L’OTAN vient-elle de déclarer la guerre à la Russie ?

 

 

Mike Whitney – I.C.H. – 3.2.2022

 

Traduction : c.l. pour L.G.O.

 

 

 

 

5 juin 2017 – Manifestation populaiare au Montenegro contre la ratification de l’entrée du pays dans l’OTAN

 

 

 

 « Peu importe qui tente de se mettre en travers de notre chemin… ils doivent savoir que la Russie répondra immédiatement, et les conséquences seront telles que vous n’en avez jamais vu de toute votre histoire… J’espère que mes paroles seront entendues ». Vladimir Poutine lance un avertissement à tout pays qui tenterait d’arrêter l’« opération spéciale » de la Russie en Ukraine.

 

Dans un geste qui ne peut être considéré que comme une escalade majeure, les responsables de l’OTAN ont annoncé vendredi qu’ils allaient déployer des troupes de leur Force de Réaction Prête au Combat pour soutenir le régime ukrainien [depuis la Pologne et les États baltes] dans sa guerre contre la Russie. L’Alliance enverra également des armes supplémentaires à utiliser pour freiner l’offensive russe qui s’est déjà emparée de grandes parties du pays et a anéanti la plupart des capacités défensives de l’Ukraine.

 

Il est impossible de surestimer la gravité de l’action de l’OTAN, qui accorde une telle importance à la préservation de sa junte de Kiev qu’elle est prête à s’opposer à une Russie dotée de l’arme nucléaire dans ce qui pourrait devenir une guerre régionale beaucoup plus vaste. Il est clair que les objectifs stratégiques de ce conflit obscur vont bien au-delà du simple contrôle d’un État failli, ethniquement divisé, situé entre l’Europe et l’Asie. L’Ukraine, ce n’est plus seulement un trophée géopolitique pour les élites occidentales, mais un ultime effort de Washington pour prouver qu’il contrôle toujours les leviers du pouvoir mondial. Voici l’article de Reuters :

 

« Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré vendredi que l’alliance déployait des éléments de sa Force de Réaction Prête au Combat et continuerait à envoyer des armes à l’Ukraine, notamment des défenses aériennes, tout en affirmant que la Russie tentait de renverser le gouvernement ukrainien.

 « Nous voyons la rhétorique, les messages, qui indiquent fortement que l’objectif est de supprimer le gouvernement démocratiquement élu à Kiev », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion virtuelle des dirigeants de l’OTAN. (« Les alliés de l’OTAN vont fournir davantage d’armes à l’Ukraine, selon Stoltenberg », Reuters)

 

La décision de Stoltenberg ne laisse d’autre choix au président russe Vladimir Poutine que de localiser et détruire les armes ou les troupes entrant dans le pays, qui pourraient être utilisées pour tuer ou blesser des militaires russes. Naturellement, que des membres du personnel de l’OTAN soient tués pourrait être utilisé pour intensifier le conflit, plongeant la région dans une conflagration beaucoup plus large et plus violente. Voici d’autres extraits de la conférence de presse de Stoltenberg de vendredi :

 

 « Hier, les Alliés de l’OTAN ont activé nos plans de défense… sur terre, en mer et dans les airs….. Les États-Unis, le Canada et les Alliés européens ont déployé des milliers de soldats supplémentaires dans la partie orientale de l’Alliance… Nous avons maintenant plus de 100 avions à réaction en état d’alerte élevée qui opèrent dans plus de 30 endroits différents… et plus de 120 navires, du Grand Nord à la Méditerranée… dont trois groupes de porte-avions d’attaque…..

Nous avons de nombreux avions qui opèrent dans la partie orientale de l’Alliance (et) plusieurs Alliés ont en partie déjà affecté des troupes et des forces à la Force de Réaction de l’OTAN ». Le soutien en armement comprend également des « systèmes de défense aérienne… » (qui pourraient être utilisés pour imposer une zone d’exclusion aérienne).

