“Mentors intégrés”… Qu’en termes délicats …

 

 

Le contrôle secret des forces de sécurité palestiniennes par le Royaume Uni

 

Des fuites révèlent que les forces de sécurité, de plus en plus violentes et repressives, de l’Autorité Palestinienne ont été entraînées par des sous-traitants affiliés au gouvernement britannique financés par les USA.

 

 

Kit Klarenberg  – The Cradle – May 11 2023

 

Traduction : c.l. pour L.G.O.

 

 

 

[Photo : The Cradle]

 

 

 

Depuis 2015, la Grande-Bretagne injecte chaque année des sommes considérables dans un « Programme pour le processus de paix au Moyen-Orient ».

Dans un résumé officiel de l’effort, la rhétorique bienpensante sur « la protection des personnes vulnérables », « le respect du droit humanitaire » et « le travail pour la paix » abonde. Pourtant, son objectif principal – sinon unique – est clairement énoncé dès le départ. Il s’agit de mettre en place, au sein de l’Autorité palestinienne (AP), des institutions « prêtes à devenir un État, [et] soutenant les valeurs et les intérêts du Royaume-Uni ».

 

Les dossiers divulgués examinés par The Cradle montrent que ces initiatives britanniques mettent « particulièrement l’accent sur le secteur de la sécurité », ce qui est compréhensible. Après tout, ce n’est qu’en maintenant un appareil de sécurité puissant et répressif que l’AP corrompue, non élue et dirigée par Israël peut rester au pouvoir. [C’est nous qui soulignons, L.G.O.]

Ces documents montrent que Londres joue un rôle important dans l’élaboration, la gestion et la dotation en personnel des forces de sécurité de l’Autorité Palestinienne et de ses méthodes de répression, par l’intermédiaire d’Adam Smith International, un contractant controversé du gouvernement britannique.

Depuis 2012, la société a récolté des millions pour « renforcer les capacités des forces de sécurité de l’Autorité palestinienne » et « des secteurs distincts du ministère de l’Intérieur », afin de « professionnaliser » les autres « institutions de sécurité » de l’Autorité.

La société britannique fournit « une assistance technique, une formation et des conseils sur le tas » à différents départements des forces de sécurité, y compris la police civile palestinienne, les agences de renseignement et les unités de « protection civile », principalement dans le cadre de la mission du coordinateur de la sécurité des États-Unis (USSC) en Israël et dans l’Autorité palestinienne, par l’intermédiaire d’un réseau de « mentors intégrés ».

Des « conseils stratégiques » sont également fournis directement au coordinateur américain de la sécurité « sur le développement institutionnel du secteur de la police », tandis que le Centre des médias de l’Autorité Palestinienne reçoit une assistance pour des campagnes de « communication stratégique » visant à « soutenir leur programme de création d’un État, en maintenant le soutien du public » : en d’autres termes, des opérations de guerre de l’information, conçues pour manipuler et pacifier les Palestiniens.

 

« Pas la plus aisée des tâches »

D’autres dossiers divulgués montrent que la formation et les services fournis par Adam Smith International aux forces de sécurité de l’Autorité Palestinienne sont d’un caractère nettement britannique.

Un des « points forts » de ce soutien – selon Adam Smith International – a été la création d’une « Académie des officiers palestiniens », inspirée de l’école militaire de Sandhurst, où sont formées et entraînées les élites de l’armée britannique, Adam Smith International se vante aussi d’avoir rédigé l’« analyse de rentabilisation » de l’académie, d’avoir approuvé les « plans de conception et de développement » avec les forces de sécurité et le ministère de l’Intérieur, et d’avoir obtenu « un budget de plusieurs millions de livres » pour son lancement et son fonctionnement.

