le Président,

 

Nous remercions M. Dirk Pohlmann et M. Jimmy Dore pour leurs rapports, qui ont prouvé une fois de plus au Conseil de sécurité que les citoyens des pays occidentaux ont eux aussi beaucoup de questions à poser à leurs gouvernements, quant aux nombreuses irrégularités qui apparaissent dans le récit promu par Washington et ses alliés au sujet des explosions survenues sur le gazoduc Nord Stream en septembre 2022.

 

Chers collègues,

 

Un an s’est écoulé depuis le sabotage en mer Baltique, et presque autant depuis que le Conseil de sécurité s’est réuni pour la première fois sur cette question. Durant cette période, nous avons entendu de nombreuses affirmations selon lesquelles les enquêtes nationales menées par l’Allemagne, le Danemark et la Suède allaient permettre d’en identifier les auteurs très rapidement. Cependant, aucun résultat n’a encore été obtenu malgré les sept réunions du Conseil de sécurité de l’ONU, tant en public qu’à huis clos.

 

Dans le même temps, des preuves de plus en plus nombreuses sont apparues à la communauté des experts, confirmant que c’est Washington qui est à l’origine de la destruction du gazoduc Nord Stream et qui s’est lancé dans cette action criminelle scandaleuse guidé par le seul désir étroitement intéressé de consolider sa domination sur l’Europe, laquelle avait un urgent besoin de l’énergie russe.

 

Le triste anniversaire d’aujourd’hui est une bonne occasion de rétablir la chronologie. Rappelons-en brièvement les principaux événements.

 

Le 28 septembre, juste après le sabotage, le bureau du procureur général de la Fédération de Russie a engagé des poursuites pénales en vertu de l’article du code pénal intitulé « Acte de terrorisme international ». Dans une lettre datée du 29 septembre, le Danemark et la Suède ont déclaré que l’explosion de Nord Stream avait été causée par des engins explosifs, ce qui semble être la seule conclusion concrète qu’ils aient tirée depuis tout ce temps. Toutefois, le parquet général allemand n’a ouvert une enquête officielle que le 10 octobre.

 

En octobre 2022, le chef du gouvernement de la Fédération de Russie, MikhaÏl Michoustine, a adressé des lettres à Berlin, Copenhague et Stockholm sur la nécessité de mener une enquête approfondie avec la participation des autorités russes et des représentants de PJSC GAZPROM. Nous n’avons reçu aucune réponse à ces communications au cours de l’année écoulée.

 

En novembre, le bureau du procureur général de la Fédération de Russie a demandé aux autorités allemandes, danoises et suédoises compétentes de fournir une aide juridique et de mettre en place une équipe d’enquête commune. Nous n’avons reçu aucune réponse officielle. Les membres du Conseil ont eu l’occasion de s’en rendre compte par eux-mêmes puisque, en mars, nous avons distribué des copies de ces communications avec les autorités mentionnées en tant que documents officiels du Conseil de sécurité des Nations unies.

 

Face à cette situation inacceptable, la Russie a présenté au Conseil de sécurité un projet de résolution demandant au Secrétaire général de fournir des propositions sur la création d’une commission internationale indépendante chargée d’enquêter sur le sabotage. Six mois se sont écoulés depuis ce vote. Le texte était absolument non politisé et tenait compte de tous les commentaires et propositions concrets que les membres du Conseil avaient formulés au cours des quatre semaines de consultations informelles. Pourtant, la résolution n’a pas été adoptée. Je me permets de rappeler que l’argument central de nos collègues, ceux qui se sont abstenus lors du vote, était la confiance totale (selon leurs termes) dans les enquêtes nationales menées par l’Allemagne, le Danemark et la Suède. Or, six mois se sont écoulés encore et toujours aucun résultat n’a été obtenu. Quoique la Russie, la Chine et le Brésil – qui avaient demandé une enquête internationale dès le mois de mars, suivis par quelques autres membres du Conseil de sécurité – aient exprimé leur inquiétude face à l’absence de nouvelles significatives en provenance de Berlin, de Copenhague et de Stockholm pendant une période aussi longue.

 

En outre, dans un manque de respect manifeste pour le Conseil de sécurité, l’Allemagne, le Danemark et la Suède ont ignoré la demande d’intervention lors de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies du 11 juillet et se sont contentés de faire circuler une autre lettre, dans laquelle ils admettaient franchement que les enquêtes en cours pourraient ne pas donner de résultats du tout. Permettez-moi de poser la question suivante à nos collègues qui soutiennent ces enquêtes nationales avec tant de zèle. Quel est l’intérêt de freiner les efforts collectifs des membres du Conseil de sécurité des Nations unies si les pays qui mènent des enquêtes nationales ont des doutes sur l’efficacité de leur propre travail ? Tout cela ressemble fort à une feinte d’activité intense assortie d’une tentative évidente de priver les membres du Conseil de sécurité de l’accès à des informations directement pertinentes pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

 