Il s’agit de la crise de sécurité la plus grave à laquelle nous ayons été confrontés en Europe depuis des décennies… Il s’agit de la remise en cause par la Russie des normes fondamentales en matière de sécurité et de son exigence que l’OTAN retire les forces et les infrastructures qu’elle a installées sur les territoires de près de la moitié de ses membres. Et il s’agit de sa déclaration selon laquelle si nous ne répondons pas à ses exigences, il y aura des « conséquences militaro-techniques ». Nous devons donc prendre cela au sérieux. Et c’est exactement pourquoi nous déployons maintenant la Force de Réaction de l’OTAN, pour la première fois dans un contexte de défense collective ». (Sommet virtuel de l’OTAN, 25 février 2022)

 

Stoltenberg a raison, la Russie remet en question les valeurs fondamentales de l’OTAN en matière de sécurité et exige que l’Alliance retire ses forces et ses infrastructures du seuil de la Russie. Ce que Stoltenberg omet de mentionner, c’est que l’expansion de l’OTAN menace existentiellement la Russie en plaçant des bases de lancement de missiles, des bases militaires et des troupes de combat à ses frontières. Il omet également de mentionner que l’expansion de l’OTAN viole les accords pris (dont tous les membres de l’OTAN sont signataires) accords qui stipulent que toutes les parties s’abstiendront de quelque action que ce soit qui pourrait affecter les intérêts sécuritaires des autres membres. À Istanbul (1999) et à Astana (2010), les États-Unis et les 56 autres pays de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) ont signé des documents « qui contiennent des principes interdépendants garantissant l’indivisibilité de la sécurité ».

Concrètement, cela veut dire que les nations ne peuvent pas installer des bases militaires et des bases de lancement de missiles dans des endroits où elles constituent une menace pour les autres membres. Cela signifie que les parties signataires doivent s’interdire d’utiliser leurs territoires respectifs pour conduire ou aider une agression armée contre d’autres membres. Cela signifie qu’il est interdit aux parties signataires d’agir d’une manière contraire aux principes énoncés dans le traité. Cela veut dire que l’Ukraine ne peut pas devenir membre de l’OTAN si son adhésion constitue une menace pour la sécurité de la Russie.

Alors, oui, la Russie remet en question la conception de l’OTAN en matière de sécurité, principalement parce que la conception de l’OTAN est construite sur les décombres de traités que les États membres ont signés et approuvés mais qu’ils refusent à présent d’honorer parce que les dits traités ne vont pas dans le sens de leurs objectifs géopolitiques.

M. Stoltenberg voudrait que nous admettions que l’adhésion à l’OTAN est une question de choix personnel (« Chaque nation a le droit de choisir ses propres arrangements en matière de sécurité »), comme on choisit le parfum de la glace qu’on a décidé de manger. Mais ce n’est pas ainsi que les dirigeants protègent leur pays des menaces potentielles. Ces menaces ne peuvent être modérées que lorsque les autres nations conviennent qu’elles « ne renforceront PAS leur propre sécurité au détriment de celle des autres ». C’est l’essentiel et cela ne changera jamais. La sécurité nationale est la priorité absolue de tout dirigeant et elle le sera toujours. Stoltenberg rejette ce principe fondamental de la sécurité mondiale, et c’est ce rejet qui a ouvert la voie à la guerre. Si vous voulez savoir qui est responsable de la guerre en Ukraine : blâmez l’OTAN. Voici comment Poutine a résumé la situation :

 

« Au cours des 30 dernières années, nous avons patiemment essayé de parvenir à un accord avec les principaux pays de l’OTAN concernant les principes d’une sécurité égale et indivisible en Europe. En réponse à nos propositions, nous nous sommes invariablement heurtés soit à des tromperies et des mensonges cyniques, soit à des tentatives de pression et de chantage, tandis que l’alliance de l’Atlantique Nord continuait à s’étendre en dépit de nos protestations et de nos inquiétudes. Sa machine militaire est en marche et, comme je l’ai dit, s’approche de notre frontière même.