Les étudiants reçoivent à l’Académie un « programme pratique de leadership » d’une durée de neuf mois, avec « plus de 1.700 plans de leçons » en anglais et en arabe, supervisé par 12 employés internationaux et 30 employés palestiniens. Adam Smith International a également conseillé le directeur de la formation militaire de l’Autorité palestinienne « sur la manière de renforcer la conception et l’exécution de la formation » au sein des forces de sécurité, en donnant des conseils sur « la conception des cours, la méthodologie d’exécution, la structure organisationnelle, ainsi que sur diverses questions opérationnelles liées à la formation, telles que les ressources, la coordination des cours et la gestion de l’infrastructure de formation ».

Adam Smith International a garanti l’accès à des « zones discrètes » du ministère de l’Intérieur de l’Autorité palestinienne et l’« adhésion » [« buy-in » = achat, NdG.O.] à ses opérations de formation de la part du personnel supérieur des forces de sécurité, en insérant un « conseiller technique militaire spécialisé » dans les rangs de ces dernières. Bien qu’il ne soit pas nommé dans les dossiers, la société fait référence à Anthony Malkin, ancien responsable de la formation au commandement à Sandhurst.

De 2000 à 2005, Malkin a été l’attaché de Défense britannique aux Émirats Arabes Unis. Selon ses propres termes, il servait d’« interface entre le ministère britannique de la Défense et le quartier général des Émirats Arabes Unis » et « développait des lignes politiques au niveau des ambassadeurs et des ministres, tout en apportant son soutien aux ventes de “matériel de Défense” ».

Pour Adam Smith International, Malkin a travaillé à « l’amélioration de la capacité opérationnelle » de la police civile, des forces armées et des services de renseignement de l’Autorité Palestinienne, « en formant, en encadrant et en conseillant les dirigeants et le personnel ». En cours de route, il « [a montré] qu’il pouvait bien fonctionner dans une culture de l’ambiguïté, et a fait preuve de souplesse en s’adaptant à l’évolution de son travail pour refléter des influences politiques et militaires plus larges ».

« Il est le seul consultant international intégré à ce niveau élevé au sein des [forces de sécurité] ; sa profonde compréhension du contexte et ses compétences en langue arabe lui ont valu le respect de ses principaux interlocuteurs », note Adam Smith International avec approbation. « Notre conseiller s’est assuré de l’adhésion du personnel de haut rang, et donc du succès à long terme de l’Académie des officiers palestiniens… en faisant preuve d’une patience, d’un tact et d’une diplomatie bien dosés qui ont permis d’établir des relations solides et confiantes ».

Malkin a quitté son poste en 2016, au bout de trois ans d’exercice. En décembre de la même année, il a publié sur LinkedIn un blog décrivant son expérience de la construction de l’Académie des officiers. Ce blog regorge d’informations extraordinaires, telles que l’existence d’une « liaison de renseignement considérable entre les forces de sécurité israéliennes et palestiniennes », à la fois en ce qui concerne les menaces présumées posées par les « voisins immédiats » de la Cisjordanie, mais aussi les « menaces internes à la sécurité et à la sûreté ».

Malkin explique qu’il a rencontré de nombreux obstacles pour faire démarrer l’académie, « le plus difficile » étant de s’assurer que « les Israéliens acceptent le projet et donnent leur accord tacite », étant donné qu’il faudrait former les Palestiniens à l’utilisation de fusils et de pistolets, et qu’Israël interdit aux Palestiniens de posséder ou d’avoir « des armes lourdes ». L’approbation a finalement été donnée, « à condition qu’il n’y ait pas d’entraînement de tireurs d’élite ! ».

Obtenir le soutien de la mission du coordinateur américain de la sécurité pour cette entreprise n’était pas non plus « la tâche la plus aisée », car il s’agissait « d’un projet essentiellement centré sur les Britanniques, basé sur la doctrine de leadership du Royaume-Uni, mais doté d’un budget américain ». Néanmoins, « en dépit de nombreuses réticences et protestations initiales, un budget de plusieurs millions de dollars a été débloqué ».