Monsieur le Président,

 

Je me permets de rappeler qu’il ne s’agit pas d’un simple acte de voyoucratie. Il s’agit d’un attentat terroriste qui a affecté une infrastructure internationale de canalisations et qui a entraîné de graves conséquences économiques et environnementales pour toute une série d’États. Personne ne nie que l’explosion ait été provoquée par un engin explosif, et il y a donc tout lieu de penser qu’elle relève de la Convention pour la répression des attentats terroristes à l’explosif du 15 décembre 1997, à laquelle l’Allemagne, le Danemark et la Suède ont adhéré. Cet instrument juridique international impose à toutes ses parties prenantes l’obligation non équivoque d’enquêter sur les crimes, d’extrader ou de juger leurs auteurs et de « se prêter mutuellement la plus grande assistance possible dans le cadre des enquêtes, des procédures pénales ou des procédures d’extradition ». Les autorités des trois États en question continuent d’ignorer ces engagements. Dans un contexte de manque d’informations substantielles, les propos du chancelier fédéral allemand Scholz quant à son intention d’aller jusqu’au bout de cette affaire sont en contradiction flagrante avec la réalité.

 

Par ailleurs, de plus en plus de signes indiquent qu’au lieu d’exposer clairement les circonstances, on tente à l’évidence de les dissimuler. Ainsi, une campagne est en cours dans les médias occidentaux pour promouvoir des versions de ce qui s’est passé toutes plus absurdes les unes que les autres. Au cours de l’année écoulée, on a vu surgir toutes sortes d’histoires à cette fin. Il n’y a qu’à les énumérer : que c’est la Russie elle-même qui a fait sauter un gazoduc qui fonctionnait dans son intérêt. Vérifiez ! Que la chose a été le fait de quelques « touristes » sur un voilier, lesquels ont (selon une des versions) agi presque de leur propre initiative et sans aucun soutien étatique. Vérifiez ! – ou qui (selon une autre version) auraient reçu des ordres du commandant en chef des forces armées de l’Ukraine, Valeri Zaloujny, intervenant discrètement et sans autorisation de son supérieur immédiat, le président Zelenski. Vérifiez !. Une histoire encore plus ridicule a été publiée par certains médias européens. selon laquelle les services de renseignement des États occidentaux (y compris ceux des USA) étaient au courant des plans des Ukrainiens et ont même tenté de dissuader ceux-ci de les mettre en œuvre, mais qu’hélas Kiev n’en a quand même fait qu’à sa tête. Ce que nous a, toutefois, appris l’affaire du rejet par l’Ukraine d’un traité de paix prêt à être signé avec la Russie en mars 2022, c’est que les autorités de Kiev ne peuvent rien faire sans la permission  de leurs superviseurs occidentaux sur une question aussi grave.

 

Chers collègues,.

 

On ne peut manquer de remarquer ce que toutes ces versions ont en commun, à savoir que chacune d’elles nie l’implication de Washington dans ce crime. Et elles se sont toutes mises à pousser comme des champignons après la pluie lorsque le journaliste américain Seymour Hersh, lauréat du prix Pulitzer, a publié une enquête à grande échelle (nos brèves l’ont déjà mentionnée) au début de l’année. Cette enquête contenait un grand nombre de faits montrant que ce sont des plongeurs U.S. qui ont posé les explosifs sur les conduites de Nord Stream, concurremment à l’exercice BALTOPS de l’OTAN au cours de l’été 2022. Il vient d’ailleurs de publier aujourd’hui un nouveau lot de documents à l’appui de cette version. Ces documents montrent que non seulement l’explosion a été soigneusement préparée pendant plusieurs mois mais que l’on avait aussi réfléchi à la manière de « brouiller les pistes » après l’attentat. Je recommande à tous les membres du Conseil de prendre connaissance des conclusions de M. Hersh…

 

Par ailleurs, nous nous souvenons trop bien des paroles du président Biden qui a déclaré, lors d’une conférence de presse conjointe avec le chancelier allemand Scholz le 7 février 2022, « […] il n’y aura plus de Nord Stream 2. Nous y mettrons fin ». Ajoutez à cela la joie mal dissimulée de la secrétaire d’État adjointe V. Nuland, qui a déclaré au Sénat le 26 janvier 2023 qu’ils étaient satisfaits que le gazoduc se soit transformé en « un morceau de métal au fond de la mer ». Ajoutez à cela encore la publication sur Twitter de l’ancien ministre des Affaires étrangères de Pologne R.Sikorski, où il remercie ouvertement les US.A. d’avoir fait exploser le Nord Stream.