Pourquoi cela se produit-il ? D’où vient cette manière insolente de parler du haut de leur exceptionnalisme, de leur infaillibilité et de leur toute-puissance ? Comment expliquer cette attitude méprisante et dédaigneuse à l’égard de nos intérêts et de nos revendications absolument légitimes ? »

 « Pour les États-Unis et leurs alliés, il s’agit d’une politique visant à “contenir” la Russie, avec des dividendes géopolitiques évidents. Pour notre pays, c’est une question de vie ou de mort, ce qui est en question, c’est notre avenir historique en tant que nation. Il ne s’agit pas d’une exagération, mais d’un fait. Il s’agit non seulement d’une menace très réelle pour nos intérêts, mais aussi pour l’existence même de notre État et pour sa souveraineté. C’est la ligne rouge dont nous avons parlé à de nombreuses reprises. Ils l’ont franchie. » (« Discours du Président de la Fédération de Russie », Kremlin, RU)

 

Il est intéressant de noter que Stoltenberg a été choisi pour devenir le prochain chef de la Banque centrale de Norvège, ce qui illustre bien la relation intime entre le grand capital et les machinations géopolitiques qui se terminent invariablement par des guerres. Nous ne pouvons que nous demander si une  manœuvre aussi risquée en Ukraine ne serait pas en fait une tentative de préserver un système financier occidental si profondément marqué par la corruption que ses marchés ont besoin d’injections mensuelles de milliards de dollars en argent numérique pour éviter un effondrement du système suivi d’une chute vertigineuse de la valeur du dollar. En maintenant la Russie à terre, les patrons de Stoltenberg espèrent peut-être pouvoir insuffler une nouvelle vie au cadavre pourrissant du système impérial. Mais quelle que soit la raison, le déploiement de la Force de Réaction Rapide au Combat de l’OTAN augmente considérablement les risques d’une erreur de calcul qui pourrait conduire au désastre. Consultez ce court extrait d’un article d’Ulrich Kühn qui souligne les risques de la stratégie actuelle :

 

 « Le président Biden et d’autres dirigeants occidentaux ont clairement indiqué – et de manière répétée – qu’ils n’enverraient pas de forces en Ukraine… Cela ne signifie pas pour autant que des actions non intentionnelles de la part de la Russie… ou de certains États membres de l’OTAN… ne pourraient pas déclencher un conflit plus important que personne n’a programmé. Au cours des prochaines heures, des prochains jours et des prochaines semaines, le risque de ce que les stratèges appellent “escalade par inadvertance” va augmenter…

Un autre scénario possible d’escalade involontaire est lié aux appels occidentaux à armer les forces ukrainiennes. Un jour avant l’assaut russe, le Premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé que “le Royaume-Uni allait bientôt fournir un nouveau paquet de soutien militaire à l’Ukraine. Cela comprendra une aide létale sous forme d’armes défensives et une aide non létale”. Aussi moralement justifiés que de tels appels puissent paraître dans le contexte actuel, la question demeure : Comment les armes seront-elles transférées en Ukraine, maintenant que la Russie a établi sa domination aérienne sur le pays ? Elles ne pourraient certainement pas être acheminées par les airs mais seulement par voie terrestre ou maritime. Il serait donc dans l’intérêt de l’armée russe d’obtenir rapidement le contrôle des frontières occidentales de l’Ukraine avec les alliés de l’OTAN. Les efforts éventuels de certains États membres de l’OTAN pour envoyer des équipements militaires supplémentaires via les frontières terrestres ukrainiennes pourraient se heurter à une farouche opposition russe et conduire à des escarmouches entre le personnel russe et celui de l’OTAN. » (« Les voies d’une escalade involontaire : Une guerre OTAN-Russie est-elle (maintenant) possible ? » Bulletin of Atomic Scientists)

 

Alors, que nous dit cet extrait ?

Il nous dit que l’establishment de la politique étrangère a déjà « joué » les développements que nous voyons maintenant se dérouler. Par cette ruse, l’OTAN aimerait pousser Poutine à attaquer ses lignes d’approvisionnement, afin que cette action puisse être invoquée pour justifier une plus grande implication de sa part dans le conflit. En d’autres termes, nous assistons à une manoeuvre calculée pour augmenter (progressivement) la probabilité d’une guerre entre la Russie et l’OTAN. Rien ne ferait plus plaisir à l’Oncle Sam que de voir la Russie s’enliser dans un bourbier sanglant qui isolerait encore davantage Moscou de l’Europe et empêcherait le type d’intégration économique nécessaire pour rassembler les continents dans la plus grande zone de libre-échange du monde. C’est ce scénario que Washington veut éviter à tout prix. Jetez un œil à cette citation de l’économiste russe Sergueï Glazyev :