 

En menant la danse

Par la suite, Malkin a effectué des tournées de « présentations de l’histoire militaire d’Israël sur le champ de bataille » pour le compte d’Adam Smith International et du Coordinateur de la Sécurité des États-Unis. Il a également auto-publié un livre, The Tortuous Birth of a Nation [La naissance tortueuse d’une nation] « pour les passionnés qui souhaitent explorer et découvrir davantage l’histoire militaire d’Israël », et il continue à travailler au noir dans le domaine de la  « consultance interculturelle » entre Israël et les Émirats Arabes Unis

De tels états de service sont révélateurs des affiliations réelles et des sympathies de Malkin. De même, son compte-rendu du projet expose la triste réalité de l’Autorité Palestinienne non élue. Il s’agit d’une entité créée et contrôlée par des étrangers, qui ne gouverne pas et n’exerce pas son pouvoir dans l’intérêt et au service des résidents des territoires occupés, mais plutôt dans l’intérêt des gouvernements occidentaux et de l’apartheid israélien.

Du point de vue du ministère britannique des Affaires étrangères, le contrôle des activités et de la composition de l’AP garantit non seulement qu’elle reste « favorable aux valeurs et aux intérêts du Royaume-Uni », mais permet également aux services de sécurité et de renseignement nationaux et étrangers de Londres de garder un œil vigilant sur les habitants de Gaza et de Cisjordanie. Ainsi, les menaces potentielles de violence en représailles aux agressions brutales de Tel-Aviv dans les territoires occupés – tant pour Israël que pour la Grande-Bretagne – peuvent être neutralisées par des acteurs locaux.

L’infiltration britannique de l’Autorité Palestinienne est une histoire qui remonte loin, et son infrastructure de sécurité a toujours été une cible prioritaire. En 2004, le gouvernement de Tony Blair a envoyé Jonathan McIvor, officier supérieur de la police britannique, pour aider l’organisme.

L’année suivante, il a été employé par l’Union Européenne pour mettre en place le Bureau de Coordination du Soutien à la Police Palestinienne (COPPS), première mission de « sécurité » de Bruxelles en Palestine – qui a pour mission de renforcer la coopération entre les services militaires, de sécurité, de police et de renseignement de l’Autorité Palestinienne et les forces d’occupation israéliennes – avant son lancement officiel début 2006, et en a été le premier chef pendant un certain temps.

On ne peut que se demander si le passage de McIvor au sein de la Royal Ulster Constabulary, une force de police d’Irlande du Nord connue pour sa discrimination vicieuse à l’encontre de la minorité catholique de la province et sa collusion intensive avec les groupes terroristes loyalistes, n’a pas inspiré les tactiques employées aujourd’hui par l’Autorité Palestinienne.

C’est en Irlande du Nord que la Grande-Bretagne a mis au point et perfectionné les « cinq techniques » de torture psychologique et physique, qui constituent la base de la torture moderne dans le monde entier, ainsi qu’une stratégie d’« internement sans procès » pour les « suspects de terrorisme ».

En 1976, une directive secrète a donné à la Royal Ulster Constabulary toute latitude pour employer ces techniques quand ses officiers le souhaitaient, ce qui a perduré jusque dans les années 1990, en même temps que le mandat de McIvor au sein des forces de police. Il a été confirmé que l’Autorité palestinienne se livrait largement à des arrestations arbitraires et à la torture de détenus, généralement à la demande d’Israël.

Maintenant que l’AP s’avère de plus en plus inefficace pour réprimer la résistance pacifique et la résistance armée à son régime brutal et au nettoyage ethnique israélien dans les territoires occupés, les conseils « experts » d’Adam Smith International et d’autres contractants du gouvernement britannique n’ont peut-être jamais été aussi urgents.

 

Source : https://thecradle.co/article-view/24729/the-uks-secret-control-of-palestinian-security-forces

 

 

Kit Klarenberg est un journaliste d’investigation qui étudie le rôle des services de renseignement dans le façonnement de la politique et des perceptions.

On trouve ses articles sur, notamment : The Grayzone, Mint Press News et The Cradle.

 

URL de cet article : http://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/le-controle-secret-des-forces-de-securite-palestiniennes-par-le-royaume-uni/

 

 

 

 

 

 

Mai 2023

 

 

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