 

N’oublions pas que certaines délégations occidentales au Conseil, incapables de contrôler leurs émotions, ont directement fait remarquer lors de nos réunions, que l’interruption de Nord Stream avait été une réponse aux actions de la Russie en Ukraine. Des aveux aussi candides auraient dû permettre à un enquêteur, même novice, de conclure cette affaire sans trop de difficultés. Mais comme l’Allemagne, le Danemark et la Suède ont reçu l’ordre de dissimuler le rôle de leur « big brother » étranger, leurs enquêteurs ont les mains liées et les yeux bandés. C’est pourquoi, comme le disait le même Seymour Hersh, à la suite de la rencontre entre Joe Biden et Olaf Scholz, les services de renseignement U.S. et allemands avaient reçu l’ordre d’élaborer une version alternative des événements et de la divulguer progressivement aux médias. C’est ce qu’ils font, sauf que les fabrications sont par trop irréalistes.

 

Cela dit, les fuites sur les circonstances réelles de la tragédie ne facilitent pas la tâche aux raconteurs d’histoires occidentaux. Par exemple, on peut rappeler une lettre (disponible dans des sources ouvertes) du secrétaire d’État au ministère fédéral de l’économie et de la protection du climat de l’Allemagne, P. Graichen, à un membre du Bundestag du parti de gauche, J. Nastich, en date du 7 octobre. Selon cette lettre, les autorités allemandes disposaient, avant le début de l’enquête, d’« informations de renseignement » dont la divulgation pourrait, selon elles, nuire aux intérêts de l’État allemand. Je me demande quel type d’information aurait pu nuire au parti qui semblait être une victime aux côtés de la Russie ? Quoi qu’il en soit, cela confirme une fois de plus que les enquêteurs occidentaux ne sont pas intéressés par la découverte de la vérité, mais qu’ils la considèrent plutôt comme un obstacle.

 

Monsieur le Président,

 

Ainsi donc, qu’en est-il aujourd’hui, un an après l’attentat ? Des menaces proférées par les hauts dirigeants des U.S.A. à propos d’une infrastructure sous-marine transfrontalière, suivies d’une explosion de cette infrastructure dans le cadre d’un acte de terrorisme international qui a eu des conséquences dangereuses pour la paix et la sécurité internationales, pour l’économie, pour l’environnement et pour la navigation dans la mer Baltique. La jubilation des hauts représentants de l’establishment U.S. et pro-U.S., la résistance des pays occidentaux à l’idée de lancer des efforts internationaux impartiaux et inclusifs sous les auspices du Secrétaire général de l’ONU, et l’inefficacité évidente des enquêtes nationales allemandes, suédoises et danoises. Dans le même temps, on assiste à un véritable emballement de l’espace d’information, déployant de considérables efforts pour  rejeter la responsabilité sur n’importe qui d’autre que les États-Unis, avec une détermination évidente d’inventer n’importe quoi pour s’opposer aux faits objectifs. Ceci étant dit, je ne veux même pas utiliser le cliché « tirez vos propres conclusions ». Quiconque a encore des illusions (un an après l’incident) devrait s’en défaire dans l’instant.

 

Monsieur le Président,.

 

Nul doute qu’aujourd’hui, nous entendrons à nouveau nos collègues occidentaux réprimander la Russie pour avoir détourné le Conseil de sécurité de problèmes autrement graves en insistant pour qu’ait lieu cette discussion sur l’attaque terroriste contre le Nord Stream. Une tactique de ce genre n’est pas dénuée de sens et elle est même compréhensible. Ils veulent faire traîner les choses aussi longtemps qu’ils le peuvent, idéalement pendant encore un an ou deux, ou même trois, pour ensuite pouvoir déclarer qu’aucune enquête n’est plus possible en raison du temps écoulé.

 

Vous feriez aussi bien d’économiser votre temps et vos efforts, car toutes ces tentatives sont vouées à l’échec. Notre pays va continuer à s’efforcer d’établir, de manière objective et approfondie, toutes les circonstances de l’incident, avec la participation obligatoire des organes d’enquête russes et de toutes les parties intéressées, ainsi qu’à traduire en justice tous ceux qui ont ordonné et perpétré le sabotage. À cette fin, nous utiliserons tous les moyens disponibles, y compris au sein du Conseil de sécurité.

 

Dans le cadre de ce travail, mon pays a l’intention de soumettre au Conseil un projet de Déclaration présidentielle sur ce sujet. Nous le présenterons dans les prochains jours. Nous pensons que le Conseil de sécurité devrait s’exprimer clairement sur cette attaque terroriste et souligner la nécessité d’une enquête objective et d’une punition des auteurs. Nous comptons sur le soutien de tous ceux qui se rendent compte que n’importe quel pays peut être victime d’une telle attaque de la part d’un État en proie à une illusion d’impunité. Le Conseil de sécurité est tenu d’envoyer un message clair : les crimes contre l’infrastructure des gazoducs transfrontaliers sont inacceptables et il n’y a aucun moyen d’éviter d’avoir à rendre des comptes. C’est la seule manière de faire en sorte qu’ils ne se reproduisent pas.

 

Merci.

 

Video de la déclaration.  (doublée en anglais).

Source : https://russiaun.ru/en/news/unsc_26092

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Octobre 2023

 

 

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