 

« Pour maintenir leur domination mondiale, les États-Unis provoquent une autre guerre en Europe. Une guerre est toujours bonne pour l’Amérique. Ils appellent même la Seconde Guerre mondiale, qui a tué 50 millions de personnes en Europe et en Russie, une bonne guerre. Elle a été bonne pour l’Amérique, parce que les États-Unis sont sortis de cette guerre en tant que première puissance mondiale. La guerre froide qui s’est terminée avec l’effondrement de l’Union soviétique a également été bonne pour eux. Aujourd’hui, les États-Unis veulent maintenir une fois encore leur domination aux frais de l’Europe. La domination américaine est menacée par la montée rapide de la Chine. Le monde est en train de basculer dans un autre cycle, politique cette fois. Un tel cycle dure des siècles et est inséparable des institutions mondiales de l’économie régulatrice.

Nous passons maintenant du cycle américain d’accumulation du capital à un cycle asiatique. C’est une autre crise qui remet en cause l’hégémonie américaine. Pour maintenir leur position dominante face à la concurrence d’une Chine ascendante et d’autres pays asiatiques, les Américains déclenchent une guerre en Europe. Ils veulent affaiblir l’Europe, briser la Russie et soumettre l’ensemble du continent eurasien. En d’autres termes, au lieu de créer une zone de développement de Lisbonne à Vladivostok, comme le propose le président Poutine, les États-Unis veulent déclencher une guerre chaotique sur ce territoire, embrouiller toute l’Europe dans une guerre, dévaluer les capitaux européens, effacer la dette publique sous le poids de laquelle les États-Unis s’effondrent déjà, effacer ce qu’ils doivent à l’Europe et à la Russie, subjuguer notre espace économique et s’emparer du contrôle des ressources du gigantesque continent eurasien. Ils croient que c’est le seul moyen pour eux de maintenir leur hégémonie et de battre la Chine…

La Russie et l’Ukraine sont les victimes de cette guerre fomentée par les Américains. Mais l’Europe est également une victime car la guerre vise à détruire le système d’assurance sociale européen et à déstabiliser l’Europe. Les Américains veulent que la fuite des capitaux et des cerveaux européens vers l’Amérique se poursuive. C’est pourquoi ils mettent le feu à toute l’Europe. Il est incroyable que les dirigeants européens les suivent. » (Regardez cette extraordinaire interview de 2014 de l’intellectuel russe Sergueï Glazyev, qui a été publiée sur le site du Saker il y a près de 10 ans).

 

Le déploiement de la Force de Réaction Prête au Combat de l’OTAN apporte une preuve supplémentaire que l’Alliance est une organisation agressive et belliqueuse qui sape la sécurité européenne et met le monde entier en péril. En sa qualité de « patte du chat » de l’Amérique sur le continent, l’OTAN agit invariablement dans l’intérêt de Washington. Dans cette optique, nous devons nous attendre à une intensification constante des hostilités dirigées contre la Russie, qui visent toutes à diviser davantage les continents tout en resserrant les griffes de Washington sur le pouvoir.

 

 (Correction : Les troupes de l’OTAN n’opéreront pas à l’intérieur de l’Ukraine mais exclusivement dans les États membres de l’OTAN. Cela n’était pas clair dans le communiqué initial de l’OTAN. La question reste cependant posée : la fourniture d’armes lourdes est-elle un acte de guerre ? À mon avis, il serait assez facile pour l’OTAN de mettre fin aux combats en acceptant simplement de rendre l’Ukraine définitivement neutre, en appliquant le protocole de Minsk et en abandonnant tout projet de déploiement de missiles nucléaires en Pologne et en Roumanie. La seule exigence de Poutine est que l’OTAN réponde sérieusement aux préoccupations légitimes de la Russie en matière de sécurité).

Mike vit dans l’État de Washington.  On peut le contacter à l’adresse fergiewhitney@msn.com .

 

 Source : https://www.informationclearinghouse.info/57011.htm

 

Note aux anglophones :

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Mars 2022

 

 

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